Texte intégral
JOURNALISTE
Il est presque 7h45, on parle des agriculteurs ce matin, avec l'invitée du 6/9, Alice.
ALICE MAROT
Oui, les agriculteurs qui doivent s'adapter aux nouvelles réglementations sur les produits phytosanitaires, les pesticides par exemple. Alors, il y a notamment les betteraviers et les endiviers dans la région. La ministre nordiste déléguée auprès du ministre de l'Agriculture vient dans le Pas-de-Calais aujourd'hui pour les rencontrer, pour les rassurer aussi. Elle est avec nous ce matin. Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Alice MAROT.
ALICE MAROT
Vous venez dans le Pas-de-Calais tout à l'heure pour parler de cette stratégie du Gouvernement autour du phytosanitaire. Le plan c'est de réduire de moitié l'usage des pesticides d'ici 2030, donc dans six ans seulement. Comment on fait pour faire ça, concrètement ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Notre objectif est de conjuguer haut niveau d'exigence environnementale et souveraineté agricole. Rien ne serait pire que de s'empêcher de produire en France pour importer des produits qui finalement seraient… comment dire, seraient produits avec des pesticides à l'étranger et donc avec un vrai impact environnemental à l'étranger. Alors comment fait-on ? Eh bien, à la fois on est très intransigeant avec les phytosanitaires qui ont un impact sur la santé et sur la biodiversité, parce qu'on voit que ça peut se communiquer dans les nappes phréatiques donc c'est l'eau qu'on boit, et puis c'est la santé des agriculteurs. Et en même temps…
ALICE MAROT
On a beaucoup parlé des néonicotinoïdes, par exemple.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Les néonicotinoïdes, c'est surtout pour les insectes pollinisateurs. Vous savez qu'on a une diminution de 40% des insectes depuis 30 ans. Et donc l'enjeu, c'est de faire en sorte de maintenir cette biodiversité. Parce que cette biodiversité, c'est celle qui fait aussi que les récoltes, on peut les faire et qu'on peut avoir de la pollinisation et donc des cultures. Mais parallèlement, il faut proposer des solutions aux agriculteurs. Et ces solutions, ce sont des solutions d'innovation, des pratiques agronomiques différentes. Et nous investissons massivement 250 millions d'euros par an pour accompagner les agriculteurs. Et dans cette période intermédiaire, il faut prendre des décisions. Et c'est ce que je vais faire sur la betterave. Cette année, avec l'hiver doux, nous avons un très haut risque de multiplication des pucerons et donc de jaunisse pour la betterave. La betterave, c'est le sucre. On ne va pas importer plus de sucre sans prendre en main complètement ce risque. Donc notre objectif, c'est de donner des solutions aux agriculteurs…
ALICE MAROT
Alors, c'est quoi ces solutions… que pour les betteraviers par exemple, si on se concentre sur ce secteur-là ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Pour les betteraviers, je vous annonce que j'ai décidé d'accorder aux betteraviers les dérogations nécessaires pour protéger leurs cultures après analyse de mes services. Cela signifie très concrètement que cette année, les betteraviers pourront désormais faire jusqu'à cinq passages de Movento. Movento c'est un phytosanitaire.
ALICE MAROT
Au lieu de combien ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Il est aujourd'hui... Aujourd'hui, on fait deux passages ; ils pourront en faire d'abord trois. Et si le puceron est toujours présent, deux supplémentaires. C'est une pratique que nous avons mis au point avec la filière des betteraviers pour pouvoir se protéger des pucerons cette année. Et c'est très important pour les Hauts-de-France. Vous savez que je suis attachée à cette région. Et nous devons leur proposer des solutions.
ALICE MAROT
Si l'usage de ces pesticides est limité, c'est aussi parce qu'ils ont un impact sur les sols, sur la biodiversité dont on parlait il y a un instant. Passer de 2 à 5 passages, est-ce que ce n'est pas faire un compromis sur la santé publique ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, pas du tout. Parce que, encore une fois, les phytosanitaires sont interdits lorsqu'ils ont un impact avéré sur la santé publique. C'est toute la politique que nous avons menée ces dernières années pour analyser phytosanitaires - pas phytosanitaires, ceux qui ont un impact avéré et l'utilisation de ces phytosanitaires qui ont un impact avéré sur la santé publique a diminué de 96%. Et ça, je crois que ça montre l'effort des agriculteurs pour s'engager dans une pratique plus écologique. En parallèle, nous avons des phytosanitaires dont nous ne connaissons pas exactement la portée du risque, c'est-à-dire qu'on n'a pas démontré l'impact sur la santé, mais nous sommes en vigilance. Et nous nous disons que si nous avons des alternatives dont on est sûr qu'elles n'ont pas d'impact sur la santé, c'est mieux d'utiliser ces alternatives. Mais ce n'est pas pour ça qu'on a la preuve que ce que nous utilisons a un impact sur la santé. C'est la deuxième catégorie.
ALICE MAROT
Il vaut mieux se préparer.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement. Et se préparer, c'est anticiper les solutions, notamment ce qu'on appelle les solutions de biocontrôle. C'est par exemple des insectes prédateurs, ces pucerons que l'on lâche sur les récoltes. Mais cela prend du temps. Ces solutions ne sont pas immédiates aujourd'hui.
JOURNALISTE
France Bleu Nord, il est 7h49. Notre invitée ce matin, Agnès PANNIER-RUNACHER, la ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.
ALICE MAROT
Agnès PANNIER-RUNACHER, il y a aussi dans la région, les endiviers qui s'inquiètent beaucoup de l'interdiction à venir d'un pesticide qu'ils utilisent beaucoup, qui s'appelle le Benfluraline. Ça inquiète aussi les producteurs de chicorée. Qu'est-ce que vous répondez à leurs inquiétudes ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors d'abord, vous connaissez mon attachement aux chicons. Les Hauts-de-France, c'est 95% de la production d'endive mondiale. Nous sommes le leader mondial en matière de production d'endives et c'est un produit qui est à la fois accessible, que l'on retrouve sur toutes les tables jusqu'aux plus grands restaurants. Donc c'est une véritable fierté pour la Lensoise que je suis. Là, la solution, elle n'est pas immédiate. D'abord, pour la récolte 2024, le produit que vous mentionnez pourra être utilisé. Et nous nous préparons à proposer des solutions, nous travaillons avec les endiviers pour trouver, là aussi, des alternatives. Une première réunion aura lieu aujourd'hui, réunion technique. On va passer en revue les phytosanitaires qu'utilisent nos voisins européens pour voir si on peut les appliquer et les reconnaître par ce qu'on appelle une reconnaissance mutuelle, de façon à apporter des solutions pour 2025.
ALICE MAROT
On travaille sur des alternatives pour réduire donc cet usage de pesticides. Les alternatives, elles seront certainement peut-être un peu moins efficaces que les pesticides très violents qu'on a utilisés pendant des années. Ça veut dire que le travail des agriculteurs va devoir changer, ils vont devoir peut-être passer plus de temps à désherber ou à réduire la taille de leurs parcelles pour ça. On va les aider financièrement ? Les surcoûts seront pris en charge ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous savez que les pertes de rendement suite à des invasions, par exemple, de pucerons, nous les prenons en charge en partie. Mais ce n'est pas une solution satisfaisante. La solution satisfaisante, c'est effectivement de trouver ces alternatives. Ces alternatives, elles peuvent conduire, in fine, à une diminution des coûts pour les agriculteurs puisqu'ils vont utiliser moins de produits, que ces produits sont coûteux. Mais c'est cette transition qui prend du temps, et c'est des équipements qu'ils doivent s'acheter, qui sont coûteux. Donc oui, évidemment, nous avons aussi des soutiens pour acheter, par exemple, des machines qui font du désherbage mécanique. La difficulté que nous avons, c'est que nous n'avons pas tout de suite les solutions de remplacement, et que nous avons un temps intermédiaire de tâtonnement, on va dire, d'innovation, de recherche que nous faisons avec les agriculteurs dans des fermes tests pour pouvoir trouver les meilleures solutions qui ont le meilleur rapport qualité-prix. L'enjeu, c'est qu'ils puissent vivre de leur travail et que les consommateurs ne voient pas les prix s'envoler, tout en protégeant notre environnement. Notre environnement, c'est la qualité de l'eau qu'on boit, la qualité de notre alimentation et évidemment la qualité des terres, la biodiversité. Et c'est cet ensemble d'objectifs que nous recherchons. Donc les agriculteurs, moi, je veux leur témoigner mon soutien. Ils sont très résilients, on sait la contribution qu'ils ont à notre alimentation. L'alimentation française, elle est saine, elle est sécure, sans doute bien plus que dans beaucoup d'autres pays, mais il faut continuer à travailler pour faire en sorte de réduire ces phytosanitaires.
ALICE MAROT
Et trouver des alternatives, c'est pour ça que vous vous rendez tout à l'heure dans le Béthunois. Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Merci d'avoir été avec nous ce matin. Bonne journée !
AGNES PANNIER-RUNACHER
Merci à vous. Bonne journée !
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 avril 2024