Interview de Mme Dominique Faure, ministre déléguée, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, à RMC le 23 avril 2024, sur le statut de l'élu, le couvre-feu pour les moins de 13 ans, les polices municipales et la sécurité civile.

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Média : RMC

Texte intégral


SEBASTIEN KREBS
Bonjour Dominique FAURE.

DOMINIQUE FAURE
Bonjour.

SEBASTIEN KREBS
Merci de nous rejoindre en direct ce matin, vous êtes la ministre en charge des Collectivités, la ministre des élus locaux, et je voudrais justement qu'on commence cet entretien en parlant de l'un de ces élus locaux, le maire de Moins, dans le Rhône, près de Lyon, qui a annoncé ce week-end sa démission après 10 ans de mandat, Claude COHEN, à 75 ans il se dit " révolté ", à la fois par les lourdeurs administratives, le manque de soutien de l'Etat et par les attaques antisémites qu'il a pu subir, c'est finalement un énième exemple d'un élu local qui jette l'éponge, qu'est-ce que ça vous inspire ?

DOMINIQUE FAURE
Alors Monsieur le maire de Moins a pris cette décision, vous l'avez dit, deux sujets, la simplification, sur lequel nous travaillons d'arrache-pied depuis déjà presque 18 mois, avec une composante de la mission que le président de la République a confiée à Eric WOERTH sur la simplification, donc bien sûr je suis au contact quotidien avec ces élus et je sais à quel point les lourdeurs administratives…

SEBASTIEN KREBS
Vous avez pu échanger avec lui ?

DOMINIQUE FAURE
Pas encore, mais mon cabinet est en relation avec la préfecture…

SEBASTIEN KREBS
Vous allez l'appeler ?

DOMINIQUE FAURE
Bien sûr, je vais l'appeler, je les appelle tous, et je vais même le recevoir pour comprendre, et puis ensuite le second sujet c'est les violences, c'est les menaces antisémites dont il dit avoir fait l'objet et qui sont absolument insupportables. Cette lutte que j'ai conduite il y a maintenant à peu près un an, Saint-Brévin c'était il y a un an, que je conduis pour mettre en place à la fois un pack sécurité et puis un plan de lutte contre les menaces et les violences faites à nos élus, qui est maintenant depuis juillet, depuis maintenant janvier, avec les sanctions, dans le cadre de la loi qui a été portée par le Sénat et qui vise à sanctionner qui s'attaque à un élu, de la même façon que qui s'attaque à un gendarme, à un policier, donc je suis…

SEBASTIEN KREBS
Vous nous dites ce matin que l'Etat est à ses côtés, en quelque sorte, mais lui ce n'est pas ce qu'il dit, par exemple sur ces attaques antisémites il dit n'avoir jamais eu de contact avec la préfecture, ni même la préfecture l'a contacté pour le soutenir, il était pris visiblement dans des formalités, dans des sanctions sur la question du logement social, il dit que l'Etat fait preuve de trop peu de compréhension par rapport aux difficultés que rencontrent les élus sur le terrain.

DOMINIQUE FAURE
Je vais le rencontrer et j'en saurai plus sur effectivement cette perception de sa part qu'à la fois le gouvernement et Madame la préfète ne sont pas suffisamment à ses côtés, de toute façon il faut que, ensemble, on lutte contre ces violences, contre ces menaces, et je pense que cette démission c'est encore, pour nous, un travail que nous allons poursuivre pour comprendre.

SEBASTIEN KREBS
Il est toujours question de créer un statut de l'élu, parce qu'il y avait eu cette proposition de loi adoptée au Sénat, il y en a une autre déposée à l'Assemblée, puis finalement après il ne s'est rien passé, vous allez faire un projet de loi pour créer un statut de l'élu, pour protéger ces élus locaux ?

DOMINIQUE FAURE
On ne sait pas encore si on va s'appuyer sur cette proposition de loi issue du Sénat ou si on va aller plus loin sur une proposition de loi issue de l'Assemblée nationale, ou si on fera un projet de loi…

SEBASTIEN KREBS
Mais il y aura un statut de l'élu à la fin ?

DOMINIQUE FAURE
Mais il y aura, je m'engage devant vous aujourd'hui à ce qu'il y ait un statut de l'élu dans notre pays voté avant la fin de l'année, c'est vraiment quelque chose à quoi je tiens. On a un bel objet qui vient du Sénat, on va avoir un bel objet qui vient de l'Assemblée nationale, mais avec cette mission que le président de la République a confiée à Eric WOERTH on va pouvoir, à mon sens, aller plus loin.

SEBASTIEN KREBS
Alors, des maires qui sont en première ligne, on le disait, notamment face aux violences, face aux incivilités, est-ce que vous soutenez l'initiative du maire de Béziers qui a instauré un couvre-feu pour les moins de 13 ans sur sa ville ?

DOMINIQUE FAURE
Un enfant de moins de 13 ans n'a rien à faire dans la rue, seul, sans un majeur après 23h, donc voilà ce que je vous dis. Oui, il y a vraiment nécessité…

SEBASTIEN KREBS
Donc il faudrait mettre en place le couvre-feu partout ?

DOMINIQUE FAURE
Pas du tout, parce que ce qu'il faut mettre en perspective c'est le contexte dans la ville de Béziers et la montée de la violence, donc après analyse Monsieur le Maire, et on est là dans sa décision, et la décision des maires, peut être, à un moment donné, effectivement utile.

SEBASTIEN KREBS
Ça avait été retoqué par la justice il y a quelques années, il remet sur le tapis cet arrêté, il estime que la situation a changé, c'est ce que vous nous dites aussi, vous n'avez pas le sentiment que c'est disproportionné ?

DOMINIQUE FAURE
Je pense qu'il teste effectivement la viabilité juridique de cette décision, mais moi je suis intéressée par cette initiative, si le contexte amène un maire à prendre une telle décision, oui je considère que ces enfants sans autorité parentale, sans présence parentale, sans majeur pour les accompagner, n'ont pas leur place dans la rue après 23h.

SEBASTIEN KREBS
Alors les maires misent aussi beaucoup, de plus en plus, sur leur police municipale, un certain nombre de maires les ont armées, mais d'autres maires refusent, y compris dans des grandes villes, à Paris ou à Bordeaux, les policiers municipaux ne sont pas armés, est-ce que vous vous estimez qu'il faudrait que les policiers soient armés partout, y compris les policiers municipaux ?

DOMINIQUE FAURE
On est, vous le savez bien, sur la libre administration de nos collectivités locales, on est sur une décision qui appartient aux maires. Encore une fois, le contexte, la montée de la violence sur la commune, peut amener certains maires à décider d'armer leur police municipale. Personnellement j'ai été maire d'une commune de 14 000 habitants à côté de Toulouse, Saint-Orens-de-Gameville, et j'ai pris, dès 2015, la décision d'armer ma police municipale, mais il y a trois conditions à cela, il y a d'abord la montée de la violence sur la commune, qui amène les élus à y réfléchir, il y a ensuite un conseil municipal qui délibère, ensemble, et qui considère que c'est nécessaire, et puis évidemment il y a un travail, un dialogue qui est à conduire avec les policiers, il faut qu'ils en aient envie, il faut qu'ils le souhaitent…

SEBASTIEN KREBS
Donc, il n'est pas question de forcer les maires finalement à armer leur police municipale, ce n'est pas ce que vous souhaitez ?

DOMINIQUE FAURE
Non, il n'est pas question de les contraindre à quoi que ce soit, on est vraiment dans ce cadre de la libre administration, simplement je veux dire un mot sur ce continuum de sécurité, que nous portons avec Gérald DARMANIN, et on voit à quel point ce sont les primo-intervenants, ces policiers municipaux, et ce continuum de sécurité c'est entre la police municipale, sous l'autorité des maires, et les forces de sécurité intérieure, sous l'autorité de Gérald DARMANIN, du ministre de l'Intérieur, donc on voit bien à quel point nous devons travailler pour faire en sorte, pour protéger les Français, qu'il y ait une continuité de sécurité sur le territoire.

SEBASTIEN KREBS
Justement, Gérald DARMANIN, qui est votre ministre de tutelle, veut étendre les missions de ces policiers municipaux, pour qu'ils puissent faire quoi qu'ils ne peuvent pas faire aujourd'hui ?

DOMINIQUE FAURE
On a travaillé, lors du Beauvau des polices municipales, qui s'est passé à Vendôme, pourquoi ? Parce qu'on était sur un sujet de l'élargissement des prérogatives de nos policiers municipaux, beaucoup de maires nous le demandent, tous ceux qui ont fait l'objet d'émeutes au mois de juillet 2023. Et, oui, nous devons faire évoluer le droit pour essayer de permettre à ces maires-là, sur leurs décisions et leurs délibérations, d'élargir cette prérogative…

SEBASTIEN KREBS
Sur quelles missions par exemple ?

DOMINIQUE FAURE
Les missions, vous savez ils sont… souvent, en situation de flagrant-délit, ils ne peuvent rien faire si aujourd'hui on ne leur permet pas d'agir sous l'autorité du procureur.

SEBASTIEN KREBS
Ça veut dire leur permettre, par exemple, d'arrêter quelqu'un, leur permettre de verbaliser, leur permettre… ?

DOMINIQUE FAURE
Bien sûr, tout ce qui est petits trafics de drogue par exemple, c'est pour nous indispensable qu'ils puissent, sous l'autorité du procureur, dans le cadre de ses fonctions d'OPJ, d'officier de police judiciaire, qu'ils puissent sur un…

SEBASTIEN KREBS
Mais ils sont formés ces policiers municipaux à la lutte contre la délinquance ?

DOMINIQUE FAURE
Alors ils le sont aujourd'hui, ou ils ne le sont pas, tout dépend des maires, je crois que vous recevez le maire de Nice tout à l'heure…

SEBASTIEN KREBS
Christian ESTROSI après 8h30.

DOMINIQUE FAURE
Il vous expliquera à quel point certaines communes, effectivement, se sont saisies du sujet, et forment, à la fois à l'armement, pour ceux qui sont armés, mais aussi à la lutte contre la délinquance, pour être, mais à condition que les policiers le souhaitent, le maire le souhaite, les conditions le justifient, donc je pense que c'est important de rappeler tout cela.

SEBASTIEN KREBS
Je voudrais qu'on dise un mot des pompiers parce que vous ouvrez un grand cycle aujourd'hui de concertation avec tous les acteurs de la sécurité civile. Les syndicats de pompiers demandent une refonte, notamment du financement des pompiers, ils estiment qu'il faudrait augmenter le nombre de sapeurs-pompiers qui sont sursollicités aujourd'hui parce qu'il manque des médecins et que du coup on les appelle, et parce qu'on sait que les risques d'incendies ont beaucoup augmenté, est-ce que l'Etat va mettre plus de moyens sur la table pour les pompiers ?

DOMINIQUE FAURE
Le sujet du Beauvau de la sécurité civile c'est véritablement se mettre autour de la table, tous ensemble, toutes les parties prenantes, pour valoriser, moderniser notre sécurité civile, sur laquelle on n'a pas bougé énormément depuis 25 ans. Donc, la volonté de Gérald DARMANIN, par l'ouverture de ce Beauvau de la sécurité civile, c'est de travailler à la fois sur comment on prépare nos pompiers à lutter contre le feu, à lutter contre toutes les inondations…

SEBASTIEN KREBS
Et pour ça il faut des moyens.

DOMINIQUE FAURE
Et pour ça il faut des moyens, et on va travailler évidemment sur le financement de nos forces de sécurité civile…

SEBASTIEN KREBS
Ce financement qui repose beaucoup sur les départements aujourd'hui, ce sont les services départementaux d'incendie et de secours, on sait qu'il faut faire beaucoup d'économies budgétaires, les collectivités vont être mises à contribution. Est-ce que les départements ont et auront encore les moyens d'entretenir ces services et suffisamment à hauteur contre les risques que vous pointez ?

DOMINIQUE FAURE
Le financement de la sécurité civile est un travail que l'on va conduire ensemble, pas seulement avec les départements, mais aussi avec les maires, qui cofinancent souvent ces SDIS, et c'est bien l'objet du travail que nous allons faire. Il y a plusieurs façons de financer les SDIS, pas seulement l'Etat. Nous mettons aujourd'hui dans ce que nous appelons « le Pacte capacitaire » 150 millions d'euros pour financer les camions de pompiers…

SEBASTIEN KREBS
Il n'y aura pas d'économies sur ces services-là, pour aller au fond de la question, il n'y aura pas d'économies du côté de l'Etat sur ces services d'incendies et de secours ?

DOMINIQUE FAURE
Il n'y aura pas d'économies, l'idée est de travailler ensemble pour adapter nos moyens et le financement de ces moyens à la dangerosité à laquelle nous devons faire face, essentiellement environnementale, comme je l'ai dit, le feu, les inondations, donc ce travail est à conduire. Ce sera sept ou huit étapes qui vont se dérouler partout en province, nous ouvrons aujourd'hui à Beauvau ce sujet avec toutes les parties prenantes de la sécurité civile.

SEBASTIEN KREBS
Merci Dominique FAURE d'être venue ce matin…

DOMINIQUE FAURE
Avec plaisir.

SEBASTIEN KREBS
Sur le plateau de RMC et de RMC Story, ministre déléguée en charge des Collectivités territoriales


source : Service d'information du Gouvernement, le 3 mai 2024