Texte intégral
ORIANE MANCINI
Et notre invitée politique ce matin, c'est Marie GUEVENOUX. Bonjour.
MARIE GUEVENOUX
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous. Vous êtes ministre déléguée chargée des Outre-mer. On va évidemment commencer en parlant de la situation à Mayotte. Vous vous y êtes rendue à nouveau, il y a quelques jours. Vous vous y étiez rendue quelques heures à peine après votre nomination au Gouvernement. Tous les barrages sont désormais levés à Mayotte. Est-ce que la situation sociale est désormais apaisée ?
MARIE GUEVENOUX
Alors, la situation sociale, elle est apaisée. Vous l'avez dit, les barrages ont été levés. Ce qu'il faut comprendre, c'est que Mayotte est une situation particulière. C'est le département le plus pauvre de France, le plus pauvre d'Europe, qui a subi et qui subit toujours, coup sur coup, une crise de l'eau, une crise démographique immigratoire et une crise sécuritaire. Aujourd'hui, ou plutôt hier, ce qui s'est ajouté, c'est la crise des barrages. Les Mahorais ont voulu, au fond, attirer l'attention des pouvoirs publics en bloquant l'île. Et nous, on avait entamé un dialogue avec le ministre de l'Intérieur, en s'y rendant effectivement, trois jours après ma nomination, pour faire en sorte que les barrages soient levés. Pourquoi on voulait que les barrages soient levés ? Parce que ces barrages qui, dont on peut comprendre l'idée des Mahorais, venaient ajouter de la crise à la crise.
ORIANE MANCINI
Mais est-ce qu'il n'a pas fallu en arriver là pour se faire entendre du Gouvernement ? Est-ce que ce n'est pas ça, le problème ? C'est qu'il ait fallu des barrages pour que vous attendiez la situation ?
MARIE GUEVENOUX
Non. Enfin, encore une fois, on peut très bien entendre que les Mahorais pensent ça, mais la réalité de l'engagement de l'État à Mayotte, c'est 1 600 forces de l'ordre, c'est sur la crise de l'eau dont je veux vous parler, 400 000 litres d'eau distribuée par jour, par l'équivalent de deux saisons d'incendies de mobilisation de forces de sécurité civile. Ce sont des moyens extrêmement importants.
ORIANE MANCINI
Elle est derrière nous, juste la crise de l'eau ? Ou il y a encore des distributions de bouteilles ?
MARIE GUEVENOUX
La crise de l'eau, celle-ci, elle est en train de se terminer. Là, en ce moment, on est en train de distribuer 14 millions de bouteilles d'eau sur l'ensemble de l'île pour faire en sorte d'avoir des stocks stratégiques de l'eau à disposition des populations. Après, la crise de l'eau, il va y avoir de nouveau des crises de l'eau. Donc nous, notre objectif prioritaire…
ORIANE MANCINI
Mais vous avez répondu à l'urgence.
MARIE GUEVENOUX
On a répondu à l'urgence, mais on ne fait pas que répondre à l'urgence. On prépare la prochaine crise de l'eau. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il y a un réseau avec des fuites ; on est en train de réparer les fuites. Il nous faut une usine de dessalement pour l'eau potable ; cette usine, elle va être livrée. Mais la crise des barrages, elle risquait de mettre en péril ces infrastructures. Et donc, il fallait absolument que ces barrages soient levés. On a pris, du coup, quelques semaines de retard sur la réparation de fuites. On va essayer de faire en sorte… lié avec ces barrages, cinq semaines. On va faire en sorte de tenir les délais et on devrait être en mesure d'accompagner les prochaines crises.
ORIANE MANCINI
Alors, pour répondre justement à la crise sociale ; vous avez annoncé deux textes sur Mayotte : un projet de loi constitutionnelle sur le droit du sol (on va y revenir) et un projet de loi ordinaire. Qu'est-ce qu'il va contenir, ce projet de loi ordinaire ?
MARIE GUEVENOUX
Le projet de loi ordinaire, il va comporter des mesures sécuritaires et migratoires et probablement aussi un volet social et de développement pour l'île, pas qu'il y ait une réponse sécuritaire et migratoire.
ORIANE MANCINI
Ça veut dire que juste sur le migratoire, il y aura d'autres choses que le droit du sol ?
MARIE GUEVENOUX
Oui, parce qu'en réalité, oui, il y aura d'autres choses dans le cadre du projet de loi ordinaire. Parce que si on n'arrive pas à faire en sorte de bloquer les flux migratoires et de rendre " inattractif " (pour être clair) le département de Mayotte, et qu'on ne trouve pas aussi d'autres solutions qui s'adaptent à la situation sécuritaire de l'île, qui vit des situations de délinquance et de crime extrêmement fortes. En réalité, on n'aura pas vraiment réglé le problème.
ORIANE MANCINI
Mais alors, qu'est-ce qu'il y aura en plus ?
MARIE GUEVENOUX
Donc la priorité… On est en train de mettre…
ORIANE MANCINI
Mais qu'est-ce qui est sur la table ?
MARIE GUEVENOUX
... de concevoir ce projet. Ce qui va être analysé, c'est tout ce qui va nous permettre de réduire l'attractivité de l'île pour l'immigration étrangère, donc accès aux titres de séjour, accès aux prestations sociales. Donc tout ça, c'est ce qu'on va analyser. Et puis, d'un point de vue sécuritaire, il y a aussi toute une population à Mayotte qui est composée à 50%, de jeunes de moins de 18 ans. Donc là-dessus, sur les mineurs, il y a quelque chose à faire à la fois, sans doute, en mesures de prévention et de répression aussi, mais aussi des mesures d'accompagnement pour sortir et donner un peu d'espoir aux relèves.
ORIANE MANCINI
Ça veut dire quoi ? Des peines plus sévères pour les mineurs ?
MARIE GUEVENOUX
On ne va pas rentrer dans le détail. Aujourd'hui, on est dans le cadre d'une discussion avec les élus. On a un projet de loi qu'on doit concevoir pour le 22 mai. Mais nous, notre travail, c'est vraiment de se dire « Mayotte, c'est un département avec des difficultés qui n'existe nulle part ailleurs en France. » On ne peut pas faire de rapprochement avec ce qui se passe à Mayotte et ce qui se passe dans le reste du pays. Et donc il faut qu'on prenne cette réalité-là en compte et qu'on aille assez loin dans les curseurs.
ORIANE MANCINI
Et sur les prestations sociales, est-ce que vous envisagez par exemple, des délais avant de pouvoir avoir accès aux prestations sociales ?
MARIE GUEVENOUX
Alors, c'est déjà le cas.
ORIANE MANCINI
De l'allonger.
MARIE GUEVENOUX
Mais c'est probable qu'on envisage effectivement de les allonger, oui.
ORIANE MANCINI
Il y aura aussi… Juste sur le plan de la forme, pardon, ils seront présentés le 22 mai, ces deux textes ?
MARIE GUEVENOUX
Oui. Deux textes présentés le 22 mai. Donc le texte constitutionnel avec la fin du droit du sol à Mayotte. J'insiste, deux minutes, sur cette mesure. C'est une mesure qui est extrêmement radicale que l'on ne souhaite prendre que pour Mayotte…
ORIANE MANCINI
Oui, on va en parler. Mais juste, c'est le 22 mai ?
MARIE GUEVENOUX
22 mai.
ORIANE MANCINI
Et cela veut dire une adoption définitive à quelle date ? Vous visez quoi ? Avant l'été ?
MARIE GUEVENOUX
Avant l'été, oui.
ORIANE MANCINI
Et un congrès, du coup ?
MARIE GUEVENOUX
Ça, ce n'est pas à moi de me prononcer sur la façon dont le projet de loi constitutionnelle sera adopté, c'est au Président de la République. Mais en tout cas, il y a une volonté d'aller vite.
ORIANE MANCINI
Donc, pour le droit constitutionnel, et si vous faites un congrès, il va falloir les 3/5. Emmanuel MACRON, lui, s'est donné comme principe de ne pas faire adopter un texte avec les voix du RN. Est-ce que c'est possible d'avoir les 3/5 sur la question du droit du sol, sans les voix du RN ?
MARIE GUEVENOUX
Moi, je comprends parfaitement qu'on se pose la question. Moi, mon sujet, il y a un parlement, on est en majorité relative. La situation de Mayotte est ce qu'elle est. On a besoin d'avoir des parlementaires qui examinent nos textes, qui se font leur opinion et qui le votent en conscience.
ORIANE MANCINI
Donc là, ce n'est pas grave si c'est adopté avec les voix du RN, du moins que ce soit adopté ?
MARIE GUEVENOUX
Je n'ai pas à dire si c'est grave ou pas grave que ça soit adopté avec les voix du RN. Moi, je ne cherche pas à avoir d'accord avec le Rassemblement national. Je ne cherche pas à avoir ça. En revanche, je cherche des mesures efficaces pour sortir Mayotte de la situation dans laquelle elle est. Et je le fais avec l'appui des élus mahorais, avec la demande pressante même des parlementaires mahorais. Et chaque parlementaire prendra ses responsabilités au vu de la situation à Mayotte.
ORIANE MANCINI
Vous pensez les avoir, les 3/5 ?
MARIE GUEVENOUX
Mon travail, c'est de faire en sorte de les avoir. J'y serais pleinement engagée. Après, il n'y a pas un membre du Gouvernement derrière chaque parlementaire ; les parlementaires sont libres. Mais moi, évidemment, je mettrai tout mon engagement et toute ma détermination à ce vote.
ORIANE MANCINI
Et vous pensez vraiment que cette suppression du droit du sol, ça va couper l'attractivité à Mayotte ?
MARIE GUEVENOUX
Je pense que vous avez… La situation géographique de Mayotte, pour que les auditeurs comprennent, c'est une île de 370 kilomètres carrés qui se situe à 70 kilomètres des Comores et avec une proximité géographique qui fait que oui, Mayotte est extrêmement attractive. Alors j'entends, oui, il n'y a pas que le droit du sol qui rend attractif Mayotte ; probablement. Probablement qu'il n'y a pas que le droit du sol qui a attaqué Mayotte. Mais il n'empêche que quand vous êtes Comoriens et que vous avez 70 kilomètres en bateau à faire pour arriver en France, et que si vous êtes parent d'un enfant qui né sur le sol mahorais, donc sur le sol français, vous êtes ensuite destinataire d'un titre de séjour. Penser que ce n'est pas attractif, c'est une erreur.
ORIANE MANCINI
Vous avez des objectifs chiffrés ?
MARIE GUEVENOUX
Oui. On a des objectifs chiffrés de réduction des titres de séjour de 90% de titre de séjour vie familiale.
ORIANE MANCINI
90%. A quelle échéance ?
MARIE GUEVENOUX
A la suite de l'adoption du projet de loi du 22 mai.
ORIANE MANCINI
Est-ce que vous craignez que ça crée un précédent ? C'est ce que disent notamment le RN et une partie des Républicains. Ils veulent la suppression du droit du sol sur tout le territoire. Est-ce que le supprimer à Mayotte, ça ne va pas créer un précédent sur le sol national ?
MARIE GUEVENOUX
Je vous l'ai dit, la situation de Mayotte est extrêmement spécifique. 50% de la population, je vous le disais, ont moins de 18 ans. 70% de la population vit sous le seuil de pauvreté. On évalue l'immigration irrégulière à Mayotte à la moitié de la population étrangère présente sur l'île, c'est-à-dire la moitié de la moitié. C'est une situation qui n'existe nulle part ailleurs. Donc cette mesure est radicale, on l'assume pleinement. Mais elle est radicale pour Mayotte, parce que la situation de Mayotte est elle-même radicale. Et donc, non, on n'envisage pas de le faire sur d'autres territoires.
ORIANE MANCINI
Lors de votre venue sur l'île le 11 février, avec Gérald DARMANIN, vous avez lancé un rideau de fer dans l'eau, pour empêcher le passage des bateaux et vous avez assuré que les Mahorais (Gérald DARMANIN notamment) verront très concrètement, dans les prochains jours, un changement radical. On est pratiquement un mois après, quel changement y a-t-il eu ?
MARIE GUEVENOUX
L'objectif du rideau de fer, mais aussi, dans ce qu'on appelle l'opération Shikandra et aussi l'opération Wuambushu. C'est quoi ? C'est d'avoir des opérations dédiées à la sécurité et à la lutte contre l'immigration clandestine. Le rideau de fer, ça consiste à déployer des moyens militaires sur cette zone de 70 kilomètres dont je vous parle, à la fois de la flotte maritime, des radars. Et en ce qui concerne Wuambushu, c'est d'avoir des opérations de terrain, donc des forces de l'ordre déployées sur des objectifs d'immigration illégale, de décasages, c'est-à-dire d'habitats illégales donc en gros des bidonvilles, et de chef de bande à cibler. Ces opérations, elles sont d'ores et déjà mises en place. Elles ont produit des résultats.
ORIANE MANCINI
Mais juste sur le rideau de fer, les Mahorais, ils ont vu les changements, là ?
MARIE GUEVENOUX
Les changements du rideau de fer, c'est que ça permet d'interpeller des étrangers en situation irrégulière.
ORIANE MANCINI
Et vous en avez interpellé plus ?
MARIE GUEVENOUX
Oui, Il y a quelques jours, à la suite d'opérations dont les décasages et… On avait interpellé 12 étrangers en situation irrégulière, qui sont repartis. Et ça arrive très régulièrement. Alors, il y en a aussi qui passent au travers et c'est pour cela qu'on veut le renforcer. Et c'est une opération qui va être mise en place. J'insiste quand même sur Wuambushu qu'on va aussi déployer en avril avec un deuxième volet ; 25 000 étrangers en situation irrégulière, expulsés dans leur pays d'origine avec cette opération.
ORIANE MANCINI
Qu'est-ce qu'il y aura en plus dans Wuambushu 2 qu'il n'y avait pas eu dans Wuambushu 1 ?
MARIE GUEVENOUX
Cela va être des opérations qui vont être dédiées à la lutte contre l'immigration clandestine, à la lutte contre l'habitat illégal et à la lutte contre la sécurité.
ORIANE MANCINI
Mais ce qui était déjà le cas dans votre Wuambushu 1. Pourquoi en faire une deuxième ?
MARIE GUEVENOUX
Parce qu'il reste du travail à faire sur ces trois volets.
ORIANE MANCINI
Mais ce sera exactement la même chose, ou il y aura des différences ?
MARIE GUEVENOUX
Ce ne sera pas exactement la même chose, mais ce sera la même stratégie et les mêmes cibles.
ORIANE MANCINI
Donc c'est le prolongement de la première opération ?
MARIE GUEVENOUX
Oui, ça veut dire déploiement des forces, ça veut dire des forces qui se déploient sur des territoires en concertation avec les élus. Parce que les élus, les maires savent précisément où aller. Ça veut dire aller effectivement au contact, sur des cibles identifiées, qualitatives, c'est-à-dire les individus clairement qu'on a cerné comme étant des fauteurs de troubles. Ça veut dire aussi des quartiers entiers passés au peigne fin, pour faire en sorte de rendre propre, sain sécuritairement parlant, le terrain.
ORIANE MANCINI
Est-ce que cela veut dire aussi des renforts sécuritaires envoyés en plus sur l'île, pour cette opération ?
MARIE GUEVENOUX
Aujourd'hui, il y a 1 600 forces de l'ordre présentes à Mayotte. C'est beaucoup. Au plus fort de la crise, il y a eu plus de forces de l'ordre présentes à Mayotte que sur Lille, Marseille et Paris réunis. Donc, il faut qu'on soit vigilant sur les forces de l'ordre.
ORIANE MANCINI
Mais il y en aura en plus ou pas ?
MARIE GUEVENOUX
Pour l'instant, pour l'instant, ce qu'on prévoit dans Wuambushu, c'est un déploiement des forces. En fait, la réalité aujourd'hui, c'est que nos forces étaient concentrées sur des points de barrage et des points d'ordre public. Et elles faisaient, au fond… Elles n'étaient pas déployées au bon endroit parce que les barrages contraignaient en fait à faire la circulation d'ordre public. Là, déjà, on déploie l'ensemble des forces de l'ordre ; on voit ce que ça donne sur le terrain et puis ensuite, on avisera.
ORIANE MANCINI
Mais pour le moment, vous faites à nombre égal. Est-ce que vous pourrez aviser, sachant que cette opération commence en avril, qu'on va arriver avec les J.O qui réclament énormément de forces de l'ordre ? Est-ce que vous aurez les moyens d'en envoyer en plus à Mayotte ?
MARIE GUEVENOUX
On va voir. Enfin, je veux dire, la réalité, c'est que si on arrive à faire, à avoir des résultats efficaces avec des forces de l'ordre déployées qui vont plus au contact, qui sont plus agiles, qui ont des cibles, qui sécurisent les établissements scolaires, les résultats sont là.
ORIANE MANCINI
Oui, mais est-ce que vous excluez ou vous n'excluez pas l'envoi de l'armée en renfort, l'appui de l'armée en renfort ?
MARIE GUEVENOUX
Non, mais par définition, je ne veux rien exclure, la situation, elle est ce qu'elle est, donc je ne veux rien exclure. En revanche, l'état d'urgence, puisque c'est souvent 9A qui est demandé par ce biais, n'apparaît pas être aujourd'hui une bonne solution. L'état d'urgence, c'est une boîte à outils législative qui permet un certain nombre de sollicitations d'outils, de procédures, par exemple de perquisition des domiciles. A Mayotte, les gens n'ont pas de domicile, donc il n'y a pas d'adresse. Donc on perquisitionne quel domicile ? Donc c'est aussi des mesures de couvre-feux. A Mayotte, on peut tout à fait faire en sorte que les maires prennent des couvre-feux s'ils souhaitent en prendre. Voilà, c'est l'état d'urgence aujourd'hui. C'est les moyens législatifs qui ne me semblent pas adaptés à la situation à Mayotte. C'est aussi la fermeture des commerces, des lieux de rassemblement, des lieux de culte. Je ne pense pas que Mayotte, qui a aussi besoin de vivre, de vivre, de faire venir son économie, de vivre tout court, ait besoin, en plus d'avoir la fermeture de lieux publics.
ORIANE MANCINI
Vous retournerez sur place avec Gérald DARMANIN en avril pour lancer cette opération ?
MARIE GUEVENOUX
Alors moi je retourne sur place dans trois semaines. Je ne sais pas encore si le ministre de l'Intérieur m'accompagnera, mais moi je retourne sur place dans trois semaines, c'est sûr.
ORIANE MANCINI
Vous nous l'avez dit, parmi les illégaux et parmi les migrants qui viennent, beaucoup viennent des Comores voisines. Est-ce que les Comores, aujourd'hui sont encore un partenaire de la France dans la lutte contre l'immigration ?
MARIE GUEVENOUX
Les Comores sont un partenaire de la France dans la lutte contre l'immigration, mais maintenant, on peut et on doit être plus exigeants.
ORIANE MANCINI
ils n'avaient pas été très coopératifs pendant wuambushu 1, est ce que là, ils ne seront plus pendant wuambushu 2 ?
MARIE GUEVENOUX
Les Comores, vous avez vu leur communiqué ? Les Comores considèrent que Mayotte est comorien. Donc nous très clairement on considère que Mayotte c'est la France.
ORIANE MANCINI
Ça veut dire que ce n'est pas un partenaire aujourd'hui pour vous.
MARIE GUEVENOUX
On aura avec les Comores la même exigence qu'avec les pays des Grands Lacs qui sont une autre voie d'immigration, en faisant en sorte d'avoir des exigences de type aide au développement.
ORIANE MANCINI
Mais justement, sur l'aide au développement, le gouvernement serre la visse sur les économies. Bruno LE MAIRE a annoncé 10 milliards il y a quelques jours. Il a dit notamment que l'aide française au développement serait touchée. Est-ce que cela va toucher l'aide qui va vers les Comores ?
MARIE GUEVENOUX
Encore une fois, là, c'est trop tôt pour le dire. Mais nous, Mayotte…
ORIANE MANCINI
Mais ce n'est pas non. il y aura peut-être une aide moindre de la France vers les Comores.
MARIE GUEVENOUX
Nous, notre travail avec les Comores, c'est de faire en sorte et avec les Comores et avec les pays qui sont la source d'immigration et de voies migratoires vers Mayotte, c'est d'avoir des exigences et des exigences qui se traduisent par de l'aide au développement et le retour de ces… consulaires. Je ne vous dis pas que l'aide aux Comores va baisser, non, je dis que nous, on a des exigences à renforcer et à faire valoir et on compte bien les faire valoir.
ORIANE MANCINI
Exigence des deux côtés. Est ce qu'il ne faut pas durcir les relations avec les Comores ?
MARIE GUEVENOUX
Peut-être. En tout cas, moi ce qui m'intéresse, c'est de faire en sorte que le laissez-passer consulaire soit fourni et que l'on puisse faire des retours d'étrangers dans leur pays d'origine. Et donc pour ça, s'il faut durcir, on durcira.
ORIANE MANCINI
Est ce qu'il faut aussi privilégier les pays d'Afrique comme interlocuteur ?
MARIE GUEVENOUX
Oui, en l'occurrence, vous avez raison, on constate aujourd'hui une voie plus récente de migration que celle habituelle, qui est celle des Comores, qui sont les pays des Grands Lacs dont je vous parlais. Nous prévoyons avec Gérald DARMANIN dans les semaines à venir une tournée diplomatique pour justement, là aussi faire en sorte que, sur la question de l'aide au développement, sur les questions de collaboration, sur l'établissement de laissez-passer consulaires, sur les questions d'examen des demandes d'asile, il y ait un dialogue exigeant qui soit établi.
ORIANE MANCINI
Vous irez dans quel pays notamment ?
MARIE GUEVENOUX
on ira probablement en Tanzanie, la liste est encore à établir.
ORIANE MANCINI
On va parler d'un autre sujet qui concerne les Antilles. C'est la question du chlordécone. La semaine dernière, l'Assemblée nationale a voté une proposition de loi socialiste sur la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat français dans le scandale du chlordécone aux Antilles. C'est ce pesticide qui était interdit mais qui était quand même utilisé. La majorité s'est abstenue sur ce texte. Il n'est pas pertinent pour vous ?
MARIE GUEVENOUX
Non, mais sur le chlordécone d'abord, je pense qu'il faut être extrêmement clair sur le fait que c'est un drame qui a touché les populations antillaises et je pense important de le dire parce que, à chaque fois que c'est évoqué à l'Assemblée, les députés ultramarins, et en particulier les Antillais, ont le sentiment que ce volet humain n'est pas reconnu. Donc d'abord, c'est un drame. Qui a dit le premier que c'était un drame et que c'était un scandale environnemental ? C'est le président de la République. Il l'a dit, pas il y a six mois, il l'a dit en 2018 et dès 2018, il a été le premier à reconnaître la part de responsabilité de l'Etat dans ce scandale environnemental.
ORIANE MANCINI
Alors pourquoi ne pas avoir voté la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat français ?
MARIE GUEVENOUX
Mais parce que ce que demandait une partie des oppositions, parce que même le rapporteur s'est retrouvé dépassé par ses propres groupes et malheureusement avec des avis. On était souvent d'accord avec le rapporteur, son propre sens, c'était la reconnaissance de toute la responsabilité. Mais c'est faux. Et les victimes du chlordécone le savent d'ailleurs très bien.
ORIANE MANCINI
Vous dites quand il y a une responsabilité des industriels.
MARIE GUEVENOUX
Il y a des multi-responsabilités. Moi, je n'ai pas à désigner qui précisément la justice, le fera, il y a d'ailleurs des instructions en cours. Mais si l'Etat doit reconnaître sa part et la reconnaît, la reconnaître dans le discours par les interventions du Président de la République, mais la reconnaît aussi dans les actes, par le plan chlordécone et l'investissement qu'il met. Si l'Etat doit reconnaître cette part et prendre toute sa part, elle ne doit pas reconnaître des parts de responsabilité qui ne sont pas les siennes, parce que ça ne saurait pas faire justice aux Antilles.
ORIANE MANCINI
Marie GUEVENOUX, vous êtes le sixième ministre des Outre-Mer depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel MACRON. Est-ce que les Outre-Mer sont la variable d'ajustement des remaniements ?
MARIE GUEVENOUX
Ecoutez, moi je le vis pas du tout comme ça. Moi, j'ai souhaité être ministre des Outre-Mer, donc je suis quelqu'un d'extrêmement engagée. Je considère que….
ORIANE MANCINI
Est-ce qu'on peut travailler dans la continuité en changeant de ministre tous les ans ?
MARIE GUEVENOUX
Ce que demandent les Outre-Mer, c'est de travailler dans l'engagement, d'être quelqu'un d'extrêmement mobilisé sur les sujets. En fait, les enjeux qui sont ceux des Outre-Mer sont immenses. Ce qui compte, c'est d'avoir un gouvernement pleinement engagé. Hier, on m'a interrogé sur le budget du ministère des Outre-Mer, malgré les annulations, le ministère est victime de la rigueur budgétaire.
ORIANE MANCINI
A quelle hauteur ?
MARIE GUEVENOUX
Quand je dis il est victime, il est en responsabilité.
ORIANE MANCINI
A quelle hauteur ?
MARIE GUEVENOUX
79 millions d'euros. Malgré cette baisse de 79 millions d'euros, le budget consacré aux Outre-Mer est en hausse de 14 %. 3,1 milliards d'euros, 14 % de hausse. On nous a interrogé hier sur les baisses des postes, la hausse donc il y a une baisse de la hausse, mais on est toujours en hausse sur l'ensemble des postes. Le logement plus 50 millions d'euros pour la construction et la réhabilitation des logements en Outre-Mer. La continuité territoriale qui permet aux ultramarins de venir en Hexagone, elle aussi, est en hausse.
ORIANE MANCINI
Mais pourtant, le vote Rassemblement national grimpe dans les Outre-Mer, on l'a vu à la dernière présidentielle, est ce que ce n'est pas le signe de l'échec des politiques du gouvernement ?
MARIE GUEVENOUX
Ecoutez le vote Front national. Il augmente partout sur le territoire national et il n'y a pas de raison d'une certaine manière, que les Outre-Mer soient épargnées. Qu'est ce qui explique cela ? après on peut tous se livrer à des analyses. Pour moi ce qui explique cela, c'est le sentiment d'éloignement. J'ai grandi dans un département qui est la Somme, mes parents, la frontière du Pas de Calais. On a le sentiment dans ce territoire d'être relégué. J'étais député de l'Essonne, on a à 35 kilomètres, les Français ont le sentiment d'être relégués, d'être oubliés, d'être dans la France. Alors oui ….
ORIANE MANCINI
Ca a toujours été éloigné, sauf qu'il y a des moments où Jean-Marie LE PEN, il ne pouvait même pas mettre un pied dans certains territoires d'Outre-Mer, aujourd'hui, il y a des territoires où Marine LE PEN est majoritaire.
MARIE GUEVENOUX
Il y a un non-sens à avoir un vote Front national aux vues de la culture ultramarine, aux vues de ses racines. Le Front national a une entreprise de respectabilité qui est une entreprise qui malheureusement prospère. Nous, on est là pour faire en sorte d'y mettre un terme, d'y mettre un frein. Donc on le dénonce autant que nécessaire. Moi, je pense que c'est important effectivement que les ultramarins aient en tête ce paradoxe et que l'éloignement ne vienne pas justifier ce vote qui est un vote dangereux pour le pays.
ORIANE MANCINI
Merci Marie GUEVENOUX.
MARIE GUEVENOUX
Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 mars 2024