Texte intégral
SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Thomas CAZENAVE.
JEROME CHAPUIS
Bonjour.
THOMAS CAZENAVE
Bonjour.
SALHIA BRAKHLIA
Vous aviez rendez-vous hier soir à l'Elysée pour un dîner avec les chefs de la majorité autour d'Emmanuel MACRON, le sujet de la soirée, les finances de la France et les économies à trouver. Vous vous êtes fait remonter les bretelles ?
THOMAS CAZENAVE
Non, l'idée de la réunion d'hier soir, comme des réunions qu'on a depuis quelques semaines, c'est tenir compte du nouveau contexte. La conjoncture internationale elle est plus difficile, en raison du ralentissement chinois, en raison de la guerre en Ukraine, du ralentissement de nos partenaires européens, regardez, l'Allemagne a revu considérablement sa prévision de croissance, et donc on a dû revoir notre croissance. Il y a un choc externe, d'une certaine manière, et c'est une forme de nouvelle donne pour nos finances publiques, on a évoqué cette nouvelle donne, on est revenu sur l'idée, quand même, que l'Etat réagit tout de suite, je le redis, on a réduit de 10 milliards d'euros les dépenses de l'Etat pour s'adapter à ce nouveau contexte international, je crois que c'est l'esprit de responsabilité, la réactivité, et c'est bien aussi le sens des discussions que nous avons aujourd'hui.
SALHIA BRAKHLIA
On va rentrer dans les détails. Un déficit à 5,6%, c'est ce que craint Emmanuel MACRON pour 2023 d'après nos informations, est-ce que vous confirmez ce chiffre ?
THOMAS CAZENAVE
Je ne confirme pas ce chiffre, c'est l'INSEE qui publie le chiffres du déficit public de 2023, elle aura l'occasion de le faire la semaine prochaine.
JEROME CHAPUIS
Est-ce qu'il sera plus important que prévu ?
THOMAS CAZENAVE
On l'a dit devant la représentation nationale, avec Bruno LE Maire, devant l'Assemblée, au Sénat également. Pourquoi ? On a constaté, notamment en fin d'année, le ralentissement économique, qui dit ralentissement économique, moins de croissance, dit moins de rentrées fiscales, moins d'impôt sur les sociétés, moins de TVA, moins de cotisations sociales, donc on le sait, le déficit sera plus élevé que prévu, en raison de ce nouveau contexte international. Il faut que les Français comprennent bien qu'il se joue quelque chose, aujourd'hui, sur le plan international, avec les crises géopolitiques et l'impact de la guerre en Ukraine, qui a eu un gros impact sur les prix de l'énergie, par exemple sur l'activité économique de nos voisins, regardez l'Allemagne par exemple, très impactée par la guerre en Ukraine, et qui rejaillit naturellement sur nous parce que nous avons des relations économiques et commerciales.
SALHIA BRAKHLIA
Non mais d'accord Thomas CAZENAVE, mais vous tabliez pour un déficit autour de 4,9 % en 2023, est-ce que ce sera beaucoup plus que 5% ?
THOMAS CAZENAVE
Ce sera supérieur à 5%, encore une fois, c'est l'INSEE qui publiera la semaine prochaine, et nous n'avons jamais caché, avec Bruno LE MAIRE, quand nous l'avons constaté, quand nous avons constaté, que les recettes étaient moins bonnes, qu'il y avait une nouvelle donne sur le plan économique, et international, et qu'il fallait réagir tout de suite. Qu'est-ce qu'on a fait l'Etat ? 10 milliards d'économies.
JEROME CHAPUIS
Et donc, Thomas CAZENAVE, pour cette année, pour 2024, l'objectif d'un déficit à 4,4% du PIB, là aussi c'est mort ?
THOMAS CAZENAVE
On aura l'occasion de présenter notre programme de stabilité, c'est-à-dire nos prévisions, à la Commission européenne, et il faudra naturellement qu'on tienne compte du fait que pour l'année 2023 le déficit aurait été plus élevé prévu, et surtout, au fond, tenir compte du nouveau contexte économique. Vous savez, la croissance française…
JEROME CHAPUIS
Mais vous parlez depuis tout à l'heure du nouveau contexte économique, vous entendez le reproche qui vous est fait par les oppositions, mais aussi par un certain nombre d'économistes, et si on écoute bien le Gouverneur de la Banque de France, qui était à votre place il y a une semaine, tout ça était prévisible, le contexte il n'est pas si nouveau que ça. Au moment où vous avez bâti ce budget, vous tabliez sur 1,4% de croissance en 2024, c'est finalement 0,8, ce qui correspond à peu près aux prévisions de cet automne.
THOMAS CAZENAVE
Alors, oui et non, parce que quand vous regardez, cet automne les prévisions du FMI, de l'OCDE, de la Commission européenne, c'était entre 1,2 et 1,3% de croissance…
SALHIA BRAKHLIA
La Banque de France c'était 0,9…
THOMAS CAZENAVE
Oui, mais la Banque de France il lui est arrivé dans le passé de faire des prévisions qui ont été démenties par… donc, l'OCDE, Commission européenne, FMI entre 1,3…
(…) Brouhaha…
THOMAS CAZENAVE
Et on était dans ces prévisions-là à l'automne. En revanche, qu'est-ce qui se passe, est-ce qu'on est les seuls à revoir notre prévision de croissance ? Est-ce que l'Allemagne…
SALHIA BRAKHLIA
Non, mais Thomas CAZENAVE, depuis tout à l'heure vous donnez l'exemple de l'Allemagne.
THOMAS CAZENAVE
Oui, mais attendez, c'est très important, j'insiste là-dessus, est-ce que la Commission européenne a revu toutes les prévisions de croissance, comme nous, en février ? Oui. Est-ce que l'Allemagne a revu sa prévision de croissance, comme nous, en février ? Oui. Donc, dans la même semaine, dans le même mois, vous avez la Commission européenne, nos principaux partenaires, qui ont revu leurs prévisions de croissance. Pourquoi ? parce qu'on est tous impactés, tous impactés, par une nouvelle donne économique, par un nouveau cadre international avec l'effet de la guerre en Ukraine…
SALHIA BRAKHLIA
On a compris. On a compris.
THOMAS CAZENAVE
Et donc il fallait actualiser, mais nous ne sommes pas seuls à le faire, c'est ça qui est très important.
SALHIA BRAKHLIA
Thomas CAZENAVE, vous vous êtes trompé sur les prévisions de croissance, vous vous êtes trompé sur les prévisions de déficit, ce qui fait dire à l'opposition que vos résultats sont pitoyables, c'est ce que dit Marine LE PEN. Pour Adrien QUATENNENS vous êtes des piètres économistes à la tête de Bercy avec Bruno LE MAIRE. Ces critiques, vous les prenez comment, parce que ça fait quand même sept ans que Bruno LE MAIRE il est à Bercy et qu'avant Bruno LE MAIRE le ministre de l'Economie s'appelait Emmanuel MACRON ?
THOMAS CAZENAVE
Non mais, quand j'entends Marine LE PEN nous donner des leçons de finances publiques, je me pince, elle ne cesse, elle ne cesse de proposer de nouvelles dépenses. Elle a promis la retraite à 60 ans, on rase gratis, elle promet de nationaliser les autoroutes, 40 milliards, elle promet aux jeunes de moins de 30 ans de ne plus payer d'impôts sur le revenu, donc Kylian MBAPPE la remercie…
SALHIA BRAKHLIA
Mais vous, aujourd'hui, vous dites que les comptes sont tenus ?
THOMAS CAZENAVE
Non mais attendez, 100 milliards, 100 milliards de déficit. Et vous savez la petite astuce, elle dit " mais à la fin, ne vous inquiétez pas, on va tenir le déficit parce qu'on va faire de la lutte contre la fraude ", et j'espère qu'on y reviendra parce qu'on a fait le bilan avec Gabriel ATTAL hier, " et les étrangers. " Non, mais attendez, de qui se moque-t-on ? Et moi j'entends les oppositions…
JEROME CHAPUIS
Voilà, en attendant c'est vous qui êtes aux affaires et ce procès en incompétence c'est à vous qu'il est adressé.
THOMAS CAZENAVE
Oui, mais attendez, moi je pense qu'il est très important que les parlementaires, notamment les forces politiques, qui ont des propositions à faire, le fassent. Moi, je considère que la nouvelle donne, elle exige de nous qu'on bâtisse, avec toutes celles et ceux qui ont des propositions à faire, de les construire avec nous. Nous recevrons la semaine prochaine, avec Bruno LE MAIRE, sénateurs, députés, des commissions des finances, pour partager le diagnostic et commencer à travailler sur des propositions, mais c'est aussi le cas des collectivités territoriales. On voit bien que tout le monde est impacté, l'Etat a pris sa part tout de suite, et moi je suis très fier qu'on ait réagi tout de suite, 10 milliards d'euros pour s'adapter, mais après je travaille… vous savez, les finances publiques, c'est l'affaire de tous, pas uniquement de l'Etat…
SALHIA BRAKHLIA
Il va falloir trouver 50 milliards…
THOMAS CAZENAVE
C'est aussi l'affaire des partenaires sociaux, c'est aussi l'affaire des élus locaux, et à nous de le bâtir ensemble., donc les leçons de finances publiques de celles et ceux qui ne cessent de proposer des dépenses supplémentaires, non merci.
SALHIA BRAKHLIA
50 milliards d'euros d'économies à trouver d'ici 2027 pour reprendre le contrôle de nos finances publiques, c'est ce que dit la Cour des comptes, on va carrément basculer dans l'austérité ?
THOMAS CAZENAVE
Non mais, je rappelle un chiffre, les dépenses publiques, dans notre pays, c'est 1600 milliards d'euros, quand j'ai entendu, quand on a fait 10 milliards d'euros d'économies, il y a quelques semaines, crier à la cure d'austérité, excusez-moi, mais c'est un gros mensonge. Vous savez, les pays qui ont connu l'austérité, je pense à la Grèce, à l'Argentine, qu'est-ce qui s'est passé dans ces pays-là ? les gens ils ont baissé les pensions, fermé des services publics, c'est tout sauf ça, en revanche nous on s'adapte, et c'est notre responsabilité, en disant quand on a moins de recettes, on a moins de dépenses.
JEROME CHAPUIS
On va voir dans le détail où est-ce qu'on peut éventuellement trouver des économies, Thomas CAZENAVE, ministre délégué aux Comptes publics, avec nous jusqu'à 9h, on vous retrouve juste après le Fil info.
(…)
JEROME CHAPUIS
Thomas CAZENAVE, ministre délégué aux Comptes publics, est avec nous. Parmi les pistes d'économies reviennent régulièrement dans l'actualité les affections longue durée. Elles concernent 20% des patients en France, 12 à 13 millions de personnes, elles représentent les deux tiers de l'assurance maladie. Est-ce que c'est là que vous allez tailler ?
THOMAS CAZENAVE
Mais vous savez, moi je pense que sur ce sujet-là, il faut être méthodique. Le projet de budget notamment pour 2025, on a quatre mois au moins pour le préparer en amont.
JEROME CHAPUIS
Mais là, on parle de 2024.
THOMAS CAZENAVE
Non, non, mais pour le préparer pour 2025, on a lancé des revues de dépenses. On regarde les aides aux entreprises, on regarde finalement toutes nos dépenses. Et donc c'est un travail méthodique avec l'examen de toutes nos politiques publiques, c'est un dialogue. Je le redis, les finances publiques, ce n'est pas que l'affaire de l'Etat, c'est aussi l'affaire des partenaires sociaux, des élus locaux. Donc on va travailler avec tout le monde ; on va réunir, je le disais, les parlementaires qui ont des idées aussi. Et donc on a maintenant trois à quatre mois devant nous pour méthodiquement bâtir ce qui sera notre projet 2025.
SALHIA BRAKHLIA
Sauf que vous êtes à Bercy, Thomas CAZENAVE, donc vous avez des pistes. Vous-même, vous travaillez de votre côté. Est-ce que les affections longue durée font partie des pistes sur lesquelles vous pouvez faire des économies ?
THOMAS CAZENAVE
Non mais aujourd'hui, on regarde tout. Je ne suis pas en train de vous dire " voilà comment on va faire le budget de 2025 ".
JEROME CHAPUIS
Vous savez pourquoi on vous pose la question. Parce que Bruno LE MAIRE dit " je veux passer d'un État providence à un État protecteur. C'est une machine à empiler les dépenses ", et c'est pour ça qu'on vous pose la question sur la Sécurité sociale.
THOMAS CAZENAVE
Moi je veux vous dire : n'attendez pas de moi que je dise telle et telle économie. D'abord, moi je crois au dialogue. Je suis moi-même parlementaire, je crois au travail avec les parlementaires, les députés, sénateurs. Je sais que les députés de la majorité travaillent sur un certain nombre de pistes d'économies. Mais au fond, moi j'ai une conviction : je suis très attaché à notre modèle social, à notre modèle de Sécurité sociale. Et ma conviction profonde, c'est qu'un modèle de Sécurité sociale pérenne, auquel nous sommes tous attachés, pour qu'il le soit il faut qu'il soit financé, il faut qu'il soit à l'équilibre. C'est la raison pour laquelle je défends, avec Bruno LE MAIRE, avec le Premier ministre, la nécessité du redressement de nos comptes publics.
SALHIA BRAKHLIA
Non mais pardon, j'ai l'impression d'entendre des éléments de langage. Je vous le dis cash parce qu'en fait, au fond c'est vous qui faites le budget de la France. On vous demande de faire des économies et vous devez savoir où est-ce que vous allez les trouver, les économies, même si vous allez consulter les parlementaires. Sur la question des affections de longue durée, Bruno LE MAIRE, celui qui travaille avec vous, dit " il y a un problème, on dépense trop au niveau de la Sécurité sociale ". Est-ce que clairement, c'est dans votre viseur ?
THOMAS CAZENAVE
Mais vous voyez, je pense qu'on a un écart sur la méthode. Moi, je ne prépare pas le budget tout seul dans mon bureau à Bercy. Ça ne marche pas comme ça. On doit le construire avec celles et ceux qui sont concernés.
SALHIA BRAKHLIA
Alors une décision ? Une décision ?
THOMAS CAZENAVE
Je vais au bout parce que c'est très important. Moi, je ne travaille pas tout seul, je crois au dialogue. Je crois au dialogue au travail parlementaire, je l'ai dit, avec les autres ministres et surtout aucune précipitation.
JEROME CHAPUIS
Mais ce n'est pas nous qui vous posons la question. C'est écrit dans un livre qui est paru hier et qui est signé de Bruno LE MAIRE, votre patron à Bercy.
THOMAS CAZENAVE
Vous pourrez inviter l'auteur du livre. On a quatre mois. Moi honnêtement, il n'y a aucune précipitation. Je crois au fait qu'il faut respecter ce temps maintenant de préparation. On a quatre mois devant nous. Je vais prendre tout le temps nécessaire pour construire un budget le meilleur possible, équilibré et dans le dialogue.
SALHIA BRAKHLIA
Une décision qui dépend de vous. Le mois dernier, les retraités ont pu bénéficier d'une revalorisation des pensions de base à hauteur de 5,3% mais l'année prochaine, pour faire des économies là encore, est-ce que vous envisagez de ne pas indexer ces retraites sur l'inflation ?
THOMAS CAZENAVE
Non mais vous voyez dans quelle situation on est. Il y a quelques semaines - quelques semaines - on a indexé les pensions de retraite sur l'inflation comme les prestations sociales. Pourquoi on a fait ça ? Parce qu'on était dans un pic inflationniste, on a protégé massivement face à l'inflation. Et là, sitôt l'indexation faite, vous me dites " alors, l'année prochaine ".
SALHIA BRAKHLIA
Mais vous préparez votre budget pour l'année prochaine.
THOMAS CAZENAVE
Mais on prépare. Il n'est pas écrit, ce budget. Moi je crois que d'abord, il faut que toutes celles et ceux qui contribuent dont c'est le sujet aussi - ce n'est pas que le sujet du ministre des Comptes publics, le budget - qu'on puisse travailler. Moi, j'attends les propositions de la majorité et des oppositions. Moi, j'entends beaucoup les leçons notamment des oppositions et par contre, quand il s'agit de faire des économies, aucune proposition. Quand il s'agissait de voter la réforme des retraites par exemple, elles étaient où les oppositions ?
SALHIA BRAKHLIA
L'indexation des retraites sur l'inflation, Thomas CAZENAVE, est-ce que ça fait partie de vos pistes là aussi ?
THOMAS CAZENAVE
Non mais attendez, c'est très important. Réforme des retraites, réforme courageuse, je n'ai pas vu les oppositions nous soutenir. Et après par contre, alors qu'elles ont voté contre, elles viennent nous dire " ah mais il faut faire des économies, où sont les économies ? " Donc moi je les prends au mot : mon bureau et ma porte est ouverte, je suis prêt à les recevoir, je suis prêt à discuter avec eux de leurs propositions d'économies. Soyons concret mais moi, je suis très respectueux de ce temps. Encore une fois, c'est une erreur de penser que la question des finances publiques, c'est la seule question du Ministre du Budget.
SALHIA BRAKHLIA
Ne pas indexer les retraites sur l'inflation, ça permettrait de gagner 4 milliards d'euros. C'est bon à prendre ?
THOMAS CAZENAVE
Mais on sera dans ce temps de préparation.
SALHIA BRAKHLIA
Je vous pose différemment la question parce que vous ne voulez répondre à rien, pardon.
THOMAS CAZENAVE
Mais vous aurez toujours la même réponse. N'attendez pas de moi que tout seul dans mon bureau, je prépare un budget. Les finances publiques, c'est l'affaire de tous. On va le construire ensemble avec la majorité et les oppositions.
JEROME CHAPUIS
Dans les finances publiques, il y a aussi l'assurance chômage. Vous parlez de l'importance de se concerter avec notamment les partenaires sociaux. Bruno LE MAIRE dit " c'est le moment pour nous, à Bercy, de reprendre la main et d'arrêter avec la gestion paritaire de l'assurance chômage ".
THOMAS CAZENAVE
Quand je vous disais, nous on a tenu compte du nouveau contexte économique, on a baissé de 10 milliards les dépenses de l'Etat. Je pense qu'on est tous concernés. Regardez par exemple l'impact de la nouvelle donne économique sur le régime de l'assurance chômage, c'est une vraie question. Est-ce que les partenaires sociaux vont en tenir compte ? Comment ils tiennent compte du fait qu'il y a moins de croissance par exemple ? C'est très important parce qu'on dépense aussi beaucoup d'argent pour le régime d'assurance chômage. Je crois que c'est une vraie question qui leur est posée et nous, on est attentifs au fait que les partenaires sociaux intègrent bien cette nouvelle donne. On ne va pas être les seuls, nous l'Etat, à l'intégrer…
JEROME CHAPUIS
Ils n'ont pas l'air d'y être disposés.
THOMAS CAZENAVE
Là, je pense que c'est un vrai sujet de discussion avec les partenaires sociaux.
JEROME CHAPUIS
De désaccord.
THOMAS CAZENAVE
Mais oui, mais vous savez, on ne peut pas dire l'État, c'est 30% de la dépense publique, et donc il faut aussi que celles et ceux qui participent à la dépense publique fassent un peu le même chemin que nous en se disant : au fond, il y a une nouvelle donne, on voit bien qu'il y a moins de croissance, la crise géopolitique nous impacte, la guerre en Ukraine, quelles conséquences moi j'en tire dans mon secteur ?
JEROME CHAPUIS
Donc clairement ce que vous voulez, c'est la baisse de la durée d'indemnisation, la dégressivité des allocations. Et ça, vous êtes prêts à y aller de force si les partenaires sociaux n'acceptent pas ?
THOMAS CAZENAVE
Moi, ce que je dis, c'est aux partenaires sociaux de nous dire comment ils vont tenir compte 1/ de cette nouvelle donne ; 2/ du fait qu'on a fait de l'objectif de plein emploi l'objectif du quinquennat. Pourquoi ? C'est très bon pour les finances publiques. Quand vous avez plus d'activité, quand vous avez moins de chômage, vous avez plus de recettes et moins de dépenses. Je souhaite, c'est le voeu que j'exprime, que cet accord permette d'aller le plus loin possible vers un objectif de retour à l'emploi du plus grand nombre et c'est aussi le sens de la réforme France Travail.
SALHIA BRAKHLIA
Et d'économies aussi en passant.
THOMAS CAZENAVE
Mais bien sûr parce que tout ça est lié à un moment, mais notre objectif prioritaire, c'est le plein emploi et avec France Travail, l'accompagnement des bénéficiaires du RSA. Plus on a de gens en activité, mieux c'est pour nos finances publiques.
SALHIA BRAKHLIA
Est-ce que vous réfléchissez sérieusement à raboter les APL, les aides au logement ?
THOMAS CAZENAVE
Ah non ! Alors qu'il me soit permis ici de dire à votre micro, j'ai vu fleurir ça hier : il n'y a pas de projet, il n'y a pas de projet de réforme, de suppression ou de rabot sur les aides publiques au logement. Je le redis ici avec la plus grande clarté. Je ne sais pas d'où cette information est venue mais je la démens catégoriquement.
SALHIA BRAKHLIA
Certains, surtout à gauche, vous disent qu'au lieu de chercher des économies, vous pourriez trouver des recettes, par exemple via l'impôt. Est-ce qu'il est question de toucher à l'impôt ou alors, il est hors de question de les augmenter ?
THOMAS CAZENAVE
Mais moi ma priorité, avant de parler d'augmentation d'impôts, c'est est-ce qu'on recouvre bien tous les impôts ? Et ça c'est la priorité de la lutte contre la fraude, vous voyez, parce que c'est bien de voter des impôts, mais comment on s'assure que toutes celles et ceux qui doivent payer l'impôt le font ? Et vous savez, on a lancé, le Premier ministre qui était ministre des Comptes publics à ma place en mai dernier, a lancé un plan de lutte contre toutes les fraudes avec cet objectif-là. On va aller chercher la fraude partout…
SALHIA BRAKHLIA
15,2 milliards.
THOMAS CAZENAVE
Sur le champ fiscal, on a augmenté les redressements. Sur le champ du travail dissimulé, le travail dissimulé, ces entreprises qui ne paient pas leurs cotisations, on a augmenté les redressements de plus de 50%. C'est un record historique. Donc vous voyez, moi mon enjeu, c'est aussi se dire : est-ce qu'on se donnait tous les moyens pour aller lutter contre la fraude ? Et ce plan massif, il permet d'aller chercher et de lutter contre toutes les fraudes aux aides publiques : les fraudes fiscales, les fraudes sociales, de s'adapter à la nouvelle donne numérique. On sait qu'on a une grande partie de la fraude maintenant qui passe sur Internet. J'aurai l'occasion d'y revenir. Et donc vraiment, moi mon enjeu prioritaire là, c'est vraiment renforcer l'arsenal, que personne ne passe à travers les mailles du filet. Et vous savez, le bilan qu'a présenté, que nous avons présenté avec Gabriel ATTA, c'est très encourageant parce qu'on constate qu'en renforçant nos dispositifs, on ramène plus d'argent dans les caisses de l'Etat.
JEROME CHAPUIS
Et on va continuer de parler de la fraude fiscale juste après le fil info. Il est 8 heures 50, Thomas CAZENAVE vous restez avec nous, le Fil info avec Benjamin FONTAINE.
(…)
JEROME CHAPUIS
Thomas CAZENAVE, ministre délégué aux Comptes publics, vous nous parlez de la fraude fiscale, de ce bilan, 15 milliards d'euros recouvrés en 2023, que vous faisiez hier avec le Premier ministre. Est-ce que vous mettez aussi le paquet sur l'évasion fiscale, en particulier ? Sophie BINET, de la CGT, qui était à votre place il y a quelques jours, nous disait que c'était l'éléphant au milieu de la pièce et que vous refusiez de le voir.
THOMAS CAZENAVE
Ah mais moi je ne suis pas du tout d'accord avec ce constat. Pourquoi ? Il y a une innovation très importante : depuis le 1er janvier, on a un taux d'impôts minimum pour les sociétés, de 15%, qui est un accord…
SALHIA BRAKHLIA
Qui est mondial.
THOMAS CAZENAVE
... mondial, accord international. Parce que l'évasion fiscale, c'était aussi l'évasion fiscale des entreprises qui passent d'un pays à l'autre pour éviter de payer l'impôt sur les bénéfices. C'est des années de négociations, portées à l'initiative du président de la République et du ministre de l'Economie, Bruno LE MAIRE. C'est une sacrée victoire.
SALHIA BRAKHLIA
Mais il y a les particuliers aussi.
THOMAS CAZENAVE
Oui, mais attendez, je vais revenir sur les particuliers, mais je voudrais quand même qu'on s'arrête un instant, parce qu'on va vite d'un sujet à l'autre. Est-ce que ce n'est pas une sacrée avancée en matière de lutte contre l'évasion fiscale ? La réponse est oui. Et d'ailleurs, nous, on est prêts, avec Bruno LE MAIRE, à faire exactement la même chose pour les particuliers, notamment celles et ceux des plus riches, il faut bien le dire, qui peuvent passer d'un pays à l'autre et bénéficier de statut fiscal plus avantageux. Pourquoi est-ce qu'on ne ferait pas exactement le même système ? Nous, on est...
SALHIA BRAKHLIA
Un impôt minimum pour les milliardaires, qu'il a proposé au G20.
THOMAS CAZENAVE
Oui, bien sûr, bien sûr. Et moi je pense que voilà une proposition qui nous permettrait de lutter contre l'évasion fiscale. Et enfin, je le dis…
JEROME CHAPUIS
Ça c'est pour demain. C'est le genre de proposition qui met 15 ans à aboutir.
THOMAS CAZENAVE
Mais non, regardez, l'impôt minimum sur les…
SALHIA BRAKHLIA
Ça a mis 5 ans.
THOMAS CAZENAVE
Sur les entreprises, ça a mis 5 ans. On a été très vite. Et deuxième sujet, Gabriel ZUCMAN, qui est un économiste en pointe sur le sujet. Qu'est-ce qu'il nous dit sur l'évasion fiscale ? Où est ce que ça a beaucoup progressé ? C'est sur les échanges d'informations entre pays. On échange beaucoup plus d'informations, ce qui nous permet de recouvrer beaucoup plus. Donc on a fait beaucoup de progrès. Est-ce qu'il reste encore à travailler sur le sujet ? Oui, je l'ai dit sur les particuliers. Je crois que c'est là où on doit mettre l'accent, avec notamment les échanges d'informations entre pays. Et j'aurai l'occasion de l'évoquer au sein notamment de l'OCDE avec mes partenaires.
SALHIA BRAKHLIA
Thomas CAZENAVE, je vous ai posé la question tout à l'heure, mais vous ne m'avez pas répondu, du coup, je retente ma chance. Est-ce que vous allez augmenter les impôts pour faire, pour avoir plus de recettes pour l'année prochaine ?
THOMAS CAZENAVE
Mais non, mais notre toute notre stratégie depuis des années, elle aura été un, de baisser les impôts des entreprises. Pourquoi ? Pour réussir, qui est quand même un formidable succès, c'est baisser le chômage dans notre pays. On l'a ramené à 7,5%. Moi je voudrais qu'on reprenne toujours un peu de recul.
SALHIA BRAKHLIA
La logique, elle n'est pas aussi simple.
THOMAS CAZENAVE
Mais, pardon de le dire, la logique, comment vous attirez des entreprises sur notre territoire national ? Comment elles créent des emplois sur notre territoire national ? C'est parce qu'on est devenu plus compétitifs. On est le pays qui reçoit le plus d'investissements en Europe. On a créé 2 millions d'emplois, et ça, quand même, c'est notre stratégie. On ne va pas commencer à faire un tête-à-queue et dire : non, finalement, on va changer de stratégie alors même qu'elle est payante, en matière de lutte contre le chômage, elle est payante.
JEROME CHAPUIS
... à ce que demandent certains membres de la majorité, on pense au MoDem notamment.
THOMAS CAZENAVE
Mais non, mais il y a des sujets qui peuvent apparaître dans la discussion parlementaire sur tel ou tel point. Par exemple, moi je vais vous en donne un. On a constaté, d'ailleurs c'est Pierre MOSCOVICI qui dit : il y a eu…
JEROME CHAPUIS
Le président de la Cour des comptes.
THOMAS CAZENAVE
Pardon, le président de la Cour des comptes, sur les énergéticiens. Il y a eu trop de bénéfices de faits au moment du bouclier énergétique. On a créé une contribution, ce qu'on appelle une contribution sur les bénéfices exceptionnels des énergéticiens. Elle n'a pas beaucoup rapporté. Si les parlementaires souhaitent qu'on revoie le dispositif pour récupérer plus d'argent sur la…
JEROME CHAPUIS
Ça c'est à la marge.
THOMAS CAZENAVE
Non, ça peut être très important. Et moi, avec Bruno LE MAIRE, on l'a redit aux parlementaires, on est prêts à y travailler, parce que c'est une chose de défendre l'activité économique, défendre la création d'emplois. C'en est une autre de constater qu'il y a des rentes dans notre pays. Et quand il y a des rentes, je suis désolé, on peut les taxer.
SALHIA BRAKHLIA
Sauf que vous dites, donc, pas de hausses d'impôts. Mais sur les baisses, le gouverneur de la Banque de France, François VILLEROY de GALHAU, il était à votre place la semaine dernière et il n'est pas d'accord. Ecoutez.
FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU
Avant d'envisager de monter les impôts, la sagesse, ce serait de ne pas les baisser. Parce qu'on nous parle de nouvelles baisses d'impôts. Chaque fois, évidemment, les contribuables préféreraient que l'on baisse les impôts, mais dans la situation où on est, je pense que la stabilité fiscale, déjà, ni baisse, ni hausse, pour commencer, ce serait une idée assez neuve en France.
SALHIA BRAKHLIA
A quoi il fait référence ? Aux baisses d'impôts de production pour les entreprises que vous avez prévues dans les années à venir. Il fait référence aussi aux 2 milliards de baisses d'impôt sur le revenu, promises aux classes moyennes dès 2025. Ça, vous êtes prêt à y renoncer pour rétablir les comptes publics ?
THOMAS CAZENAVE
On a un objectif qui a été rappelé par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, on a un problème avec le pouvoir d'achat, notamment des classes moyennes, autour du SMIC. Quand le Premier ministre dit " je veux désmicardiser ", et donc on a une réflexion sur les cotisations sociales, sur la prime d'activité, on consacre plusieurs milliards d'euros, et sur l'impôt sur le revenu, et donc l'objectif de redonner du pouvoir d'achat à celles et ceux qui travaillent et qui ont l'impression de ne pas s'en sortir parfois, avec leur niveau de rémunération, ça reste un sujet sur lequel nous travaillons, et cet engagement-là il sera tenu.
JEROME CHAPUIS
Il y a une question de méthode, vous l'avez bien dit, vous prenez les sujets les uns après les autres, est-ce que pour 2024 il y aura, oui ou non, un projet de loi rectificatif ?
THOMAS CAZENAVE
Aujourd'hui, on a fait notre part l'Etat, je le dis, on l'a fait tout de suite, on a fait 10 milliards d'euros d'économies…
JEROME CHAPUIS
Sans passer devant le Parlement.
THOMAS CAZENAVE
Oui, bien sûr, parce que c'est tout à fait possible, c'est notre responsabilité. Vous savez, on peut s'adapter en temps réel, le gouvernement, et d'ailleurs ne pas le faire serait extrêmement coupable, donc on verra dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, aujourd'hui moi je considère que l'Etat a fait sa part du chemin, il faut aussi maintenant qu'on discute avec les collectivités territoriales, dont les dépenses progressent beaucoup, il faut bien le dire…
SALHIA BRAKHLIA
Ça veut dire quoi, parce que depuis tout à l'heure vous parlez des collectivités territoriales, en fait vous leur reprochez quoi, elles reçoivent trop de dotations publiques et donc il va falloir se serrer la ceinture aussi ?
THOMAS CAZENAVE
Non, je ne leur reproche rien…
SALHIA BRAKHLIA
Mais vous leur dites quoi, c'est quoi le message ?
THOMAS CAZENAVE
Je suis moi-même élu local à Bordeaux, je ne leur reproche rien, je dis juste, quand vous avez une nouvelle donne, je le redis, sur le plan international, quand même, il se passe…
JEROME CHAPUIS
On a entendu la nouvelle donne, mais sur la question des…
THOMAS CAZENAVE
Mais oui, mais c'est très…
JEROME CHAPUIS
…sur la question des collectivités locales ?
THOMAS CAZENAVE
Il faut que tout le monde l'entende, y compris les élus locaux, et on va voir, avec Bruno LE MAIRE, toutes les associations des collectivités en disant…
JEROME CHAPUIS
Vous allez leur demander des efforts.
SALHIA BRAKHLIA
En disant quoi ?
THOMAS CAZENAVE
Quelles conséquences vous tirez, avec nous, de ce ralentissement économique, est-ce qu'on peut ensemble ralentir la dépense, où et comment ? mais ça me semble légitime comme débat, on n'est pas tout seul sur les finances publiques, il n'y a pas que l'Etat, et donc ce travail-là on doit le faire avec elles.
JEROME CHAPUIS
Et on a bien compris ce matin, Thomas CAZENAVE, le débat ne fait que commencer, ça vous donnera l'occasion de revenir, ministre délégué aux Comptes publics, vous étiez notre invité sur France Info.
THOMAS CAZENAVE
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 mars 2024