Texte intégral
MARIE PORTOLANO
Il est 07h41, sur Télématin, " Les 4V ". Ce matin, Jean-Baptiste, vous recevez Marie GUEVENOUX, la ministre déléguée chargée des Outre-mer.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Bonjour Marie GUEVENOUX.
MARIE GUEVENOUX
Bonjour Jean-Baptiste MARTEAU.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Merci d'être avec nous dans " Les 4V " sur France 2. Vous venez donc nous parler d'abord de la sécurité à Mayotte, ce matin. Un premier volet de l'opération Wuambushu avait été lancé il y a un an, en avril 2023, pour lutter contre l'immigration illégale irrégulière, la délinquance, l'habitat illégal également à Mayotte. A priori, depuis quelques minutes, en tout cas dans les heures qui viennent, une deuxième opération devrait être lancée, est-ce que vous nous le confirmez ce matin ?
MARIE GUEVENOUX
Tout à fait. Depuis ce matin, dès l'aube à Mayotte, deux opérations, une de police et une de gendarmerie, a lieu sur le terrain, dans deux points différents de l'île, pour à la fois lutter contre l'habitat insalubre, pour trouver les chefs de bandes et pour lutter contre l'immigration clandestine.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Alors, elle a commencé, puisqu'effectivement certaines personnes sur place nous disaient qu'il n'y avait peut-être pas assez de forces de sécurité justement pour assurer le début de cette opération.
MARIE GUEVENOUX
Non, cette opération, elle a commencé ce matin, comme je vous le disais. Ce matin, il y a 400 policiers et gendarmes sur le terrain, sur les deux points que je vous ai indiqués, et pendant l'ensemble de l'opération, qui va durer onze semaines, c'est-à-dire jusqu'à fin juin, il y a 1 700 effectifs de police et de gendarmerie et aussi de militaires, qui seront concentrés à Mayotte sur cette opération Mayotte Place Nette.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Donc, Place Nette, c'est le nom effectivement de cette opération, qui reprend aussi ce qui avait été lancé dans d'autres villes Place Nette XXL. Pourquoi reprendre ce terme ? C'est montrer effectivement l'objectif que vous voulez atteindre ?
MARIE GUEVENOUX
D'abord, il faut montrer que Mayotte, c'est la République. Je pense que c'est ça le premier message. Et puis le deuxième message, c'est que sur des opérations Place Nette, ça porte bien son nom. C'est dire qu'on vise. On vise des publics extrêmement ciblés. On a déterminé 60 objectifs prioritaires, c'est-à-dire les 60 individus les plus dangereux, se livrant aux trafics les plus graves, qui sont visés par cette opération Place Nette. Et puis Place Nette, cela veut dire aussi la destruction de l'habitat insalubre, des bidonvilles, pour être très clair, au nombre de 1 300, qui sont visés par cette opération, donc 1 300 habitats qui vont être détruits.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Alors, quelles sont les principales différences justement avec cette opération Wuambushu de l'année dernière ? Est-ce que vous avez des objectifs assez différents ?
MARIE GUEVENOUX
Oui, les objectifs, au fond sont les mêmes, c'est-à-dire lutte contre l'immigration clandestine, lutte contre les chefs de bandes, lutte contre l'habitat insalubre. Mais on a tiré des enseignements très précis de l'opération de l'année dernière et donc on arrive à cibler beaucoup plus précisément. Quand je vous disais qu'on vise 60 chefs de bande, je pense que d'abord ce sera un minimum, mais on a surtout fait en sorte d'avoir une espèce de fiche d'identité de chacun de ces profils. Ça veut dire que les gendarmes et les policiers, quand ils vont intervenir sur place ce matin et dans les onze semaines qui viennent, ils ont vraiment des fiches avec des individus ciblés, qu'ils recherchent en particulier.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Et comme lors de la première opération l'année dernière, effectivement, l'Etat joue la transparence, vous avez même des chiffres très précis, vous nous dites des chefs de bande qui ont été identifiés, mais le résultat l'année dernière avait été plutôt limité. Est-ce que vous espérez plus de résultats et comment vous pourriez avoir plus de résultats cette année ?
MARIE GUEVENOUX
Je ne sais pas si on peut dire que les résultats avaient été limités l'année dernière. Ce qui est vrai, c'est que l'opération avait été interrompue parce qu'il y avait eu les émeutes en Hexagone qui avaient obligé nos troupes à repartir, nos forces de l'ordre à repartir en Hexagone prêter renforts. Mais on avait eu l'année dernière 700 Bangas détruits et un certain nombre d'autres éléments ciblés, type 60 aussi individus qui avaient été arrêtés. Cette année, ce que l'on veut faire, c'est 60 chefs de bande, encore une fois très précisément ciblés, arrêtés et 1 300 Bangas démantelés, c'est à dire deux fois plus que l'opération de l'année dernière.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Ça, c'est pour la sécurité, Marie GUEVENOUX. Les premières opérations avaient été compliquées d'un point de vue de l'immigration illégale, par le refus des Comores notamment, d'accueillir ses ressortissants qui étaient expulsés de Mayotte. La France avait dû faire pression en menaçant notamment de suspendre les aides au développement qu'elle verse aux Comores. Est-ce que le dialogue s'est amélioré avec les Comores ? Est-ce que ça pourrait mieux se passer cette fois ci ?
MARIE GUEVENOUX
On a un dialogue exigeant avec les Comores. Moi, j'observe que depuis quatre ans, on a réussi à faire en sorte d'expulser sur l'ensemble des pays d'origine, il ne s'agit pas que des Comores, 110 000 étrangers en situation irrégulière, c'est-à-dire…
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Depuis Mayotte.
MARIE GUEVENOUX
Depuis Mayotte, c'est-à-dire un tiers de la population mahoraise qui ont été expulsés sur les quatre dernières années. Peut-être dire que l'Opération Place Nette aujourd'hui, elle est aussi renforcée par un dispositif visant à renforcer notre lutte contre l'immigration. Un, un avion civil qui survolera l'ensemble du territoire pour justement s'assurer des mouvements de bateaux qui peuvent entourer l'île…
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Pendant toute cette opération.
MARIE GUEVENOUX
Pendant cette opération. Deuxième point un bâtiment hauturier, qui sera placé sur le canal du Mozambique et qui coupera la voie migratoire vers les pays des Grands Lacs, qui comme vous le savez, sont venus récemment à Mayotte et ont provoqué un certain nombre de troubles. Trois, des vedettes, deux vedettes militaires, et je remercie le concours du ministère des Armées pour cette opération, deux vedettes qui procéderont à des interpellations en mer. Et enfin, des brigades terrestres, donc des mouvements de troupes terrestres, visant à aller sur les points de bitchage, des points d'accostage pour lutter contre l'immigration clandestine.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Marie GUEVENOUX, la question de Mayotte avait remis sur le devant de la scène la question du droit du sol. Gérald DARMANIN, sur place, en février dernier, avait annoncé que le chef de l'Etat notamment, voulait réviser la Constitution d'ici l'été pour supprimer le droit du sol dans ce département ultramarin pour, je cite, qu'il ne soit plus possible de devenir Français si l'on n'est pas soi-même enfant de parents français. Est-ce que ce projet est toujours à l'ordre du jour ?
MARIE GUEVENOUX
Ce projet est toujours à l'ordre du jour. En deux mois, je me suis rendue trois fois à Mayotte, et la dernière fois notamment pour rencontrer les élus, donc la semaine dernière, ou il y a dix jours exactement, pour rencontrer les élus et faire en sorte justement d'avancer sur ce projet de loi. Ce projet de loi il dit quoi ? Aujourd'hui, quand vous naissez à Mayotte, y compris si vous êtes de parents étrangers en situation irrégulière, vous pouvez acquérir la nationalité française à partir de 13 ans. Et à partir de là, vos parents, votre famille peut bénéficier de titres de séjour liés à leur vie familiale.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Ça c'est ce qui a été décidé en 2008.
MARIE GUEVENOUX
Oui, c'est…
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Maintenant, vous voulez le restreindre encore un peu plus.
MARIE GUEVENOUX
On veut faire en sorte que ce mécanisme que je viens de vous décrire, ne soit plus possible. Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, sur les 13 600 titres de séjour délivrés par an à Mayotte, il y en a 85% qui sont du fait du mécanisme que je viens de vous décrire, donc de la vie familiale, du fait d'être un parent d'un enfant français. Et donc nous, ce que nous voulons, c'est couper cette attractivité du titre de séjour et de la nationalité à Mayotte.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Mais faut-il effectivement réviser la Constitution, ou peut-être comme le propose le député de la majorité, Guillaume VUILLETET, de restreindre de manière temporaire ce droit du sol ? Ce serait une loi de l'Assemblée nationale qui le suspend, on va dire, ce droit du sol pour quelques mois ou quelques années ?
MARIE GUEVENOUX
J'ai lu la tribune de Guillaume VUILLETET, elle comporte beaucoup de choses qui sont exactes et que je partage. En revanche, sur l'abrogation du droit du sol, ce que considère le gouvernement, c'est qu'il faut un signal très clair et très ferme envoyé aux pays de la zone. Et au fond, ce que nous proposons, c'est bien une abrogation du droit du sol par la loi, par la réforme de la loi constitutionnelle, de façon à ce que cette loi, elle soit pérenne dans le temps. Le risque d'un débat constitutionnel, c'est que la droite et l'extrême droite voudraient, veulent aller plus loin, notamment restreindre le droit du sol ou le supprimer même pour l'ensemble du territoire français, et pas seulement à Mayotte. Vous êtes prêts au débat ?
MARIE GUEVENOUX
Je sais que les oppositions vont vouloir instrumentaliser le débat de Mayotte. Moi, ce que je dis et ce que dit le gouvernement, c'est que Mayotte vit une crise exceptionnelle, et que face à cette crise exceptionnelle, nous sommes prêts à donner des moyens exceptionnels et à utiliser des moyens exceptionnels qui sont l'abrogation du droit du sol. En revanche, on ne veut pas que Mayotte soit instrumentalisée par ceux qui veulent le droit du sol partout, comme le Rassemblement national ou par ceux qui veulent le droit du sol nulle part, comme la NUPES.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
La sécurité ou l'immigration illégale ne sont pas les seuls problèmes auxquels Mayotte doit faire face, l'Agence régionale de santé de Mayotte a publié un bulletin sur l'évolution du choléra sur l'île, et Mayotte compte désormais dix cas identifiés depuis le début de l'épidémie. Est-ce que c'est inquiétant ?
MARIE GUEVENOUX
Alors, évidemment, c'est une situation épidémique que nous suivons tous les jours. La réalité, c'est qu'elle a commencé au large des Comores et qu'on a vu les cas venir à Mayotte. Ils sont aujourd'hui très clairement identifiés, isolés. Les cas, les personnes qui ont été au contact sont vaccinées. Et donc cette chaîne-là, elle est vraiment bien prise en charge par les ARS et bien suivie.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Il n'y a pas de risque effectivement d'épidémie qui semble incontrôlée à Mayotte dans les semaines et les mois qui viennent.
MARIE GUEVENOUX
Il y a toujours un risque. Le risque il est extrêmement limité dans le sens où l'ensemble des services de l'Etat suivent l'ensemble des cas, et pour l'instant, rien n'a échappé à leur contrôle.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Marie GUEVENOUX, ministre déléguée chargée des Outre-mer, était l'invitée des " 4V ", et nous a annoncé ce matin le lancement de cette Opération Place Nette à Mayotte, depuis les premières heures du jour. C'est ce que vous nous disiez tout à l'heure. Merci Marie GUEVENOUX, bonne journée.
MARIE GUEVENOUX
Merci Jean-Baptiste MARTEAU
source : Service d'information du Gouvernement, le 17 avril 2024