Texte intégral
Q - Bonjour Monsieur le Ministre.
R - Bonjour.
Q - Merci d'être de retour parmi nous...
R - Merci à vous.
Q - ... puisque vous étiez ici il y a un an avec une autre casquette, celle du numérique à l'époque. Désormais, vous êtes en charge de l'Europe. Vous connaissez le principe : vous allez être interrogé par trois journalistes de nos régions que je vous présente tout de suite. Ce ne sont pas les mêmes que la dernière fois. Luc Bourrianne est avec nous cette semaine, rédacteur en chef à "La Nouvelle République", à Tours, qui représente ici le centre Val de Loire et la nouvelle Aquitaine. Bonjour Luc.
Q - Bonjour Marie, bonjour Monsieur Barrot.
R - Bonjour.
Q - Renaud Parquet, également avec nous cette semaine, rédacteur en chef à "20 minutes TV" qui représente l'île-de-France.
Q - Bonjour Marie, Bonjour Monsieur le Ministre.
R - Bonjour.
Q - Votre région, Arnaud Delomel, qui représente un peu toutes les régions de France puisqu'il est rédacteur en chef à "Réel Media", média de proximité et de solidarité.
Q - Bonjour Marie, Bonjour Monsieur le Ministre.
R - Bonjour.
Q - Bonjour Arnaud. Avant d'entrer dans le vif du sujet, toujours un petit questionnaire qui, je suppose, ne sera pas le même que la dernière fois non plus. Et c'est Luc Bourrianne qui commence.
Q - Allez, réponse du tac au tac : figure européenne, même historique, préférée pour vous ?
R - Je vais dire Edi Rama, parce que c'est le Premier ministre Albanais qui est reçu aujourd'hui en France, qui est à la tête de son pays depuis 10 ans, et qu'il l'a accompagné dans sa marche vers la démocratie et vers l'Union européenne. C'est une figure européenne que j'estime et que je respecte énormément.
Q - L'Albanie à l'honneur.
R - L'Albanie à l'honneur aujourd'hui à Paris.
Q - Spécialiste d'ailleurs aussi de tout ce qui est numérique et passeports biométriques, etc.
R - Moi-même ?
Q - non, ce pays-là.
R - Ce pays-là oui, mais Edi Rama, c'est quand même un parcours assez particulier, puisqu'il a fait l'Ecole des Beaux-Arts de Tirana, il a étudié à Paris, il s'est engagé en politique et il est désormais considéré, dans cette enclave européenne que sont les Balkans de l'Ouest comme l'un des dirigeants les plus inspirants, entraînant cette région vers la démocratie.
Q - À suivre. Deuxième question, Renaud Parquet.
Q - Quel est votre livre de chevet ?
R - Mon livre de chevet, c'est le livre de Robert Menasse, qui est un auteur européen parce qu'il voyage beaucoup, et qui a commencé une trilogie, fictives, mais dont le socle repose sur les institutions européennes. Et donc le deuxième opus de cette trilogie s'appelle "L'élargissement", et raconte précisément l'histoire de ce Premier ministre fictif albanais, qui essaye d'emmener son pays, etc., qui est en bisbille avec la France, parce que la France s'oppose à l'entrée de l'Albanie dans l'Union européenne. Et c'est autour de cette histoire politique fictive, en tout cas romancée, que l'auteur nous emmène en Autriche, à Bruxelles, à Varsovie, et nous fait voyager dans l'Europe et dans ce qu'elle a en réalité de commun, quelles que soient les capitales dans lesquels on se rend. Au-delà des différences, il y a un certain nombre de choses qui nous rappellent, une fois qu'on prête attention aux détails, que nous sommes en quelque sorte un peuple avec un destin commun.
Q - Vous connaissez l'Albanie ?
R - Pas encore.
Q - Ah ! Allez, Arnaud, dernière question.
Q - Dernière question, une loi emblématique, mise à part la loi pour la confiance dans l'économie numérique que vous aviez citée lors de votre dernière venue sur ce plateau ?
R - Eh bien, le règlement sur les services numériques, c'est une loi européenne qui, pour la première fois, impose aux grandes plateformes de réseaux sociaux des responsabilités, celles de retirer les contenus illicites qui leur sont signalés, mais celles aussi d'analyser et de corriger certains risques que leur fonctionnement fait peser sur la santé de leurs utilisateurs, sur la qualité du débat public ou encore sur la sécurité publique. C'est une avancée majeure, elle a été acquise pendant que la France présidait l'Union européenne en 2022, et...
Q - Mais avec quels effets ? Quand on voit Elon Musk sur X et quand on voit...
R - Eh bien précisément, elle vient d'entrer en vigueur...
Q - Ah pardon.
R - ... en Europe. Et d'ailleurs, la France vient d'adopter cette loi sur la sécurité et la régulation de l'espace numérique, qui va permettre à cette loi européenne de s'appliquer dans notre pays, qui va conduire les grandes plateformes à prendre des mesures, sans quoi elles s'exposeront à des amendes extrêmement lourdes, voire même jusqu'au bannissement de l'Union européenne.
Q - Et je termine par ma question rituelle sur la région de prédilection. Il y a un an, vous parliez de l'Auvergne-Rhône-Alpes et également de l'île-de-France. Question subsidiaire : quel est votre pays européen de prédilection ?
R - Eh bien la France !
Q - À part la France ?
R - À part la France...
Q - Albanie ?
R - Non, je vais parler de l'Allemagne, évidemment. Parce que nous entretenons avec ce grand pays voisin des relations qui sont à la fois très anciennes, qui sont très étroites et qui sont quotidiennes. Et chaque fois que se pose une question au niveau européen, pour ma part, j'établis un contact avec mon homologue allemande pour qu'on échange sur nos positions. Parce que du fait de la taille de nos deux grands pays, difficile d'imaginer une décision importante pour l'Union européenne sans que nous ayons auparavant accordé nos violons ensemble.
Q - Avec des bras de fer de temps en temps, quand même !
R - Evidemment ! Mais parce qu'on n'a pas spontanément les mêmes avis sur les questions. Mais c'est lorsque nous nous accordons, lorsque nous trouvons un compromis entre la France et l'Allemagne, que nous entraînons l'Europe vers des chemins qu'elle n'a jamais empruntés.
Q - C'était une réponse un peu politique, pas très personnelle. Vous allez souvent en vacances en Allemagne ?
R - Ça m'est arrivé, notamment quand j'étais jeune...
Q - C'est votre pays de de vacances préféré ? Je vais au bout de ma question, c'est votre pays européen préféré. Je parlais de votre pays de coeur...
R - Vous savez, j'ai une épouse qui est méridionale, donc c'est vers le Sud que nous orientons nos vacances.
Q - Ah, l'Italie plutôt !
R - Par exemple.
Q - D'accord. Allez, on passe à la question cash, c'est Luc qui vous la pose.
Q - Quand on est comme vous, donc ministre délégué chargé de l'Europe, qu'on est à quelques semaines d'une élection européenne, on est forcément un ministre en campagne ?
R - On est un ministre en responsabilité. Vous savez que la législature, c'est-à-dire le mandat actuel, n'est pas terminé. Nous avons, dans deux semaines, une dernière plénière au Parlement européen de Strasbourg, et en parallèle des élections européennes qui vont se tenir le 9 juin. Les chefs d'Etat et de gouvernement et leurs ministres négocient un document capital, qu'on appelle l'Agenda stratégique, qui sera endossé, qui sera signé par les 27 chefs d'Etat et de gouvernement fin juin, et qui va fixer le programme de travail de la Commission européenne. Alors certes, je suis un militant, un militant européen, un militant de la majorité présidentielle. Et donc je consacre dans cette période électorale du temps à des activités militants. Mais je reste en parallèle pleinement mobilisé pour que la fin de ce mandat se passe au mieux et pour que le début du prochain soit bien engagé.
Q - Ça doit être juste difficile à justifier justement, ça, et à attirer les foules, quand le Rassemblement national culmine dans les sondages et s'effraie d'ailleurs, et a peur que la cotisation française auprès de l'Europe augmente dans les prochaines années. C'est difficile à justifier, non ?
R - Je crois qu'il suffit de rappeler que nous entrons dans une époque de tous les dangers. Le mois de mars a été marqué par un nouveau record de température sur la terre et sur les mers. Et nous avons, dans le Pas-de Calais, des inondations à répétition qui plongent nos concitoyens dans le désarroi. Dans les Pyrénées-Orientales, une sécheresse inédite qui, elle aussi, résulte du dérèglement climatique. Nous avons, aux portes de l'Europe, une guerre d'une brutalité telle qu'on n'en avait pas connu sans doute depuis la Première Guerre mondiale, et la nécessité pour l'Europe d'assurer sa sécurité et la préservation, à terme, de la démocratie. Nous avons aussi des grands enjeux économiques, au moment où d'autres grandes régions du monde se dotent avec l'intelligence artificielle, le quantique, les biotechnologies, de tous les moyens pour être à la frontière, ce qui fait planer le risque d'un décrochage technologique de l'Europe. Tous ces sujets, la planète, la sécurité, la prospérité sont des sujets que nous ne pourrons résoudre qu'au niveau européen. Je crois que c'est cela qu'il faut rappeler.
Q - Donc plus de pédagogie pour expliquer l'usage et l'utilisation de l'Europe et la force. "L'Union fait la force".
R - Plus de pédagogie pour rappeler que le 9 juin, les électeurs français ont le moyen, au travers du vote, d'exprimer leur choix sur ce que seront les orientations...
Q - Avec un impact concret sur leur vie quotidienne.
R - Avec un impact très concret sur leur vie quotidienne.
Q - En lien avec cette guerre qui est à nos portes, que vous évoquiez, le Président l'évoque beaucoup, cette économie de guerre. Emmanuel Macron était à Bergerac, en Dordogne, ce jeudi, pour mettre la première pierre d'une usine de poudre pour les obus. Est-ce que tout cela est compatible ? On a Europe, industrialisation, écologie... C'est un combo assez curieux...
R - Non, je crois que c'est la matérialisation de quelque chose que le Président de la République a dit quand, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, en 2017, il a prononcé son grand discours sur l'Europe. Il a parlé à l'époque d'un concept qui a provoqué quelques sourires crispés chez nos partenaires européens à l'époque, mais qui, depuis, à la faveur des grandes crises que nous avons traversées, celle de la Covid et puis la guerre d'agression russe en Ukraine, est devenu un concept très largement partagé, un concept entré dans le langage commun : c'est la notion de souveraineté européenne. Souveraineté européenne, ça veut dire que nous pouvons produire en Europe ce dont nous avons absolument besoin. Nous avions oublié cette idée-là, mais...
Q - Excusez-moi, c'est un contre-pied à l'idée originelle de la construction européenne, qui était plutôt dans la coopération. Là, en disant ça...
R - C'est la coopération à l'intérieur de l'Union européenne. Mais l'idée de pouvoir, comme nos concitoyens nous le demandent, être en capacité, notamment dans les périodes de crise, de pouvoir produire des masques, de pouvoir produire des vaccins ou de pouvoir produire des munitions. Cette idée que la puissance publique pourrait décider de certaines filières dans lesquelles des dépendances sont inacceptables et qu'il faudrait les résorber, c'était totalement absent du débat européen, et c'est désormais...
Q - C'était les opposants à l'Europe, c'était Jean-Pierre Chevènement, c'était...
R - Au niveau national.
Q - ... qui partageait ces notions de souveraineté.
R - De souveraineté nationale. La différence majeure, c'est que nous parlons de souveraineté européenne, c'est-à-dire de pouvoir, entre nous, parce que nous entretenons des liens de coopération étroits, garantir les conditions de notre autonomie. Vous citez Bergerac ; oui, première pierre d'une usine qui va permettre la production de poudre pour les munitions, pour la première fois depuis bien longtemps, dans notre pays. J'étais moi-même en Isère, tout près de Roussillon-sur-Isère où, pour la première fois, nous allons à nouveau, grâce à des financements européens, produire du paracétamol dans notre pays. Dans les deux cas, nous répondons à une attente très forte.
Q - Ça c'est pour soigner.
R - C'est pour soigner.
Q - L'autre c'est pour tuer.
R - C'est pour, en tout cas, soutenir la résistance ukrainienne face à l'envahisseur russe. Parce que les Ukrainiens résistent dans le territoire de l'Ukraine, ils ne sont pas partis à la conquête de la Russie, ils ne sont pas les agresseurs, ils sont les agressés. Dans les deux cas, nous nous donnons les moyens, au travers d'une forme de réindustrialisation, de produire ce que nous avions cessé de savoir produire sur le sol européen.
Q - Et pourquoi on attend aussi longtemps à chaque fois ?
Q - Et à qui la faute aussi, cette désindustrialisation française ?
Q - Voilà, pourquoi on attend si longtemps à chaque fois avant de prendre conscience, bah oui, quand il y a une pénurie de médicaments avec, à une époque, 3.000 médicaments qui manquaient sur le marché, avec effectivement le paracétamol qu'on doit reproduire en France. Là aujourd'hui ce sont les munitions. Pourquoi est-ce qu'on prend si longtemps à avoir un déclic et se dire "bah oui, on est dépendant d'autres pays, il faut aussi qu'on ait peut-être une certaine souveraineté en matière d'armement, en matière de médicaments, etc." ?
R - D'abord, il arrive que l'Europe bouge rapidement. Ça a été le cas pour les vaccins puisque, en moins d'un an, nous avons démultiplié notre capacité à produire ces vaccins et à protéger les citoyens européens. Sur d'autres sujets, ça prend plus de temps. Parce que oui, il y avait, dans l'ADN européen, l'idée que nous étions un continent très ouvert, dont la vocation était de commercer avec le reste du monde. Et cet ADN reste présent. Mais ce que les grandes crises ont manifesté et qui était déjà présent, trois ans auparavant, dans le discours du Président de la République à la Sorbonne, c'est qu'il y a certaines productions que nous ne pouvons abandonner à d'autres régions, sans quoi, dans ces périodes de crise, nous nous retrouvons démunis et nous provoquons chez nos concitoyens une incompréhension, voire une exaspération. Et il fallait que cette idée-là, elle soit partagée par nos partenaires. Désormais elle l'est. Il faut quand même rappeler que la souveraineté européenne, ce concept mis dans le débat public par Emmanuel Macron dans son discours de la Sorbonne, figure désormais dans le contrat de coalition allemande. Les Allemands se sont appropriés ce concept.
Q - Est-ce qu'on a vraiment besoin de l'Europe pour faire du paracétamol ?
R - Bien sûr qu'on a besoin de l'Europe pour faire de l'intelligence artificielle, pour faire de la santé et pour faire de l'industrie de défense.
Q - C'est ça qui est étrange parce que le paracétamol, on en faisait et ce n'est pas une molécule très compliquée à produire. Pourquoi a-t-on besoin de l'Europe ?
R - On a besoin de l'Europe pour des grands projets en matière de santé, en matière d'armement, en matière de numérique, parce que seule la taille continentale, seule la force de notre marché, de 450 millions de citoyens et de consommateurs, est en capacité de soutenir des projets industriels d'ampleur. Ce qui est apparu ces dernières années comme une conséquence de ce concept de souveraineté européenne partagé, ce sont des projets d'investissement commun rassemblant les plus grands acteurs dans le domaine des microprocesseurs, dans le domaine des batteries, dans le domaine du cloud par exemple, de la France, de l'Allemagne, de l'Italie et d'autres pays, qui se mettent ensemble et qui sollicitent ensuite, des fonds européens sur le fondement de grands projets partagés.
Q - Ça existe en dehors de l'Europe, ça. Si vous prenez par exemple le Concorde, ça, ça existait en dehors de l'Europe. Ce sont des choses, des partenariats qui existent.
R - Oui, mais les partenariats, ça n'est pas nouveau en Europe. On a eu le partenariat sur Airbus, mais on avait un peu renoncé à cette logique de politique industrielle. Mais on renoue avec cette idée-là et c'est heureux. Et c'est très largement sous impulsion française.
Q - Est-ce que vous croyez à l'armée européenne, alors, justement ?
R - Je crois d'abord à la capacité industrielle européenne. Ce dont nous avons besoin, c'est d'augmenter notre capacité de production en Europe d'équipements et de munitions. Nous avons besoin que cette base industrielle de défense soit plus réactive, qu'elle soit capable de monter en puissance, puis de baisser lorsque la situation le permet. Et enfin, et c'est sans doute le plus important, il faut que nos armées puissent se doter d'équipements achetés en Europe qui soient interopérables, parce qu'avant même de parler de grande armée européenne, de commandement unique, etc.... Ça existe dans certains cas précis. C'est le cas aujourd'hui. Vous avez des forces européennes qui, en mer Rouge par exemple, assurent la sécurité du trafic commercial. Mais avant de parler de ces grandes idées d'armée européenne, encore faut-il que les armées européennes soient interopérables. Aujourd'hui, il y a 17 hélicoptères différents utilisés par les armées européennes. C'est impossible de se projeter ensemble sur des terrains d'opération quand on a des équipements qui ne discutent pas ensemble, qui ne fonctionnent pas ensemble. Donc l'objectif c'est d'avoir une capacité à produire en Europe et que nos armées se servent au sein de cette base industrielle de défense.
Q - On est partis dans l'extra, extra local, et ici aussi il y a le "local" dans "Extra local". On va parler de l'Europe, des régions, de l'Europe en région. Voici notre nouvelle rubrique l'Europe vue d'ici et on continue.
(...)
Q - Jean-Noël Barrot, tout d'abord une réaction à l'un des sujets ? Lequel vous inspire pour une réaction ?
R - Le dernier.
Q - Le dernier ?
R - Et la satisfaction de voir autant de monde et des jeunes notamment mobilisés sur une cause noble qui est celle du nettoyage des plages et de la participation, je dirais citoyenne et civique, à l'effort collectif dans lequel nous devons nous engager pour la transition écologique et la protection de nos océans.
Q - Il y a eu aussi beaucoup de monde sur des barrages routiers il n'y a pas longtemps, ce sont des agriculteurs. Comment, alors qu'il y a la PAC, comment vous comprenez que l'Europe soit à ce point décriée, par exemple par le monde agricole, et pas qu'en France, dans l'Europe entière ?
R - Parce que nous avons mis sur pied un ensemble de lois européennes pour atteindre l'objectif de la neutralité carbone à l'horizon 2050. C'est une bonne chose. C'est ce qu'on appelle le pacte vert, et je me félicite du bilan de cette mandature, mais...
Q - Qui a laissé le glyphosate, qui est prolongé régulièrement, d'année en année...
R - Pour réussir la transition écologique, il y a une condition : c'est qu'elle soit considérée comme une transition juste, que le pacte vert soit considéré comme un pacte juste. Et de toute évidence, les agriculteurs ont ressenti, en contemplant un certain nombre d'obligations qui allaient s'imposer à eux, en contemplant aussi la complexité de l'accès aux aides de la PAC, qu'il y avait une forme d'injustice, qu'ils allaient porter une part trop importante du fardeau. Ils l'ont exprimé avec force, au travers de l'Union européenne, et je salue l'initiative prise par la Commission européenne de présenter, de mettre sur la table des mesures de simplification qui étaient attendues depuis longtemps, et qui répondent à un certain nombre des attentes de ces agriculteurs exprimés de longue date. C'est une très bonne chose et c'est un très bon signal, parce que cela signifie que la Commission, quand elle veut, elle peut. Et ces mesures de simplification qu'elle a proposées pour l'agriculture, eh bien cela signifie qu'on pourra les lui demander dans d'autres domaines.
Q - Souvent, à l'Europe, on reproche ses normes, c'est un peu le cas notamment pour les agriculteurs. Mais de façon très locale, les matériels, vous savez, de la ligne B du RER, vont être retardés jusqu'en 2027, tout simplement parce que la Commission européenne, en tout cas les normes européennes plus précisément, imposent un crash test entre les rames de RER qui vont être livrées et un camion. Or on sait très bien qu'il n'y a pas de croisements sur le RER. Donc on comprend bien aussi : d'un côté, ça accélère, mais de l'autre, ça freine quand même beaucoup. Ça veut dire qu'il n'y aura pas de matériel livré pour les usagers de la ligne B du RER dans les mois qui arrivent.
R - C'est un mauvais exemple puisque comme l'a rappelé le ministre des transports, des dérogations sont possibles sur ces crash tests, et nous sommes à la disposition de Valérie Pécresse pour l'accompagner si elle sollicite ces dérogations.
Q - Toujours sur l'agriculture et l'écologie, peut être quand même revenir, et je l'ai glissé rapidement, sur le glyphosate, mais donc rapidement. Parce qu'on parlait de pacte vert, mais il y a des mesures symboliques, comme le recul d'année en année, je le disais, de l'usage du glyphosate. Il y avait des promesses là-dessus et l'Europe continue d'autoriser l'usage du glyphosate.
R - Mais l'Europe avance pas à pas et avec des objectifs qui sont les plus ambitieux du monde, en imposant d'ailleurs à ses partenaires commerciaux de s'élever progressivement à ces niveaux de standard-là. Je le dis ensuite, nous sommes les tenants d'une écologie populaire, d'une écologie démocratique. Ce qui nous distingue de deux formes d'écologie alternative : celle des aquoibonistes, qui considèrent qu'il ne faut rien faire parce que les autres régions du monde ne font rien et qu'il faut s'appuyer sur le nucléaire et la science et y placer tous nos espoirs. Et puis de l'autre, il y a les jusqu'au boutistes qui considère qu'avec les taxes et les interdictions, il faut passer en force parce que la planète est plus importante que tout le reste. Entre ces deux voies, qui nous semblent sans issue, il y a celle de l'ambition et de l'accompagnement et de la justice. C'est cette écologie-là que nous défendons en France et au Parlement européen.
Q - Si on ne contraint pas les industriels, les gens continueront de ramasser longtemps des déchets. C'est là où l'Europe est attendue. Ce n'est pas sur l'accompagnement des gens en disant "c'est bien, ils ont ramassé des déchets".
R - Mais vous entendez bien tous les industriels dénoncer en Europe, c'est ce que disait votre confrère à l'instant, les règles extrêmement importantes qui se sont accumulées ces dernières années. Donc on ne va pas reprocher à l'Europe de produire insuffisamment de normes.
Q - C'est sûr. Allez, je vous propose pour terminer trois Une de notre presse quotidienne régionale, surreprésentée par "La Nouvelle République". Vous en choisissez une, Monsieur le Ministre. Sur les crues, "quels risques pour l'eau potable ?" Vous parliez des inondations tout à l'heure. "La Nouvelle République" également sur ce "Big bang des mobilités", notamment à Tours, mais on peut en parler plus généralement. Et "20 minutes" qui évoque le règne d'Anne Hidalgo à la tête de la capitale depuis 10 ans désormais. Laquelle choisissez-vous ? On fait un pas de côté, Monsieur le Ministre.
R - Je choisirais la question de l'eau potable, car il me semble que dans la période que nous vivons, où effectivement, cette ambition écologique de l'Union européenne est un peu battue en brèche, qu'elle est un petit peu critiquée, je veux rappeler à quel point j'ai été frappé, et nos concitoyens ont été frappés, lorsque l'été dernier, par exemple, certaines communes, certains villages se sont retrouvés sans eau courante. Nous appartenons à une génération qui s'engageait ou qui se préoccupait de l'écologie, considérant qu'elle travaillait pour la génération à venir. En réalité, les conséquences du dérèglement climatique sont gravissimes et touchent désormais notre génération. Ce qui est un appel à l'action, et dans les conditions que j'évoquais tout à l'heure, c'est-à-dire une forte ambition, mais toujours la justice, parce que sinon, les transitions, lorsqu'elles ne sont pas acceptables et ne sont pas acceptées conduisent à la colère, comme on l'a vu dans le monde agricole au travers de l'Europe, mais comme on l'a connu aussi il y a quelques années avec les gilets jaunes.
Q - Merci beaucoup, Jean-Noël Barrot. Vous serez là, à Paris, pour les Jeux olympiques ?
R - Evidemment, je vais même courir le marathon.
Q - Ah ! Eh bien on a une info. On va parler des Jeux olympiques justement. Je vous remercie de votre présence.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 avril 2024