Texte intégral
Q - Bonjour, Jean-Noël Barrot.
R - Bonjour.
Q - Le Président de la République, qui s'est donc longuement exprimé sur l'Europe hier, presque deux heures. Une Europe qui est mortelle, - "elle peut mourir" dit Emmanuel Macron -, il appelle les Vingt-Sept à un sursaut pour bâtir une Europe puissante, une défense crédible. Discours fleuve ; Jean-Noël Barrot, c'est un discours de campagne ?
R - C'est un discours de chef d'Etat qui veut faire entendre la voix de la France pour les cinq à dix années qui viennent, pour faire en sorte que nos idées continuent à progresser en Europe, à un moment où effectivement c'est l'existence de l'Union européenne qui est en cause.
Q - Donc pas un discours de campagne ?
R - Un discours de chef d'Etat. Vous savez, à la fin du mois de juin, les Vingt-Sept vont se retrouver pour écrire, rédiger ensemble l'agenda stratégique qui va définir l'orientation de la prochaine Commission européenne. C'est sur ce point que le Président de la République, pour rallier nos partenaires à notre cause, a voulu peser. Je constate que le pari est tenu, puisque le Chancelier allemand Olaf Scholz, quelques heures à peine après la fin du discours, a salué l'ambition d'Emmanuel Macron.
Q - Il dit qu'il y a des pistes effectivement qui vont dans le bon sens. Ça doit compter, ce temps de parole du Président, dans le temps de parole de la candidate Valérie Hayer qui se présente, qui est tête de liste aux élections du 9 juin ?
R - C'est à nouveau un discours du Président de la République...
Q - Donc ça ne doit pas compter dedans ?
R - ... pour que la voix française pèse dans les cinq années qui viennent. C'est un moment important qui est devant nous, celui des élections européennes, c'est vrai, mais celui qui va conduire les chefs d'Etat et de gouvernement à s'accorder sur les priorités pour l'Union européenne. Rallier nos partenaires à notre cause, cela n'a rien d'évident. Je constate que, d'ores et déjà, les Allemands ont accueilli favorablement les orientations du Président.
Q - Mais Jean-Noël Barrot, vous avez vu quand même les Unes des journaux hier : "Macron au secours de la majorité", "Macron entre en campagne"... Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
R - Ce que je réponds, c'est que la campagne va, je le souhaite, se placer au bon niveau, sur le terrain européen, alors que, jusqu'à présent, nos concurrents politiques ont tenté de se dérober en ramenant la campagne sur le terrain de la politique nationale pour masquer l'absence d'influence qu'ils ont eu pendant les cinq années qui viennent de s'écouler, et l'absence d'influence qu'ils auront si jamais ils sont reconduits au Parlement.
Q - Donc là c'est drôle parce que vous me parlez quand même de campagne.
R - C'est vous qui m'en parlez !
Q - Est-ce que, avec ce discours, Emmanuel Macron engage sa responsabilité symbolique et politique dans les élections, d'après vous ?
R - il engage la responsabilité de la France pour les cinq années qui viennent, pour faire en sorte, comme cela a été le cas depuis sept ans et le premier discours de la Sorbonne, que les idées françaises soient entendues et pèsent en Europe. Jamais la France n'a été aussi influente en Europe que ces sept dernières années. L'enjeu, c'est que cela se poursuive parce que la situation est grave. Nous avons basculé dans un monde qui est celui de la loi du plus fort. Dans ce monde, la seule option viable, c'est de devenir plus fort, et pour cela nous avons besoin d'une Europe puissante, d'une Europe prospère, d'une Europe humaniste. C'est cela que le Président de la République a rappelé hier à la Sorbonne.
(...)
Q - Le Président de la République disait hier que l'Europe n'est plus adaptée, on est trop lents, pas assez ambitieux, bref, un bilan assez sévère. Ce n'est pas aussi votre bilan, ça ? Le bilan de Renaissance, le bilan de Renew, qui est quand même un parti pivot au Parlement européen ?
R - Je le disais, jamais la France n'a été aussi influente que ces sept dernières années. Il s'est passé en Europe une révolution, la révolution de la souveraineté. Ce concept s'est répandu dans tous les Etats membres et, si je puis dire, dans toutes les forces politiques, puisque désormais même nos concurrents s'approprient cette notion-là. Ce qui a changé, c'est que nous avons basculé dans le monde de la loi du plus fort, avec l'agression de la Russie en Ukraine, avec la désinhibition d'un certain nombre de nos grands rivaux, et que face à cela, la menace étant lourde, il nous faut nous réveiller et accélérer.
(...)
Q - Et vous, vous dites que la France est pilonnée par la propagande russe et que c'est une crainte, dans le cadre de ces élections, un de ses enjeux, les ingérences étrangères et donc russes notamment. On se rappelle du faux enregistrement, le deepfake, qui avait coûté son élection au socialiste slovaque, à l'automne dernier, en tout cas qui avait peut-être pesé. Est-ce que ce scénario à la slovaque, il peut nous arriver ?
R - C'est un risque. Nous sommes pilonnés, nous sommes matraqués, en France comme en Europe, par la propagande russe. Nous mettons en place un dispositif de vigilance renforcée pour garantir la sincérité du scrutin...
Q - Au Parlement ?
R - Non, en France autour du service Viginum, qui a été créé en 2021, qui est unique en Europe, et qui détecte et révèle ces tentatives d'ingérence dans le débat public qui ont vocation à nous déstabiliser, mais aussi à affaiblir...
Q - Mais concrètement, ça marche comment ?
R - Eh bien concrètement, c'est une équipe d'experts, experts des données mais aussi de l'anthropologie, de l'histoire et de la géographie, qui va analyser ces campagnes de fausses nouvelles, ces détournements de sites du Gouvernement, pour pouvoir les relier à leurs auteurs, de manière à pouvoir dévitaliser ces campagnes en révélant qu'il s'agit en réalité de fausses informations. Par ailleurs, j'ai demandé à la Commission européenne de veiller à mettre une pression maximale sur les grandes plateformes de réseaux sociaux, pour éviter qu'un scénario comme celui qu'on a constaté en Slovaquie se reproduise, c'est-à-dire, en déviralisant, en invisibilisant si nécessaire, des contenus qui seraient propagés pendant les quelques heures qui précèdent l'élection.
(...)
Q - Jean-Noël Barrot, ministre délégué à l'Europe, merci beaucoup d'être venu ce matin sur Inter.
R - Merci à vous.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 avril 2024