Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, à Public Sénat le 15 mai 2024, sur l'attaque meurtrière d'un convoi de la pénitentiaire, les violences en Nouvelle-Calédonie, le lancement de l'EPR à Flamanville, le projet de loi d'orientation agricole et le plan Ecophyto.

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Média : Public Sénat

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Et notre invitée politique ce matin c'est Agnès PANNIER-RUNACHER, bonjour, merci beaucoup d'être avec nous, vous êtes ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. On est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale représentée par Christelle BERTRAND du groupe " La Dépêche ", bonjour Christelle.

CHRISTELLE BERTRAND
Bonjour Oriane, bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour.

ORIANE MANCINI
On va évidemment parler agriculture, Agnès PANNIER-RUNACHER, mais difficile de ne pas vous interroger sur l'actualité et notamment ce convoi de la pénitentiaire qui a été attaqué hier. Alors, au-delà du choc et de l'émotion évidemment, est-ce qu'il n'y a pas quelque chose à revoir dans la protection de ces convois et dans les moyens accordés à la pénitentiaire ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
D'abord, première chose, si vous me permettez, je voudrais faire part de toutes mes condoléances aux proches des victimes et dire à toute l'administration pénitentiaire combien le gouvernement sait qu'ils ont un rôle absolument essentiel dans l'ordre républicain de la nation et ce qui s'est passé hier c'est une attaque à l'ordre républicain, et vous le savez, Eric DUPOND-MORETTI, Gérald DARMANIN, sont mobilisés pour retrouver les auteurs de ces faits qui sont inadmissibles et faire en sorte que justice soit faite, ça c'est vraiment la première chose. Ensuite on va prendre du recul et vous savez qu'Eric DUPOND-MORETTI a mobilisé une cellule de crise, qu'il est évidemment au contact avec l'administration pénitentiaire, et on tirera, le cas échéant, les conséquences de cette situation, mais je crois qu'aujourd'hui ce qu'attend, surtout l'administration pénitentiaire, c'est la démonstration que nous ne lâcherons rien et que justice doit être faite.

CHRISTELLE BERTRAND
Ils demandent autre chose, ils demandent aussi à être mieux armés, est-ce que c'est une réflexion qui va être entamée prochainement sur ce sujet ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je le redis, aujourd'hui nous sommes à la fois sous le choc de ce qui s'est passé hier, nous souhaitons travailler à retrouver les coupables de ces faits inadmissibles, et évidemment nous prendrons le temps d'analyser la situation et d'en tirer les conséquences, et avec la qualité d'écoute que l'on connaît à Eric DUPOND-MORETTI vis-à-vis de l'administration pénitentiaire.

ORIANE MANCINI
Christelle, on va parler d'une autre actualité, c'est ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie.

CHRISTELLE BERTRAND
Oui. Donc, la nuit a été extrêmement compliquée en Nouvelle-Calédonie, mais ça fait plusieurs semaines, voire plusieurs mois, que certains élus tirent la sonnette d'alarme en disant " lorsque la loi va entrer en discussion ça va être compliqué, on craint le pire ", est-ce que la situation a été suffisamment anticipée, aujourd'hui Emmanuel MACRON appelle les deux camps à se parler, est-ce que ça ne pouvait pas être fait plus tôt ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois que le président de la République a toujours été très clair et le Premier ministre l'a rappelé hier, notre main a constamment été tendue, constamment, le ministre de l'Intérieur a été très présent sur le terrain et très à l'écoute des différentes parties prenantes de ce sujet, mais nous travaillons, nous avançons, nous faisons des propositions et, à nouveau, le président de la République l'a redit, sa main est tendue, il est prêt à trouver un accord avec les parties prenantes et il est prêt à repousser le Congrès qui validerait la loi qui a été votée hier tard dans la nuit. Donc, je veux le redire par ailleurs, ce qui se passe aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie, les faits de violences sont inacceptables, on n'obtient pas les choses par la violence, on obtient pas la discussion.

CHRISTELLE BERTRAND
Certains élus sur place demandent la mise en place de l'état d'urgence, est-ce que ça peut être une solution, est-ce que c'est en réflexion en tous les cas ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ecoutez, je laisserai Gérald DARMANIN s'exprimer sur ce sujet, vous savez qu'il est très mobilisé, ce qui est clair c'est que nous avons déclaré un couvre-feu hier, qu'il y a eu des renforcements des moyens de police sur place et que notre premier objectif c'est de ramener l'ordre dans ce territoire.

ORIANE MANCINI
On va parler d'un dossier que vous avez suivi dans votre précédent ministère, c'est Flamanville, puisqu'Emmanuel MACRON sera demain à Flamanville pour lancer l'EPR avec 12 ans de retard et des surcoûts énormes, il était temps ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi je trouve que c'est vraiment un des symboles de la reconquête nucléaire que nous avons entamée il y a maintenant cinq ans, je le redis, depuis cinq ans nous avons fait du nucléaire une priorité, priorité du plan de relance, priorité de notre politique énergétique, aux côtés de deux autres outils qui sont l'accélération des énergies renouvelables, j'avais en son temps porté une loi sur le sujet et nous avons aussi multiplié la production d'énergies renouvelables, et le président de la République sera demain pour inaugurer le deuxième parc d'éoliennes marines en mer, et aux côtés de la sobriété, de l'efficacité énergétique. Le nucléaire, le retour du nucléaire, c'est à la fois notre capacité à démarrer un nouveau réacteur nucléaire, mais c'est également la mise en chantier de six nouveaux réacteurs, et c'est le fait que nous sommes à nouveau le premier exportateur d'électricité nucléaire, c'est bon pour notre compétitivité, c'est bon pour le climat puisque c'est une énergie décarbonée, et c'est le travail acharné des équipes de l'Etat, et surtout d'EDF, et je veux remercier ici les agents d'EDF qui montrent que la France est une grande nation nucléaire.

ORIANE MANCINI
On va parler d'agriculture avant de parler du texte qui a d'ailleurs été décalé en raison du vote sur la Nouvelle-Calédonie, on va y revenir, mais… Emmanuel MACRON qui a donc reçu les syndicats agricoles, c'était la semaine dernière, il ne donnera pas sa vision de l'agriculture avant 2025, est-ce qu'il peut se permettre d'attendre aussi longtemps sans prendre le risque de voir resurgir la colère agricole ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, soyons très précis. Ce qu'a dit Emmanuel MACRON c'est que le Premier ministre, et ses ministres, répondraient et mettraient en oeuvre les 70 et quelques engagements qui ont été pris devant les organisations professionnelles agricoles, c'est le projet de loi d'orientation agricole qui arrive à l'Assemblée nationale aujourd'hui, c'est également toute une série de textes qui ont d'ores et déjà été pris, des textes de simplification, c'est des négociations qui ont conduit à des simplifications européennes de la politique…

ORIANE MANCINI
Mais ça ce sont des mesures, la FNSEA demandait une vision de la part d'Emmanuel MACRON.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vais aller jusqu'au bout si vous le permettez Oriane MANCINI ; et c'est les différents projets de loi qui vont émailler cette année 2024. 2024 c'est l'année de mise en oeuvre des mesures d'urgence. Par ailleurs, le président de la République a tendu la main, il est prêt à travailler sur la vision et pas à attendre 2025, il l'a dit très clairement. La question qui se pose c'est est-ce que les organisations professionnelles agricoles sont prêtes à rentrer dans ce travail de co-construction, parce que ce n'est pas seulement au gouvernement de dire, depuis sa tour d'ivoire, quelle est sa vision de l'agriculture, c'est un travail de co-construction, et le président l'a dit, territoire par territoire, en tenant compte de l'impact du dérèglement climatique et en tenant compte de nos besoins de souveraineté, c'est-à-dire comment produire plus tout en réduisant l'empreinte environnementale de l'agriculture, c'est ça notre chemin. Donc, nous on est prêt à travailler, je comprends en même temps que les organisations professionnelles doivent entrer dans une élection pour les chambres d'agriculture, ce qui est toujours un peu compliqué pour avoir une discussion sereine…

ORIANE MANCINI
Mais ça veut dire qu'Emmanuel MACRON pourrait parler avant janvier 2025 ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais bien sûr, tout l'enjeu ici c'est effectivement de pourvoir coconstruire avec les organisations professionnelles agricoles, notre porte est ouverte.

CHRISTELLE BERTRAND
Justement, quelles sont les relations aujourd'hui avec les organisations professionnelles, il y a une réunion à l'Elysée qui a été un petit peu tendue il y a quelques semaines…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Elle n'était pas du tout tendue, pardon, je m'inscris en faux par rapport à ce que vous dites, on a passé 2 heures 30 avec au contraire plutôt un diagnostic très largement partagé, des demandes d'avancer sur un certain nombre de sujets que nous avons évidemment positivement accueillies, et la reconnaissance que beaucoup de choses avaient bougé, mais qu'ils restaient vigilant sur la correcte exécution de nos engagements, et je ne voudrais pas qu'on donne l'impression que cette réunion ait été tendue parce qu'une seule personne ayant assisté à cette réunion a tenu des propos qui ne correspondaient pas à l'ambiance dans la réunion, voilà, soyons très clairs, réunion très constructive.

CHRISTELLE BERTRAND
Mais alors comment vous définiriez l'ambiance aujourd'hui entre vous et les organisations syndicales, il y a encore une certaine forme de tension où les choses sont totalement apaisées ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, je dirais que c'est une ambiance professionnelle, mais comme nous l'avons avec les organisations syndicales représentant…

CHRISTELLE BERTRAND
Vous avez réussi à retisser le fil de la confiance ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
On a surtout retissé le fil du dialogue, moi je vois très régulièrement les représentants des organisations professionnelles, Marc FESNEAU également, Gabriel ATTAL également, dans des réunions de travail qui sont productives. Donc, nous voulons être productifs, les organisations professionnelles ont été très claires, elles nous disent " nous, ces engagements que vous avez pris nous conviennent et nous serons très vigilants à leur correcte mise en oeuvre, correcte, rapide et conformément à l'esprit des engagements que vous avez pris ", donc on est dans une relation de travail professionnelle et nous avançons, et chaque semaine apporte son lot de nouveaux textes, de nouveautés…

ORIANE MANCINI
Alors, on va parler du nouveau texte justement, l'examen du projet de loi agricole qui arrive donc aujourd'hui à l'Assemblée nationale avec un tout petit peu de retard, on le disait, l'article principal de ce projet prévoit de consacrer l'agriculture et la pêche comme étant d'intérêt général majeur. Concrètement, qu'est-ce que ça change pour nos agriculteurs ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
D'abord, je veux le préciser, c'est une demande très forte des agriculteurs, très forte, répétée, il suffit de se reporter sur leurs déclarations, sur leur fil Twitter ou dans la presse, et c'est pour ça que je suis très étonnée qu'il y ait une sorte de doute de la part des oppositions, parce que c'est la démonstration que nous avons été à l'écoute sur ce sujet-là. La deuxième chose c'est, très opérationnellement cela permet, lors de l'examen de la mise en balance de différentes sources juridiques, par exemple dans un contentieux, de redire que, compte tenu de l'importance de l'agriculture dans notre territoire, la balance bénéfices-risques de certains projets doit être réévaluée et qu'on doit prendre en compte cette nécessité d'avoir une agriculture qui continue à produire sur notre territoire et qui permette de nourrir les Français et les Européens.

ORIANE MANCINI
Ça concerne notamment les contentieux sur les questions d'environnement, puisque c'était ça aussi l'un des problèmes des agriculteurs, sauf que la Charte de l'environnement elle est élevée au rang constitutionnel. Est-ce que, en cas de contentieux, les agriculteurs ne seront pas forcément perdants ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous savez, moi j'ai fait voter dans la loi d'accélération des énergies renouvelables, la reconnaissance d'intérêt public majeur pour les installations renouvelables, et cela a été voté au niveau européen, donc non. Il est évident que cette mesure est puissante, d'un point de vue juridique, pour permettre au juge…

ORIANE MANCINI
Mais est-ce que l'environnement étant dans la Constitution il ne sera pas plus puissant que l'agriculture ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais, je vous le redis, la Charte de l'environnement elle a un rôle, mais dans la limite de la loi. Ce que nous mettons en avant, c'est que tout projet doit être regardé dans une logique de balance bénéfices-risques et qu'il est important de prendre en compte les bénéfices, pour la nation, de certaines activités, et c'est le cas de l'agriculture.

CHRISTELLE BERTRAND
Alors, cet article 1 il parle aussi…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce que je veux dire c'est qu'il n'y a rien de nouveau dans ce type de reconnaissance et que ça fonctionne…

ORIANE MANCINI
Ce n'est pas nouveau, mais il y a des questions qui se posent justement sur Constitution/loi, la Constitution étant supérieure à la loi.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Si je peux aller jusqu'au bout ; ça fonctionne sur les énergies renouvelables, je ne vois pas pourquoi l'agriculture ça ne fonctionnerait pas.

CHRISTELLE BERTRAND
Cet article 1 il parle aussi de souveraineté alimentaire. Souveraineté alimentaire est-ce que ça veut dire qu'il va falloir rapatrier certaines productions en France, comme on l'a fait par exemple pour les médicaments parce qu'on est trop dépendant de l'étranger ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, il faut rapatrier notamment…

CHRISTELLE BERTRAND
Quelle production par exemple ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Nous avons des maillons faibles dans notre chaîne de production agricole, c'est notamment le cas des engrais, nous nous souhaitons produire plus d'engrais en France, nous ne voulons plus être dépendants…

CHRISTELLE BERTRAND
…d'Ukraine pour les engrais.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Plus être dépendants de pays comme l'Ukraine, la Russie, et tout le monde comprendra pourquoi, c'est un élément essentiel. Nous souhaitons aussi produire plus de protéines végétales, notamment pour nourrir nos élevages. Je parlais des engrais, lors de Choose France, lundi, nous avons annoncé un investissement de plus d'1 milliard d'euros dans une usine d'engrais, c'est un projet qui est absolument essentiel pour notre pays, et nous allons tout faire pour que ce projet voit le jour dans les mois qui viennent, voilà, c'est très concret, et effectivement la souveraineté c'est trois plans, un plan souveraineté-élevage, un plan de souveraineté fruits et légumes, un plan de souveraineté sur les engrais, sur lequel nous travaillons, et pardon, un quatrième plan sur blé dur, donc nous avons des filières sur lesquelles nous voulons augmenter nos capacités de production.

ORIANE MANCINI
Dernière question sur ce texte Christelle.

CHRISTELLE BERTRAND
Oui. Dans ce texte il y a aussi une forme d'assouplissement pour certaines atteintes à l'environnement, des associations s'inquiètent d'une certaine dépénalisation, pourquoi est-ce que vous faites ça ?

ORIANE MANCINI
Alors, aujourd'hui la loi prévoit qu'un agriculteur qui arracherait, pas dans les formes, une haie, peut être mis en garde à vue et avoir des peines pénales, très lourdes.

CHRISTELLE BERTRAND
Ce n'est jamais pratiqué.

ORIANE MANCINI
Mais voyez, c'est très étrange ce qu'on dit, si ce n'est jamais pratiqué ça veut donc dire qu'il faut changer la loi, ça veut donc dire que le registre des peines n'est pas approprié, n'est pas proportionné, on ne peut pas traiter un agriculteur comme un repris de justice, et ce que nous proposons, nous, c'est d'avoir au contraire des sanctions qui soient plus rapides et plus logiques, c'est-à-dire que nous préférons que l'agriculteur ait à replanter deux fois le métrage de haies qu'il aurait arrachées à contretemps, qu'il soit…

CHRISTELLE BERTRAND
Même pour des récidivistes par exemple, qui pratiquent ça de façon systématique ?

ORIANE MANCINI
Mais, la loi aujourd'hui, et telle que nous ne la proposons, prévoit évidemment que lorsque vous contrevenez plusieurs fois au droit vous êtes sanctionné, ce que nous nous souhaitons c'est la reconnaissance…

CHRISTELLE BERTRAND
Mais plus pénalement, ça c'est terminé ?

ORIANE MANCINI
Ce que nous nous souhaitons, c'est d'abord la reconnaissance de, le droit à l'erreur, elle est reconnue pour plein d'autres situations, pourquoi les agriculteurs on ne reconnaîtrait pas le droit à l'erreur, et deuxièmement c'est de privilégier la réparation et une réparation qui ait un impact environnemental. Et vous voyez, c'est beaucoup plus logique. Qu'est-ce qui se passe aujourd'hui sur les haies ? Les agriculteurs, moi ils me l'ont dit dans mon bureau, les agriculteurs me disent « je refuse de planter des haies parce que je ne veux pas avoir une épée de Damoclès pénale au-dessus de ma tête et je ne veux pas transmettre une épée de Damoclès pénale au-dessus de la tête de mes enfants », ils vous le disent comme ça, donc en fait…

ORIANE MANCINI
Christelle, sur la manière…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Donc en fait c'est disproportionné et c'est contre-productif par rapport à notre objectif, je rappelle que notre objectif c'est d'avoir 1,5 million de kilomètres de haies d'ici 2050, si nous ne sommes pas capables d'avoir des incitations pour planter des haies, on n'y arrivera pas.

ORIANE MANCINI
Sur la manière dont ça pourrait se passer en séance.

CHRISTELLE BERTRAND
Oui. Il y a eu énormément d'amendements déposés, est-ce que vous redoutez une obstruction de la part des oppositions sur ce texte, notamment de la part du RN qui aurait peut-être intérêt, avant les européennes, à laisser traîner les débats ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ecoutez, je pense que ça serait pas très intelligent parce que les agriculteurs sont en attente de ce texte et ils ne comprendraient pas qu'on fasse de la politique politicienne avec ce texte. Il y a des attentes qui sont fortes…

CHRISTELLE BERTRAND
Mais vous redoutez que les oppositions en fassent ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
On ne les redoute pas, on a très bien travaillé en commission avec les oppositions, je rappelle que le texte est passé en commission, qu'il y a eu beaucoup d'amendements, ils ont été examinés pour leur mérite propre, dans un esprit de co-construction, et on compte avancer comme ça, et tous ceux qui, avec qui on a déjà travaillé, je veux dire ici que nous avons travaillé avec les oppositions avant même de déposer le texte, précisément pour bien prendre en compte l'ensemble des travaux parlementaires qui avaient été réalisés en matière d'agriculture, c'est un sujet sur lequel vous avez des députés et des sénateurs qui sont très engagés, qui connaissent très bien, qui sont souvent aussi très liés au milieu de l'agriculture, donc qui connaissent bien les sujets, toutes les idées qui sont positives pour l'agriculture sont bonnes à prendre, et nous le ferons.

ORIANE MANCINI
Un mot sur les revenus, puisque la question des revenus n'est pas dans ce texte, parce qu'il y a une mission parlementaire sur la question d'Egalim.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.

ORIANE MANCINI
Un, est-ce que vous savez quand seront rendues les conclusions de cette mission parlementaire, et deux, Emmanuel MACRON au Salon avait parlé, c'était engagé à ce qu'il y ait un prix minimum, un prix plancher, c'était ses mots, est-ce que c'est toujours d'actualité ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, première question depuis le lancement de la mission en février il est prévu qu'elle dure quatre mois, donc ça fait un an rendu au mois de juin, et nous sommes aujourd'hui dans les temps…

ORIANE MANCINI
Et vous avez une date plus précise au mois de juin ou pas encore ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, franchement, c'est aux parlementaires de finaliser le rapport, c'est une mission parlementaire, je le rappelle. Deuxièmement, sur la question des prix plancher, je rappelle ce qu'a dit le Président de la République, ce qu'il souhaite c'est que nous permettions en fait à la loi Egalim, qui est plutôt bien appliquée dans le secteur laitier, moins bien appliquée dans le secteur de la viande, de prendre toute son importance, c'est-à-dire des prix construit en marche avant sur la base d'indicateurs de coûts de production, et c'est très exactement ça notre objectif, il n'a pas changé depuis 2017, mais aujourd'hui ce que nous souhaitons c'est faire en sorte que ces objectifs soient mis en oeuvre encore plus complètement que ce qu'ils ne le sont aujourd'hui.

ORIANE MANCINI
Christelle, sur Ecophyto.

CHRISTELLE BERTRAND
Oui. Vous avez prévu un texte qui va arriver en débat à l'automne, de nombreux agriculteurs demandent un assouplissement sur l'utilisation de certains produits phytosanitaires, est-ce que vous allez leur donner satisfaction là-dessus ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, on va peut-être dire ce que cette loi a vocation à faire, elle a d'abord vocation à tenir un engagement qui est la réforme du Conseil stratégique phytosanitaire, qui était obligatoire, et qui, dans sa mise en oeuvre, n'atteignait pas son objectif qui est un objectif de meilleur accompagnement des pratiques agricoles pour réduire les phytosanitaires, c'est ça l'objectif de la loi. Cette loi pourra prendre en compte…

CHRISTELLE BERTRAND
L'objectif reste réduire ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
L'objectif il a été réaffirmé dans le plan Ecophyto, une réduction des risques et des usages des phytosanitaires de 50 % d'ici 2030, l'objectif il est très clair, mais c'est un objectif qui repose sur une mobilisation inédite de moyens, parce que lorsqu'on dit qu'on doit se passer de molécules de phytosanitaires il faut avoir des alternatives et des solutions, les ravageurs de vous attendent pas, ils continuent à prospérer sur les cultures, et si nous voulons produire en France avec des exigences environnementales élevées il faut trouver des solutions aux agriculteurs, sinon on sera dans une situation où on importera de l'alimentation qui sera produite avec beaucoup plus de produits phytosanitaires interdits chez nous.

ORIANE MANCINI
Juste, Agnès PANNIER-RUNACHER, en parlant de solution, vous allez, je crois, vous rendre dans le Pas-de-Calais demain…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.

ORIANE MANCINI
Parce que les producteurs d'endives sont inquiets parce qu'il y a des interdictions à venir de produits phytosanitaires, dont un pesticide contre les pucerons en 2025, est-ce que vous pouvez garantir aux producteurs d'endives qu'une solution sera trouvée d'ici là ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
En tout cas, nous y travaillons, et encore une fois, je le redis, le plan Ecophyto c'est trois choses, une ambition sur la réduction des usages et des risques des phytosanitaires, -50 %, des moyens inédits pour accélérer la recherche et le développement, et un comité des solutions qui permet de prendre des décisions très opérationnelles, nous en avons pris cinq depuis un mois et demi et qui permettent ici de remettre un produit, pas des produits interdits, soyons clairs, mais tout simplement des produits qui n'existent, qui ne sont pas distribués en France, parce que l'industriel n'a pas pris le temps de déposer la demande d'autorisation. Et c'est une troisième chose, c'est de travailler avec les agriculteurs pour trouver les meilleures solutions et faire en sorte que nous ne soyons pas décrochés de l'Europe parce que quand l'Europe prend des décisions nous devons être alignés avec l'Europe, donc ce sont ces trois éléments-là que nous portons.

ORIANE MANCINI
Très rapidement Christelle, il nous reste 30 secondes, une question européennes.

CHRISTELLE BERTRAND
Oui. Vous êtes membre de Territoires de progrès, Territoires de progrès a été assez mal servi dans les listes pour les européennes, est-ce que cette sous-représentation de l'aile gauche de la Macronie explique une partie de la fuite de l'électorat vers Raphaël GLUCKSMANN aujourd'hui ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, je ne partage pas du tout votre avis parce que beaucoup de membres de Territoires de progrès sont des membres de Renaissance, c'est mon cas, je suis secrétaire générale de Renaissance du Pas-de-Calais et je suis dans le même temps présidente du Conseil national de Territoires de progrès, et ce que je veux dire ici c'est que la liste Besoin d'Europe de Valérie HAYER c'est la seule liste qui, en réalité, porte une vision social-démocrate pro-européenne. La liste de Monsieur GLUCKSMANN, c'est celle qui comporte en troisième position le monsieur qui a négocié les accords de la NUPES, c'est l'arbre qui cache la forêt…

CHRISTELLE BERTRAND
Les deux listes sont à deux doigts de se croiser dans les sondages aujourd'hui.

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est ce que vous dites…

CHRISTELLE BERTRAND
C'est ce que disent les sondages.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi ce que je constate aujourd'hui c'est que les sociaux-démocrates, s'ils veulent vraiment avoir des gens qui portent leurs valeurs, des valeurs pro-européennes, des valeurs de progrès, eh bien je crains que la seule liste qui porte ça ce soit celle de Valérie HAYER parce que, elle, elle a voté des mesures de progrès, elle a voté le plan de relance, ce que n'a pas fait Monsieur GLUCKSMANN, elle n'a pas cinq Parisiens dans les dix premiers membres de la liste, c'est vraiment le retour du vieux Parti socialiste, ce n'est pas de ça que nous voulons, nous nous portons un projet ambitieux pour l'Europe.

ORIANE MANCINI
Merci Agnès PANNIER-RUNACHER, merci d'avoir été notre invitée.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 mai 2024