Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur la Guyane, la menace terroriste et le conflit en Ukraine, à Cayenne le 25 mars 2024.

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Circonstance : Déplacement en Guyane les 25 et 26 mars 2024

Texte intégral

Emmanuel MACRON
Bonjour. Comment allez-vous ? Je suis à vous.

Journaliste
Emmanuel MACRON, vous venez ici en Guyane sept ans après votre premier déplacement. Quel sens vous donnez à ce déplacement quant aux idées des problématiques ici ? On le rappelle, la sécurité, également la vie chère, le trafic de stupéfiants, des problématiques qui persistent et des attentes à la fois des élus, mais également de la population.

Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. Alors, d'abord, c'est, je crois, le sixième ou septième voyage que je fais ici. Je suis venu à chaque étape de ma vie professionnelle en Guyane avec toujours le même bonheur, et c'est la deuxième fois comme président de la République. Je viens, en effet, après ce voyage de l'automne 2017 qui s'était déroulé dans un contexte très différent, on s'en souvient, après une crise très forte au printemps qui avait précédé les élections présidentielles.

D'abord, je regarde les engagements qui avaient été pris et que j'avais endossé. Ils ont été à quasi-totalité tenus. Certains sont encore en train de se décliner, je pense à la prison ou quelques investissements de long terme, mais en sept ans, des moyens supplémentaires à peu près dans tous les domaines ont été octroyés aux territoires, des investissements massifs ont été décidés et des actions qui, d'ailleurs avaient été convenus, ont été engagées. Vous parliez des problématiques qui demeurent, et j'en suis pleinement conscient. C'est ce que nous verrons avec les élus, l'ensemble de la population aussi présente sur la sécurité par exemple. Dès maintenant, nous allons commencer avec les ministres sur les dispositifs que nous avons mis en place, dans quelque temps sur le 100% contrôles qui a permis de réduire drastiquement, justement, le trafic de stupéfiants. Ce qui est très cohérent aussi avec ce que nous avons décidé sur le sol guyanais en termes de lutte contre les stupéfiants et les trafics par les moyens supplémentaires que j'évoquais. J'aurai l'occasion cet après-midi, aussi, en matière de sécurité, de revenir sur l'opération Harpie qui a été, vous le savez, très douloureuse pour nous tous, puisque nous y avons perdu plusieurs de nos militaires ces dernières années, mais qui est aussi marquée par son efficacité dans la lutte contre l'orpaillage illégal et les trafiquants. C'est l'un des sens de ce voyage, c'est donner un nouvel élan à Harpie et de bâtir, aussi, de nouvelles coopérations avec nos partenaires brésiliens. C'est le sens d'une partie de ce que je ferai dans la foulée, en proposant aux élus guyanais de m'accompagner et pour bâtir justement une stratégie commune.

Ensuite, l'objectif pour moi de ce voyage : c'est de revenir, aussi, sur ce qui n'avance pas assez vite à mes yeux. Je partage l'impatience de la population. On a pu avancer collectivement sur l'agriculture, mais il y a encore des filières où la dépendance alimentaire et agricole demeure : le secteur de la volaille, du bœuf, de la tomate, et où il n'a pas de fatalité. On a commencé à transférer les terres vers la Safer, mais on voit bien qu'il y a toute une problématique de filières à bâtir — nous y reviendrons. Et je veux qu'on prenne des décisions rapides, je les annoncerai tout à l'heure. La pêche est aussi un domaine important pour l'économie guyanaise, l'activité. Et là-dessus, je reviendrai tout à l'heure sur les dispositifs qui à mes yeux n'ont que trop tardé puisque les procédures et les normes ont été beaucoup trop lentes. Ces derniers jours ont permis de débloquer des choses qui sont attendues par nos pêcheurs, j'y reviendrai dans quelques heures, mais c'est pour moi l'occasion des annonces, aussi, de la journée. Et puis il y a la question aussi de la valorisation de ce domaine qui est unique, en pleine terre amazonienne, et donc lutter contre l'orpaillage illégal, donner un cadre pour qu'il y ait une activité aurifère responsable, pérenne, permettre l'activité agro-forestière responsable, pérenne, permettre une exploitation durable de notre forêt sont autant d'enjeux sur lesquels il nous faut aujourd'hui bâtir un nouveau cap, et on va décider à la fois de nouveaux investissements et d'une stratégie en commun. Et puis il y a la question institutionnelle, on y reviendra ce soir autour d'un dîner de travail. Il y a eu beaucoup de travail qui a été fait par les élus. J'ai moi-même décidé d'une mission pour instruire ces sujets et on y reviendra pour que, justement, ces évolutions potentielles puissent être au service des attentes de la population. Et donc, je viens six ans et demi après mon premier voyage comme Président, pour à la fois constater ce qui a été fait, les engagements qui ont été tenus, mais voir aussi que nous avons d'immenses défis. Et que pour moi, sur les questions en particulier économiques, que j'évoquais, les questions d'avenir sur notre forêt, mais aussi les questions de santé, nous avons encore beaucoup de choses à faire et à acter et j'y reviendrai tout au long de cette journée de demain. Demain, on sera au centre spatial pour avancer sur une filière d'excellence et donner là aussi des nouvelles perspectives. Voilà, c'est avec beaucoup de bonheur que je suis ici aujourd'hui, retrouvant une terre que je connais bien et que j'aime, pour, avec lucidité, regarder ce qui va et ce qui ne va pas et essayer de bâtir avec les membres du Gouvernement qui m'accompagnent et l'ensemble des services de l'État et des élus, des solutions responsables dans la durée pour bâtir l'avenir de la Guyane. Et dans la foulée, je poursuivrai un déplacement régional, donc, au Brésil. J'ai invité les principaux élus à m'y accompagner, ce que je crois très profondément et je le fais partout à travers le monde pour nos Outre-mer, que les stratégies de développement se bâtissent aussi dans des approches régionales. Et donc ce que nous ferons cet après-midi sur la forêt, nous essayons de le poursuivre avec nos partenaires brésiliens demain, ce que nous faisons sur les grandes filières économiques, nous inviterons les Brésiliens à y coopérer.

Journaliste
Le plan Vigipirate a été relevé hier. Alors, avez-vous des informations nouvelles sur des menaces directes de l'EI visant spécifiquement la France ? Ou est-ce avant tout une mesure de précaution à 4 mois des Jeux olympiques ? Et sur le même sujet, après l'attentat perpétré à Moscou vendredi, quelles sont vos craintes concernant les conséquences que ça pourrait avoir pour l'Ukraine, alors que Moscou pointe directement du doigt ce pays ?

Emmanuel MACRON
Je veux d'abord ici redire notre soutien, notre solidarité à l'égard du peuple russe et avoir une pensée pour toutes les victimes, leurs familles et pour tous les blessés. La Russie a été touchée par une attaque terroriste islamiste, malheureusement que nous avons connue ces dernières années. Et nous savons combien ceci blesse un pays en profondeur et une nation. Et je redis ici toute notre solidarité. Cet attentat a été revendiqué par l'État islamique et les informations dont nous disposons, dont nos services disposent comme nos principaux partenaires, indiquent en effet que c'est une entité de l'État islamique qui a fomenté cet attentat et l'a mis à exécution.

Sur ce sujet, une décision qui a été prise hier en Conseil de défense - que j'ai tenu, donc, avant de quitter l'Hexagone - a été simple. C'est de prendre acte des décisions dont nous disposons, de voir aussi que ce groupe particulier, qui est impliqué, semble-t-il, dans cet attentat, avait conduit ces derniers mois plusieurs tentatives sur notre propre sol et donc, compte tenu de ses ramifications et de ses intentions, par mesure de précaution, mais avec des éléments crédibles et solides, de décider de hausser la posture de Vigipirate. Vous vous souvenez que nous l'avions réduite en début d'année. Elle avait été elle-même haussée après les attentats d'Arras. Donc c'est une mesure qui est cohérente compte tenu de la revendication de cet attentat et du fait que ce groupe a plusieurs fois tenté de toucher le sol français. Je pense qu'en la matière, nous avons proposé aux services russes, comme à nos partenaires de la région, une coopération accrue. Notre souhait est évidemment que l'on puisse retrouver le plus rapidement possible les coupables et que nous continuons de lutter efficacement contre ces groupes qui se projettent dans plusieurs pays. On le voit bien, la Russie, il y a quelques mois, en Turquie, ils ont tenté la France un peu avant et je pense qu'en la matière, il faut se garder de toute instrumentalisation ou déformation, mais être exigeant et efficace. C'est dans cet esprit-là que nous avancerons et j'espère que la Russie fera de même et il faut se garder de toute instrumentalisation. Il y a par ailleurs une guerre d'agression que nous avons condamnée, à laquelle nous sommes, vous le savez, profondément opposés, qui nous a conduit à prendre des sanctions contre la Russie, à soutenir l'Ukraine. Et je pense que ce serait à la fois cynique et contre-productif pour la Russie elle-même et la sécurité de ses ressortissants d'utiliser ce contexte pour essayer de le retourner contre l'Ukraine.

Journaliste
Monsieur le Président, vous avez toujours dit que si nécessaire, vous parleriez à Vladimir POUTINE en temps utile. Est-ce que cette actualité vous fait dire que c'est le moment de renouer, vous, les échanges avec le président russe ?

Emmanuel MACRON
Dans un premier temps, en tout cas, les contacts ont été pris à tous les niveaux techniques et ministériels pour pouvoir proposer notre coopération, compte tenu des informations dont nos services disposent et des éléments qui peuvent être utiles aux Russes. Ça se fera à ce niveau dans un premier temps, nous verrons l'évolution du contexte et si les jours ou semaines qui viennent le justifient.

Journaliste
Bien.

Emmanuel MACRON
Merci beaucoup.

Journaliste
Merci.