Texte intégral
DJAMEL MAZI
L'interview politique ce matin avec Patricia ISSA de GRANDI. Patricia, votre invitée est Madame la Ministre Sarah EL HAÏRY. Bonjour, bienvenue.
SARAH EL HAÏRY
Bonjour.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Bonjour Madame la ministre.
SARAH EL HAÏRY
Bonjour.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Vous êtes ministre chargée de l'Enfance, de la Jeunesse et de la Famille. Hier, Emmanuel MACRON s'est exprimé. Est-ce qu'il a clarifié sa position ou bien est-ce qu'il n'a pas inquiété les Français ?
SARAH EL HAÏRY
Les propos du président de la République sont très clairs. Aujourd'hui, aider l'Ukraine c'est nous protéger pour aujourd'hui et pour demain. Je crois qu'il est nécessaire et il est toujours utile de partager, étape après étape, l'importance de la protection et de l'investissement que nous faisons pour aider et soutenir les Ukrainiens. Leur paix est notre paix et à partir de là, ce soutien, il était nécessaire de rappeler ses fondements.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Emmanuel MACRON qui a fait l'unanimité contre lui dans les oppositions qui lui reprochent de politiser et de…
SARAH EL HAÏRY
Il ne faut pas être lâche. En ce moment, il ne faut pas être lâche. Il faut dire les choses telles qu'elles sont avec leur gravité. Ça permet aussi, dans le fond, de voir ceux qui ont des postures ou des positions politiques et puis ceux qui veulent vraiment avoir et aller chercher cette paix. Aller chercher la paix, c'est ne pas tomber dans la lâcheté, du refus du vote…
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Aller chercher la paix, c'est menacer de possiblement entrer en guerre ?
SARAH EL HAÏRY
Chercher la paix, c'est rappeler nos fondamentaux. C'est rappeler la position française et c'est protéger l'Europe. Je vais vous donner un exemple très concret. Pendant 70 ans, l'Europe était en paix. Pourquoi ? Parce que nous étions solidaires. Aujourd'hui, on voit l'agression russe sur le territoire ukrainien, il faut une réponse européenne. Demain, en réalité, le risque, il est européen. Les propos du président de la République sont très clairs, c'est des propos de vérité et ce soutien à l'Ukraine est nécessaire pour nous Français, aujourd'hui et pour demain, je le réitère. Pour nos enfants.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Cette intervention et la situation en Ukraine intervient alors que dans trois mois, il y a les élections européennes. Justement, les oppositions reprochent à Emmanuel MACRON d'utiliser cet enjeu. Le vote des jeunes vers le RN, ça vous inquiète ? 29 % des jeunes vont voter, envisagent de voter aux européennes Rassemblement national, 20 % pour LFI et seulement 13 pour la majorité.
SARAH EL HAÏRY
Aujourd'hui, le Front national, la proposition de BARDELLA, ce n'est rien d'autre qu'un post Instagram sponsorisé.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Oui, mais il est donné à 30 % aux prochaines élections européennes, à 10 points de la majorité.
SARAH EL HAÏRY
C'est l'ADN qui a fait que l'extrême droite française a pris un nouveau visage. Mais ce n'est pas parce que c'est un nouveau visage et que c'est un post qui est plus joli qu'hier qu'on peut le tester. Parce que j'entends ces jeunes dire « oui, mais ce sont les seuls qu'on n'a pas testés. Oui, mais eux c'est peut-être pas pareil, peut-être que ça changera ». La réalité, ce n'est pas parce qu'ils disent parfois ce qu'on a envie d'entendre, ce que certains ont envie d'entendre que la réponse va changer leur vie. Moi ce que je vois, c'est qu'aujourd'hui en Europe, on a deux visions, deux camps. Ceux qui s'abstiennent surtout, qui ne prennent pas de décision ou, pire, qui reculent sur nos droits fondamentaux : c'est l'extrême droite, c'est le RN qui n'a comme ADN que le Front national. Et je dis aux jeunes ne tombez pas dans le piège. Vous voyez bien, quand il y a un post Instagram sponsorisé, on sait que c'est sponsorisé donc on sait qu'on nous montre ce qu'on a envie de voir et qu'il y a des…
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Et pourquoi Valérie HAYER ne va pas parler aux jeunes justement, votre candidate, enfin, pour la majorité ?
SARAH EL HAÏRY
Nous parlons à tous les Français et les jeunes, bien sûr, comme les autres et presque plus que les autres. Mais parler aux jeunes, c'est quoi ? C'est leur montrer ce qu'a fait le président de la République hier, l'importance de l'Europe dans leur vie d'aujourd'hui. 28 milliards d'investissement pour Erasmus. Pourquoi ? Parce qu'en fait, nous, on croit à une Europe de la culture, qu'on croit à une Europe souveraine. On croit à une Europe des droits et de la paix, on ne croit pas à une Europe qui, d'une certaine manière, essaie de draguer les Russes, de draguer les populistes et de finalement de cacher ce visage-là quand on est en France. Parce que quand on appelle au soutien aux jeunes, ils s'abstiennent sur Erasmus. Quand on appelle au soutien à la paix, ils s'abstiennent ou ils votent contre pour le soutien à l'Ukraine. Voilà la réalité du Front national aujourd'hui, même avec le visage de Jordan BARDELLA.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Est-ce que les jeunes justement ne voient pas - et ça, on rentre dans votre dossier - est-ce que les jeunes justement, les jeunes Français ne sont pas en train de se radicaliser parce qu'ils voient bien que la société est inégale ? Et justement, il y avait encore un article hier dans Libération sur les familles monoparentales, les mères sont à bout de force, elles portent leurs enfants à bout de bras. Qu'est-ce qui se passe en France ? Qu'est-ce qu'il se passe en France auprès…
SARAH EL HAÏRY
En France comme dans tous les pays européens et occidentaux, On voit une montée des extrêmes. Extrême droite, extrême gauche. On voit en réalité une société qui est de plus en plus difficile. Dérèglement climatique, la guerre en Ukraine qui est sur notre territoire européen, une génération qui vit avec le terrorisme.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Et vous leur répondez en leur faisant peur, en leur disant « il se peut que nous partions en guerre s'il y a escalade de Vladimir POUTINE ».
SARAH EL HAÏRY
Il faut répondre à la jeunesse avec responsabilité et avec vérité. Les jeunes ne sont pas naïfs.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Il est où l'espoir ?
SARAH EL HAÏRY
L'espoir, il est dans une France forte, il est dans une France plus solidaire. Une France plus solidaire, ça veut dire quoi ? C'est le soutien entre les générations, c'est des jeunes Français qui peuvent demain aller vivre un Erasmus, quels que soient leurs moyens, qu'ils viennent d'un territoire rural ou d'une grande ville. C'est demain avoir le versement d'une pension alimentaire sécurisée. C'est demain pouvoir accéder aux universités. C'est ça une France solidaire.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Alors il y a des jeunes qui voient leur mère galérer. Justement, je vous parlais des familles monoparentales. Une famille sur quatre est une famille monoparentale et la très grande majorité, 8 sur 10, sont des mères seules. C'est 3 millions de personnes dont un million d'enfants qui vivent dans une zone quasiment en dessous du seuil de pauvreté, ou en tout cas dans une très grande précarité. La crise inflationniste, elle les touche de plein fouet. Arrive à l'Assemblée un texte transpartisan pour créer un statut spécifique pour ces familles. De quoi est-ce qu'il s'agit exactement ?
SARAH EL HAÏRY
Vous savez, je viens d'une famille monoparentale. Ma mère, comme plein de couples, a divorcé de mon père, elle nous a élevés toute seule. Bien sûr que c'est plus difficile quand on est une maman seule. On n'a pas de relais, il y a un seul salaire quand il y en a un, on ne s'appuie sur personne, mais on n'a pas attendu ce texte pour avancer. Qui fait la sécurisation de la pension alimentaire pour qu'il n'y ait plus de bagarres, de conflits ? Parce que souvent cette pension alimentaire parfois, elle est prise en otage, c'est notre majorité.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
La pension alimentaire qui maintenant est aujourd'hui versée.
SARAH EL HAÏRY
Oui.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Qui est versée bien sûr. C'est une protection en effet pour les mères.
SARAH EL HAÏRY
Qui est versée par les CAF. Vous vous rendez compte le nombre de mères de famille…
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Elle est comptabilisée, cette pension alimentaire, dans le revenu imposable.
SARAH EL HAÏRY
Elle l'a toujours été.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Oui mais du coup…
SARAH EL HAÏRY
Soyons honnête, non soyons honnête…
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Ces femmes se retrouvent parfois avec d'autres prestations sociales qui leur sont baissées.
SARAH EL HAÏRY
Non, soyons honnête.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Il y a un texte qui a été voté à l'Assemblée contre l'avis du gouvernement pour régler ce défaut.
SARAH EL HAÏRY
Laissez-moi juste aller au bout. Ce texte, il est porté par ma collègue MoDem. Vous parlez du texte d'Aude LUQUET, donc je sais très bien de quoi on parle et c'est ma famille politique qui l'a porté.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
C'était il y a un an et demi mais le gouvernement était contre. Pourquoi être contre ?
SARAH EL HAÏRY
En attendant, vous savez, je suis une députée… Le sujet c'est quoi ? C'est comment on a un moyen de garde parce que les enfants, ils ne se gardent pas entre trois ans et douze ans. Quand on est une femme seule, ils ne se gardent pas tous seuls.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Ça va faire partie de ce que vous allez mettre en place ?
SARAH EL HAÏRY
Qu'est-ce que je vais faire moi ? Eh bien moi, je vais élargir le complément mode de garde parce que ces mamans, elles n'ont pas de soutien. Qui a protégé ces pensions alimentaires ? C'est nous. Et comme j'ai la conviction qu'on peut aller plus loin bien sûr pour ces familles, alors on a mobilisé deux parlementaires, un au Sénat et un à l'Assemblée, Fanta BERETE et Xavier IACOVELLI, pour aller plus loin et proposer d'autres pistes. Je vais vous dire pourquoi plus largement. Parce qu'aujourd'hui, être une famille monoparentale, c'est un moment dans sa vie ais je ne veux pas qu'on laisse le doute s'installer sur…
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Certains moments dans la vie qui peuvent marquer à vie les enfants qui grandissent auprès de ces mamans.
SARAH EL HAÏRY
Oui, et c'est un moment qui peut toucher toutes les classes sociales, et c'est un moment qui peut toucher n'importe quelle famille. Et la réalité, c'est qu'aujourd'hui il faut regarder les familles telles qu'elles sont, et moi je regarde les familles comme elles sont aujourd'hui.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Le gouvernement est au niveau sur ce sujet-là ?
SARAH EL HAÏRY
Il avance, il avance. Ce n'est pas une histoire de gouvernement ou pas de gouvernement. Moi, je vois des familles comme la mienne parce qu'elle en a fait partie avoir des difficultés à un moment. Comment ? Quand la pension alimentaire n'est pas versée, quand par exemple on a des difficultés pour garder son enfant, quand on ne peut pas retourner au travail ou que le travail est trop précaire, voilà ce que je vois. Et pour répondre à ça, on a commencé avec des soutiens, avec la revalorisation de la prime de Noël, avec la revalorisation des allocations familiales. Mais tout ça Madame, vous savez, ce sont des étapes.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Ce sont des à-coups. C'est par à-coup tout ça. Il n'y a rien de pérenne.
SARAH EL HAÏRY
Bien sûr que si, mais bien sûr que si. La revalorisation de ces aides, on ne revient pas en arrière.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
La prime de Noël, c'était l'année dernière et puis on verra bien l'année prochaine.
SARAH EL HAÏRY
Oui mais, enfin disons les choses. On a un des plus beaux pays au monde, disons les choses, qui soutient. Est-ce qu'on peut aller plus loin parce que c'est plus spécifique quand on est une famille monoparentale ? Je viens de vous dire oui. Mais est-ce qu'on dit que rien n'est fait ? Non, ce n'est pas vrai. Par contre, il faut de l'unité, parce qu'il y a des réponses qui sont portées par exemple par les collectivités territoriales sur la cantine, sur le soutien. C'est un essentiel que d'accompagner les enfants.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
L'enfance, c'est un périmètre important. Vous avez un périmètre qui concerne…
SARAH EL HAÏRY
J'ai le périmètre…
PATRICIA ISSA DE GRANDI
L'aide sociale à l'enfance, elle est en danger.
SARAH EL HAÏRY
Juste pour dire une chose. Aujourd'hui, je suis en charge de ce que les Français ont de plus précieux, c'est leurs familles et leurs enfants. Tous les Français le disent, c'est leur trésor.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Alors les enfants, l'aide sociale à l'enfance, elle est en danger. Le nombre d'enfants placés a augmenté de 30 % en moins d'un an et beaucoup restent à placer. Rien que dans la Sarthe par exemple, 450 mesures judiciaires de protection de l'enfance ne sont pas appliquées. Ceux qui sont placés se retrouvent parfois seuls dans un hôtel. Il y a encore une jeune fille qui s'est suicidée, voués à eux-mêmes. Un enfant meurt tous les cinq jours dans le cercle familial. Ces chiffres, ils sont effrayants. Les travailleurs sociaux tirent la sonnette d'alarme et parlent de dysfonctionnements systémiques. Comment est-ce qu'on en est arrivé là ?
SARAH EL HAÏRY
Je pense qu'il faut rappeler une chose. Aujourd'hui, tous les adultes qui entourent les enfants ont la responsabilité de les protéger. Tous, sans exception. Que ce soient les enfants qui sont aujourd'hui sous protection et accueillis par l'aide sociale à l'enfance. Qu'on soit un voisin et qu'on voit un enfant subir des violences. Qu'on soit un enseignant, qu'on soit un éducateur. Tout le monde a la responsabilité de protéger un enfant. Et quand on est témoin de ces violences, il y a un seul numéro à appeler, le 119…
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Mais ils sont en grève !
SARAH EL HAÏRY
Ce n'est pas parce qu'aujourd'hui il y a des discussions sociales au sein du 119 qu'il ne faut pas laisser dire…
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Parce que les réponses ne vont pas jusqu'au bout.
SARAH EL HAÏRY
Si, si, si.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
On ne peut pas appeler le 119 parce qu'il faut que ça suive derrière.
SARAH EL HAÏRY
Mais Madame, disons les choses. Aujourd'hui, on a plus de 360 000 enfants qui sont protégés, qui sont accueillis, et moi je salue tous les professionnels…
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Et ceux qui sont dans les hôtels…
SARAH EL HAÏRY
Je finis juste ma phrase. Aujourd'hui, on a une chaîne de solidarité et de responsabilité pour protéger nos enfants. Pour les hôtels, nous l'avons interdit. J'ai sorti le décret qui a interdit d'accueillir des enfants de moins de 16 ans dans un hôtel, seuls. Il y a eu des drames, il y a eu des drames et à chaque fois ce sera un drame pour notre pays quand on verra un enfant mourir ou être en danger. Par contre, qui a voté le texte permettant d'interdire les hôtels ? Eh bien, c'est notre majorité, c'est la loi Taquet qui aujourd'hui est appliquée. Et je serai aux côtés des départements, je serai aux côtés des associations et je continuerai à l'être parce que ces enfants, ils n'ont pas besoin d'être stigmatisés, ils ont besoin qu'on les accompagne. Et les accompagner, c'est regarder en face la situation et apporter des réponses et c'est-ce que je fais.
PATRICIA ISSA DE GRANDI
Merci Sarah EL HAÏRY d'avoir répondu à mes questions sur Franceinfo.
DJAMEL MAZI
Merci beaucoup Patricia et merci à votre invitée, Madame la Ministre Sarah EL HAÏRY, d'avoir été avec nous dans la matinale de Franceinfo.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 mars 2024