Déclaration de Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée, chargée des outre-mer, sur le projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, au Sénat le 2 avril 2024.

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Circonstance : Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi constitutionnelle modifié au Sénat

Texte intégral


M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote, par scrutin public solennel, sur le projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (projet n° 291, rapport n° 441).

Mes chers collègues, je vous rappelle que ce scrutin s'effectuera depuis les terminaux de vote. Je vous invite donc à vous assurer que vous disposez bien de votre carte de vote et à vérifier que celle-ci fonctionne correctement en l'insérant dans votre terminal de vote. En cas de difficulté, les huissiers sont à votre disposition.

(…)

La parole est à Mme la ministre déléguée. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d'excuser l'absence aujourd'hui du ministre de l'intérieur et des outre-mer Gérald Darmanin, qui est retenu à l'étranger pour défendre les intérêts de la France. Son absence ne saurait remettre en cause son engagement sur le dossier calédonien, qui s'est traduit par de nombreux déplacements en Nouvelle-Calédonie et sa présence dans cet hémicycle tout au long des débats sur ce texte.

Vous venez d'adopter le projet de loi constitutionnelle relatif aux élections provinciales en Nouvelle-Calédonie, que le Gouvernement a souhaité vous soumettre quelques semaines après le vote du projet de loi organique prévoyant le report de ces élections.

Depuis la révision constitutionnelle de 2007, seules les personnes qui étaient inscrites sur les listes électorales au moment de l'accord de Nouméa de 1998 ont le droit de voter aux élections provinciales. La volonté du Gouvernement était alors d'instaurer un gel transitoire : Dominique de Villepin avait lui-même précisé devant le Congrès réuni à Versailles qu'il ne vaudrait que pour les élections provinciales de 2009 et de 2014. Il en a été autrement.

Or ce gel du corps électoral, qui ne concernait que 8 338 électeurs en 1999, soit 7,5 % de l'électorat, concerne dorénavant près de 42 000 personnes. Ainsi, un électeur sur cinq est actuellement exclu du corps électoral. Cela n'est conforme ni aux principes essentiels de la démocratie ni aux valeurs de la République. Le Gouvernement s'est donc engagé à corriger cette distorsion devenue contraire à la Constitution, comme l'ont rappelé les sénateurs Médevielle et Guiol.

Alors que les indépendantistes étaient opposés au dégel du corps électoral, les non-indépendantistes proposaient de retenir des durées de résidence comprises entre trois et cinq ans pour intégrer le corps électoral. Après avoir échangé avec les différentes parties, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a suggéré de retenir une période de dix ans, ce qui lui semblait un compromis acceptable par tous. Tel est l'objet du projet de loi que vous venez d'adopter.

Compte tenu des échanges qui ont eu lieu lors de l'examen du texte la semaine dernière, je pense pouvoir dire que ce compromis a reçu l'assentiment de cet hémicycle.

Pour autant, comme l'a souligné le ministre la semaine dernière, l'adoption en séance publique de trois amendements de la commission des lois est susceptible de déstabiliser le processus engagé. En effet, les habilitations à légiférer par ordonnances que le Gouvernement demandait pour organiser le scrutin de 2024 d'un point de vue pratique et pour déclencher un éventuel second report, dans le cas où un accord politique global sur l'avenir du territoire serait conclu d'ici au scrutin, ont été supprimées.

J'insiste sur le fait que le texte du Gouvernement a toujours ménagé la possibilité qu'un accord soit conclu après le 1er juillet. Je remercie le sénateur Bitz de l'avoir rappelé.

L'article 1er du projet de loi prévoyait que le Gouvernement puisse fixer les nouvelles modalités d'organisation du scrutin par décret : révision de la liste électorale, inscription d'office de certains électeurs facilement identifiables et détermination des motifs légitimes d'absence du territoire durant le délai de dix ans prévu par le projet de loi.

D'un point de vue calendaire, il faut compter un délai incompressible de quatorze semaines entre l'entrée en vigueur des textes d'application et le scrutin : quatre semaines pour que les électeurs puissent déposer leur demande d'inscription volontaire et pour mettre à jour la liste électorale générale, support de la liste électorale provinciale ; huit semaines pour réviser la liste électorale, compte tenu des délais de recours ; et quinze jours avant la date du scrutin, pour arrêter définitivement la liste électorale.

Par conséquent, l'ensemble des textes législatifs et réglementaires – y compris le décret d'application qui fixera le détail de la procédure – doit être publié avant le 1er septembre pour que le scrutin ait lieu avant la date limite du 15 décembre.

Le texte que vous venez d'adopter prévoit de passer par une loi organique d'application. Compte tenu du délai d'un mois nécessaire à la consultation du congrès de Nouvelle-Calédonie et du temps d'examen du décret d'application par le Conseil d'État, cette loi devrait être promulguée avant le 1er août. C'est pourquoi le ministre de l'intérieur et des outre-mer a jugé douteuse l'adoption d'une telle loi organique dans un délai aussi serré, quand bien même elle serait d'ordre purement technique.

Nous avons bien noté les propos du rapporteur Philippe Bas, qui s'engage à ce que le Sénat fasse preuve de diligence – nous l'en remercions –, de même que ceux du sénateur Bonnecarrère quant à la responsabilité du Sénat. Je forme le vœu que ces propos soient également entendus dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

L'article 2 du projet de loi prévoyait que le Gouvernement puisse suspendre l'organisation du scrutin de 2024 en cas de conclusion d'un accord global et reporter de nouveau les élections jusqu'au 30 novembre 2025 au plus tard.

Une telle habilitation ne figure plus dans le texte qui a été adopté, lequel prévoit l'examen d'un projet de loi organique dans des délais exceptionnellement raccourcis. De plus, tel qu'il est actuellement rédigé, le projet de loi constitutionnelle prévoit que le dépôt du projet de loi organique suffit dorénavant à interrompre le processus électoral. Cela signifie qu'une décision de l'exécutif pourrait reporter l'élection alors même que la représentation nationale n'en aurait pas décidé ainsi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il était de la responsabilité du Gouvernement de vous alerter de nouveau sur les conséquences qu'emportent les mécanismes nouvellement introduits dans le texte que vous venez de voter. (Mme Sophie Primas s'exclame.) Ces derniers nous posent problème à plusieurs égards.

Ce sera une gageure pour le Conseil d'État et le congrès de Nouvelle-Calédonie de respecter les délais qui ont été fixés. Ce le sera également pour le Parlement, qui s'impose un calendrier extrêmement serré, même si, après vous avoir entendus, le Gouvernement lui fait toute confiance pour relever ce défi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.


Source https://www.senat.fr, le 12 avril 2024