Interview de Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités, à France 2 le 7 mars 2024 sur l'autorisation pour les sages femmes à pratiquer l'IVG instrumentalisée et la revalorisation de cet acte pour les médecins, l'inégalité des salaires entre les hommes et les femmes et la baisse de l'indemnité chômage.

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Média : France 2

Texte intégral

THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenue dans Les 4V, Catherine VAUTRIN.

CATHERINE VAUTRIN, MINISTRE DU TRAVAIL, DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES
Bonjour !

THOMAS SOTTO
Vous connaissez l'adage, il n'y a pas d'amour, seulement des preuves d'amour. Alors oui, l'IVG est gravée dans la Constitution, mais certains freins à l'IVG sont, eux, toujours dans le quotidien des femmes. Aujourd'hui, en moyenne, 17 % des femmes ne peuvent pas avorter dans leur propre département, faute de centre, faute de disponibilité, faute de médecins. On est à presqu'un sur deux dans l'Indre, dans l'Ardèche. Quelle réponse concrète apporter à cela ?

CATHERINE VAUTRIN
Vous avez raison, et ce que je voudrais dire, d'abord, c'est évidemment l'hommage pour le long parcours de l'IVG, depuis pratiquement une cinquantaine d'années, et évidemment l'hommage à Simone VEIL. Juste un mot, la Constitution, c'était important pour être certain qu'on ne revienne jamais sur le sujet, c'est l'engagement du Président de la République, et je pense que c'était vraiment un point important.

THOMAS SOTTO
Mais elle ne règle pas les problèmes du quotidien.

CATHERINE VAUTRIN
L'accès maintenant, nous y venons tout de suite. Premier point, moi, je suis là depuis pas deux mois, et j'ai repris un point très important qui était la capacité effectivement pour les sage-femmes d'exercer l'IVG instrumentale. Puisque maintenant depuis 2016, elles pouvaient le faire pour l'IVG médicamenteuse, elles ne pouvaient pas le faire pour l'IVG instrumentale.

THOMAS SOTTO
L'acte chirurgical en quelque sorte.

CATHERINE VAUTRIN
L'acte chirurgical.

THOMAS SOTTO
Voilà, c'est ça.

CATHERINE VAUTRIN
Et donc il y avait eu…

THOMAS SOTTO
Enfin, elles pouvaient le faire, mais elles devaient être encadrées par plusieurs médecins.

CATHERINE VAUTRIN
Il y avait un décret très compliqué. Je pense que ce qui est important pour les auditrices aujourd'hui, c'est de savoir que le décret, maintenant, permet qu'elles le fassent et qu'elles le fassent à court terme, c'est-à-dire maintenant. Deuxième élément…

THOMAS SOTTO
Donc elles vont pouvoir le faire seules sans médecins ?

CATHERINE VAUTRIN
Elles vont pouvoir le faire seules, et avec simplement un médecin, dans l'ensemble. C'est-à-dire, par exemple, si vous êtes dans un endroit où il y a trois bâtiments, il suffit qu'il y ait un médecin dans un des trois bâtiments. Donc elles peuvent le faire seules.

THOMAS SOTTO
A partir de quand, ça ?

CATHERINE VAUTRIN
A partir de fin mars.

THOMAS SOTTO
Fin mars.

CATHERINE VAUTRIN
Donc ça, c'est un point très important. Deuxième point extrêmement important, c'était également l'acte, et la valorisation de l'acte, qui a été revalorisé le 1er mars. Donc c'est fait, c'est officiel. Parce que c'était aussi un sujet, c'était un acte qui était mal valorisé, et donc un certain nombre de professionnels ne le faisaient pas pour cette raison. Donc vous voyez…

THOMAS SOTTO
Il y a que 3 % de médecins en tant que généralistes qui pratiquent les IVG.

CATHERINE VAUTRIN
Voilà. Et c'est un sujet parce qu'on voyait la nécessité d'avoir plus de médecins qui puissent le faire. C'est pour ça que j'ai pris la décision de revaloriser cet acte. Donc vous voyez, un, on garantit, la Constitution protège l'IVG dans la Constitution ; et deux, on permet aux femmes d'y avoir accès.

THOMAS SOTTO
Autre difficulté pour les femmes, les médecins qu'on évoquait qui font jouer leur clause de conscience. Aujourd'hui, chaque médecin a le droit de refuser des soins pour raisons professionnelles ou personnelles, mais aussi pour des raisons morales, par exemple des raisons religieuses. Est-ce que vous comptez revenir sur cette partie-là de la clause de conscience ? Parce que certaines femmes disent : « Mais là, on nous met de la morale dans l'avortement. »

CATHERINE VAUTRIN
Non, je ne toucherai pas la clause de conscience des médecins. En revanche, j'élargis le nombre de personnes qui peuvent pratiquer l'IVG. Mon objectif, quel est-il ? C'est que les femmes qui veulent y recourir puissent le faire. Et donc plus j'ai de personnels médicaux paramédicaux qui potentiellement peuvent le faire, plus j'ai la réponse. Et je crois que ce qu'attendent les femmes, c'est une réponse, et on sait que quand on parle d'IVG, il y a une urgence. Et donc la nécessité, vous l'avez très bien dit, c'est la proximité. D'où le renforcement pour les sage-femmes.

THOMAS SOTTO
Autre difficulté pour beaucoup de femmes, une sur dix, une sur dix souffre d'endométriose. C'est un sujet qui est encore largement tabou, surtout en entreprise. Comment lever ce tabou, Madame la ministre ?

CATHERINE VAUTRIN
Alors premier sujet, c'est le diagnostic, parce qu'on se rend compte qu'il y a… En moyenne, vous l'avez dit, une femme sur dix est concernée, mais surtout, il y a une vraie errance en matière de diagnostic. Il s'avère que nous avons une entreprise française basée dans les Landes qui vient de mettre en place un test salivaire. Et ça, c'est extrêmement important parce qu'à ce moment-là, la salive va dans un tube, ce tube est analysé, et ça permet de donner le diag…

THOMAS SOTTO
Donc il y a aujourd'hui un test fiable ?

CATHERINE VAUTRIN
Il y a un test fiable qui existe. Et alors on va prendre deux secondes pour expliquer l'importance de ce test. Jusqu'à maintenant, vous aviez une consultation médicale, vous aviez ensuite une écho, et seulement à ce moment-là, vous aviez le test. C'est-à-dire que c'était ce qu'on appelle, dans le jargon, « En troisième intention ». Vous savez que quand on met en place un dispositif comme celui-ci, évidemment, son intérêt est validé par la Haute Autorité de Santé. Il s'avère que la Haute Autorité de Santé vient de mettre en avant l'intérêt de ce test, - Je rappelle, startup française. – donc c'est très important. Et je vais…

THOMAS SOTTO
Donc les femmes vont pouvoir attaquer par ce test ?

CATHERINE VAUTRIN
Et les femmes vont pouvoir attaquer par ce test, pas tout de suite, je vais jusqu'au bout. Et là, on a encore une expérimentation sur 3000 femmes jusqu'à la fin de l'année, et les éléments sont extrêmement intéressants. Et nous devrions, à partir de 2025, être en capacité à ce que les femmes commencent par ce test. C'est un point…

THOMAS SOTTO
Il coûte cher, ce test ?

CATHERINE VAUTRIN
Oui, ce test coûte à peu près 1000 €.

THOMAS SOTTO
Et il sera pris en charge ?

CATHERINE VAUTRIN
C'est tout l'objectif. Et c'est pour ça qu'avec les 3000 accords de 3000 femmes, nous allons définitivement valider pour ensuite dégager le budget qui permettra demain à 10 000-20 000 femmes de pouvoir bénéficier de ce test.

THOMAS SOTTO
Donc si je résume, l'objectif, janvier 2025, un test à la disposition des femmes qui…

CATHERINE VAUTRIN
Remboursé.

THOMAS SOTTO
Remboursé par la Sécurité sociale à 100.

CATHERINE VAUTRIN
C'est ça notre objectif. Et ça, ça nécessite une dernière validation de la Haute Autorité de Santé. En parallèle, deux autres idées. D'une part, une information qui est distribuée aux entreprises. Pourquoi ? Parce que… Evidemment, il faut respecter le secret médical, mais il est important d'expliquer, notamment aux directions des ressources humaines, qu'aujourd'hui, il y a une pathologie qui touche les femmes, qui génère des conséquences sur leur santé qui sont des conséquences lourdes et qui nécessitent une absence…

THOMAS SOTTO
Donc il y a un travail de pédagogie en entreprise ?

CATHERINE VAUTRIN
Et donc il y a un travail de pédagogie pour les entreprises, d'une part. Troisième élément, une campagne d'information, parce qu'on le sait, l'endométriose est une réalité dans notre pays, il y a encore besoin d'informer les femmes sur le sujet.

THOMAS SOTTO
Comme vous le savez, demain, 8 mars marquera la Journée internationale des droits des femmes. L'égalité hommes-femmes en entreprise, c'est encore largement un leurre. Où en est-on de l'index hommes-femmes en entreprise qui avait été créé en 2019, dans lequel les entreprises sont obligées d'afficher le niveau d'égalité ou d'inégalité, et de corriger les inégalités ? Quels sont les derniers chiffres ?

CATHERINE VAUTRIN
Alors vous le savez, le sujet de l'égalité hommes-femmes, j'ose dire que ça fait 50 ans. La première fois que le sujet a été évoqué, c'est en 72. Vous voyez le long chemin que nous sommes toutes obligées de faire.

THOMAS SOTTO
Mais il y a les 23 % d'écart entre les salaires.

CATHERINE VAUTRIN
L'index, aujourd'hui, c'est clairement une mesure effectivement qui oblige les entreprises à rendre sur cinq critères l'évolution des salaires dans l'entreprise. Aujourd'hui, nous avons 77 % des entreprises qui ont rendu ces cinq points de plus que l'année dernière. Donc là-dessus, il y a un premier élément. Derrière, effectivement, il y a encore à avancer sur cette égalité salariale ; il y a à avancer sur les augmentations de salaire en retour de congé de maternité par exemple ; et il y a enfin à continuer à avancer sur l'égalité des rémunérations, notamment chez les cadres dirigeants. Ça reste un sujet.

THOMAS SOTTO
Est-ce qu'il va y avoir des sanctions ? Parce que c'est bien, il y a 77 qui transmettent, OK, qui disent : « Ça ne va pas », OK ; mais est-ce qu'il va y avoir des… au-delà des mises en demeure qu'il y a aujourd'hui ?

CATHERINE VAUTRIN
Vous savez, il y a, dans notre pays, des inspecteurs du travail, auxquels je rends hommage, et il y a eu, en 23, 857 contrôles qui ont généré des sanctions. Des sanctions soit parce que le questionnaire n'avait pas été retourné, soit parce qu'il y a des manquements plusieurs années de suite. Parce que je reprends ce que vous disiez tout à l'heure, « L'amour, c'est bien ; les preuves, c'est mieux », encore un élément sur lequel il faut se dire que contrôler, c'est bien ; la question, c'est de mesurer les points de progrès. C'est un sujet sur lequel nous devons arriver à l'égalité salariale. C'est indispensable.

THOMAS SOTTO
Catherine VAUTRIN, vous avez plusieurs casquettes, puisque vous êtes aussi la ministre du Travail et de ceux qui en cherchent. Alors que Bruno Le MAIRE estime que l'Etat ne peut pas être une pompe à fric, Axel de TARLE en parlait à l'instant. Ma question est très simple, allez-vous, oui ou non, réduire les indemnités des demandeurs d'emploi, que ça soit dans la somme ou dans la durée ?

CATHERINE VAUTRIN
Mon sujet, très concrètement, c'est d'accompagner nos concitoyens les plus éloignés de l'emploi vers l'emploi. Parce que oui, il y a effectivement un sujet de déficit…

THOMAS SOTTO
On a tous envie que les chômeurs retrouvent du boulot, mais…

CATHERINE VAUTRIN
Mais attendez, il y a un sujet de déficit public, c'est clair, mais quelque part, à chaque fois que quelqu'un remonte dans le train de l'emploi, c'est une respiration pour les finances publiques parce que c'est la production. Donc moi, je veux bien regarder… Bruno Le MAIRE est là depuis sept ans, je suis là depuis deux mois, je suis tout à fait solidaire, je veux bien regarder les coupes, mais je veux aussi regarder la capacité à produire.

THOMAS SOTTO
Vous voulez bien regarder les coupes, ça veut dire que la question de la baisse du montant et de la durée de l'indemnité chômage est sur la table aujourd'hui ?

CATHERINE VAUTRIN
Elle n'est pas sur la table au moment où nous nous parlons.

THOMAS SOTTO
Elle n'est pas sur la table.

CATHERINE VAUTRIN
Moi, j'ai un objectif de réduction de la dépense, mais j'ai aussi un objectif, c'est celui de ramener nos concitoyens les plus éloignés de l'emploi vers l'emploi. Pour ça, j'ai besoin de développer France Travail, j'ai besoin de développer l'apprentissage. Ce que je fais…

THOMAS SOTTO
Aujourd'hui, vous n'êtes pas favorable à une baisse de la durée ou du montant ?

CATHERINE VAUTRIN
Moi, ce que je veux faire aujourd'hui, c'est regarder dispositif par dispositif quels sont ceux qui apportent le meilleur résultat, et évidemment privilégier ceux qui apportent le meilleur résultat, parce que ceux-là remettent les gens à l'emploi. Je prends un exemple, l'apprentissage. Au bout de deux ans, j'ai 72 % des gens dans l'emploi. France Travail, en neuf mois, j'ai 22 000 personnes en formation, 45 % dans l'emploi.

THOMAS SOTTO
Vous savez pourquoi je vous pose la question ? Et j'insiste un petit peu parce que Gabriel ATTAL était en début de semaine dans les Vosges, se disait prêt à des décisions difficiles pour inciter au travail et arriver au plein emploi. Evidemment, on se demande quelles sont ces décisions, et on se demande si on n'est pas revenu à la bonne culpabilisation du chômeur, « Si tu ne trouves pas de boulot, c'est que tu n'en veux pas. Bouge-toi un peu, faignant. »

CATHERINE VAUTRIN
Pas du tout. J'étais avec Gabriel ATTAL dans les Vosges, donc je peux vous dire ce que j'ai entendu. Et très concrètement, la volonté de Gabriel ATTAL, nous étions dans une agence de France Travail, et notre volonté, c'est clairement que les Français, effectivement, puissent retrouver un travail. Et le sujet, c'est les 60-64 ans. Aujourd'hui, nous avons 33 % de personnes qui sont en emploi, vous m'accorderez qu'il y a un peu de marge, et c'est une des cibles sur lesquelles…

THOMAS SOTTO
Mais parce que les entreprises ne jouent pas le jeu, c'est toujours pareil.

CATHERINE VAUTRIN
Mais, un, nous devons travailler avec les entreprises, mais nous devons aussi travailler l'employabilité des seniors. Quand un senior perd son job, plus vite vous l'aidez à avoir une formation, à faire une validation des acquis, à remonter dans l'emploi, plus vite vous apportez une solution. C'est ça mon objectif, et c'est pour ça que je suis là.

THOMAS SOTTO
Toute dernière question. Ça concerne la fin de vie, on est vraiment au bout. Quand est-ce que ce projet de loi sur la fin de vie arrivera enfin devant le Parlement ?

CATHERINE VAUTRIN
Vous le savez, c'est un sujet avec…

THOMAS SOTTO
Du Président de la République ?

CATHERINE VAUTRIN
Non, avec deux éléments importants. Le premier, c'est la stratégie décennale de soins palliatifs. Le deuxième, c'est effectivement la fin de vie dont je rappelle que c'est une pathologie et pas un âge. Et très concrètement, effectivement, le Président de la République aura l'occasion de s'exprimer dans les jours qui viennent.

THOMAS SOTTO
Mais ça sera avant le printemps ? C'est pour le printemps, là, ou pas ?

CATHERINE VAUTRIN
Ce n'est pas moi qui détermine le…

THOMAS SOTTO
Est-ce que vous le souhaitez ?

CATHERINE VAUTRIN
Ah, mais le texte en tant que tel, j'espère pouvoir le discuter d'ici l'été.

THOMAS SOTTO
D'ici l'été. Merci beaucoup Catherine VAUTRIN d'être venue dans Les 4V.

CATHERINE VAUTRIN
Merci à vous.

THOMAS SOTTO
Bonne journée !


Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 mars 2024