Texte intégral
BENJAMIN GLAISE
Bonjour à tous, Sud Radio " Parlons vrai ", avec mon invitée politique aujourd'hui, la ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Agnès PANNIER-RUNACHER bonjour
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Benjamin GLAISE.
BENJAMIN GLAISE
Et merci d'être avec nous ce matin sur Sud Radio. Il y a près de 100 jours la colère des agriculteurs éclatait, depuis le gouvernement a pris des engagements, on va voir où on en est très concrètement de ces engagements, point par point, mais d'abord l'actualité c'est le gel, avec un certain nombre de dégâts depuis plusieurs jours, la nuit dernière a été très compliquée pour un certain nombre d'agriculteurs, elle le sera encore a priori demain, la nuit prochaine. Est-ce qu'on a déjà, est-ce que vous avez déjà un premier bilan de ces dégâts ce matin ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, pas de premier bilan, mais cette situation elle illustre les difficultés que traversent les agriculteurs, et une des causes importantes de la crise agricole ces dernières années, qui n'est pas propre à la France, c'est le dérèglement climatique. Ces quelques dernières années nous avons des dégâts chaque année qui sont liés à des facteurs climatiques nouveaux, inondations, gel tardif, canicule, sécheresse, qui représentent plusieurs centaines de millions d'euros de pertes de récolte, là où il y a 10 ans ça ne représentait que quelques dizaines de millions d'euros, et c'est un des enjeux sur lequel nous devons agir, et c'est pour ça aussi qu'il faut remettre en perspective cette crise, qui n'est pas que française, puisqu'en Europe et dans le reste du monde les agriculteurs sont sous pression en ce moment.
BENJAMIN GLAISE
Est-ce qu'on peut parler, en tout cas sur cette période de gel, tardive, d'un évènement d'ampleur, en tout cas de dégâts d'ampleur exceptionnelle, est-ce que ce sera le cas, est-ce que vous vous attendez à cela, est-ce que ça vous inquiète à ce niveau-là ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout dépend de où vous mettez l'exception puisque nous avons cessé de battre des records ces dernières années et donc on ne sait plus très bien ce qui est exceptionnel de ce qui est du récurrent, ce qui est sûr c'est qu'on sera aux côtés de nos agriculteurs, qui aujourd'hui agissent sur le terrain pour faire en sorte de sauver, notamment en arboriculture, leurs récoltes, et qu'on fera le point avec eux, comme on le fait à chaque fois qu'il y a des épisodes, pour pouvoir les accompagner au mieux.
BENJAMIN GLAISE
Ça veut dire que selon l'ampleur des dégâts il y aura une enveloppe financière exceptionnelle qui pourrait être débloquée ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ecoutez, je ne vais pas lire dans le marc de café, ce que je sais c'est que ces sept dernières années nous avons toujours été aux côtés des agriculteurs, dans le temps, et en tenant nos engagements.
BENJAMIN GLAISE
Donc si l'ampleur des dégâts est importante il y aura une aide en tout cas débloquée…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je n'annonce rien, ce que je dis c'est que pour le moment il faut…
BENJAMIN GLAISE
C'est une possibilité.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Etre aux côtés des agriculteurs, faire en sorte qu'ils traversent ce cap, mais vous le savez, que ce soit sur la MHE cette année, des enveloppes ont été débloquées, sur les pertes de betteraves l'année dernière, des enveloppes ont été débloquées, et nous avons toujours été à la hauteur, maintenant ce que je souhaite surtout c'est qu'il y ait le moins de dégâts possibles, c'est peut-être la meilleure façon de répondre à la situation.
BENJAMIN GLAISE
Pour cela il y a aussi la possibilité d'équiper davantage les arboriculteurs, les viticulteurs, pour éviter qu'ils soient victimes à ce point de ces gels tardifs, certains demandent justement qu'on les aide davantage à s'équiper, est-ce que c'est une possibilité envisagée par le gouvernement aujourd'hui ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois qu'un des grands enjeux, dans les années qui viennent, c'est de permettre aux agriculteurs de s'adapter au dérèglement climatique, c'est-à-dire de pouvoir s'équiper effectivement face aux nouvelles agressions que subissent leurs cultures, ça peut être ces différents événements, on sait qu'on soutient aujourd'hui des agroéquipements en les développant, au travers du plan France 2030, donc on n'a pas attendu de constater cette situation pour accompagner le développement de nouveaux équipements, mais également d'apporter des soutiens aux agriculteurs pour s'équiper, que ce soit contre les ravageurs, que ce soit contre des situations de difficulté…
BENJAMIN GLAISE
La sécheresse, le gel, les aléas climatiques.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et puis, un exemple, qui a l'air d'être très éloigné, mais en réalité qui qui peut faire partie de la panoplie, c'est l'agrivoltaïsme, l'agrivoltaïsme permet de gagner 1 à 2 degrés en situation de gel, c'est-à-dire c'est ces panneaux photovoltaïques qui sont positionnés notamment au-dessus des arbres en arboriculture, ou des vignes en viticulture, elle permet de protéger aussi les cultures contre la grêle, contre les pluies massives, elle permet de gagner quelques degrés en moins lorsqu'il y a des canicules, donc on le voit, on commence à multiplier la panoplie des réponses face au dérèglement climatique et c'est un des enjeux sur lequel nous allons travailler avec Marc FESNEAU et le président.
BENJAMIN GLAISE
Sur l'aide à l'investissement, je voyais, 20 millions d'euros par an pour aider à s'équiper justement face à ces aléas climatiques pour les agriculteurs, est-ce que c'est suffisant, est-ce que ces aides vont être augmentées ou pas ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
N'oublions pas que nous avons aujourd'hui 1,3 milliard d'euros, 1,3 milliard d'euros, dans le budget du gouvernement pour accompagner le monde agricole et le monde forestier à leur transition agroécologique, et cette transition c'est à la fois améliorer leur bilan environnemental, baisser les émissions de gaz à effet de serre, préserver le puits carbone et diminuer l'utilisation des produits phytosanitaires, mais c'est aussi leur permettre de s'adapter au dérèglement climatique et donc d'être plus résistants. Donc, nous avons mis les crédits, 1,3 milliard d'euros c'est une somme inédite dans l'histoire du budget de l'agriculture, ça va en plus de la politique agricole commune, 9 milliards d'euros, dont je rappelle que c'est le premier budget de l'Union européenne, un tiers des finances de l'Europe viennent en soutien des agriculteurs européens.
BENJAMIN GLAISE
On va revenir sur les produits phytosanitaires, également sur la PAC. Déjà, pour parler de cette colère agricole et des annonces faites par le gouvernement sur les aides liées à la PAC, on en est où aujourd'hui, notamment pour les agriculteurs bio justement, est-ce que ces aides ont été versées ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, le gouvernement avait pris l'engagement de payer toutes les aides du premier pilier…
BENJAMIN GLAISE
Au 15 mars.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Au 15 mars, ça a été fait, donc ça nous avons tenu nos engagements. S'agissant des aides pour les agriculteurs bio, vous le savez, ce sont des aides qui ne sont pas payées au mois de mars habituellement, vous avez un délai, et notre objectif est de les payer entre mars, puisque les paiements ont démarré, entre mars et juin.
BENJAMIN GLAISE
C'est-à-dire qu'on a une première estimation du nombre justement de ces aides aujourd'hui débloquées pour ces agriculteurs bio ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Les agriculteurs bio ont bénéficié de la première tranche d'aides, qui constitue une grosse partie des aides, et ils vont bénéficier des aides complémentaires sur le bio, et notre objectif c'est de terminer tous les paiements d'ici le mois de juin.
BENJAMIN GLAISE
En ce qui concerne le projet de loi agricole, c'est l'une des réponses majeures, on va le dire, du gouvernement, à cette colère des agriculteurs, ce projet de loi a été présenté début avril en Conseil des ministres, quand sera-t-il débattu à l'Assemblée et pour une application, une adoption autour de quelle date, c'est quoi l'objectif ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, passage à l'Assemblée nationale mi-mai, passage au Sénat, grosso modo mi-juin, si l'Assemblée nationale et le Sénat se mettent d'accord, c'est un projet de loi qui pourrait être adopté avant le mois d'août…
BENJAMIN GLAISE
Avant l'été ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Avant le mois d'août, sinon une deuxième lecture sera nécessaire, mais, là encore, l'objectif est évidemment de l'adopter avant l'automne.
BENJAMIN GLAISE
Entre temps il y a eu la saisine du Conseil constitutionnel, à l'initiative de la France insoumise, on en est où à ce niveau-là, on est toujours en attente ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien le Conseil constitutionnel a quelques jours pour se prononcer, mais c'est une manoeuvre politicienne de la France Insoumise qui n'aura aucun impact sur le calendrier puisqu'ils pointent les défauts de l'étude d'impact dont le Conseil d'Etat reconnaît lui-même qu'elle est globalement satisfaisante, ce qui dans la bouche du Conseil d'Etat…
BENJAMIN GLAISE
Avec quelques réserves tout de même sur certains points.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors je vais aller jusqu'au bout ; ce qui dans la bouche du Conseil d'Etat est plutôt un satisfecit, et elle a été complétée sur les deux points sur lesquels le Conseil d'Etat souhaitait des compléments, c'est-à-dire que la France insoumise laisse entendre qu'il y manque des choses, nous l'avons complété entre deux, et le Conseil constitutionnel jugera, mais le calendrier est préservé.
BENJAMIN GLAISE
Vous avez bon espoir en tout cas que le calendrier soit préservé et que la décision du Conseil constitutionnel aille dans votre sens.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je pense que les agriculteurs ne comprendraient pas que, parce que nous avons remis une étude d'impact de 250 pages, fouillée, détaillée, certains groupes politiques essayent de faire dérailler ce projet alors qu'il est utile. On est vraiment dans la politique politicienne…
BENJAMIN GLAISE
On a une décision politique, qui fait du mal, avant tout, aux agriculteurs ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais évidemment, puisque l'objectif c'est d'essayer de retarder l'examen d'un projet, qui est attendu par les agriculteurs, et qui a été coconstruit avec les agriculteurs.
BENJAMIN GLAISE
Sur ce projet de loi agricole on vise notamment la souveraineté alimentaire, l'émergence d'une nouvelle génération d'agriculteurs, c'est important, et puis également la simplification de certaines normes. Du côté des ONG, de la gauche globalement, on dénonce un retour en arrière au point de vue de l'écologie, on va dire des contraintes environnementales, c'est votre avis ou pas ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, la gauche confond être procédurier et être ambitieux climatiquement. Nous, nous considérons que le climat est un objectif intangible, la lutte pour la préservation de la biodiversité et la baisse des émissions de gaz à effet de serre, c'est d'ailleurs ce gouvernement et cette majorité qui a eu les meilleures performances en la matière, je rappelle que l'année dernière la France a baissé ses émissions de gaz à effet de serre de 4,8%, c'est la performance de l'intégralité du mandat du président HOLLANDE, donc on n'a pas de leçon à recevoir de la gauche en matière de lutte contre le dérèglement climatique. En revanche, nous nous avons une approche pragmatique, lorsque par la loi, par exemple, on impose de ne pas couper les haies après le 15 mars, alors que, comme dans mon territoire du Pas-de-Calais, il n'a pas arrêté de pleuvoir et qu'il était parfaitement impossible d'entretenir les haies le 15 mars, eh bien on est à côté de la plaque, et donc nous, ce que nous faisons, c'est de tenir compte de la réalité du terrain, de faire confiance aux agriculteurs, parce qu'il faut rappeler qu'ils sont pleinement engagés dans la lutte contre le dérèglement climatique, ils en sont, je le redis, les premières victimes, donc ils sont parfaitement engagés, et de faire en sorte de coconstruire avec eux les solutions.
BENJAMIN GLAISE
Justement, il faut peut-être être intransigeant sur cette question de l'écologie, ne serait-ce qu'en faveur, pour les agriculteurs.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais c'est ce que nous faisons, c'est-à-dire que dans les financements que nous déployons aujourd'hui, 1,3 milliard d'euros, dans le plan Ecophyto sur lequel nous nous travaillons et qui succède à deux précédents plans Ecophyto pour réduire l'utilisation des phytosanitaires, et je rappelle que les agriculteurs ont réduit de 96% l'utilisation des phytosanitaires classés comme étant les plus dangereux ces dernières années, ça personne ne le dit, et ce n'est pas le Parti socialiste qui nous a aidés à faire ça, malheureusement, parce qu'ils ne sont pas sur le terrain, parce qu'ils prennent, ils ont une vision éthérée qui ne correspond pas à la réalité de ce que vivent les agriculteurs. Nous nous sommes là pour donner des soutiens.
BENJAMIN GLAISE
Donc, si le plan Ecophyto a été suspendu, l'idée n'est pas de l'abandonner complètement, c'est de l'améliorer, même au niveau environnemental, le prochain ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, mais le plan Ecophyto n'a jamais été suspendu, je suis très nette sur ça. Aujourd'hui nous travaillons tous les jours à baisser l'utilisation des phytosanitaires, ce que nous avons fait c'est la nouvelle génération du plan, nous avons décalé sa publication de quelques semaines, parce que précisément nous voulons avoir le plan qui conjugue le meilleur niveau d'ambition, mais le plus grand pragmatisme, parce que tous les donneurs de leçons qui ne comprennent pas que, par exemple, empêcher l'adoption rapide de nouvelles solutions de biocontrôle en donnant des dérogations, qui dénoncent par principe les dérogations que nous donnons, ce n'est jamais en fait que…
BENJAMIN GLAISE
Ces donneurs de leçons c'est les écologistes, c'est la gauche globalement ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
On a vu que la gauche n'avait pas formulé beaucoup de propositions qui soient réellement, je dirais utilisables sur le terrain par nos agriculteurs, mais Marine LE PEN n'est pas en reste. Je rappelle qu'en 2017 elle préconisait dans son programme la sortie du glyphosate et des néonicotinoïdes, et que désormais elle préconise l'utilisation du glyphosate et des néonicotinoïdes, en réalité elle ne sait pas du tout où elle habite, elle n'a aucun programme pour les agriculteurs.
BENJAMIN GLAISE
Sur le glyphosate, Emmanuel MACRON aussi a changé d'avis, il avait fait une promesse, il est revenu dessus ensuite.
AGNES PANNIER-RUNACHER
La différence…
BENJAMIN GLAISE
Il dit l'avoir regretté, cartes, mais…
AGNES PANNIER-RUNACHER
La différence entre Emmanuel MACRON et Marine LE PEN c'est Emmanuel MACRON il a tenu compte du terrain, c'est-à-dire qu'il a dit qu'on reculait, qu'on enlevait le glyphosate, là où on avait des alternatives, et la ligne de crête que nous voulons tenir c'est de dire que, oui, il faut baisser l'utilisation des phytosanitaires, oui, il faut interdire les molécules qui ont un impact sur la santé humaine, sur l'eau que nous buvons, sur la nourriture que nous mangeons, et sur la santé des agriculteurs en premier lieu, n'oublions pas que les premières victimes, historiquement des phytosanitaires, ce sont les agriculteurs, mais en revanche on doit absolument accélérer la recherche des solutions, sinon nous n'allons plus rien produire en France et nous allons importer des produits qui sont produits avec les phytosanitaires que nous nous interdisons. Je vous donne un exemple sur le riz, le riz, il y a 31 produits phytosanitaires qui sont utilisés en Asie pour produire du riz, dont 18 interdits en Europe, donc lorsque nous donnons, nous, des dérogations très spécifiques sur des produits en voie d'autorisation, nous faisons le travail, je dirais de science, et d'accompagnement des agriculteurs, et lorsque j'entends là encore, les écologistes s'époumoner à côté de la plaque, eh bien je dis qu'effectivement ils ne répondent pas aux problèmes des agriculteurs comme nous le faisons.
BENJAMIN GLAISE
En tout cas, la baisse de 50% de l'usage des pesticides d'ici à 2030 est maintenue.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Pardonnez-moi d'utiliser le terme de phytosanitaires parce que pesticides, c'est déjà qualifier les choses. Et la baisse de 50% de phytosanitaires, c'est à dire de produits de santé pour les plantes, est maintenue.
BENJAMIN GLAISE
Avec l'idée pour le gouvernement toujours de trouver des solutions puisque finalement on n'interdit pas aux phytosanitaires s'il n'y a pas de solution pour l'agriculteur. Ça, ça reste l'objectif du gouvernement.
AGNES PANNIER-RUNACHER
L'objectif du gouvernement, c'est en fait d'anticiper sur les 75 molécules sur lequel des revues scientifiques sont en cours pour évaluer leur nocivité pour l'environnement et pour la santé humaine, d'anticiper de possibles interdictions. Aujourd'hui, la science ne les interdit pas, mais nous voulons être dans l'anticipation et c'est pour cela que nous investissons 250 millions d'euros chaque année, c'est inédit en Europe, pour un pays, pour trouver des alternatives. Ces alternatives pouvant être de la sélection variétale, ça peut être le retour, le recours à des technologies génomiques. Et il faut accélérer dans ce domaine-là. Ça peut être des pratiques agronomiques, par exemple, des rotations de cultures qui permettent de mieux protéger contre les ravageurs, contre certains types de maladies. Ou ça peut être encore le recours à des solutions de biocides et de biocontrôle, c'est à dire utiliser des prédateurs, des prédateurs, faire venir les coccinelles pour qu'elles mangent les pucerons. Ce type de solution, et c'est ça sur lequel nous investissons massivement aujourd'hui.
BENJAMIN GLAISE
Sur la question du revenu agricole, Emmanuel MACRON s'était engagé à mettre en place des prix plancher, on en est où à ce niveau-là ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, le calendrier est parfaitement…
BENJAMIN GLAISE
Motion que portait d'ailleurs la gauche.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui alors c'est pas du tout à fait le même système puisque la gauche, une fois de plus porte une vision qui est déconnectée du terrain puisque la gauche veut des prix réglementés qui seraient arrêtés par le ministre de l'agriculture. Ça n'existe pas, ça ne fonctionne pas. Et d'ailleurs il y a eu des précédents dans l'histoire des prix agricoles qui ont été absolument calamiteux pour les filières qui ont été soumises à ce type de système.
BENJAMIN GLAISE
Parce que toute filière est différente, les zones géographiques également.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement, surtout pas les prix réglementés. En revanche, il a confié, nous avons confié une mission, le Premier ministre a confié une mission à deux parlementaires sur la loi EGALIM pour voir dans quelle, de quelle manière nous pourrions faire évoluer ce texte pour que son application soit plus immédiate. Mais je veux dire ici que cette loi, qui est issue d'ailleurs d'un consensus de la filière et des États généraux de l'alimentation en 2017, a permis d'apporter beaucoup de revenus et plus de revenus à la filière laitière il y a quelques… ces dernières années dans un contexte de crise majeure. Donc on voir qu'elle fonctionne et ce que veulent les agriculteurs…
BENJAMIN GLAISE
Ce n'est pas ce que disent les agriculteurs, pas assez de contrôles, ils le disaient jusqu'à présent.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors je vais jusqu'au bout, dans la filière laitière, 90% de la filière est contractualisée aujourd'hui, 70% des exploitations. Et on le constate en termes de revenus, bien sûr, c'est une moyenne et attention à ne pas dire que tous les agriculteurs sont sous le même registre, mais une progression du revenu disponible moyen depuis 2017, de l'ordre de 90%. Douze, ce n'est pas rien. Ça cache évidemment des écarts types, des agriculteurs qui peuvent être en grande difficulté et d'autres qui se portent bien. Je le dis avec beaucoup de précautions, mais grosso modo, il y a eu une progression. Là où il faut qu'on avance, c'est que la filière viande, par exemple est contractualisé qu'à 25% et avec des bonnes raisons, tous les acteurs de la filière viande et les agriculteurs au premier chef ne souhaitent pas être contractualisés. Et puis il y a des filières qui sont hors contractualisation, c'est leur souhait, c'est le cas des céréales, c'est le cas des fruits et légumes, c'est le cas des oléo et protéagineux. Donc vous avez beaucoup de filières qui n'ont pas souhaité rentrer dans cette démarche. Et la question en fait du revenu, c'est de regarder quels sont les débouchés pour les agriculteurs et de faire en sorte que sur chacun de ces débouchés, ils aient du prix. Je rappelle que c'est le premier débouché des agriculteurs, c'est les exportations, 40%. Donc ceux qui vous disent qu'il faut arrêter tout le libre échange veulent tuer notre agriculture. Moi je ne me permettrais pas que l'on se prive de 40 % des revenus des agriculteurs. Je pense notamment à la viticulture. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas agir par ailleurs sur le revenu des agriculteurs. Nous le faisons sur la contractualisation. Nous le faisons aussi en travaillant sur les charges, la baisse des charges d'énergie par exemple. Ça va se voir dans le compte des agriculteurs et j'espère que ça se verra dans les années qui viennent.
BENJAMIN GLAISE
Donc nouvelle loi EGALIM ou pas ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien ça sera…
BENJAMIN GLAISE
C'est envisageable.
AGNES PANNIER-RUNACHER
De faire des propositions. Nous, nous sommes prêts à examiner une loi, un nouvel ajustement, ce n'est pas une loi EGALIM, c'est un ajustement d'un texte existant. C'est toujours le même texte. Nous sommes prêts à l'examiner cet été si la mission des deux parlementaires montre que c'est nécessaire. Mais d'autres mesures peuvent être envisagées. Et, aujourd'hui, je veux le dire aussi très concrètement, nous avons décidé, le gouvernement a décidé de tripler les contrôles sur la mise en oeuvre de deux choses, la mise en oeuvre des EGALIM, mais également l'origine des produits parce que les agriculteurs ont pointé du doigt le mauvais étiquetage des produits, le fait que le consommateur était trompé, souvent à dessein, entre produits français et produits étrangers, et que c'était inacceptable. Et nous allons, nous avons fait aujourd'hui plus de 3000 contrôles. Nous en ferons 10 000 d'ici la fin de l'année.
BENJAMIN GLAISE
A l'échelon européen on a la nouvelle PAC qui va être votée par les eurodéputés bientôt le 25 avril, donc jeudi, elle prévoit notamment la fin de l'obligation des 4% de jachères pour les terres arables. On ne demandera plus véritablement de contreparties environnementales aux agriculteurs pour bénéficier des aides PAC ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, pas du tout. En revanche, on demandera des contreparties qui soient encore une fois liées à la réalité du terrain. Dans les contreparties conventionnées ou dans les aides PAC qui étaient évoquées, il y a une notion de date, mentionnée sur les haies le 15 mars, mais nous avons, j'ai dû demander à ce qu'on prenne une, comment dire, une décision pour reconnaître l'impossibilité des agriculteurs du Pas-de-Calais à avoir planté cet hiver pour protéger les sols. Pourquoi ? Parce qu'ils étaient les pieds dans l'eau. Et si nous n'avions pas fait cette reconnaissance de force majeure qui a empêché les agriculteurs de planter cet hiver, il aurait fallu que, individuellement, ils demandent l'autorisation à continuer à bénéficier des aides PAC alors qu'ils étaient les pieds dans l'eau en repérant parcelle par parcelle les parcelles inondées. Donc ça c'est surréaliste, c'est ubuesque. Et effectivement, nous voulons sortir de ça. Nous travaillons avec les agriculteurs à avoir cette ambition climatique, le respect de cette vision pour protéger nos terres. Mais il faut le faire de manière pragmatique et la manière pragmatique, c'est de coconstruire avec les agriculteurs, en particulier ceux qui jouent le jeu.
BENJAMIN GLAISE
Jordan BARDELLA, la tête de liste RN pour ces européennes, dit qu'il est favorable à la PAC, ces aides-là.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et pourtant il a voté contre le budget.
BENJAMIN GLAISE
et alors, c'est-à-dire que pour vous il n'a jamais eu….
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça fait partie des gens qui ont des sincérités successives comme on dit.
BENJAMIN GLAISE
C‘est-à-dire ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est à dire qu'il a, à quelques mois d'Intervalle voté pour la PAC et voter contre le budget, c'est un peu comme quand on dit qu'on est contre le glyphosate puis pour le glyphosate. Vous voyez, ça s'appelle une incapacité en fait à prendre position. Je remarque que Monsieur BARDELLA a livré à une interview confession de quatre pages dans un journal du dimanche, mais que dans ces quatre pages, à aucun moment il n'évoque la situation des agriculteurs. C'est dire le peu de cas qui fait des agriculteurs ? de nos agriculteurs qui nourrissent les Français aujourd'hui et qui sont en première ligne pour notre souveraineté agricole.
BENJAMIN GLAISE
C'est à dire que pour vous, Jordan BARDELLA n'est pas un allié par rapport aux agriculteurs, pour les agriculteurs ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, Monsieur BARDELLA fait des selfies avec les agriculteurs et les visiteurs au Salon de l'agriculture, mais il n'a aucun programme pour l'agriculture. Il sait seulement dire qu'il est à leurs côtés, mais à leurs côtés, pour quoi faire, alors qu'il a eu des votes totalement incohérents au niveau du Parlement européen et que surtout, il soutient, en tout cas, il a une attitude plus ambiguë avec Vladimir POUTINE et la Russie, qui est une des causes de la crise agricole aussi actuelle. Et je veux le dire ici, c'est Monsieur POUTINE qui a utilisé l'énergie comme arme de guerre et qui était à l'origine ces deux dernières années de la flambée des prix de l'énergie. Heureusement, nous avons remis cela sous contrôle et ça nous a pris quand même quelques mois. C'est Monsieur POUTINE qui est à l'origine de l'impossibilité pour l'Ukraine d'avoir accès à des débouchés en mer Noire et qui pèse sur les marchés agricoles avec l'effondrement des prix des céréales. Et là encore, nous sommes en action. Mais il ne faut pas se tromper d'ennemi sur ce sujet-là.
BENJAMIN GLAISE
Pour parler d'ennemis, sur ces européennes, qui est le rival ou la rivale de Valérie HAYER, la tête de liste du camp présidentiel, est-ce que c'est Jordan BARDELLA, du RN, qui caracole en tête très largement devant la liste de Valérie HAYER, ou est-ce que c'est Raphaël GLUCKSMANN qui est juste derrière pour le PS et Place publique ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Valérie HAYER elle a un bilan, elle a une expérience et elle pèse au Parlement européen, on ne peut pas en dire autant, ni de Jordan BARDELLA, là, ni de Raphaël GLUCKSMANN. Raphaël GLUCKSMANN c'est le candidat du Parti socialiste français qui se retrouve en situation de voter contre le Parti socialiste européen, encore il y a quelques jours sur le pacte asile-immigration, ça montre à quel point il ne pèse pas en fait au Parlement européen, donc on peut faire des grands discours sur l'Europe, encore faut-il être capable de faire bouger l'Europe, de faire changer l'Europe, Valérie HAYER c'est celle qui a porté, au titre de la présidence d'un parti, Renew, d'un groupe politique, Renew, qui a pu peser sur les décisions qui ont été prises au niveau européen, que ce soit sur les vaccins, que ce soit sur la PAC…
BENJAMIN GLAISE
Et pourtant elle n'imprime pas, elle n'arrive pas à convaincre les Français.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais parce qu'elle est peut-être plus connue des Européens pour son rôle majeur, que Jordan BARDELLA qui a passé plus de temps sur les plateaux TV français et qui n'a pas cherché à aider les Européens, rappelons qu'il a voté…
BENJAMIN GLAISE
En tout cas elle aura besoin, ça veut dire qu'elle aura besoin de l'engagement plein et entier d'Emmanuel MACRON dans cette campagne, qui fera d'ailleurs son discours sur l'Europe jeudi ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais, Valérie HAYER elle aura l'engagement de tout le gouvernement derrière elle parce que nous savons comment elle a réussi à infléchir l'Europe sur les enjeux de souveraineté. Rappelons que la souveraineté européenne, la souveraineté nationale, c'était des gros mots il y a six ans au niveau européen, et que cette vision qui a permis de faire le plan de relance, de faire des vaccins ensemble, de lutter pour notre indépendance sur les minéraux critiques, de lancer des projets de batteries électriques, de production de batteries électriques en France, elle a été portée en premier lieu par la France et elle a été permise parce que nous avons pu peser sur l'Europe. Moi-même j'ai négocié le retour du nucléaire en Europe, avec une alliance du nucléaire, parce que j'avais un groupe qui s'appelait Renew, qui était présidé par un Français, à l'époque Stéphane SEJOURNE, et qui a pesé sur le Parlement européen, cela n'aurait pas été possible avec Raphaël GLUCKSMANN, François-Xavier BELLAMY ou Jordan BARDELLA, d'ailleurs ils n'ont pas été beaucoup en soutien.
BENJAMIN GLAISE
Un mot pour conclure, tout de même, sur les Jeux Olympiques, quand on parle de souveraineté alimentaire justement, quand on parle de défendre les agriculteurs français, est-ce qu'on sait aujourd'hui si 100%, ou en tout cas une grande majorité des repas servis aux athlètes, seront préparés, sera préparé majoritairement avec des produits français ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, c'est le cahier des charges qu'a aujourd'hui le…
BENJAMIN GLAISE
Le comité d'organisation.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Le comité olympique national, puisqu'ils ont un objectif qui est largement supérieur à 50% d'approvisionnement en produits français, avec un objectif de produit durable, local, bio aussi, et donc ils prendront leur part justement de soutien aux agriculteurs, et cela me permet aussi de dire à tout un chacun qu'on peut tous agir pour notre agriculture. Agir pour notre agriculture c'est regarder où sont approvisionnés les produits, d'où vient la viande lorsqu'on l'achète, et faire en sorte de plutôt privilégier le français que d'autres origines, en particulier des origines hors Union européenne, ceux-là, ces petits gestes, ils comptent aussi pour les agriculteurs, évidemment chacun selon ses moyens, on en est bien conscients.
BENJAMIN GLAISE
Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER, je le rappelle, ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, merci d'avoir été avec nous ce matin sur Sud Radio et très bonne journée à vous.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 mai 2024