Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur le thème : " Planification écologique et COP régionales : quelle efficacité ? "
(…)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous remercier de l'organisation de ce débat. La planification écologique et les COP régionales étant des sujets importants pour le Gouvernement, il est toujours bon de pouvoir les évoquer devant la représentation nationale.
Je vous demande de bien vouloir excuser le ministre Christophe Béchu, retenu à Turin par une réunion des ministres du G7 sur la transition écologique et énergétique.
Notre pays a traversé récemment des épisodes climatiques extrêmes, qui manifestent plus que jamais la réalité et l'intensité du dérèglement climatique que nous traversons. Du Pas-de-Calais aux Alpes-Maritimes, nos concitoyens et les élus locaux ont subi de plein fouet ses conséquences. Nous pouvons aujourd'hui avoir, ensemble, une pensée pour eux.
L'État est, bien sûr, à leurs côtés pour les aider à reconstruire, il est à leurs côtés pour les aider à adapter leur territoire à ce type d'événements, mais il est aussi pleinement engagé pour que nous puissions atteindre nos objectifs de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre de 55% d'ici à 2030 par rapport au niveau de 1990.
Cet engagement de baisse de nos émissions est fondamental pour préparer un avenir habitable, non pas pour les générations futures – nous n'en sommes plus là ! –, mais pour nous-mêmes et pour nos enfants. La bonne nouvelle est que nous avons fait la moitié du chemin. Le défi qui se présente à nous maintenant est de diminuer autant nos émissions en sept ans qu'en trente-trois ans.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous rappeler l'origine de la démarche de planification écologique. Celle-ci est issue de la volonté du Président de la République, exprimée dans son discours de Marseille du 16 avril 2022. Elle est mise en œuvre depuis le mois de septembre 2023, par la Première ministre Élisabeth Borne, puis par le Premier ministre Gabriel Attal, en lien très étroit avec le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, et avec l'appui du secrétariat général à la planification écologique.
Grâce à cette démarche inédite dans le monde nous pourrons identifier tous les leviers qui nous permettront, secteur par secteur, de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre avec la bonne intensité.
Les COP régionales sont tout simplement la déclinaison territoriale de la planification écologique. Elles doivent permettre de mettre en œuvre de manière effective, dans les territoires, les objectifs que nous nous sommes donnés nationalement et sur lesquels la France s'est engagée internationalement.
Les COP régionales sont donc l'incarnation de la philosophie adoptée par le Gouvernement : une écologie proche des territoires, une écologie qui laisse aux acteurs du terrain la responsabilité d'identifier les leviers d'action et de s'organiser en conséquence – en somme, une écologie de cohérence.
Les COP sont une nouvelle façon d'organiser collectivement la transition écologique dans les territoires. Elles visent à créer un cadre commun qui permette un dialogue articulé entre les niveaux nationaux, régionaux, départementaux, intercommunaux et municipaux. Leur but est de faire émerger des actions qui relèvent des compétences des collectivités territoriales, mais aussi de valoriser les actions déjà engagées, car nous savons que les collectivités sont extrêmement actives en faveur de la transition écologique. L'objectif est que le territoire s'empare de la planification écologique.
Il s'agit, je le redis, d'un dispositif inédit : les COP, coanimées par le préfet de région et le président du conseil régional, permettent de faire discuter tous les échelons de nos collectivités et de les engager collectivement et localement.
Nous en attendons trois points de sortie : d'abord, un alignement des parties prenantes sur les objectifs de la planification écologique à l'échelle de la région ; ensuite, un état des lieux partagé du territoire sur les dynamiques en cours et les programmes déjà engagés ; enfin, un plan d'action cohérent et pragmatique qui tienne compte des initiatives prises par l'ensemble des collectivités et qui complète les actions éventuellement déjà engagées. En outre, tous les sujets ne pouvant pas être parfaitement traités en une seule fois et en un an, la liste des sujets à évoquer lors de la prochaine COP et les modalités de suivi devront en émerger.
J'ai évoqué le pourquoi et le comment ; permettez-moi désormais de vous faire un état des lieux du calendrier.
À l'heure actuelle, les COP ont été lancées dans toutes les régions, à l'exception de la Guyane et de Mayotte, avec des calendriers qui respecteront notre objectif de disposer de feuilles de routes d'ici à l'été prochain, ou juste après. Je me félicite que le calendrier de lancement ait préservé des temps de concertation en amont de la réunion des COP pour s'assurer de la bonne prise en compte des spécificités de chaque territoire.
Pour tenir ce calendrier, nous avons également déployé un accompagnement spécifique par les services de l'État, qui a pris plusieurs formes comme le recrutement de secrétaires généraux de COP dans chacune des régions concernées et la mise à disposition d'outils en support de la méthodologie.
Les résultats de la phase de diagnostic sont par ailleurs encourageants ; il est fait état d'une forte mobilisation des collectivités. Je crois que cela témoigne parfaitement de l'intérêt des élus pour la démarche. À ce jour, sept régions ont déjà clôturé le recueil des retours des collectivités pour leur phase de diagnostic, et plus de 70 % des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), conseils départementaux et conseils régionaux ont répondu.
Cette phase a permis à chaque territoire de disposer d'une vue concrète et structurée du type d'actions mises en œuvre ; on a ainsi embarqué les collectivités dans les COP en leur permettant d'exprimer leur point de vue, ou encore d'identifier les thématiques clés à mettre en débat.
Pour la suite du processus, chaque région a préparé sa phase de débat en associant toutes les parties prenantes. À ce jour, plus de 120 groupes de travail ont été mis en place dans toutes les régions, avec plus de 160 heures d'échanges. Ces débats ont été ouverts à tous les acteurs de la société civile, des professions agricoles aux associations de consommateurs, en passant par le personnel hospitalier, les associations de protection environnementale, les chambres consulaires ou encore les syndicats forestiers.
Ces débats se sont structurés autour des six thématiques de France Nation verte : mieux se loger, mieux se nourrir, mieux se déplacer, mieux consommer, mieux produire et mieux préserver et valoriser nos écosystèmes. Dans certaines régions, des groupes de travail transverses complémentaires ont également été mis en place pour traiter, par exemple, de l'adaptation au changement climatique ou encore des enjeux d'emploi et de santé.
À la suite de ces débats, l'État accompagnera la mise en place opérationnelle des feuilles de route au travers des contrats de relance et de transition écologique (CRTE). Ces contrats, cruciaux pour la réussite de la transition écologique, font l'objet d'une nouvelle circulaire, signée en avril dernier ; ils sont le cadre idéal pour mettre en œuvre les ambitions fixées par les COP à l'échelle de chaque bassin de vie. Les CRTE ont vocation à devenir le cadre de travail de droit commun entre l'État et les collectivités, sous la forme d'un contrat chapeau qui rassemble les programmes d'appui territorialisés comme Villages d'avenir, Territoires d'industrie ou encore Petites Villes de demain.
Je terminerai mon propos en rappelant, même si vous le savez déjà, que la mobilisation des collectivités est absolument essentielle à la réussite de la planification écologique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
- Débat interactif -
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d'une durée équivalente. Il aura la faculté, s'il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L'auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Madame la ministre, mes chers collègues, afin de ne pas retarder la tenue des questions d'actualité au Gouvernement, prévues à 17 heures 15, je demande à chaque orateur de bien vouloir respecter scrupuleusement son temps de parole et de faire autant que possible un effort de concision, qu'il s'agisse de la question, de la réponse, ou des éventuelles répliques.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Fabien Genet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Duffourg applaudit également.)
M. Fabien Genet. Mon collègue Jean-Baptiste Blanc a très bien exposé notre soutien à une vraie feuille de route en matière de transition écologique, ainsi que nos réserves quant à la planification très verticale mise en place par votre gouvernement.
Concernant les COP régionales, je dois avouer que les réunions organisées par le préfet de Saône-et-Loire et le sous-préfet de Charolles ont eu le mérite d'informer le parlementaire que je suis de la stratégie du Gouvernement, puisqu'aucune présentation formelle n'en a été faite au Sénat et que notre Haute Assemblée attend toujours de pouvoir auditionner Antoine Pellion, secrétaire général à la planification écologique.
Cela étant dit, je souhaite vous faire part de plusieurs alertes sur les enjeux agricoles liés à cette démarche, dans sa dimension territoriale. En effet, il est essentiel de permettre à l'agriculture de prendre toute sa place dans l'atteinte des objectifs de décarbonation, de préservation de la biodiversité et de production d'énergies renouvelables.
À titre d'exemple, le secteur de l'élevage, très présent dans mon département de Saône-et-Loire, a déjà contribué, du fait de la décapitalisation à l'œuvre depuis plusieurs années, à une réduction des émissions de gaz à effet de serre correspondant à la moitié de l'objectif fixé.
Derrière ce qui pourrait sembler une bonne nouvelle se cache une vraie crainte. Chercher à décarboner le secteur de l'élevage par une réduction de la production sur notre territoire serait à coup sûr une grave erreur, car cela induirait une augmentation parallèle des importations de viandes.
Madame la ministre, quelle avancée pour le climat produiraient une diminution de notre souveraineté alimentaire, une délocalisation des émissions de gaz à effet de serre en dehors de nos frontières et une réduction de nos surfaces en prairies ?
La profession agricole mène actuellement un travail fin sur la gestion des troupeaux, l'alimentation des animaux, la diminution de la fertilisation azotée et la réduction des consommations d'énergie, qui est en mesure d'accélérer la voie de la décarbonation pour atteindre les objectifs de baisse d'émissions de gaz à effet de serre sans diminution du cheptel.
Par ailleurs, l'entretien des prairies et des haies joue un rôle fondamental dans la préservation de la biodiversité et les 13 millions d'hectares de prairies et parcours sur lesquels pâturent les bovins constituent des puits de carbone irremplaçables. L'élevage bovin français est non pas un problème, mais une solution pour l'environnement et le climat.
Madame la ministre, la territorialisation de la planification écologique permettra-t-elle de relever ce défi ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Genet, la réponse est oui ! Si nous n'en étions pas convaincus, je ne serais pas là, non plus que Christophe Béchu. La méthode est la bonne : elle est innovante et vise tout simplement à embarquer toutes les collectivités locales sur le sujet prégnant que vous évoquez.
La raison pour laquelle Christophe Béchu n'est pas venu vous présenter un projet de loi est simple : les textes sont déjà là. Cet engagement du Président de la République est porté par le SGPE ; nous le déclinons par un travail de concertation de six mois. Ici ou là, des sénateurs y ont été associés, ainsi que les associations d'élus, de manière à travailler ensemble à la mise en œuvre opérationnelle, dans les territoires, de ces objectifs nationaux.
J'en viens plus particulièrement à l'agriculture et à l'élevage, qui font l'objet de votre question. Les leviers de réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole permettront de réduire ses émissions directes de 18 % entre 2019 et 2030, ce qui représente un effort deux fois inférieur à l'objectif national, car la baisse des émissions agricoles est un processus qui prend beaucoup de temps.
Pour atteindre cet objectif, nous avons identifié trois leviers : premièrement, les changements de pratiques de fertilisation azotée, avec pour cible une baisse de 30% de l'usage d'azote minéral entre 2020 et 2030 ; deuxièmement, la promotion de l'élevage durable, qui doit se faire en maintenant les effectifs bovins actuels, ceux-ci ayant déjà beaucoup baissé ; troisièmement, la décarbonation des bâtiments et machines agricoles, par exemple les serres.
S'y ajoutent les leviers d'augmentation de la capacité des sols à capturer le carbone, que ce soit par le développement de haies, le maintien des prairies ou le déploiement de pratiques de stockage.
Enfin, il faut mentionner les leviers de préservation de la biodiversité et de la santé, à savoir essentiellement le développement de l'agriculture biologique et la réduction de l'usage de produits phytosanitaires.
On pourrait débattre plus longuement de ces questions, mais le temps nous est compté et je pense avoir fourni quelques éléments de réponse à votre question.
M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Cédric Chevalier. Madame la ministre, je suis fier que ma région, le Grand Est, ait été la première à territorialiser la COP, avec son dispositif Grand Est Région Verte, dont l'objectif était d'impliquer l'ensemble des territoires et acteurs locaux dans la planification et l'accélération de la transition écologique. En contribution à ce vaste chantier, la collectivité a adopté une feuille de route ambitieuse proposant quarante-cinq mesures d'adaptation au changement climatique.
Par la suite, la région a voulu, en lien avec le secrétariat général à la planification écologique, demander des autodiagnostics aux collectivités territoriales, quelle que soit leur taille, afin de repérer notamment les consommations actuelles et à venir de gaz à effet de serre ou encore les actions envisagées sur les ressources naturelles.
Or les questionnaires du SGPE, conçus par des acteurs très éloignés du terrain – c'est le moins que l'on puisse dire ! –, ont largement découragé les collectivités de s'investir dans le processus. Ils étaient d'un accès trop difficile et n'ont pas rencontré leur public.
Je rappelle que, en novembre dernier, lors d'un débat sur le thème de la déclinaison territoriale de la planification écologique, j'interpellais déjà le ministre de la transition écologique sur la nécessité de simplifier les démarches pour les collectivités, notamment pour les candidatures au fonds vert.
Une fois les constats dressés et les projections réalisées, nous avons besoin de financements. Si, comme d'autres régions peut-être, elle entend bien y prendre sa part et cofinancer, la région Grand Est ne peut pas tout prendre en charge.
Le Gouvernement a indiqué que le fonds vert serait abondé à cette fin ; or celui-ci sort plus que jamais amoindri de la " déforestation " budgétaire de Bercy. (Sourires.)
Aussi, madame la ministre, comment simplifier pour faire adhérer les collectivités et avec quels moyens ? C'est de ces réponses claires que dépend la réussite de la planification écologique régionalisée. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur, vous avez résumé la méthode qui a été la nôtre pour territorialiser notre planification écologique.
Pourquoi les questionnaires ne sont-ils pas plus simples ? Pour ma part, j'ai constaté que de nombreuses collectivités y avaient répondu avec beaucoup de plaisir et de bonheur.
Vous trouvez ce questionnaire trop technocratique. Ce n'est pas ce que j'ai entendu.
Vous affirmez qu'il est très aride et que les concertations n'ont pas rencontré leur public. (M. Cédric Chevalier acquiesce.) Les résultats sont là : plus de 70% des EPCI et des départements qui ont été interrogés ont d'ores et déjà répondu, ce dont nous sommes très heureux et très fiers.
Pour autant, je ne peux pas dire non plus qu'il n'est pas possible de simplifier encore le questionnaire. Toutefois, au regard des réponses que nous avons reçues et de l'adhésion que ce dernier a suscitée, le verre nous apparaît plutôt plein.
J'en viens au financement. Vous nous dites que Bercy a taillé dans le fonds vert. J'aurai peut-être l'occasion d'y revenir tout à l'heure, mais je rappelle que si les collectivités ont bénéficié au cours des dix dernières années d'un investissement d'environ 2 milliards d'euros – DSIL (dotation de soutien à l'investissement local) et DETR (dotation d'équipement des territoires ruraux) réunies –, ce gouvernement a décidé dans le projet de loi de finances pour 2023 de porter le budget du fonds vert à 2 milliards d'euros et, dans le projet de finances pour 2024, à 2,5 milliards d'euros.
Reste que, cette année – et seulement cette année –,…
M. Rémi Cardon. Ah !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … compte tenu des résultats de la fin de l'année, il a été décidé de réduire la voilure. Nous ne touchons ni à la DSIL, ni à la DETR, ni à la DGF, mais, oui, nous ramenons le budget du fonds vert à 2 milliards d'euros.
Certes, je comprends votre demande ; pour autant, 2 milliards d'euros en 2024, c'est un signal fort pour la transition écologique dans les territoires.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Stéphane Demilly. Madame la ministre, les COP régionales ont été lancées à la fin de l'année 2023. Territorialiser la planification écologique est une très bonne idée sur le papier, mais les derniers signaux envoyés par le Gouvernement sur les questions écologiques n'invitent pas à l'optimisme.
En témoigne la baisse de 1,4 milliard d'euros du budget du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, laquelle se traduit par une baisse – une déforestation, pour reprendre le terme utilisé précédemment (Sourires.) – de 400 millions d'euros du fonds vert.
Les régions s'inquiètent à juste titre de cette potentielle pénurie de moyens. Cela vient renforcer un sentiment d'incompréhension déjà très présent chez nos élus, un sentiment qui s'aggrave face à la mise en pratique de certaines politiques environnementales.
Je veux bien sûr parler de l'objectif ZAN, omniprésent – et c'est peu de le dire ! – dans les discussions que j'ai avec les maires chaque semaine. J'imagine qu'il en est de même pour vous, à une autre échelle, madame la ministre.
Les premières COP régionales ont bien évidemment fait remonter ce sujet déterminant.
Personne ne remet en cause le bien-fondé de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience, mais attention aux mesures de modération de la construction, qui ne sont à ce jour ni adaptées, ni égalitaires, ni pertinentes pour nos territoires.
En effet, trois ans après le vote de la loi, nous sommes toujours en train d'affiner les modalités de calcul de l'artificialisation des sols, nous sommes toujours en train de défendre des projets d'envergure nationale et européenne, pour lesquels l'enveloppe foncière est souvent insuffisante, et nous sommes toujours en train de dénoncer des modalités de calcul de consommation foncière qui ne prennent en compte ni la taille des communes ni les projets territoriaux… Bref, il est vraiment temps de stabiliser les règles du jeu.
Madame la ministre, je vous poserai deux questions.
Malgré les coupes budgétaires, les COP régionales permettront-elles de faire entendre les inquiétudes de nos territoires ou est-ce un " machin " de plus ?
Quelles mesures vont être prises pour répondre aux difficultés rencontrées par nos communes dans l'application de l'objectif ZAN ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Demilly, vous demandez que nous stabilisions les règles du jeu. Pour ma part, je les trouve extrêmement stables.
Je reconnais que, sur le terrain, j'ai les mêmes échanges que vous concernant le ZAN, mais les règles sont bien stabilisées. Il faut maintenant laisser un peu de temps à nos élus locaux pour voir comment, à l'échelle d'une intercommunalité, ils parviendront à agir, à reprendre espoir et à développer leurs projets à l'horizon de 2030.
Au cours des cinq visites officielles que j'ai effectuées en dix jours, j'ai rencontré environ 400 maires. Oui, je suis d'accord avec vous : de nouveau, de l'inquiétude se fait sentir à propos du ZAN. Je vous assure que, après des discussions avec le préfet et les présidents d'intercommunalité, on trouve à chaque fois des moyens d'avancer. Il faut laisser un peu de temps au temps : d'ici à 2030, nous atteindrons les objectifs fixés.
Par ailleurs, vous affirmez que les fonds se font toujours attendre. Une telle remarque m'étonne. En effet, nous avons lancé les COP régionales à l'automne dernier ; Christophe Béchu a fait le tour de quasiment toutes les régions et a fixé les objectifs main dans la main avec les présidents de région et les préfets. Moins de six mois après, l'état des lieux issu des questionnaires est en passe d'être finalisé. Il le sera d'ici à un mois, ce qui nous permettra d'établir la feuille de route. Dans mon propos introductif, j'ai parlé de cet été ; ce sera sans doute plutôt septembre prochain.
Vous m'interrogez sur l'efficacité de ce processus – c'est d'ailleurs l'intitulé de ce débat. Nous venons de lancer les COP régionales. Nous y voyons, nous, des signaux très positifs. Il ne s'agit aucunement d'un " machin " de plus ; c'est au contraire une méthode efficace, élaborée par le secrétariat général à la planification écologique, dans laquelle les préfets, les régions et toutes les collectivités sont en train d'embarquer.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Madame la ministre, je vais peut-être doucher votre enthousiasme sur la capacité à respecter les délais de la concertation en faisant référence à l'article du journal Ouest-France intitulé " Pourquoi la COP régionale va rallonger la concertation en Pays de la Loire ".
Si la COP régionale des Pays de la Loire a d'ores et déjà décidé de retarder la concertation du grand public, c'est que les élus locaux ne sont pas venus aux ateliers du mois d'avril dernier, pourtant lancés par Christophe Béchu, qui jouait à domicile en lançant cette COP régionale voilà quelques semaines. (Sourires.)
On a donc un véritable problème. D'ailleurs, madame la ministre, je vous rejoins sur le fait que nous ne tiendrons pas nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d'adaptation sans les territoires, sans les régions et leur capacité de planification et sans le bloc communal. Encore faut-il leur envoyer des signaux tangibles ; il ne suffit pas de répéter que l'on a besoin d'eux. Ils attendent aussi des signaux concrets qui les amèneraient à se mobiliser.
Je prends deux exemples.
D'une part, nous attendons toujours les décrets d'application relatifs au partage de la valeur sur les énergies renouvelables que le Sénat a voté ; il s'agit pourtant d'un signal extrêmement important pour les collectivités. M. Didier Mandelli, qui a été le rapporteur du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, vient de l'indiquer à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
D'autre part, nous ne connaissons toujours pas la manière dont les 250 millions d'euros d'accompagnement des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), que le Sénat a votés et que Christophe Béchu a confirmés, seront déployés dans les territoires.
Ma question est extrêmement précise, madame la ministre. La circulaire du mois d'avril sur les CRTE intègre-t-elle les critères d'attribution de ces 250 millions d'euros ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Dantec, je ne peux que me réjouir de sentir, au travers de toutes les questions qui me sont posées à l'occasion de ce débat, votre impatience et votre envie de voir cette planification écologique aboutir et s'ancrer dans les territoires. Je partage cette volonté.
Pour autant, monsieur le sénateur, j'en appelle à votre connaissance de notre pays et de l'hétérogénéité des territoires. Je n'ai pas lu la presse quotidienne régionale, j'ignorais donc la situation que vous avez exposée. Certes, je l'ai déjà dit, certains territoires ne se sont pas encore saisis des COP, mais la région Aura (Auvergne-Rhône-Alpes) a conduit un certain nombre de concertations dès le mois d'avril et toutes les dates sont planifiées au mois de mai. Il en est de même pour la région Bourgogne-Franche-Comté : les concertations ont été tenues en mars et en avril et sont aujourd'hui finies.
Certes, la région des Pays de la Loire connaît peut-être des difficultés – vous me l'apprenez. Il s'agit non pas de susciter des doutes dans les territoires, mais d'admettre les difficultés que certains d'entre eux rencontrent. Nous comptons sur vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour accélérer.
Les critères d'attribution figurent-ils dans la circulaire ? À votre question très concrète, la réponse est non. La circulaire flèche, indique, oriente ; le fléchage des fonds pour les PCAET et les CRTE sera fixé dans le courant de l'été, m'a indiqué Christophe Béchu.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour la réplique.
M. Ronan Dantec. Madame la ministre, reconnaissez qu'il est dommage de publier une circulaire sur les CRTE en avril et de prévoir la contractualisation – il s'agit tout de même d'une enveloppe de 250 millions d'euros – à l'été. On aurait sans doute pu tout faire en même temps.
Si l'on n'envoie pas ces signaux très précis aux territoires, ils ne feront pas leur part et nous ne tiendrons pas nos objectifs sur le climat.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la ministre, la question posée par ce débat est celle de l'efficacité des COP régionales, dont l'objectif est de prendre en compte les spécificités de chaque territoire à l'échelle des bassins de vie en matière de transition écologique.
Pour répondre à cette question, deux conditions essentielles me paraissent devoir être remplies.
En premier lieu, la gouvernance des COP revenant conjointement aux préfets et aux présidents de région, il est impératif de rappeler la nécessité d'impliquer et d'associer tous les échelons de collectivités et de veiller à la solidarité entre les territoires qui, pour la plupart, ont déjà établi des feuilles de route – je pense notamment aux PCAET et aux PAT.
Nombreux sont les élus locaux qui déplorent la période de concertation accélérée. Celle-ci rend en effet difficile l'intégration des enjeux de nos territoires ruraux dans les documents stratégiques et leur fait craindre qu'il en soit de même pour l'intégration du ZAN.
En second lieu, il est difficile de ne pas évoquer les récentes coupes budgétaires annoncées par le Bruno Le Maire, qui sont incohérentes avec nos obligations de réduction de gaz à effet de serre de 55% d'ici à 2030 : réduction de plus de 400 millions d'euros du fonds vert, ponction de 1 milliard d'euros sur le budget de MaPrimeRénov', baisse du budget de la mission " Cohésion des territoires " de plus de 700 millions d'euros.
Ces coupes contrastent avec les propos du Président de la République, qui, lors de l'élaboration du budget pour 2024, a affirmé que le virage écologique ne pouvait plus attendre, ainsi qu'avec le rapport Pisani-Ferry chiffrant à 34 milliards d'euros annuels les besoins en financement public de la transition écologique.
Dans ces conditions, madame la ministre, comment comptez-vous répondre à l'urgence climatique, alors que l'État a été rappelé à l'ordre à plusieurs reprises sur ses obligations climatiques ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Varaillas, vous en appelez à une large concertation dans les territoires. C'est notre volonté pleine et entière et c'est ce qui est en train de se passer, malgré une certaine hétérogénéité – j'ai eu l'occasion de l'évoquer. Tous les territoires n'avancent pas à la même vitesse, ce que l'on peut regretter.
Pour autant, la méthode que nous avons adoptée – il s'agit d'un dispositif inédit – fait de tous les échelons des collectivités des maillons essentiels de la territorialisation. Il n'est qu'à voir à quel point le tableau sur les leviers de décarbonation prend en compte l'industrie, le tertiaire, le logement… Tous ces paramètres ont été fournis aux collectivités locales – non seulement les régions, mais aussi les départements et intercommunalités – par le secrétariat général à la planification écologique pour que celles-ci soient en mesure de partir d'un diagnostic proposé. On ne peut pas dire qu'elles ne sont pas accompagnées ni associées.
Madame la sénatrice, vous avez évoqué le financement. Pour compléter ce que j'ai déjà indiqué voilà quelques instants et que je ne répéterai pas, je précise que l'État accompagne aujourd'hui fortement l'investissement des collectivités.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les uns après les autres, vous citez les baisses récentes liées au déficit budgétaire de 5,5% du PIB en 2023. Oui, des mesures ont été prises. Je comprends que vous m'interrogiez sur ce sujet, mais quoi de plus légitime que d'avoir baissé la dépense de l'État en 2024 sans baisser celle des collectivités ? En 2024, celles-ci percevront 11 milliards d'euros de soutien via les dotations d'investissement, le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et le fonds vert, qui est maintenu à son niveau de 2023.
Je le dis partout où je me rends : malgré des situations hétérogènes, la situation financière des collectivités est globalement saine et propice aux investissements, et l'endettement est globalement très bien maîtrisé.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour la réplique.
Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la ministre, vous le savez bien : plutôt que de réduire les dépenses, il nous faut trouver des recettes.
Les plus hauts revenus, qui sont souvent les plus pollueurs, doivent participer à cet effort et les aides publiques aux grandes entreprises, qui représentent quelque 200 milliards d'euros dans le budget de l'État, doivent être assorties d'une écoconditionnalité.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Madame la ministre, le 28 septembre 2023, lors de la création des conférences des parties régionales, les fameuses COP, le Gouvernement a reconnu à raison le rôle essentiel joué par les collectivités territoriales dans la planification écologique.
Celle-ci devait s'appliquer et s'ancrer dans les réalités du terrain. Sa réussite devait dépendre, en grande partie, de l'acceptabilité des mesures proposées. Il en était de même de l'identification des spécificités de chaque territoire régional au regard des défis de décarbonation, de protection et de restauration de la biodiversité.
Depuis, nos régions s'inquiètent du manque de perspective et de cohérence des messages envoyés par le Gouvernement sur les questions écologiques.
Suppression du ministère de la transition énergétique, coupe budgétaire de plus de 2 milliards d'euros de la mission " Écologie, développement et mobilité durables ", dont 500 millions d'euros pour le seul fonds vert, qui est quasiment le seul soutien financier de la transition écologique des collectivités territoriales, déjà touchées par la diminution des fonds DETR et DSIL.
Voilà qui s'inscrit dans une logique inverse aux attentes de nos territoires, lesquels espéraient, plutôt sereinement compte tenu des enjeux et défis climatiques actuels, que leur panoplie d'actions serait élargie, notamment sur la restauration de nos réseaux d'eau potable, dont les fuites occasionnent chaque année la perte de 1 milliard de mètres cubes d'eau, soit l'équivalent de la consommation de quelque 19 millions d'habitants.
Que nenni donc, alors que la plupart des COP en sont à l'élaboration de leur diagnostic et à l'identification des thématiques sur lesquelles faire porter les efforts, notamment financiers.
Madame la ministre, il est donc légitime de vous demander en leur nom quelles mesures et quels moyens concrets, notamment financiers, permettront la réalisation de notre trajectoire de planification écologique territoire par territoire.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Delattre, les régions s'inquiètent, dites-vous.
M. Rémi Cardon. C'est vrai !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. J'en appelle encore une fois à votre connaissance de nos territoires : très probablement, quelques régions s'inquiètent, mais d'autres avaient déjà mis en œuvre des politiques en faveur de la décarbonation bien avant que nous ne leur demandions, en lien avec le secrétaire général à la planification écologique, de travailler sur le sujet. Certaines régions ne s'inquiètent pas : elles ont déjà avancé sur plusieurs sujets.
J'entends que vous parlez au nom de celles qui s'inquiètent. Je ne répète pas à quel point, avec 2 milliards d'euros pour le fonds vert en 2024, comme en 2023, le signal me paraît fort. Certes, il l'est moins qu'avec une dotation de 2,5 milliards d'euros : oui, nous avons opéré des baisses dans les dépenses de l'État, mais nous les assumons. Je ne répéterai pas quelles en sont les raisons.
Madame la sénatrice, vous abordez un sujet important, voire crucial, à savoir les besoins d'investissement dans les réseaux d'eau potable. Cela concerne d'autres budgets : ceux des agences de l'eau. En Nouvelle-Aquitaine, si c'est à cette région que vous pensez, les besoins sont importants et il s'agit d'une question évidemment prégnante. Nous devons y travailler avec l'agence de l'eau concernée.
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili.
M. Saïd Omar Oili. Madame la ministre, face à l'urgence climatique, la France s'est donné pour objectif d'atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050. La stratégie nationale bas-carbone (SNBC), qui est notre feuille de route nationale sur le sujet, fixe également un objectif de réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport au niveau de 1990. Cet objectif doit d'ailleurs être révisé par la nouvelle SNBC pour s'aligner sur l'objectif européen du Fit for 55 : une baisse de 55% des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030.
L'ampleur du défi est considérable, quel que soit le domaine concerné – transport, énergie, agriculture, rénovation thermique…
Pour atteindre nos objectifs, le Président de la République a lancé le 25 septembre 2023 un appel aux collectivités territoriales, les invitant à occuper un rôle central dans la mise en œuvre de la planification écologique. En première ligne de la transition écologique, elles ont un rôle essentiel à jouer dans ladite planification qui doit s'appliquer et s'ancrer dans les réalités propres à chaque territoire.
Nous saluons en ce sens l'investissement et l'ensemble des travaux du secrétariat général à la planification écologique.
Toutefois, alors que quatorze COP régionales ont déjà lancé la phase de diagnostic, quatre régions n'ont pas encore engagé de travaux. L'objectif d'un plan d'action pour cet été est-il toujours réaliste ?
De plus, au regard des remontées de terrain qui seront faites, cela supposera dans de nombreux cas un fort investissement régional. Quels moyens seront alloués aux COP régionales pour traduire ces remontées de terrain ? Peut-on envisager davantage de décentralisation sur certains sujets ?
Enfin, madame la ministre, nous demandons qu'un bilan spécifique soit établi dans les territoires d'outre-mer.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Omar Oili, seules deux régions, Mayotte et la Guyane, et non pas quatre, n'ont pas encore lancé leur COP.
Je vous assure que les collectivités d'outre-mer bénéficieront d'un traitement spécifique. Je me suis récemment rendue en Guadeloupe et en Martinique et nous avons travaillé sur ces sujets. Je ne suis pas encore allée dans tous les territoires ultramarins, mais je m'engage à ce que Christophe Béchu, ses services et moi-même tenions compte de leurs spécificités.
Sur l'accompagnement de l'investissement des collectivités, je ne peux rien vous dire de plus que ce que j'ai déjà indiqué à vos collègues : près de 11 milliards d'euros par an de soutien via toutes les dotations d'investissement. Je comprends l'inquiétude qui s'exprime, mais saisissons-nous d'abord des milliards d'euros que nous injectons, soyons sûrs qu'ils seront consommés, ou du moins engagés avant la fin de l'année, avant de craindre que les montants alloués ne soient pas suffisants.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Hervé Gillé. Madame la ministre, s'il est encore trop tôt pour juger de l'efficacité du dispositif des COP régionales, l'injonction contradictoire quand nous parlons de transition écologique est particulièrement contre-productive. Voilà cinq mois était organisé au Sénat, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, un débat en séance publique sur le thème : " Déclinaison territoriale de la planification écologique : quel rôle et quels moyens pour les collectivités locales ? Quel accompagnement du citoyen ? " Le ministre Christophe Béchu était présent.
Depuis, nous avons assisté, impuissants, à la remise en cause de certaines avancées écologiques : d'abord, sur le terrain de la biodiversité et de la santé publique avec des annonces sur les produits phytosanitaires ; ensuite, sur l'abandon du projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat, définitivement enterré la semaine dernière, alors même qu'il s'agit d'une demande de nombreuses collectivités territoriales, convaincues que la souveraineté énergétique ne pourrait passer que par un effort de programmation, d'économies d'énergie et d'investissements dans les renouvelables ; enfin, sur les coups de rabot budgétaires non concertés.
Il s'agit donc bien d'une injonction contradictoire pour les régions : toutes soulignent que les leviers identifiés par le secrétariat général à la planification écologique doivent s'appuyer sur les stratégies régionales déjà mises en œuvre et ayant fait l'objet d'une concertation avec les acteurs des territoires.
L'injonction contradictoire est ici frappante. Les COP régionales sont un outil limité aux collectivités. Sur le terrain, cela ne peut constituer un effet d'entraînement puisque les ménages, les acteurs socio-économiques et les acteurs de la société civile en sont écartés.
Madame la ministre, ma question est simple : les COP régionales sont-elles toujours une priorité ? Le temps investi par les collectivités territoriales sera-t-il vain ? Quelle traduction concrète peut-on envisager à l'issue des COP régionales ? Pourquoi l'association des parlementaires se fait-elle à géométrie variable, en fonction des préfets ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Gillé, je ne partage pas votre point de vue : on ne peut nous accuser d'adresser des injonctions contradictoires en matière de transition écologique.
Conduire des politiques publiques à l'échelle d'une commune, d'une intercommunalité, d'un département, d'une région, de l'État, revient très souvent, et je suis sûre que vous le savez, à se trouver sur un chemin de crête. Oui, des arbitrages ont été opérés. Pour autant, et je prendrai votre exemple du coup de rabot, je pense que la politique que nous conduisons en matière de transition écologique est très cohérente.
Vous me demandez si cette COP est un effet de mode ou une véritable méthode pour cranter et ancrer la planification écologique dans les territoires. Aujourd'hui, personne ne m'a dit que cette méthode n'était pas la bonne ni que l'État n'était pas aux côtés des régions, des départements ou des intercommunalités pour avancer. (M. Hervé Gillé manifeste sa désapprobation.)
Comme vous, je salue le travail du secrétariat général à la planification écologique. Je salue également le travail de Christophe Béchu et de ses équipes. Pour ma part, je vois de la cohérence, une vraie volonté avec, de-ci de-là, des arbitrages que l'on aurait préféré éviter. La vie est faite de surprises et de difficultés, qui nous obligent à arbitrer.
En revanche, je m'inscris en faux contre vos derniers propos. J'ai assisté à deux COP – je crois que toutes étaient du même modèle. À chaque fois, les associations et les citoyens ont été impliqués. Christophe Béchu a lui-même animé le lancement des COP et a organisé, après les moments institutionnels où toutes les parties prenantes – y compris les associations environnementales – étaient associées, un moment dédié à la concertation avec les citoyens.
Pourquoi les parlementaires ne sont-ils pas systématiquement associés localement ? Je peux en parler aux préfets, si vous le souhaitez. (M. Hervé Gillé acquiesce. – M. Rémi Cardon s'exclame.) Cela peut être organisé.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.
M. Hervé Gillé. Madame la ministre, pour parler de planification, il faut de la lisibilité budgétaire dans le temps. Il ne faut pas que la planification écologique s'évapore face à cette incertitude budgétaire. C'est absolument essentiel.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Madame la ministre, je reviens sur la circulaire du 4 avril et – un peu d'histoire – sur celle du 28 décembre 2023, qui reprenait la philosophie de l'amendement adopté ici même à l'unanimité et tendant à prévoir un financement des PCAET par une enveloppe du fonds vert.
Dans cette dernière circulaire, ladite enveloppe était de 250 millions d'euros. Dans celle du 4 avril dernier, elle n'est plus que de 200 millions d'euros. Surtout, je lis un changement de philosophie : " Compte tenu du plan d'économies nationales, l'enveloppe qui sera dédiée à ces actions sera de 200 millions d'euros. Elle servira, selon les besoins remontés des territoires à l'issue des COP régionales, soit à renforcer les actions prioritaires du fonds vert, soit à cofinancer de nouvelles actions proposées par les territoires et ayant un impact écologique fort. "
Cette alternative montre un changement par rapport à ce qui a été voté : aucune conditionnalité n'était prévue, il fallait des projets exposés.
Madame la ministre, je vous interrogerai sur le calendrier. Aujourd'hui, comme vous l'avez indiqué, deux COP n'ont toujours pas été lancées. Dans ces conditions, comment prévoir des modalités d'application ?
Par ailleurs, je m'inquiète : on constate déjà une baisse de 20% des crédits. À la fin de l'année, cette baisse sera-t-elle de 100 %, faute d'avoir pu attribuer le moindre crédit aux collectivités ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Lavarde, vous évoquez les circulaires du 28 décembre 2023 et du 4 avril dernier et vous vous inquiétez de voir que l'enveloppe dédiée aux actions a été réduite à 200 millions d'euros compte tenu du plan d'économies national.
Cette enveloppe servira selon les besoins qui seront remontés des territoires à l'issue des COP régionales. Certes, l'on peut toujours s'inquiéter. Toutefois, nous sommes à la fin du mois d'avril et cette enveloppe n'est toujours pas dépensée.
Comme je l'ai indiqué aux orateurs précédents, lorsque les 200 millions d'euros seront consommés à la fin de l'année, nous saurons comment financer les autres investissements si les 50 millions d'euros manquants venaient à poser un réel problème.
Aujourd'hui, il est urgent que vous nous aidiez – si vous le voulez bien – à cranter et à accélérer la prise en compte par les collectivités locales de cette planification écologique plutôt que de s'alarmer en répétant que le budget a été ramené à 200 millions d'euros. Dans 70% des cas, tout se passe bien ; dans d'autres, c'est plus lent.
Nous allons remettre au goût du jour la contractualisation, parce que de nombreux élus nous en ont parlé. La dernière circulaire mentionne en effet les CRTE et les PCAET. Les modalités figureront dans les documents que Christophe Béchu diffusera cet été.
En ce qui concerne le calendrier, nous relâchons quelque peu les délais : la feuille de route devait être élaborée avant l'été ; elle le sera plutôt après, pour répondre à certaines régions qui ont demandé deux mois supplémentaires. Au mois de septembre prochain, nous y verrons plus clair, nous connaîtrons les projets qui seront remontés et nous saurons si l'enveloppe de 200 millions d'euros est excessive ou insuffisante. Tout cela, nous le verrons ensemble et c'est ensemble que nous dresserons le constat.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. Alors que ce que nous avions collectivement décidé était très simple, puisque la contractualisation existe déjà pour les CRTE et les PCAET et que ces documents ont déjà été validés par les collectivités, on crée une machine administrative pour pondre un dispositif qui sera complètement inapplicable au regard du calendrier.
Quand ce débat a commencé, il était question d'une feuille de route avant l'été ; maintenant, on parle de la fin de l'été. Autant vous dire qu'aucun dossier ne pourra être financé sur cette ligne de crédit avant la fin de l'année.
Par conséquent, vous auriez pu complètement raboter la ligne budgétaire dès la circulaire du 4 avril et la représentation nationale aurait ainsi constaté qu'elle a voté une loi de finances qui n'est pas appliquée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Ronan Dantec applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Duffourg.
M. Alain Duffourg. Madame la ministre, il est fait état de nombreux problèmes concernant les COP régionales. Tous les acteurs économiques y sont sensibles : une concertation aura lieu sur le sujet dans mon département du Gers, le 16 mai prochain.
La région Occitanie est la première région de France en matière d'agriculture biologique et de production viticole. Les acteurs de la viticulture ont connu des difficultés à la suite des diverses intempéries qui sont survenues ces dernières années – les calamités naturelles sont de plus en plus fréquentes.
Que compte faire le Gouvernement en matière de stockage de l'eau, notamment sur les retenues collinaires ? J'ai beaucoup parlé de ce sujet avec des conseillers ministériels, entre autres, et j'ai formulé des propositions qui n'ont pas été retenues. C'est pourquoi je souhaite enfin connaître votre position.
Par ailleurs, quelles mesures entendez-vous prendre pour l'agriculture dans son ensemble, qu'elle soit biologique ou conventionnelle, notamment pour renforcer le dynamisme des circuits courts, dont nous avons besoin pour approvisionner la restauration collective ?
Enfin, le décret sur l'agrivoltaïsme a été publié, mais nous attendons toujours les arrêtés permettant sa mise en œuvre. Quand seront-ils pris ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Duffourg, nous sommes très mobilisés sur le sujet des retenues d'eau. Une partie du projet de loi d'orientation agricole, sur lequel le Parlement aura à se prononcer prochainement, vise précisément à les sécuriser.
Par ailleurs, les COP régionales, qui s'attachent principalement à la baisse des émissions de CO2, vont aussi s'articuler de façon cohérente avec le plan Eau annoncé par le Président de la République au printemps dernier. La plupart des cinquante-quatre mesures qui ont été définies ont déjà été engagées.
Nous pouvons être fiers d'être tous deux issus d'une région qui a embarqué ses treize départements sur le navire de la planification écologique. Onze d'entre eux ont déjà prévu de tenir leur première réunion départementale au cours des quinze premiers jours de mai. C'est la preuve que la région Occitanie avait commencé à travailler sur ces sujets bien avant que nous ne lancions la déclinaison d'une planification écologique dans les territoires.
Si je n'ai pas complètement répondu à votre question, monsieur le sénateur, mes services et moi-même restons à votre disposition pour tout complément d'information.
M. le président. La parole est à M. Alain Duffourg, pour la réplique.
M. Alain Duffourg. Je sais que vous connaissez très bien ce sujet, madame la ministre. Le problème de l'eau me tient tout particulièrement à cœur. Cela fait longtemps que nous l'évoquons ; or il aura fallu la grogne paysanne pour que le Président de la République s'en préoccupe et admette qu'il s'agit bien d'une réalité.
Cela fait des années – voire des décennies – que le problème de l'eau se pose de façon récurrente en France. Nous avons besoin d'eau dans les régions méridionales et centrales. Aussi, la décision qui s'impose en la matière doit être prise dans les meilleurs délais.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat. (M. Hervé Gillé applaudit.)
M. Simon Uzenat. En 2024, face à l'urgence climatique, qui ne fait plus débat, un seul mot compte : agir.
Très majoritairement, les élus locaux, dans toute leur diversité politique et territoriale, et les acteurs du monde économique en sont conscients. Aussi sont-ils pleinement déterminés à agir sans relâche pour préserver nos territoires, nos écosystèmes et notre planète. Encore faut-il qu'ils en aient les moyens.
Se réunir, échanger et réfléchir sont autant d'intentions louables, mais légèrement décalées, alors que les constats sont partagés, les solutions identifiées et les concertations déjà mises en œuvre dans de nombreuses régions, comme l'ont rappelé plusieurs de nos collègues. En témoigne la BreizhCop, mise en place en Bretagne dès 2017. Rappelons aussi que 57% des EPCI bretons sont couverts par un PCAET, ce qui est bien au-dessus de la moyenne nationale.
Aujourd'hui, 50% de la baisse des émissions de gaz à effet de serre sont entre les mains des entreprises. Reste que ces dernières ont besoin d'accompagnement. Une mission d'information est d'ailleurs conduite par le Sénat sur ce sujet. Dans une circulaire du 29 septembre dernier, la Première ministre encourageait simplement à intégrer dans la COP les acteurs du monde économique, ce qui nous semble être leur point faible. Concernant les collectivités, la Première ministre, toujours par voie de circulaire, appelait à une accélération des efforts nécessaires.
Thomas Cazenave affirmait voilà quelques instants que les dépenses vertes continueraient d'augmenter. Or les chiffres parlent d'eux-mêmes : les crédits du fonds vert diminuent de 20% et, selon une circulaire, toutes les actions entreprises dans ce cadre seront concernées par la baisse ; la mesure Territoires d'industrie en transition écologique voit sa dotation baisser de 30% ; quant à l'enveloppe dédiée à l'accompagnement des PCAET, elle est réduite de 20%.
Les projets les plus importants seront soutenus, ce qui pénalise les petites communes.
La vraie question qui se pose est celle des moyens, madame la ministre. Toutes les collectivités font face à un mur d'investissement.
Dès lors, quels moyens budgétaires, fiscaux ou en ressources propres entendez-vous leur donner ? Dans le livre blanc des Services express régionaux métropolitains (Serm), le ministre des transports appelle à mobiliser toutes les ressources. Dans ce cadre, quelles réponses pouvez-vous apporter ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Vous avez raison, monsieur le sénateur Uzenat : nous devons faire collectivement des efforts budgétaires. Toutefois, mettre de l'ordre dans les comptes n'est pas forcément synonyme de baisse de nos ambitions climatiques.
Notre trajectoire et notre ambition restent inédites avec une progression des dépenses en faveur de la transition écologique de 8 milliards d'euros. Nous avons pour objectif l'efficacité, afin que chaque euro dépensé donne des résultats pour l'environnement.
Notre action repose sur trois principes.
Premièrement, concernant MaPrimeRénov', nous avions déjà anticipé une sous-exécution budgétaire en raison d'une montée en charge très progressive des rénovations d'ampleur. Nous avons donc pris acte du fait que les dépenses seront lissées entre 2024 et 2025.
Deuxièmement, je rappelle que les crédits du fonds vert n'ont pas diminué par rapport à 2023,… (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Elle a raison !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … mais uniquement par rapport à ce qui était prévu dans le projet de loi de finances.
Christophe Béchu a personnellement œuvré pour la création du fonds vert en 2023 en vue de soutenir les collectivités territoriales dans leur transition écologique. Il sera encore abondé à hauteur de 2 milliards d'euros, ce qui était inespéré en 2022.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. C'est une DETR bis !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Troisièmement, les recrutements au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires ont été sanctuarisés. Christophe Béchu s'est battu pour que l'on embauche, en 2024, 760 équivalents temps plein (ETP) dans les directions du ministère et les services déconcentrés de l'État, après de nombreuses années de déflation des effectifs.
Je pense que nous pouvons nous féliciter des moyens que l'État déploie dans les territoires pour assurer la planification et la transition écologiques.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Oui, il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre, préserver la biodiversité et réduire les conséquences du changement climatique. Mais de nombreux services y travaillent déjà. Faut-il ajouter une énième couche ? Comment définir une place opportune pour les COP régionales ? Comment ne pas lasser les élus de ces partenariats changeants, sans fin et souvent sans bilan, alors qu'ils sont en train de s'engager pour définir une ligne d'investissements au travers de la DETR, de la DSIL et du fonds vert et que leur mandat arrive à échéance dans moins de deux ans ?
Les collectivités sont en première ligne de la transition écologique ; elles n'ont pas attendu l'État pour agir au travers du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), des PCAET, des plans locaux d'urbanisme (PLU), des premiers CRTE et des schémas de cohérence territoriale (Scot).
Comment intégrez-vous concrètement le travail déjà accompli ? Comment pouvez-vous garantir la réelle fonction intégratrice de la seconde génération de CRTE avec des moyens financiers et d'ingénierie nécessaires, sans accumulation d'obligations réglementaires ?
Une approche transversale des différentes politiques publiques est nécessaire, mais trop de couacs demeurent. Par exemple, la COP régionale des Pays de la Loire, dont la grande dominante est le transport – soit le secteur le plus émetteur –, est déjà largement bornée par le contrat de plan État-région (CPER). De plus, elle ne s'est pas souciée de faire le bilan des émissions des gaz à effet de serre, en dépit des objectifs que nous devons atteindre d'ici à 2030.
Les choix retenus de covoiturage, de réticence au renforcement des dessertes par car et de lente croissance des dessertes par train semblent davantage liés à la volonté de respecter un cadre financier prédéfini qu'à un objectif de baisse des émissions polluantes.
Il faut répondre de manière pragmatique aux spécificités et besoins locaux : comment comptez-vous y parvenir ?
Par ailleurs, comment allez-vous garantir les aménités rurales, alors que le fonds vert a été amputé de 430 millions d'euros et que vous avez renoncé à une programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) ? Ces coupes franches n'obèrent-elles pas de facto l'efficacité promise des COP régionales ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. J'entends ce que vous dites, monsieur le sénateur de Nicolaÿ. Certains élus ont sans doute du mal à comprendre tous les exercices et les travaux qui leur sont demandés en faveur de la transition écologique.
Toutefois, les choses sont franchement claires pour qui veut s'y intéresser : tous les volets de la planification écologique sont compris dans la stratégie France Nation verte, le plan Eau, le plan de rénovation énergétique des bâtiments scolaires, le plan visant à identifier des zones d'accélération de production d'énergie renouvelable (ZAER) et la révision des documents stratégiques de façade. Ces plans visent bien à accompagner les initiatives de nos élus locaux.
Dans le cadre des COP, il s'agit non pas de repartir de zéro, mais de tenir compte des démarches existantes dans chaque territoire, en particulier lors de la phase de diagnostic, qui est en train de se terminer. L'objectif est d'identifier les actions déjà réalisées et de mesurer le chemin parcouru depuis 2019.
Les débats tenus lors des COP régionales ont du sens en ce qu'ils permettent justement d'identifier les freins à la mise en œuvre de certaines actions déjà programmées ou à trouver des solutions collectives pour accélérer la transition écologique dans les territoires.
La dotation pour les aménités rurales reste inchangée : elle est passée de 40 millions d'euros à 100 millions d'euros – nous n'y avons pas touché. Vous appelez à faire preuve de pragmatisme, monsieur le sénateur, et je vous rejoins sur ce point. Simplement, considérez que les COP doivent se nourrir des travaux issus de la planification écologique et de sa déclinaison territoriale.
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon.
M. Rémi Cardon. La transition écologique et énergétique de notre pays est probablement le défi principal de notre génération. Pourtant, au regard des 10 milliards d'euros d'économies que vous avez décidées, en particulier sur MaPrimeRénov' et le fonds vert, il y a de quoi se poser des questions.
C'est à une dérive climatique de plus de 4 degrés Celsius d'ici à 2100 que nous devons aujourd'hui nous préparer.
La planification écologique et les COP régionales, mises en place depuis six mois dans notre pays, vont plutôt dans le bon sens en ce qu'elles permettent l'intégration et l'implication de bon nombre d'acteurs dans nos collectivités locales, afin que chacun essaie de contribuer à un avenir plus vivable, pour nous-mêmes et pour nos enfants.
Comment pouvez-vous lancer de telles initiatives de dialogue territorial pour construire des objectifs régionaux et, dans le même temps, raboter les crédits du fonds vert et de MaPrimeRénov' ?
M. Hervé Gillé. Exactement !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. On n'a pas oublié le rabot de la DGF sous Hollande !
M. Rémi Cardon. Sans manquer de vous contredire, vous avez affirmé avoir raboté MaPrimeRénov', car ce dispositif était sous-utilisé. Le fonds vert, quant à lui, est surutilisé, mais vous le rabotez tout de même !
Il serait bon que vous fassiez preuve de clarté, madame la ministre. Je m'attendais à une planification écologique ; or tout ce que je vois au travers de votre stratégie, c'est une déstabilisation écologique – en espérant qu'elle ne connaîtra pas le même sort que votre stratégie en matière d'énergie, pour laquelle le Gouvernement a légiféré par décret…
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Cardon, je partage l'entièreté de vos propos introductifs : il est absolument nécessaire que nous nous mobilisions face à la menace d'un réchauffement climatique de 4 degrés Celsius d'ici à 2100. En revanche, par la suite, vous avez formulé des critiques infondées. (M. Jean-Baptiste Lemoyne renchérit.)
En effet, MaPrimeRénov' est un succès, qui a permis de rénover plus de 2 millions de logements depuis 2020. Toutefois, compte tenu des résultats de l'année 2023, Christophe Béchu a engagé une réflexion sur le dispositif, à la fois pour le simplifier et pour ajuster les crédits.
Il vous est loisible de regarder le verre à moitié vide et de considérer que nous pouvons toujours faire mieux. Mais le verre est bien plein, monsieur le sénateur. J'y insiste, MaPrimeRénov' a servi à rénover plus de 2 millions de logements.
Ensuite, je ne vois aucune contradiction dans mes propos sur le fonds vert. Celui-ci fonctionne très bien, tout comme la DETR. Toutefois, comme notre pays doit assumer une dette de 3 000 milliards d'euros et des frais financiers de 40 milliards d'euros par an, nous avons pris la décision, au début de l'année, de réduire nos dépenses.
Depuis deux ans, l'État double les sommes versées aux collectivités locales. Vous regrettez que nous procédions à des coupes budgétaires, et je respecte votre position. Pour ma part, je suis fière d'appartenir à un gouvernement qui décide de réduire la dépense publique compte tenu du niveau d'endettement et de frais financiers que nous connaissons.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Évidemment !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Du reste, le ministre Béchu mène des consultations et travaille à un troisième plan national d'adaptation au changement climatique, qui sera présenté dans les prochaines semaines. À cet égard, vous êtes tout à fait fondé à lui soumettre des propositions, qu'il lira avec attention.
M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler.
Mme Sabine Drexler. L'une des priorités qui ressort des diagnostics réalisés dans le cadre de la COP régionale du Grand Est est la préservation de la qualité de l'eau et la reconquête des milieux dégradés, qui ont ou auront des effets négatifs sur la biodiversité.
Stocamine, dans le Haut-Rhin, aura un impact négatif – certainement plus tôt que prévu – sur la biodiversité et nous divergeons encore sur les moyens à mettre en œuvre pour éviter une contamination future de la nappe d'Alsace. Ici, au Sénat, nous craignons que les travaux prévus et déjà engagés ne servent qu'à retarder cette contamination, sans en réduire le risque. En actant cette situation, nous ne ferions que léguer le problème aux générations futures.
On a récemment découvert l'état dégradé des puits de la mine, du fait de la corrosion très avancée de leur cuvelage. En outre, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) m'a adressé une réponse, le 17 avril dernier, à la suite de mon interrogation sur une erreur manifeste de son étude sur la tenue des puits. Nous savons désormais que les modélisations réalisées dans le cadre des études diligentées ces dernières années sont caduques, que les cuvelages vont céder prochainement et que la mine sera rapidement noyée.
Cette réponse alarmante, nous l'appréhendions, ici, au Sénat. C'est la raison pour laquelle j'avais fait voter des crédits dans la loi de finances pour 2024, afin de réaliser une étude hydraulique sur les conséquences prévisibles de la rupture des cuvelages. Malheureusement, ils ont été supprimés par le 49.3.
Madame la ministre, les COP régionales ont été mises en place pour planifier des politiques publiques. Planifier, c'est prévoir, mais c'est aussi anticiper. Aussi, je souhaiterais savoir quels moyens seront alloués au dossier Stocamine dans le cadre de la COP Grand Est et quand seront réalisées les études prenant en compte la rupture des cuvelages et ses conséquences sur la durée de l'ennoyage, puis sur la nappe.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Drexler, vous m'interrogez sur un sujet que nous connaissons tous : Stocamine, soit une installation de stockage souterrain de déchets dangereux située dans un massif salifère de votre département.
À son arrivée au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu s'est saisi du dossier sans aucun a priori. Il a veillé à la plus grande transparence sur les informations dont il disposait afin d'aider à la décision. Les trois réunions qu'il a tenues avec les élus et les parlementaires locaux, en mars, en juillet et en septembre 2023, ont permis de partager et d'échanger sur ces informations.
Le ministre a donc décidé, en septembre dernier, de confiner la mine sans opération de déstockage partiel. Pour ce faire, il s'est appuyé sur 134 études conduites par 46 bureaux et 123 experts internationaux établissant des éléments factuels. Christophe Béchu vous a dit à deux reprises exactement la même chose. L'année 2027 est une échéance impérative. Déstocker les déchets avant le confinement ferait peser un risque inacceptable pour les personnels humains devant intervenir dans la mine.
Le délai de confinement est de quarante-deux mois, sans aléas de chantier. L'hypothèse d'un retrait partiel de certains fûts, compte tenu de délais incompressibles, aurait permis de ne déstocker qu'une quinzaine desdits fûts, ce qui aurait retardé les choses.
Confiner dès à présent Stocamine est une décision qui s'impose à tous pour ne pas compromettre la santé des générations futures. S'il est légitime de la regretter, la remettre en question reviendrait à jouer avec le feu. De plus, le ministre a travaillé avec les élus locaux sur un plan de confinement permettant d'assurer la protection des générations futures dans le cadre de ce confinement et de poser dès à présent les bases nécessaires pour mettre en œuvre la réversibilité, c'est-à-dire le déstockage futur de la mine, voulue par les collectivités.
M. le président. La parole est à M. Bruno Rojouan.
M. Bruno Rojouan. Madame la ministre, alors que nous avons besoin d'une simplification des comités et des multiples dispositifs environnementaux existants, il est légitime de s'interroger sur l'efficacité des nouvelles COP régionales que vous avez mises en place.
Les collectivités territoriales sont en première ligne pour la transition écologique et jouent un rôle essentiel dans la planification, qui doit s'ancrer dans les réalités du terrain. L'acceptabilité des mesures est primordiale et les COP régionales ne seront utiles que si elles aboutissent à une adaptation des objectifs nationaux au tissu local.
Reste un sujet incontournable : le mur d'investissement qui se dresse devant les collectivités locales et les particuliers. Aujourd'hui, le financement de la planification écologique pose question. Des territoires ont calculé que, pour remplir les engagements de la stratégie nationale bas carbone à l'échelle locale, il faudrait multiplier par trente les financements de leur agglomération et par trois les engagements de l'État. Or les financements publics et privés, prévus à hauteur de plusieurs dizaines de milliards d'euros, restent insuffisants au regard de l'ampleur de la transition à effectuer.
Les récentes annonces de coupes dans le budget de l'État et de votre ministère mettent en cause la capacité du Gouvernement à financer une transition que les collectivités ne peuvent en aucun cas supporter seules.
La lisibilité de l'action publique et la sécurisation des investissements nécessitent une programmation pluriannuelle des financements : c'est un outil essentiel pour les élus locaux. Pouvez-vous nous assurer que vous travaillez à une loi de programmation des financements accompagnant la planification écologique ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Vous avez parfaitement raison, monsieur le sénateur Rojouan : l'efficacité des COP sera étroitement corrélée à l'appropriation par les collectivités locales des travaux et de la nouvelle méthode mise en place.
Comme de très nombreux sénateurs, vous m'interrogez sur les financements qui accompagneront les COP. J'ai déjà largement répondu à cette question, mais je rappellerai tout de même que 200 millions d'euros seront fléchés au sein du fonds vert pour les PCAET et les CRTE.
Tout comme vous, j'appelle de mes vœux une loi prévoyant la pluriannualité des financements au profit des collectivités locales. Sachez que j'y travaille actuellement avec Thomas Cazenave.
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon.
M. Laurent Somon. Madame la ministre, territorialiser la planification écologique via les COP régionales : voilà l'articulation opérationnelle de la loi Climat et Résilience et de la SNBC, une doctrine nationale dont les débats sur les objectifs et l'évolution sont occultés à l'échelon parlementaire et dont l'évaluation annuelle est jugée par la Cour des comptes, dans son rapport de mars dernier, comme impossible, les conditions n'étant pas réunies.
Les objectifs régionaux sont réclamés, comme l'indique d'ailleurs le rapport d'information de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation de mars dernier. Le fait de guider l'action avec des tableaux Excel où le relief des écrans informatiques s'est rapidement heurté à la déclinaison opérationnelle, donc territoriale, sans oublier son volet budgétaire. Comme le souligne la Cour des comptes, la transition écologique devra mobiliser des ressources publiques et privées ; les ménages, les entreprises et les collectivités territoriales supporteront une part importante des dépenses.
Face au cadencement désordonné de textes de loi relatifs à différents sujets – nous sommes amenés à discuter de nucléaire et d'énergies renouvelables avant le débat sur la PPE – et à une visibilité budgétaire chaotique, les collectivités attendent que leur rôle et la déclinaison des Sraddet et des PCAET soient bien clarifiés, sachant que nombre de leviers dépendent d'acteurs privés et que les besoins de financement sont importants.
L'Institut de l'économie pour le climat (I4CE) évalue à 14 milliards d'euros par an les investissements que doivent réaliser les collectivités territoriales en matière de climat. Bref, passer d'une abstraction digne de Mondrian à l'action se révèle un challenge ambitieux dans un cadre de contraintes sociales et budgétaires.
Madame la ministre, pour que la planification s'opère concrètement, les communes, qui sont l'échelon de l'action, doivent être associées et disposer d'une réelle capacité d'agir, d'autant qu'elles pilotent un grand nombre de sujets.
Pouvez-vous clarifier les livrables, les feuilles de route, les plans d'action et les cadres de contractualisation avec les territoires, comme la circulaire CRTE ? Pouvez-vous préciser les moyens que l'État compte mettre en œuvre pour accompagner les collectivités territoriales et les acteurs privés ?
Pouvez-vous garantir, tant du point de vue du fond que de la méthode, que l'exercice est en parfaite adéquation avec les stratégies déjà en place localement, comme dans la région Hauts-de-France, par exemple, avec la politique Rev3, engagée depuis 2016 ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Vous me posez trois questions, monsieur le sénateur Somon : quels sont les livrables ? quels sont les moyens de l'État ? quelles sont les garanties ?
Concernant les livrables, il existe un état des lieux partagé du territoire sur les dynamiques en cours et les programmes déjà engagés, avec une mobilisation forte de l'ensemble des collectivités. En outre, un plan d'action cohérent et pragmatique tenant compte des initiatives lancées dans chaque collectivité a été mis en place. Encore une fois, l'objectif de ce plan sera tenu juste après l'été.
Vous m'interrogez aussi sur les moyens de l'État. Les moyens financiers, nous les connaissons : ce sont les 2 milliards d'euros engagés au travers du fonds vert, dont 200 millions d'euros seront fléchés en faveur des PCAET et des CRTE afin de financer ces plans d'action. Je tiens ensuite à citer un outil original, que je n'ai pas encore évoqué : un simulateur de gaz à effet de serre sera mis à disposition, notamment pour des besoins de méthodologie. Enfin, tous les services déconcentrés de l'État qui travaillent aux côtés des collectivités locales seront accompagnés.
En ce qui concerne les garanties, sachez que le lancement de chaque COP s'est fait après un travail de concertation entre préfectures et conseils régionaux, et ce dans chacune des régions. C'est la garantie que tout ce qui a été accompli par les conseils régionaux est bien pris en compte.
Bref, qu'il s'agisse du fond ou de la méthode, l'adéquation entre cet exercice et les stratégies existantes nous paraît bonne.
Source https://www.senat.fr, le 7 mai 2024