Interview de Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités, à RTL le 8 avril 2024 sur les mesures annoncées par le Premier ministre pour faciliter l'accès aux soins des médecins et la présentation en Conseil des ministres du projet de loi sur la fin de vie et l'aide active à mourir.

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Média : RTL

Texte intégral

YVES CALVI
Bonjour Catherine VAUTRIN.

CATHERINE VAUTRIN
Bonjour Yves CALVI.

YVES CALVI
Vous êtes notre ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités. C'est d'abord à la responsable de notre santé que je m'adresse ce matin. Gabriel ATTAL a annoncé ce week-end toute une série de mesures pour faciliter l'accès aux soins des médecins par les Français. En particulier, cette fameuse taxe lapin, en l'occurrence, le fait de payer pour les rendez-vous n'étant pas annulés moins de 24h avant. Vous pensez cette mesure vraiment efficace ?

CATHERINE VAUTRIN
Mais vous savez, le sujet est très clair, d'un côté, on nous parle de déserts médicaux, de difficultés potentielles d'accès aux soins, et de l'autre côté, 27 millions de rendez-vous ne sont pas honorés chaque année. En d'autres termes, des gens prennent rendez-vous, et ne vont pas à leurs rendez-vous, c'est du temps perdu, du gaspillage et du manque de respect pour les médecins, donc quelque part, responsabiliser, je prends rendez-vous, j'y vais, je peux avoir un empêchement, je m'excuse, je ne me suis pas excusé, j'ai à payer 5 euros ; c'est une somme qui peut sembler forte pour certains, insuffisante pour d'autres, en tout cas, la santé n'est pas gratuite, et c'est logique que quand je prends un rendez-vous, je l'honore.

YVES CALVI
Alors, on comprend parfaitement ce que vous venez de nous décrire, mais j'ai envie de vous dire, comment ça se passe, le patient laissera son empreinte de carte bleue en prenant rendez-vous sur la plateforme par exemple ?

CATHERINE VAUTRIN
Tout à fait. C'est aussi simple que ça. On le fait pour d'autres choses dans notre pays aujourd'hui. Et l'argent est collecté par le médecin, c'est d'ailleurs… si ça n'a pas été fait sur la plateforme, c'est le médecin qui, à ce moment-là, peut le collecter, et c'est aussi le médecin qui est capable de juger, parce que la personne peut avoir au dernier moment un empêchement, mais l'idée, c'est vraiment de dire : je ne peux pas 24h avant, je téléphone, et je m'excuse.

YVES CALVI
Il ne vous a pas échappée qu'il y a encore plein de médecins qui ne sont pas sur les plateformes.

CATHERINE VAUTRIN
Oui, mais dans ces cas-là, de nombreux médecins ont des secrétariats qui appellent pour confirmer les rendez-vous, la personne a confirmé son rendez-vous, à ce moment-là, le médecin pourra toujours lui redemander 5 euros quand il le reverra.

YVES CALVI
Donc c'est le médecin qui dira si oui ou non il prélève le patient…

CATHERINE VAUTRIN
C'est le médecin qui dira s'il prélève le patient…

YVES CALVI
On comprend très bien l'idée. On comprend aussi, j'ai envie de vous dire à la fois la morale et tout simplement…

CATHERINE VAUTRIN
Le respect…

YVES CALVI
L'éducation, je vais vous dire…

CATHERINE VAUTRIN
Oui, bien sûr.

YVES CALVI
Mais, est-ce que ce n'est quand même pas une usine à gaz ? Et comment on la fait tourner l'usine à gaz…

CATHERINE VAUTRIN
Mais vous savez, on a un certain nombre de nos concitoyens qui malheureusement ne respectent pas d'autre chose que cette notion de participer. Moi je veux rappeler une chose importante aujourd'hui qui est que la santé a un coût, et que, d'autre part, le temps médical mérite d'être préservé pour toutes celles et ceux qui ont besoin d'être soignés. En d'autres termes, respecter son rendez-vous et l'honorer, c'est normal. Si certains doivent être quelque part obligés de payer, parce qu'ils ne se sont pas excusés. C'est dommage d'en arriver-là, mais je crois que cela procède de la nécessité de responsabiliser chacun.

YVES CALVI
Alors, autre piste annoncée par Gabriel ATTAL ce week end. Le fait de ne plus avoir besoin de passer par un médecin généraliste pour aller chez le kiné ou chez un spécialiste. Là encore, les généralistes ne sont pas contents. Ils expliquent que ça va encore prolonger les délais d'attente pour les rendez-vous chez les spécialistes cardiologues, dermatologues, etc. Qu'est-ce que vous leur répondez ?

CATHERINE VAUTRIN
C'est une expérimentation. Vous avez vu que le Premier ministre a demandé qu'on fasse une expérimentation dans 12 départements, dans 12 régions de l'hexagone et d'un département, Outre-Mer. Donc l'idée, là encore, c'est de voir comment on peut gagner du temps médical. Notre sujet, pour être très claire, nous payons quoi ? Nous payons ce qui s'est passé depuis des années, c'est-à-dire qu'on limitait la formation du nombre de médecins. Aujourd'hui, il ne vous a pas échappé que de nombreux médecins partent en retraite et que celles et ceux qui sont formés ont besoin de 10 ans pour être formés. Et j'insiste sur un point, qui est qu'évidemment la qualité de la formation reste la même. A partir de là, on sait que nous avons encore deux années très tendues, et c'est la raison pour laquelle le Premier ministre a annoncé plusieurs mesures qui ont pour objectif de garder du temps médecin.

YVES CALVI
Dans quelles régions ça va se jouer tout ça ?

CATHERINE VAUTRIN
Le premier ministre nous a demandés de les déterminer, donc ça n'est pas encore fait, mais c'est dans…

YVES CALVI
Quand le saura-t-on ?

CATHERINE VAUTRIN
Dans quels départements, puisque c'est une par région. Et après, à nous de regarder dans chacun des départements. On va le faire dans les semaines qui viennent avec mon ministre délégué, Frédéric VALLETOUX…

YVES CALVI
Pardonnez-moi, dans les semaines qui viennent, c'est très vague. Est ce qu'on peut avoir une date un peu plus précise, parce que je pense que tout le monde se sent concerné ?

CATHERINE VAUTRIN
Non, mais, nous sommes en train de travailler sur le sujet, donc cela va venir dans les meilleurs délais. Je n'ai pas de date à vous donner ce matin…

YVES CALVI
Avant l'été ?

CATHERINE VAUTRIN
Au moins pour la rentrée.

YVES CALVI
Au moins pour la rentrée. Vous souhaitez également que les pharmaciens prescrivent eux-mêmes les antibiotiques pour des angines bactérienne ou des cystites dans leur officine après un simple test, ils sont compétents pour le faire ?

CATHERINE VAUTRIN
Ça, c'est une accélération. C'était déjà dans le projet de loi de finances pour 2024. C'est ce qu'on appelle les TROD, c'est-à-dire que vous arrivez chez votre pharmacien, il fait un test pour vérifier que cette infection bactérienne résiste ou pas aux antibiotiques, et à ce moment-là, vous délivrera des antibiotiques.

YVES CALVI
Mais ma question était : sont-ils compétents pour le faire ? Et est-ce qu'on va faire son analyse d'urine derrière le comptoir, si vous voyez ce que je veux dire ?

CATHERINE VAUTRIN
Ils sont formés, ils ont des pièces pour le faire. Je pense que les pharmaciens ont montré, notamment pendant toute la période Covid, combien ils avaient une capacité à faire un certain nombre d'actes. Regardez tout ce qu'ils ont fait en matière de vaccination par exemple.

YVES CALVI
Bon, là aussi, c'est le problème des médecins qui nous manquent aujourd'hui.

CATHERINE VAUTRIN
C'est clairement un engagement très fort. Vous l'avez vu, nous avions 8.150 places en deuxième année de médecine en 2017. En 2023, on en a 10.700. Donc vous voyez, le gouvernement est en marche pour augmenter la formation des médecins. Maintenant, former un médecin, ça prend 10 ans, et c'est tout notre sujet.

YVES CALVI
Alors, l'actualité de la semaine, Madame la Ministre, c'est aussi évidemment la présentation mercredi en Conseil des ministres du projet de loi sur la fin de vie et l'aide active à mourir. Vous accompagnez ce texte de plusieurs annonces sur les soins palliatifs. Aujourd'hui, 20 départements ne disposent toujours d'aucun service dédié. Et ça fait des années et des années que les gouvernements successifs s'y engagent sans résultat. On est d'accord, ce manque est scandaleux ?

CATHERINE VAUTRIN
Bien sûr, ce manque est dramatique puisque, un Français sur deux aujourd'hui ne peut pas bénéficier de services de soins palliatifs. Donc c'est extrêmement important. Et de la même manière, nous avons un sujet pour les enfants, puisque, un enfant sur trois est pris en charge. D'où ce plan de soins palliatifs extrêmement volontaire, qui repose sur trois idées. La première idée, c'est le développement d'une prise en charge adaptée avec une augmentation du nombre de places pour être très concrète, aussi bien à l'hôpital, aussi bien…

YVES CALVI
Combien ?

CATHERINE VAUTRIN
Alors, en fait, l'idée, c'est de passer de 166 à 190 services d'unités de soins palliatifs. C'est plus 300 lits pour être tout à fait précise, avec un point très important, qui est qu'on sait que d'ici 2035, on aura une augmentation qui sera une augmentation, en fait, de 16 %, du besoin de lits en soins palliatifs. Mais l'idée, c'est de rattraper le retard et d'anticiper les besoins à venir.

YVES CALVI
Quels seront les départements prioritaires ?

CATHERINE VAUTRIN
Alors, les premiers départements qui vont être équipés sont ceux qui ne le sont pas aujourd'hui. Je vous donne un exemple. Il y a quinze jours, j'ai annoncé un équipement en Corrèze pour prendre cet exemple, puisqu'il est logique de commencer par les 20 départements qui aujourd'hui ne sont pas encore équipés.

YVES CALVI
Alors, je sais qu'on en demande toujours plus, mais plus d'un milliard sur 10 ans, ça ne représente que 100 millions par an. Est-ce que c'est suffisant à vos yeux ?

CATHERINE VAUTRIN
Alors, c'est tout à fait important, et c'est d'autant plus important que nous avons travaillé sur trois idées. Premièrement, le nombre de places. On vient d'en parler. Autour de cet équipement, nous mettons en place également des maisons spécifiques, les maisons d'accompagnement qui auront pour objectif d'accompagner les personnes qui ne relèvent plus forcément de l'hôpital, mais qui ne peuvent pas rentrer à la maison tout simplement, parce qu'ils sont seuls ou parce que la maison n'est pas organisée pour qu'ils puissent revenir à la maison. Donc ça, c'est complètement nouveau, mis en place. Deuxième élément dans ce texte de loi très important, c'est la reconnaissance des aidants, parce que le rapport que nous avons fait faire au professeur CHAUVIN démontre bien qu'il y a un besoin de places, mais également un besoin d'accompagnement. C'est le bien-être du patient que nous essayons de mettre en place, du soin palliatif, mais de l'accompagnement et notamment de la présence. Le troisième point très important, notre pays n'était pas organisé en matière de soins palliatifs. Il n'y avait pas de formation, pas de filière universitaire. Nous créons cette filière universitaire. Ce sont des professeurs d'université, des chefs de clinique, des assistants, chefs de clinique. Cela veut donc dire que les étudiants dans leur formation médicale, auront une formation aux soins palliatifs, et donc au continuum de la douleur.

YVES CALVI
Ce qui veut dire aussi que ça va prendre du temps. La loi sur l'aide active à mourir sera votée donc l'an prochain. Les services de soins palliatifs vont mettre plusieurs années à voir le jour, on l'a compris. Mais est-ce qu'on ne prend pas le problème à l'envers ?

CATHERINE VAUTRIN
Non, parce qu'on commence précisément par mettre en place plus de soins palliatifs, tout simplement parce que, dans le texte de loi, nous proposons à une personne qui souhaite bénéficier de l'aide active à mourir de pouvoir bénéficier de soins palliatifs. Encore faut-il qu'il y ait des soins palliatifs. C'est la raison pour laquelle, dès cette année, nous nous engageons à avancer sur les soins palliatifs. Donc, quand la loi sera définitivement votée, il y aura eu déjà une amélioration de l'accès aux soins palliatifs dans notre pays.

YVES CALVI
On va devenir un pays normal ? Vous comprenez ma question…

CATHERINE VAUTRIN
Je ne sais pas quelle est votre définition d'un pays normal.

YVES CALVI
C'est-à-dire qui prend soin tout simplement de ses patients, et aussi de ceux qui approchent de leur mort.

CATHERINE VAUTRIN
Alors le système de santé français prend soin évidemment des Français, et heureusement, ça reste un élément extrêmement important. S'occuper des personnes en fin de vie, quel que soit leur âge, puisqu'il ne faut pas oublier que quand on parle de fin de vie, on parle de pathologies, donc de gens qui peuvent être à tout âge de la vie. Il est indispensable que la société s'occupe d'eux, les écoute. Le sens de ce texte, c'est le patient, rien que le patient, tout le patient.

YVES CALVI
Autre sujet polémique, en quelques mots, s'il vous plaît, augmenter le nombre de jours de carence pour les salariés du privé. La piste est-elle vraiment sérieuse ? C'est une nouvelle source d'économies au détriment du salarié, on dit parfois…

CATHERINE VAUTRIN
Très concrètement, les indemnités journalières, c'est plus de 10 milliards d'euros dans notre pays. Qu'on regarde la façon dont cela fonctionne et les pistes d'économies…

YVES CALVI
C'est normal ?…

CATHERINE VAUTRIN
Comme tout dispositif public, il n'y a pas de bonne politique publique qui ne soit évaluée.

YVES CALVI
Merci Catherine VAUTRIN, ministre de la Santé, du Travail et des Solidarités.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 avril 2024