Texte intégral
ALEXANDRE LE MER
85 % des EHPAD publics sont en déficit, ils sont dans le rouge. Les professionnels du secteur demandent d'urgence une aide financière de l'Etat, faute de quoi, assurent-ils, eh bien, des EHPAD mettront cette année la clé sous la porte.
JOURNALISTE
Et pour en parler, vous recevez, Alexandre Le MER, la ministre déléguée, Fadila KHATTABI, en charge des personnes âgées.
ALEXANDRE LE MER
Bonjour Fadila KHATTABI.
FADILA KHATTABI
Bonjour !
ALEXANDRE LE MER
85 % des EHPAD publics en déficit, on n'avait jamais vu ça. Ça veut dire la quasi-totalité des maisons de retraite publique dans le rouge. Vous allez répondre à leur appel à l'aide.
FADILA KHATTABI
Ecoutez, nous avons toujours été au rendez-vous. Effectivement, dès que j'ai pris mes fonctions, j'ai été alertée par certaines difficultés, des problématiques de déficits. Mais ce que j'aimerais, permettez-moi quand même de le dire, c'est que l'Etat a toujours été au rendez-vous. Depuis 2019, plus de 4 milliards. Nous sommes passés de 8,5 milliards à 12 milliards à destination des EHPAD. Donc je veux dire, l'Etat est présent. Et donc effectivement, ce qui est prévu dans le cadre de la suite budgétaire, c'est plus de 5 % pour les EHPAD publics, et 3 % pour les EHPAD privés.
ALEXANDRE LE MER
Vous augmentez de cet ordre le financement des EHPAD publics ?
FADILA KHATTABI
Oui, parce que…
ALEXANDRE LE MER
De 5 %.
FADILA KHATTABI
Voilà, de 5 %, en sachant qu'il y a 3 % donc pour tout le monde, et puis il y a 2 % supplémentaire pour les EHPAD publics, dans la mesure où cela comprend les mesures, vous savez, les astreintes de nuit, les revalorisations salariales pour, effectivement, les professionnels qui interviennent, donc ce qui fait que…
ALEXANDRE LE MER
Ce qui représente une enveloppe de quel montant ?
FADILA KHATTABI
Eh bien, de 650 millions d'Euros.
ALEXANDRE LE MER
650 millions d'Euros pour les EHPAD publics. Ce n'est pas la première enveloppe, effectivement, d'urgence j'entends, puisque l'été dernier déjà, le Gouvernement avait déjà débloqué 100 millions d'Euros. Visiblement, ça n'a pas suffi. On a l'impression que ce sont des pansements très éphémères qui se succèdent.
FADILA KHATTABI
Non, il y a eu effectivement un fonds d'urgence qui a été consommé au regard des difficultés que connaissent les EHPAD. Et aujourd'hui, c'est le budget… Donc chaque année, il y a un budget qui est alloué aux EHPAD. Et ce budget, donc il est prévu 5 % d'augmentation, comme je vous l'ai expliqué, pour le public et 3 % pour le privé. Voilà.
ALEXANDRE LE MER
La question que…
FADILA KHATTABI
Et ce qu'il faudrait savoir, c'est que les difficultés au niveau du financement, parce que c'est assez complexe, sans rentrer dans la technicité, il y a trois types de financement à destination des EHPAD. Il y a la partie qui relève de l'Etat, c'est-à-dire le soin, les médicaments, les professionnels de santé, infirmiers et aides-soignants qui interviennent dans les EHPAD. Cela relève de l'état, et c'est la partie Soins qui représente à peu près 40 % aujourd'hui. Et puis il y a le reste, c'est-à-dire la Dépendance, ce qu'on appelle par exemple les protections qui relèvent des départements, tout comme l'hébergement relève des résidents. C'est la raison pour laquelle moi, je propose, et j'ai lancé un appel à candidature aux départements, de fusionner la partie Soins qui représente 40 % et la partie Dépendance qui représente 15 %, pour plus de simplicité, lisibilité et clarté.
ALEXANDRE LE MER
C'est-à-dire que l'Etat reprendrait en main le financement des EHPAD sur la partie Dépendance qui est donc actuellement dans les mains des départements.
FADILA KHATTABI
Tout à fait !
ALEXANDRE LE MER
Qu'est-ce que ça changerait pour les Français, Fadila KHATTABI ?
FADILA KHATTABI
Ben déjà, ça permettrait… Puisque j'entends aussi les départements qui disent qu'ils sont aussi en difficulté, ça permettrait aussi, j'allais dire, de répondre à cette difficulté, en partie en tout cas.
ALEXANDRE LE MER
De soulager les dépenses sociales des départements ?
FADILA KHATTABI
D'une certaine façon, oui, parce que l'Etat reprendrait à son compte la partie Dépendance. Et puis ça simplifierait un petit peu les choses, Soins Indépendance en une unité. Aujourd'hui, on a trois financements, même les Français n'y comprennent rien. Donc il faut aussi, à un moment donné, de la simplification.
ALEXANDRE LE MER
La question que les Français se posent, « Comment la plupart des EPAD, publics en tout cas, peuvent se retrouver en déficit lorsqu'on sait combien coûte une place en maison de retraite ? » Je crois qu'on est à 2050 € par mois en moyenne. Comment c'est possible ?
FADILA KHATTABI
Oui. En fait, si vous voulez, aujourd'hui, les EHPAD, depuis, j'allais dire, la crise sanitaire, le scandale ORPEA a mis en difficulté les EHPAD sur le plan également financier parce que le taux d'occupation a baissé. Aujourd'hui, on est à peu près à 94 % d'occupation. Et donc quand le taux d'occupation n'est pas, j'allais dire, plein et entier, automatiquement…
ALEXANDRE LE MER
A 100 %.
FADILA KHATTABI
A 100 %. Pour atteindre l'équilibre, en fait, il faudrait au moins plus de 98-99 %, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
ALEXANDRE LE MER
Evidemment, à 2000 € par mois la place, les EHPAD, il n'est plus question d'augmenter les tarifs. Il reste quoi ? On ne va pas encore rogner sur le personnel, la qualité des soins et des repas.
FADILA KHATTABI
Pas du tout, et d'ailleurs vous ne pouvez pas dire qu'on rogne sur le personnel puisque la partie soins qui relève de l'Etat, le personnel, les infirmières, les aides-soignantes, les médicaments etc n'a fait que croître puisqu'encore une fois, l'État depuis 2019 a mis plus de 4 milliards. Nous sommes passés de 8,5 milliards à 12 milliards et demi, donc l'Etat est là et bien présent.
ALEXANDRE LE MER
Les difficultés financières des EHPAD, est-ce qu'elles ne sont pas dues également au vieillissement de la population ? On voit que les résidents qui entrent en EHPAD en moyenne sont de plus en plus âgés, ils ont logiquement besoin de soins plus importants, Fadila KHATTABI.
FADILA KHATTABI
Tout à fait, vous avez raison. C'est vrai qu'à la fois les EHPAD doivent aussi se transformer parce que les personnes qui résident dans les EHPAD souhaitent être comme à la maison, mais en même temps, au regard de la population accueillie, effectivement on a besoin d'un accompagnement renforcé, on a besoin d'un peu plus de soins et dans la mesure où aujourd'hui, c'est beaucoup plus du soin, c'est la raison pour laquelle je tends la main au département et que j'ai lancé un appel à candidature pour fusionner la section soins qui relève de l'État et la partie dépendante qui relève des départements. Puisque comme vous le savez, la compétence personnes âgées est partagée entre l'Etat et les départements.
ALEXANDRE LE MER
Est-ce que l'Etat est au rendez-vous de cette bombe démographique qui est devant nous, qui est celle du vieillissement de la population précisément ? Je rappelle que le nombre de Français de 75 à 84 ans va augmenter de moitié d'ici à 2030. On voit l'urgence de répondre au défi du vieillissement de la population française.
FADILA KHATTABI
Vous avez raison et c'est vraiment toute ma tâche et ma mission justement, c'est de relever les défis de demain. Vous avez raison, nous allons être 4 millions de personnes dépendantes d'ici une vingtaine d'années. Aujourd'hui, on a un million déjà de personnes dépendantes donc il faut à la fois sauvegarder nos EHPAD, mais également il y a des personnes qui sont dépendantes et qui souhaitent rester chez elles ou dans des résidences autonomie et pour lesquelles il va falloir aussi apporter des services de qualité, des services d'accompagnement, des services aussi de soins. Et c'est tout ce que nous sommes en train de mettre en oeuvre, notamment par exemple les services à domicile et les services de soins infirmiers, qu'on essaie effectivement de faire en sorte que toutes les équipes travaillent ensemble, de coordonner l'offre de soins et d'accompagnement dans les territoires pour que demain, ces personnes puissent accompagner de manière qualitative les personnes à domicile.
ALEXANDRE LE MER
Fadila KHATTABI, les débats portent en ce moment sur l'aide à mourir voulue par Emmanuel MACRON. Que deviennent les promesses présidentielles sur le bien vieillir ? Il y avait une loi de programmation sur le grand âge en chantier, où est-elle passée ?
FADILA KHATTABI
Ecoutez, concernant la loi de programmation, effectivement elle avait été inscrite par le biais d'un amendement dans la loi Bien vieillir qui a été promulguée et qui apporte un certain nombre de réponses, et la véritable question que nous devons aussi avoir avec les Français, c'est le sujet de la gouvernance - on le voit bien aujourd'hui avec les EHPAD - et puis bien sûr, il nous faut également avancer sur la gouvernance et sur le financement. Le financement est aussi la question majeure que nous devons avoir avec les Français. Il y a bien sûr la partie qui relève de la solidarité nationale et bien sûr, moi je tiens absolument à ce qu'on accompagne les personnes qui ont besoin de la solidarité nationale, et puis ensuite qui relève : où mettons nous le curseur dans le cadre de l'accompagnement financier de la dépendance ? Comment on finance ce cinquième risque ?
ALEXANDRE LE MER
Fadila KHATTABI, ministre déléguée aux Personnes âgées. Je rappelle cette information que vous venez de nous confirmer ce matin sur Europe1 : le gouvernement va débloquer 650 millions d'euros en urgence pour les EHPAD publics qui sont donc confrontés dans leur grande majorité à des déficits records. Merci Fadila KHATTABI.
FADILA KHATTABI
Je vous en prie, au revoir.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 avril 2024