Interview de M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué, chargé de l'Europe, à Public Sénat le 6 mars 2024, sur Donald Trump, l'OTAN, le conflit en Ukraine, le Rassemblement national, les élections européennes et l'IVG.

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Média : Public Sénat

Texte intégral


ALEXANDRE POUSSART
Et notre invité politique ce matin, c'est Jean-Noël BARROT. Bonjour.

JEAN-NOËL BARROT
Bonjour.

ALEXANDRE POUSSART
Vous être ministre délégué en charge de l'Europe. Vous êtes vice-président du parti le MoDem. Alors nous sommes ensemble pendant une vingtaine de minutes pour une interview en partenariat avec la presse quotidienne régionale qui est représentée aujourd'hui par Christelle BERTRAND. Bonjour.

CHRISTELLE BERTRAND
Bonjour Alexandre. Bonjour Jean-Noël BARROT.

JEAN-NOËL BARROT
Bonjour.

ALEXANDRE POUSSART
Christelle BERTRAND qui est journaliste politique au sein du groupe La Dépêche du Midi. On va parler de la guerre en Ukraine, des élections européennes, mais d'abord une réaction sur cette victoire de Donald TRUMP lors du Super Tuesday. C'est-à-dire qu'il a de fortes chances d'obtenir l'investiture du Parti les Républicains pour la présidentielle. Il est d'ailleurs en tête dans certains sondages face à Joe BIDEN. C'est une mauvaise nouvelle pour l'Europe ?

JEAN-NOËL BARROT
En tout cas, ce n'est pas une surprise parce qu'avec le mode de scrutin aux Etats-Unis qui permet à celui qui est favori de rafler la mise, eh bien, c'est toujours un peu le plus radical et le favori qui l'emporte. Les Etats-Unis, c'est un pays avec lequel nous entretenons des liens anciens et des liens indéfectibles, si je puis dire. Et nous prendrons le dirigeant que le peuple américain nous donnera. Mais il y a une autre élection qui est encore plus importante pour nous, elle se passera le 9 juin prochain. Et elle, elle est à la proportionnelle à un tour. Chaque voix compte. Et je veux d'ores et déjà le dire à nos téléspectateurs ; jamais, peut-être, votre bulletin de vote n'aura eu autant d'importance que le 9 juin prochain.

ALEXANDRE POUSSART
Et on va parler longuement des élections européennes, le 9 juin prochain. Mais peut-être une réaction sur cette victoire au Super Tuesday de Donald TRUMP. Si jamais il revient au pouvoir à Washington, vu ses déclarations très critiques, notamment sur l'Alliance atlantique, sur l'OTAN avec les pays européens, est-ce que c'est la fin de l'OTAN ?

JEAN-NOËL BARROT
Vous savez, nous n'allons pas, en européen, construire notre avenir en dépendance ou par rapport aux États-Unis d'Amérique. Ce que nous devons faire, c'est…

ALEXANDRE POUSSART
Pour l'instant, c'est le cas, en termes de défense, on dépend de l'OTAN.

JEAN-NOËL BARROT
C'est l'inspiration du discours de la Sorbonne du Président MACRON en 2017, c'est construire notre propre autonomie et notamment dans le domaine militaire. Que Joe BIDEN soit élu, que Donald TRUMP soit élu, il nous faut pouvoir être autonome et indépendant.

ALEXANDRE POUSSART
Donc il faut relancer ce projet qui… Vous le disiez, ça date de 2017, c'est un petit peu à l'arrêt. On ne voit pas la naissance de cette défense autonome européenne.

JEAN-NOËL BARROT
Bien sûr qu'on la voit. On a, depuis ce discours de la Sorbonne, beaucoup évolué, avec une initiative commune d'intervention, avec une défense européenne qui a pris de l'ampleur, notamment au Sahel, avec des coalitions pour lutter contre le terrorisme et plus récemment, avec la création d'une facilité européenne pour la paix qui nous a permis de faire des achats en commun, de livrer par exemple des armes à l'Ukraine, mais aussi de former, en Europe, des combattants pour l'Ukraine notamment, mais dans d'autres pays également.

ALEXANDRE POUSSART
Et justement, on va parler de la guerre en Ukraine puisque hier, le Président de la République était à Prague, en République tchèque, pour évoquer avec son homologue tchèque, l'aide militaire en Ukraine. Et il a appelé les alliés occidentaux et je cite, " à ne pas être lâche face à Vladimir POUTINE. " Qu'est-ce que ça veut dire " être lâche " et qui sont " les lâches " ? C'est les Allemands, les Américains qui refusent d'envisager l'option d'envoyer des troupes au sol en Ukraine ?

JEAN-NOËL BARROT
Non, je crois que ça ne visait ni les Allemands ni les Américains et que c'était un appel au sursaut et au courage des Européens face à un régime autoritaire, celui de Vladimir POUTINE, qui nous dit depuis des années que la Russie n'a pas de frontières, qu'elle peut s'étendre indéfiniment, que l'Ukraine n'a pas d'existence, qui assassine ses opposants politiques et qui s'en prend même désormais aux pays de l'Europe au travers de larges, de vastes manoeuvres informationnelles, de campagnes de fausses nouvelles pour déstabiliser notre opinion publique et affaiblir le soutien à l'Ukraine.

CHRISTELLE BERTRAND
Excusez-moi, mais quand on appelle au sursaut, ça veut dire qu'il y a un problème. Où est le problème aujourd'hui en Europe ?

JEAN-NOËL BARROT
Cela fait dix ans que Vladimir POUTINE s'en est pris aux frontières de ses voisins. Ça fait deux ans qu'il fait pleuvoir le sang, ou en tout cas le fer et le feu sur le peuple ukrainien qui résiste. Et ça fait quelques mois que les agressions, si l'on peut dire, s'intensifient à l'extérieur de l'Ukraine, dans les pays européens, avec des campagnes de déstabilisation. On l'a vu avec les Etoiles de Daniel par exemple.

CHRISTELLE BERTRAND
Le Président semble regretter l'absence de réaction de ses partenaires européens quand même.

JEAN-NOËL BARROT
Non, je crois qu'il appelle les opinions publiques au courage. Vous savez, la paix, nous la devons aux pères fondateurs de l'Union européenne qui, après la Deuxième Guerre mondiale, après parfois s'être combattu les uns contre les autres, s'être battu les uns contre les autres, ont fait le choix de la réconciliation et de la paix. Mais la paix, ce n'est pas une habitude. Cela peut se terminer lorsque nous avons des dirigeants de régimes autoritaires qui décident d'instaurer un ordre international fondé sur la force, sur la loi du plus fort. Et le courage consiste à ne pas détourner les yeux et afficher, face à Vladimir POUTINE, la fermeté. Parce que la fermeté, c'est la garantie de notre sécurité.

CHRISTELLE BERTRAND
Alors justement, hier, à Prague, le Président a eu des mots très forts. Il a insisté : " C'est notre guerre ? Ou n'est-ce pas notre guerre ? " Sous-entendu, " C'est notre guerre ". Est-ce que vous considérez aujourd'hui que la France est en guerre contre la Russie ?

JEAN-NOËL BARROT
La France n'est pas en guerre contre la Russie. La France, avec les nombreux autres pays que, par exemple, le Président de la République a réuni à Paris lundi dernier, vont tout faire pour faire échec à la Russie, pour empêcher la Russie de gagner cette guerre. Puisque si l'Ukraine devait tomber, ce que nous ferons tout pour éviter, alors la ligne de front se déplacerait vers l'Ouest, se déplacerait toujours plus proche de chez nous. Et comme je le disais, sous des formes nouvelles, sous des formes hybrides, le conflit que Vladimir POUTINE a décidé d'engager il y a deux ans est en train de toucher nos pays européens. Lorsque vous avez la diffusion massive de fausses nouvelles juste après l'attentat du Hamas en Israël…

CHRISTELLE BERTRAND
On va y venir.

JEAN-NOËL BARROT
Lorsque vous avez la diffusion de fausses vidéos qui prétendent que le Président français ne pourrait pas aller en Ukraine pour des raisons de sécurité, lorsque vous avez une élection en Slovaquie qui a été gravement perturbée par la diffusion d'un faux enregistrement audio dans lequel on entend un candidat, un des deux candidats, évoquer des manoeuvres de manipulation des votes, - Je rappelle que ce candidat a perdu l'élection. – eh bien, je suis désolé, mais il y a bien là des manoeuvres délibérées pour fragiliser les démocraties européennes.

ALEXANDRE POUSSART
Quand Emmanuel MACRON évoque quand même de manière isolée ce sursaut stratégique, et puis cette option d'envoyer des troupes au sol en Ukraine, est-ce qu'il n'est pas en train de créer une escalade du conflit ? Vladimir POUTINE parle maintenant de l'utilisation de l'arme nucléaire.

JEAN-NOËL BARROT
Alors d'abord, exactement comme vous venez de le dire, c'est Vladimir POUTINE qui parle de l'arme nucléaire.

ALEXANDRE POUSSART
Donc il ne faut pas avoir peur ?

JEAN-NOËL BARROT
C'est Vladimir POUTINE qui dit que l'Ukraine n'a pas de frontières. C'est Vladimir POUTINE qui se permet toutes les escalades et tous les propos. Nous, nous n'entrons pas dans l'escalade. Simplement, nous affirmons notre détermination, et nous l'affirmons non pas de manière isolée. Demandez aux Baltes, demandez aux pays qui sont proches de la ligne de front ce qu'ils ont pensé de l'initiative du Président de la République, lundi dernier, de rassembler 27 chefs d'Etat, et de Gouvernement, et leurs représentants pour dire ensemble qu'il fallait continuer à faire plus, à faire mieux et à faire différemment pour répondre aux des réformes pour répondre aux besoins de la résistance ukrainienne.

CHRISTELLE BERTRAND
Mais aujourd'hui, aucun des grands pays européens ne soutient l'initiative du Président de la République. Est-ce que ce n'est pas l'un de ses échecs, quand il dit d'envoyer… ? Quand on parle…

JEAN-NOËL BARROT
Mais bien sûr que si, ils étaient tous présents. Ils étaient tous présents, et ils connaissaient l'ordre du jour.

ALEXANDRE POUSSART
Non, mais cette option des troupes au sol ?

CHRISTELLE BERTRAND
Quand il parle d'envoyer des troupes au sol ?

JEAN-NOËL BARROT
Mais il n'a pas parlé d'envoyer des troupes au sol, enfin.

CHRISTELLE BERTRAND
Il a dit que ça n'était pas exclu.

ALEXANDRE POUSSART
Non, de ne pas exclure que…

JEAN-NOËL BARROT
Il a dit que face à Vladimir POUTINE, il fallait élargir le champ des possibles et n'écarter aucune option.

CHRISTELLE BERTRAND
Là-dessus, il n'est pas soutenu par la plupart des grands pays européens.

JEAN-NOËL BARROT
Sur le fait de n'écarter aucune option, bien sûr qu'il est soutenu par la plupart des grands alliés européens.

CHRISTELLE BERTRAND
Les Allemands ont dit non. Enfin…

ALEXANDRE POUSSART
Non, sur le fait d'envisager cette option.

JEAN-NOËL BARROT
Un certain nombre ont dit : " Non, nous n'allons pas envoyer de troupes au sol ". Et oui, Volodymyr ZELENSKY – Les Etats-Unis l'ont rappelé. – n'a pas spécifiquement demandé ce type de renfort-là, mais ça n'empêche qu'il ne faut pas exclure de pouvoir continuer à aider l'Ukraine de manière différente à ce que nous avons fait jusqu'à présent. Je veux simplement rappeler quelque chose. Il y a quelques mois, un certain nombre de pays refusaient, ou en tout cas préféraient rester à l'écart d'initiatives qui consistaient à livrer du matériel militaire à l'Ukraine, considérant qu'il y aurait là un acte dit de belligérance, c'est-à-dire d'entrer en guerre. Désormais, tous le font. Donc ce qu'a rappelé le Président de la République, c'est que nous sommes dans un conflit qui s'étire dans le temps avec, face à nous, un dirigeant dont l'impérialisme ne se cantonne pas aux limites de l'Ukraine, et que face à ça, la garantie de la sécurité européenne, c'est notre fermeté, et c'est ce principe de ne rien exclure.

ALEXANDRE POUSSART
Alors Emmanuel MACRON a essayé de convaincre ses alliés européens. Il essaye aussi de convaincre la classe politique française de ce sursaut stratégique en Ukraine. Puisqu'aujourd'hui, il va recevoir les anciens Présidents de la République, Nicolas SARKOZY et François HOLLANDE. Demain, il va recevoir les chefs de partis politiques et également ceux de l'opposition à huis clos à l'Elysée. Et puis à la semaine prochaine, il y aura un débat au Parlement sur cette question. Est-ce que l'objectif d'Emmanuel MACRON, c'est aussi de mettre ce thème de la guerre en Ukraine dans le débat politique actuel, et notamment dans la campagne des élections européennes face aux positions du Rassemblement National ?

JEAN-NOËL BARROT
Pas du tout. Je crois que c'est simplement, dans une démocratie, la nécessité d'associer les responsables politiques, les chefs de partis, dans ce format Saint-Denis qui va être réuni demain, et la semaine prochaine le Parlement. La semaine dernière, on a eu un certain nombre de questions d'actualité au Gouvernement sollicitant de la part du Gouvernement et de l'exécutif, eh bien, qu'ils puissent expliquer ce qui est en train de se passer et la manière dont nous y répondons, à la fois sur le plan financier, sur le plan des sanctions, sur le plan militaire. Il est normal, dans une période de tension géopolitique comme celle que nous vivons, que le Parlement soit associé. C'est l'objectif de ce débat qui aura lieu à l'Assemblée nationale et au Sénat.

ALEXANDRE POUSSART
Donc le but, ce n'est pas d'éclairer les positions du Rassemblement National vis-à-vis de la Russie ? Gabriel ATTAL a quand même parlé des troubles de POUTINE en parlant du RN.

JEAN-NOËL BARROT
Mais ce sont deux sujets différents. Vous avez la résistance face à l'envahisseur Vladimir POUTINE en Ukraine d'un côté, et la réponse que nous y apportons au niveau français. Nous avons signé très récemment avec l'Ukraine un accord de sécurité qui nous engage pour 10 ans. La réponse que nous y apportons en Européens, nous avons débloqué le mois dernier 50 milliards d'Euros d'aides civiles et économiques à l'Ukraine. Et nous sommes en train de travailler à concevoir, je dirais, l'avenir de cette facilité européenne de paix qui est un instrument financier pour nous permettre de mieux aider l'Ukraine sur le plan militaire. Tout cela, le Parlement a à en connaître, et c'est l'objectif du débat. Ensuite, nous allons avoir la campagne, et là, effectivement, vous pouvez compter sur nous, sur la majorité présidentielle, pour rappeler à nos concitoyens que le 9 juin, ils auront un choix clair en réalité, celui, d'un côté, du camp de la démocratie et de la liberté et celui, de l'autre, du camp de la soumission et de la capitulation face aux régimes autoritaires comme celui de Vladimir POUTINE.

ALEXANDRE POUSSART
Donc le RN est soumis à Moscou ?

JEAN-NOËL BARROT
Je crois que le Rassemblement National a démontré ces dernières années qu'il était effectivement assujetti, qu'il était un vassal, qu'il était fasciné par la figure de Vladimir POUTINE et, en réalité, par les grands dirigeants autoritaires.

CHRISTELLE BERTRAND
Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?

JEAN-NOËL BARROT
Ce qui me fait dire ça…

ALEXANDRE POUSSART
Le prêt russe, il a été remboursé. Enfin, les liens sont quand même distanciés avec…

JEAN-NOËL BARROT
Il a été remboursé après avoir été contracté. Je n'ai pas entendu le Rassemblement National condamner fermement l'invasion par la Russie de l'Ukraine. Je n'ai pas entendu le Rassemblement National condamner la détention de l'opposant politique Alexeï NAVALNY. Je ne l'ai pas entendu, ou alors du bout des lèvres, dénoncer son assassinat politique. Bref, tout cela, ce n'est rien de nouveau sous le soleil, c'est la fascination de l'Extrême droite française pour la figure de Vladimir POUTINE et pour les grands dirigeants autoritaires en général.

ALEXANDRE POUSSART
Alors justement, parlons de ces élections européennes. C'est Valérie HAYER, la présidente du groupe Renew Europe au Parlement européen, qui va mener la liste de la majorité présidentielle. Elle va lancer sa campagne samedi à Lille. Il y a eu beaucoup d'attentes, beaucoup de temps avant de la nommer tête de liste. Est-ce que c'est un choix par défaut, faute de poids lourds de la majorité à nommer tête de liste ?

JEAN-NOËL BARROT
Vous savez, la majorité présidentielle s'est vue confier un mandat, il y a cinq ans, par les Français pour défendre leurs intérêts au Parlement européen. Eh bien, ce groupe Renaissance, Renew au Parlement européen, il continue de travailler, voyez-vous, et il continuera de le faire jusqu'à ce que son mandat vienne à Extinction. Alors je sais, c'est un peu surprenant, parce que je vois Jordane BARDELLA qui, lui, n'a pas beaucoup mis les pieds au Parlement, qui est en campagne depuis un an, et qui se désintéresse, qui a déserté le Parlement européen. Nous, nous avions des parlementaires qui, jusqu'au bout, ont négocié, ont déposé des amendements, ont voté. Ensuite, rien ne sert de courir, il faut partir à point. Et la majorité présidentielle partira à point ce samedi 9 mars à Lille, et je m'en réjouis.

CHRISTELLE BERTRAND
Vous n'avez peut-être pas déserté le Parlement européen, mais de nombreuses personnalités, de nombreuses figures de votre camp ont refusé de mener cette liste aux européennes. Je pense à Bruno Le MAIRE, je pense à Jean-Yves Le DRIAN. Est-ce que Valérie HAYER, ce n'est pas un choix par défaut ? Et est-ce que ça ne veut pas dire que l'Europe, finalement, ne séduit plus, même dans votre camp ?

JEAN-NOËL BARROT
Au contraire, je pense que Valérie HAYER, c'est un choix qui cumule toutes les qualités dont un certain nombre de ses concurrents, que vous allez recevoir, sont dépourvus. Elle est enracinée dans son territoire natal de la Mayenne. Elle est rompue à l'exercice des responsabilités. Et là aussi, je veux le dire à vos téléspectateurs, Valérie HAYER dirige le troisième groupe politique du Parlement européen, avec plus de 100 députés issus de 24 nationalités. Autrement dit, elle a une expérience, et elle sait y faire. Et puis la troisième qualité, c'est qu'elle est engagée dans son mandat. C'est même la députée française la plus influente au Parlement européen.

CHRISTELLE BERTRAND
Quelles que soient ses qualités, vous cherchiez, votre camp cherchait une personnalité plus médiatique pour attirer l'attention des électeurs sur cette campagne, et ces personnalités médiatiques ont décliné.

ALEXANDRE POUSSART
Notamment, pour combler le retard dans les sondages, c'est un Jordan BARDELLA qui est très populaire.

JEAN-NOËL BARROT
Je pense… Alors je constate d'abord que du fait des trois qualités que je viens d'énoncer, l'enracinement, l'exercice des responsabilités et l'engagement dans son mandat, eh bien, les Français verront. Notamment, lorsque seront organisés des débats, le contraste saisissant entre un Jordan BARDELLA, par exemple, et je pourrais en citer d'autres qui sont à mon avis assez éloignés des préoccupations premières des Français, et qui sont en tout cas très éloignés du Parlement européen. Et ensuite, sur les sondages, je veux le redire une nouvelle fois, l'élection européenne du 9 juin, elle se joue à la proportionnelle. Chaque voix compte. Et c'est une élection à un tour, donc je le redis, jamais notre bulletin de vote n'aura sans doute eu autant d'importance que ce 9 juin.

CHRISTELLE BERTRAND
Aujourd'hui, plus de 10 points nous séparent de la liste de Jordan BARDELLA. Vous pensez qu'il est possible de réduire l'écart d'ici le mois de juin ?

JEAN-NOËL BARROT
Je le pense, et nous ferons tout pour.

CHRISTELLE BERTRAND
Votre objectif, c'est d'arriver en tête, aujourd'hui ?

JEAN-NOËL BARROT
Notre objectif, c'est de faire le meilleur score possible. Nous sommes dans une élection proportionnelle.

CHRISTELLE BERTRAND
Vous ne parlez plus d'arriver en tête.

JEAN-NOËL BARROT
Chaque voix compte. Ce qui est important pour nous, c'est d'avoir, le 9 juin, le plus grand nombre possible de députés issus de notre famille politique pour peser dans les choix à venir du Parlement. Nous l'avons vu. Vous le savez, nous l'avons vu, cette vingtaine de députés de la majorité présidentielle dans le groupe Renaissance au Parlement européen, que je citais tout à l'heure, que préside Valérie HAYER, a eu un rôle décisif. Et ce qui s'est passé en 5 ans, est majeur puisque quand nous avons pris, quand nous avons trouvé l'Europe, je veux dire il y a cinq ans ; elle était totalement impuissante. Elle était totalement aveuglée. Elle ne savait plus comment gérer les grandes questions qui taraudaient les citoyens européens : la migration irrégulière, le travail détaché, les géants du numérique. Pourquoi ? Eh bien, parce qu'il y avait cette espèce de sentiment que l'Europe était faible et qu'elle ne pouvait rien faire. Nous avons (la France), grâce à ses députés et grâce au Président de la République, bien sûr, nous avons fait changer le cours des choses et l'Europe, y compris dans les autres pays, a progressivement repris des couleurs et repris de la force. Et nous avons, sur l'immigration irrégulière, nous avons, sur le travail détaché, nous avons, sur les géants du numérique, fait faire à l'Europe des pas de géant pour qu'elle reprenne le contrôle.

CHRISTELLE BERTRAND
Grâce à cela, vous espérez arriver en tête, le 9 juin ?

JEAN-NOËL BARROT
Nous allons raconter la manière dont nous avons fait changer l'Europe. Quand je dis " fait changer l'Europe ", ce n'est pas fait changer une espèce d'objet technocratique. C'est-à-dire que par la conviction, nous avons fait changer la manière dont certains de nos collègues allemands, danois, néerlandais, voyaient l'avenir de l'Europe. Et c'est cela qui est important.

ALEXANDRE POUSSART
Alors certes, il y a Valérie HAYER, mais finalement, est-ce que ce n'est pas Gabriel ATTAL qui va vraiment mener la campagne de la majorité présidentielle aux européennes, face à Jordan BARDELLA ?

JEAN-NOËL BARROT
Tout le monde va la mener. Vous savez, les militants dans mon département des Yvelines, ils n'attendent qu'une chose, c'est ce meeting du samedi 9 mars pour que la campagne s'enclenche. Pour nous, l'Europe, c'est existentiel, c'est consubstantiel à notre engagement politique dont vous allez voir une campagne, je dirais, une campagne très dynamique avec beaucoup de ferveur et de rigueur.

CHRISTELLE BERTRAND
Ça va être une démonstration de force, là, le 9 juin ? Vous allez faire venir des militants de la France entière ?

JEAN-NOËL BARROT
Du 9 mars au 9 juin.

CHRISTELLE BERTRAND
Pardon.

JEAN-NOËL BARROT
Ça va être une démonstration de force et une démonstration de la force de nos convictions.
ALEXANDRE POUSSART

Mais est-ce que le Premier ministre doit s'impliquer davantage dans la campagne et, par exemple, accepter un débat avec Jordan BARDELLA, ce qu'il a l'air de refuser pour l'instant ?

JEAN-NOËL BARROT
Il faudrait déjà que Jordan BARDELLA accepte de répondre aux invitations de Public Sénat et qu'il cesse d'avoir du mépris pour une chaîne parlementaire, du mépris pour ses adversaires, peut-être un mépris teinté de la crainte de voir ses adversaires ou les journalistes de la chaîne, le mettre face à ses contradictions, le mettre face à sa vanité, sa vacuité et ses absences au Parlement européen.

ALEXANDRE POUSSART
Avec un premier débat avec les têtes de liste aux élections européennes, vous le disiez, sur Public Sénat ; ce sera le 14 mars à 17h, en direct du Parlement européen à Strasbourg. Sur la question, vous parliez de récits sur la question des thèmes de campagne. Est-ce que justement le but de la majorité présidentielle, c'est d'avancer d'autres thèmes que l'immigration qui fait le jeu du Rassemblement national et notamment le thème de la guerre en Ukraine ?

JEAN-NOËL BARROT
Je crois qu'il faudra parler d'immigration. Il faudra parler d'immigration parce que c'est typique de ce que l'Europe était incapable de traiter il y a encore cinq, six, sept ans. Nous avions eu, en 2015, les arrivées d'un certain nombre de demandeurs d'asile, d'un certain nombre… d'un grand nombre de demandeurs d'asile qui fuyaient des pays en conflit du Proche et du Moyen-Orient. Et les opinions publiques n'ont pas compris pourquoi l'Europe ne parvenait pas à créer des mécanismes de solidarité et des mécanismes de contrôle effectif des frontières. Nous avons travaillé depuis cinq ans et il y a quelques semaines, a abouti ce pacte asile migration qui va nous permettre enfin de faire respecter les frontières extérieures de l'Union européenne et d'assurer une solidarité entre les États membres pour que l'effort soit justement réparti. Je constate que c'est donc ce pacte, c'est un ensemble de lois, un ensemble de textes européens qui vont traiter des différentes questions qui nous permettent de mettre fin à cette Europe dans laquelle on avait le sentiment que plus rien n'était maîtrisé, en particulier l'immigration irrégulière. Un texte que le Rassemblement national n'a pas voté. Ce que j'ai du mal à m'expliquer au moment même où il votait la loi immigration en France.

ALEXANDRE POUSSART
On va parler d'un dernier sujet, Jean-Noël BARROT. On va parler de l'IVG. Après l'inscription de la liberté d'avorter, l'inscription dans la Constitution qui a été votée par le Parlement en début de semaine. Eh bien, Mathilde PANOT, la présidente des députés insoumis, dépose une proposition de résolution pour que ce droit à l'avortement soit inscrit dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Est-ce que le Gouvernement la soutiendra dans cette démarche ?

JEAN-NOËL BARROT
D'abord, je veux dire que ce qui s'est passé au Congrès à Versailles, lundi, c'est un moment très important, c'est la constitutionnalisation de la loi VEIL. Et au moment où, dans le monde entier, on voit les droits humains, les droits fondamentaux régresser, la France a envoyé un signal, comme elle sait le faire, un signal d'espoir, un signal d'espérance dans ce que nous pouvons continuer à cultiver, à entretenir cet héritage des Lumières et qu'il n'y a pas de fatalité. Ensuite, sur la Charte des droits fondamentaux, c'est une idée qui est portée aussi par la majorité présidentielle d'où l'importance de se déplacer le 9 juin prochain.

ALEXANDRE POUSSART
Donc, vous allez pousser pour que ce soit inscrit dans cette charte européenne ?

JEAN-NOËL BARROT
Je ne sais pas si ça figurera, en l'état, dans le programme, mais il me semble que c'est une idée qui a déjà été poussée aussi au sein de la majorité présidentielle.

ALEXANDRE POUSSART
Et justement, après cette constitutionnalisation, est-ce qu'il faut aller encore plus loin, comme le demandent notamment les Insoumis ? Est-ce qu'il faut supprimer la clause de conscience des médecins qui ont encore le droit de refuser de pratiquer une IVG ?

JEAN-NOËL BARROT
J'y suis très défavorable, pour ma part. C'est l'équilibre qu'avait trouvé Simone VEIL. C'est une des raisons pour lesquelles cette loi a été adoptée, qu'elle a été soutenue au Parlement à l'époque : trouver l'équilibre entre la préservation du droit des femmes à disposer de leur corps et celui des médecins, des soignants à exercer leur clause de conscience.

CHRISTELLE BERTRAND
Alors, vous parlez de Simone VEIL. En tant que centriste, qu'est-ce que vous avez pensé de la fiche qui a été publiée par les Insoumis et qui met face à face Simone VEIL et Mathilde PANOT ?

JEAN-NOËL BARROT
Je pense que Simone VEIL aurait été horrifiée par une telle affiche. Je pense que ça n'honore pas la mémoire de Simone VEIL.

ALEXANDRE POUSSART
Pourquoi ? En quoi elle aurait été horrifiée ? C'est indécent de comparer les deux personnages ?

JEAN-NOËL BARROT
D'une part, et d'autre part, je pense que les positions politiques qui ont été prises ces derniers mois, ces dernières années, par Mathilde PANOT, sont totalement orthogonales aux combats (au pluriel) qu'ont été ceux de Simone VEIL.

CHRISTELLE BERTRAND
Le fait que Gabriel, dans son discours, n'est pas saluer de Mathilde PANOT, qui a pourtant participé au vote de ce texte, n'était pas une erreur politique aussi ?

JEAN-NOËL BARROT
Je ne crois pas.

CHRISTELLE BERTRAND
Est-ce qu'il ne fallait pas faire quelque chose de consensuel ce jour-là ?

JEAN-NOËL BARROT
Non mais attendez. Personne ne peut s'arroger de monopole sur cette constitutionnalisation de la loi VEIL.

CHRISTELLE BERTRAND
Justement.

JEAN-NOËL BARROT
Je ne crois pas que Gabriel ATTAL l'ait fait. J'ai entendu, moi, un vibrant plaidoyer pour les droits des femmes et un récit de l'histoire de ces droits et des grandes figures qui les ont portés.

ALEXANDRE POUSSART
Merci beaucoup, Jean-Noël BARROT d'avoir été notre invité politique aujourd'hui et merci beaucoup à Christelle BERTRAND.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 mars 2024