Déclaration de M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, sur le projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, à l'Assemblée nationale le 15 mai 2024.

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  • Marc Fesneau - Ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Circonstance : Discussion à l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, d'un projet de loi

Texte intégral

Mme la présidente
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture (nos 2436, 2600).
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Le projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture poursuit une double ambition : d'abord, fixer un cap clair et lisible aux agriculteurs ; ensuite, adapter nos politiques publiques agricoles, afin de relever deux défis immenses et émergents pour notre souveraineté alimentaire.

Le premier d'entre eux, c'est le défi démographique, celui du renouvellement des générations. Le constat est clair, connu et unanimement partagé : seuls deux départs à la retraite d'agriculteurs sur trois sont remplacés et, d'ici à dix ans, près de la moitié des chefs d'exploitation pourraient partir à la retraite. Par conséquent, d'ici à 2030 – mais aussi pour les années qui suivront –, nous devrons être capables de former davantage de futurs chefs d'exploitation, de salariés agricoles et d'acteurs du conseil, de la formation et de l'accompagnement, en particulier des ingénieurs et des vétérinaires. C'est indispensable afin d'assurer la reprise des exploitations, de maintenir et de développer notre capacité de production agricole et agroalimentaire dans les exploitations, les filières et les territoires.

Il est également indispensable de réfléchir à une évolution de la sociologie des agriculteurs. En effet, de plus en plus de personnes qui s'installent ne viennent pas du milieu agricole. Elles ont – disons-le – des aspirations partagées par la société toute entière et auront sans doute des parcours moins linéaires.

Ce défi est une formidable opportunité de mener les transitions indispensables. Contrairement à ce que d'aucuns prétendent, la crise agricole de ces derniers mois n'a pas opposé agriculture et environnement. Elle a mis en lumière le fait que les agriculteurs demandent à être accompagnés face aux grands bouleversements du monde et du siècle. Je pense, en tout premier lieu, au dérèglement climatique, mais aussi à la biodiversité, aux risques sanitaires qui s'amplifient, aux risques géopolitiques et aux incertitudes immenses qu'ils créent tant pour notre souveraineté que pour nos agriculteurs.

Cela nous impose d'accélérer l'évolution des systèmes de production, en investissant dans la formation, la recherche et le déploiement massif, rapide et opérationnel des innovations dans toutes les exploitations agricoles. Cela nous impose de placer l'agriculture au cœur des stratégies de mobilisation de la biomasse, nécessaires à la décarbonation de notre économie. Cela nous impose de réfléchir aux transitions alimentaires, afin de créer des débouchés pour les filières et les productions, en lien avec les évolutions de la consommation, non seulement en France, mais dans le monde. Enfin, cela nous impose de nous interroger avec exigence et lucidité – en évitant de créer des contraintes administratives ou normatives inutiles – sur la viabilité économique et climatique future des modèles agricoles, afin de préserver la diversité de notre agriculture.

Ces conditions sont essentielles pour lutter pied à pied contre les dépendances, dont souffrent les agriculteurs, aux facteurs de production, aux modes de consommation, à l'évolution des marchés, aux impacts du changement climatique qui s'intensifie chaque jour. Ces conditions sont – également et surtout – essentielles afin que les agriculteurs décident, de manière souveraine, des choix de production et des conditions essentielles pour préserver leur revenu. En réalité, ces changements dépassent de loin les frontières de l'exploitation, et exigent de trouver des solutions à l'échelle d'un territoire, des filières et de tout un écosystème.

Dans ce contexte et pour tenir compte de ces enjeux, le projet de loi affirme avec clarté l'importance stratégique de l'agriculture, en la déclarant d'" intérêt général majeur ". Il définit également un cadre global de politique publique, en vue d'atteindre l'objectif de souveraineté alimentaire. La manière dont nous concevons cet impératif fait l'objet de l'article 1er du projet de loi.

Je salue le remarquable travail parlementaire mené en commission pour enrichir le projet de loi. En préambule du débat parlementaire, je souhaite préciser, en m'appuyant sur ces apports essentiels que le Gouvernement soutiendra, ma conception de la souveraineté alimentaire et ce que je souhaite pour notre agriculture. La souveraineté alimentaire est la capacité d'assurer des besoins essentiels – c'est-à-dire le besoin de se nourrir et la capacité non de subir des interdépendances, mais de les maîtriser et de les choisir, d'être maître de son destin.

M. Sébastien Jumel
Renoncez au Ceta !

M. Marc Fesneau, ministre
C'est, dès lors, reconnaître que des interdépendances existent pour certains produits et que la situation géopolitique nous oblige à les repenser. C'est, dès lors, dans un contexte de changement climatique, de crises géopolitiques successives et de retour des impérialismes, assumer que nous avons intérêt à nouer de nouveaux partenariats, afin d'éviter de subir des interdépendances. En outre, en tant que Français et Européens, nous avons un rôle à jouer, dans le monde, en matière de sécurité alimentaire.

Nous avons une responsabilité : éviter que certaines zones du monde, notamment la rive sud de la Méditerranée ou l'Afrique, ne soient prises en otage, sous la menace de l'arme alimentaire, ce qui créerait des désordres internationaux.

Le point essentiel du débat est que la souveraineté alimentaire, ce n'est ni l'autarcie alimentaire ni le repli sur soi. Ce n'est pas considérer que produire pour soi suffit. Ce n'est pas faire le pari que nous pourrons, à la fin, nous abstraire de toute interdépendance.

M. Sébastien Jumel
Ce n'est pas le libre-échange non plus !

M. Marc Fesneau, ministre
En effet, il faut nous préparer à ce que, durant des années, un certain nombre de productions soient déficitaires, en raison d'accidents climatiques ou sanitaires. C'est désormais le lot de toutes les agricultures du monde, y compris la nôtre. Il faut nous y préparer en renforçant notre résilience, alors que nous nous considérions comme un îlot mondial où la production était stable. Nous devrons assumer des interdépendances au niveau européen, afin de faire face à des dérèglements qui nous pénaliseraient une année et, la suivante, pénaliseraient nos voisins. Nous devons couvrir ce risque alimentaire et agricole.

Nous avons besoin de réfléchir à nos interdépendances, de les assumer, mais également d'en combattre certaines, notamment notre interdépendance en matière d'engrais, vieille de trois ou quatre décennies, qui est dangereuse. C'est pourquoi j'ai la conviction que la question énergétique, qui permet de produire, notamment des engrais, et celle de la souveraineté alimentaire sont intrinsèquement liées.

Au fond, le fil rouge est que l'alimentation – donc l'acte de production – est un atout géostratégique. En conséquence, l'article 1er dispose que le revenu agricole, la capacité à assurer le renouvellement des générations, le soutien à des filières absolument stratégiques, comme l'élevage – par l'adoption de plans de souveraineté – et les transitions à mener sont des éléments consubstantiels à la souveraineté.

Il convient cependant de lier la souveraineté aux transitions, sans quoi, nous irions à l'échec. Cela veut dire qu'il n'y a ni souveraineté contre les transitions ni souveraineté sans les transitions. Cela veut également dire que les transitions sont au service non d'une idéologie de la décroissance, mais de la souveraineté. (" Très bien ! " sur les bancs du groupe RE.)

M. Fabrice Brun
Oui à la production !

Mme Delphine Batho
Voilà un bon débat !

M. Ugo Bernalicis
Je dirais même qu'il n'y a pas d'argent magique !

M. Marc Fesneau, ministre
Face aux défis que nous devons relever, ce serait une faute. Nous ne pouvons décréter que nous mènerons des transitions, tout en imposant, à coups d'incantations magiques, de déclamations ou d'injonctions, plus de contraintes aux agriculteurs – cela reviendrait à renoncer à l'impératif de souveraineté.

Depuis des décennies, cette situation a une conséquence dont il faut sortir : à force de vouloir toujours faire mieux que les autres, nous nous retrouvons à importer des pratiques dont nous ne voulons pas. L'enjeu est bien de réfléchir à ces grandes transitions – non au niveau national, mais, à tout le moins, à l'échelle européenne –, de les accompagner, de les soutenir, y compris financièrement, afin de construire des modèles qui fonctionnent sous la contrainte climatique.

M. Fabrice Brun
Halte à la démocrature, qu'elle soit française ou européenne !

M. Marc Fesneau, ministre
Voilà donc l'orientation en matière de souveraineté que prévoit le projet de loi. Elle s'appuie sur les politiques appliquées depuis 2017.

M. Marc Le Fur
Depuis 2017 ? Il ne faut pas exagérer quand même !

M. Marc Fesneau, ministre
En particulier, trois batailles ont été engagées et que nous continuerons de mener : la protection du revenu agricole, avec notamment les lois Egalim – du 30 octobre 2018, du 18 octobre 2021 et du 30 mars 2023 –régissant les relations dans le secteur agricole ; la bataille en faveur d'une concurrence plus équitable à l'échelon européen comme au niveau international ; l'accompagnement des transitions.

Je viens de l'évoquer, et je ne me paie pas de mots, j'ai obtenu un budget historique pour l'agriculture et la forêt. Plus de 1 milliard d'euros supplémentaires seront consacrés, cette année et les suivantes, à l'accompagnement de la planification écologique. En matière agricole, il s'agit, très concrètement, d'allouer des financements en faveur de l'autonomie protéique, des haies, de la décarbonation des serres et de l'élevage, du soutien à l'agriculture méditerranéenne, ou encore de la recherche d'alternatives afin de sortir des impasses en matière phytosanitaire.

Par ce projet de loi, nous engageons de nouvelles batailles, en actionnant des leviers qui devaient l'être davantage, eu égard aux défis que nous devons relever : l'orientation et la formation, l'installation et la transmission, et la simplification.

Naturellement, je ne prétends pas que le projet de loi, à lui seul, relève l'ensemble des défis auxquels est confrontée l'agriculture – du reste, vous ne m'avez d'ailleurs jamais entendu le dire. À ma connaissance, aucun projet de loi n'y est parvenu. Néanmoins, il affirme des principes, fixe un cadre d'accompagnement des acteurs, et propose une adaptation de nos politiques publiques, en cohérence avec celles que nous appliquons depuis 2017 et celles sur lesquelles nous travaillons depuis 2022, en tenant compte de la crise agricole.

En revanche, je ne peux laisser dire, comme j'ai pu l'entendre, que le projet de loi passerait à côté de sujets essentiels. La question de la promotion et de l'attractivité des métiers agricoles, et celle de la découverte, dès le plus jeune âge, des réalités de la vie des agriculteurs sont essentielles. Elles le sont d'autant plus qu'une partie de la société a perdu de vue ce que font les agriculteurs, voire les caricature ou les stigmatise, sur fond de méconnaissance des réalités scientifiques ou du vivant.

Mme Estelle Folest
Tout à fait !

M. Marc Fesneau, ministre
La question de l'enseignement agricole, et de la manière dont seront formés les agriculteurs est essentielle, car c'est ce qui fait la force de notre agriculture depuis plus de soixante ans – je salue l'ensemble des agents qui travaillent dans l'enseignement agricole. C'est nécessaire car nous avons besoin de conforter la dynamique positive de l'enseignement agricole pour former 30 % d'apprenants supplémentaires d'ici à 2030.

M. Ugo Bernalicis
C'est le Gouvernement qui aurait besoin de compétences supplémentaires pour mener la transition écologique !

M. Marc Fesneau, ministre
Ces jeunes auront besoin de nouveaux outils. Il leur faudra acquérir de nouveaux réflexes et de nouvelles compétences pour relever les défis climatiques et géopolitiques, mais aussi pour gérer leur entreprise, en améliorant leurs conditions de travail et leur qualité de vie.

En commission, vous avez fixé un cap clair : l'effort qu'il est nécessaire de fournir en matière de formation pour assurer le renouvellement des générations. Améliorer l'accompagnement de ceux qui souhaitent s'installer et encourager une relation plus étroite entre eux et ceux qui cherchent à céder leur activité sont également des points essentiels. Je salue également l'amendement de votre rapporteur, qui fixe comme objectif de maintenir un plancher de 400 000 exploitations. D'abord, il s'agit de maintenir notre capacité de production dans tous les territoires, en donnant la priorité non à l'agrandissement, mais à l'installation. C'est un choix clair et assumé. Ensuite, nous ne devons pas descendre au-dessous d'un seuil critique d'agriculteurs, pour maintenir un dialogue avec la société et permettre aux Français d'appréhender la réalité de cette activité.

M. Jérôme Buisson
Question compliquée !

M. Marc Fesneau, ministre
Enfin, la simplification est essentielle si l'on veut que l'agriculture soit compétitive, et si l'on veut mettre fin à des injonctions parfois contradictoires. Comme moi, vous avez été au contact des agriculteurs lors des mobilisations du début d'année. Vous avez pu les entendre et constater que la simplification est au cœur de leurs attentes.

Mme Marie Pochon
Ils veulent un revenu digne !

M. Marc Fesneau, ministre
Car simplifier, c'est faire confiance. C'est donc témoigner d'une forme de reconnaissance et de compréhension. C'est aussi permettre aux agriculteurs de ne pas s'embourber dans des amas de règles parfois contradictoires, et ainsi de se concentrer sur leur mission essentielle : produire, pour nous nourrir.

Toutes les avancées contenues dans ce projet de loi s'appliqueront – si vous le votez – en outre-mer, tant en matière de souveraineté que de formation, d'orientation, d'installation et de transmission, ou encore de simplification. Je connais les spécificités des territoires ultramarins, notamment les enjeux liés à l'autonomie alimentaire. Je serai naturellement à votre écoute dans le cas où il faudrait adapter certaines dispositions.

M. Marc Le Fur
Encore faudrait-il que nous puissions déposer des amendements !

M. Marc Fesneau, ministre
Comme je l'ai souligné en commission, ce projet de loi d'orientation fixe un cadre et s'inscrit dans une vision d'ensemble pour l'agriculture. Avant d'entamer l'examen du texte en séance publique, je sais le besoin – légitime – des parlementaires de disposer d'une vision globale de ce que le Gouvernement proposera, ou a déjà proposé, sur des sujets essentiels.

Concernant la protection du revenu agricole, la mission parlementaire menée par Anne-Laure Babault et Alexis Izard suit son cours, afin d'améliorer le cadre fixé par les lois Egalim. Des propositions seront formulées et mises sur la table avant l'été, pour que vous puissiez vous en emparer à l'automne.

Concernant la protection sociale, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 concrétisera les avancées permises par l'adoption de la proposition de loi de Julien Dive visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d'assurance les plus avantageuses. Il en respectera et l'esprit et la lettre – dans la continuité des deux lois " Chassaigne " – celle du 3 juillet 2020, visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles en France continentale et dans les outre-mer, et celle du 17 décembre 2021 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles.

M. Fabrice Brun
Il serait temps !

M. Marc Fesneau, ministre
Au sujet de la compétitivité, les plans France relance et France 2030 ont soutenu la modernisation de l'outil de production, à hauteur de près de 3 milliards d'euros. Nous avons mis en place des plans de souveraineté pour la filière des fruits et légumes – à hauteur de 200 millions d'euros –, pour les protéines végétales – 100 millions – et pour soutenir l'élevage – afin de produire au moins ce que nous consommons –, avec un avantage fiscal et social destiné à la filière bovine, qui représente 150 millions d'euros.

Nous avons renforcé le dispositif d'exonération de cotisations patronales pour l'emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi (TODE), que nous allons pérenniser ; relevé le seuil pour bénéficier du régime des micro-bénéfices agricoles, dit " micro-BA " ; nous allons aller plus loin, en améliorant la déduction pour épargne de précaution (DEP) et en augmentant le dégrèvement sur la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB). Tous ces éléments seront intégrés dans la loi de finances initiale pour 2025, conformément à l'engagement du Premier ministre et du Président de la République.

Enfin, un texte législatif sera présenté d'ici à l'été sur les produits phytosanitaires. Il portera notamment sur l'évolution du conseil stratégique et les modalités de la séparation entre la vente et le conseil, conformément aux engagements du Premier ministre.

M. Ugo Bernalicis
Et les robots, alors ?

M. Marc Fesneau, ministre
Le présent texte fixe donc le cadre au sein duquel nous prolongeons notre action en faveur des revenus ou de la compétitivité des agriculteurs.

M. Éric Martineau
Très bien !

M. Marc Fesneau, ministre
Il propose à ces derniers des avancées très concrètes. Sans entrer dans le détail, j'en présenterai certaines, en saluant les enrichissements permis par les débats en commission.

Ériger l'agriculture au rang d'intérêt général majeur constitue une première avancée. C'était un engagement du Président de la République, ainsi qu'une attente des organisations professionnelles agricoles. Vous l'avez votée en commission. Elle produira des effets à long terme : l'impératif de souveraineté alimentaire sera pris en compte dans la définition des objectifs des politiques publiques ; il le sera également sur le terrain, dans l'évaluation, la réalisation et le développement des projets agricoles.

M. Ugo Bernalicis
C'est beau comme du McKinsey !

M. Marc Fesneau, ministre
La réécriture de l'article 1er, à laquelle je m'étais engagé, permettra de préciser les leviers à activer pour que les politiques publiques atteignent cet objectif. Je salue le travail de votre rapporteure Nicole Le Peih et l'esprit collectif qui l'a caractérisé, tant sur la structure que sur le fond du texte, afin d'enrichir l'article des apports utiles de la commission, et de le clarifier.

Je tiens également à saluer les propositions des députés de la majorité, notamment Henri Alfandari du groupe Horizons, Frédéric Descrozaille du groupe Renaissance et Anne-Laure Babault…

M. Philippe Gosselin
Ceux de l'opposition, aussi !

M. Marc Fesneau, ministre
…et de l'opposition.

M. Philippe Gosselin
Ah ! Merci, monsieur le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre
Je vous sentais impatient. Je pense notamment à Julien Dive et ses collègues du groupe LR, qui ont permis de faire évoluer l'article en défendant des amendements dignes de notre dialogue exigeant, sur lesquels j'émettrai un avis favorable.

M. Frédéric Mathieu
Que de bons points ! Au bout de dix, une image !

Mme Marie Pochon
Nous aussi, nous avons participé !

M. Marc Fesneau, ministre
Le projet de loi permet aussi – deuxième avancée – de conforter la dynamique positive de l'enseignement agricole constatée depuis 2019. Cette année encore, un budget en augmentation de 10% l'a accompagnée. Cela passe par une série de mesures visant à adapter ce système de formation, qui fait notre fierté, aux enjeux de souveraineté et de transitions, et à l'organiser pour qu'il contribue à former plus et mieux. Je citerai en particulier la création d'une nouvelle mission de l'enseignement agricole, susceptible de fournir un cadre aux personnels – dont je tiens à saluer l'engagement. Je pense aussi à la création d'un diplôme bac + 3, qui est attendu par les jeunes, comme l'a montré la concertation agricole organisée en 2023 et qui doit permettre d'attirer de nouveaux publics vers les métiers agricoles.

Mme Aurélie Trouvé
Cela existe déjà !

M. Marc Fesneau, ministre
Troisième avancée : le texte permet d'accompagner et d'installer différemment les actifs agricoles – au sens large. Il permet également d'envisager une trajectoire économique pour les exploitations, dans un contexte de dérèglement climatique. C'est une nouvelle donne dont nous devons tenir compte. Elle suppose des nouveaux outils, qui devront être dénués d'éléments de complexité et pensés dans une logique d'accompagnement, comme celle qui a prévalu lors de la révolution agricole après la seconde guerre mondiale. Les agriculteurs ont alors été puissamment accompagnés, et non pas laissés à eux-mêmes, ce qui a fait la force de notre agriculture et développé sa capacité de transformation.

Je le dirai de la manière la plus claire qui soit : je ne veux pas que nous produisions de la contrainte. Je veux que les agriculteurs puissent, de manière responsable – parce qu'ils le sont – disposer d'outils d'aide à la décision parmi les plus performants et les plus adaptés. Les jeunes agriculteurs ont exprimé cette demande avec force ; d'où le diagnostic modulaire proposé à l'article 9 et la réécriture suggérée à la fois par le rapporteur Pascal Lecamp et par le député Julien Dive, ainsi qu'une partie du groupe LR.

M. Dominique Potier
C'est la loi Dive – ou la plutôt la loi divine !

M. Marc Fesneau, ministre
La nouvelle rédaction sera soutenue par le Gouvernement parce qu'elle vient utilement clarifier et hiérarchiser les objectifs poursuivis par cet outil de diagnostic : savoir mieux préparer une cession ou une installation, et penser la résilience économique de son modèle face au changement climatique, non seulement à ces moments clés, mais aussi tout au long de la vie de l'exploitation. C'est simple, c'est clair, et c'est, je dois le reconnaître et le saluer, le travail parlementaire qui a permis de débarrasser et d'alléger la rédaction initiale de ses lourdeurs ou de dispositifs qui, en définitive, n'étaient pas forcément nécessaires. Les débats sur le diagnostic des sols en commission l'ont illustré.

Mme Marie Pochon
C'est vrai qu'on a bien allégé l'article 12 !

M. Marc Fesneau, ministre
La création du réseau France Services agriculture (FSA) permettra également de mieux accompagner et d'installer différemment. Lors de la concertation de 2023, les participants avaient fait part de leur forte attente d'un guichet unique d'accueil et d'une offre d'accompagnement pluraliste adaptée à chaque porteur de projet.

Au sein du titre III, j'évoquerai plus spécifiquement les groupements fonciers agricoles d'épargne (GFAE), tels qu'ils sont proposés par les rapporteurs – je salue l'engagement d'Éric Girardin à cet égard, après en avoir longuement débattu en commission.

Il ne s'agit pas d'une mesure isolée. Nous venons soutenir l'installation et l'accès au foncier à travers plusieurs dispositifs : le fonds Entrepreneurs du vivant est doté de 400 millions d'euros d'argent public, pour faciliter l'accès au foncier des jeunes générations ; les prêts garantis par l'État que vous avez votés lors du dernier budget et qui s'élèvent à 2 milliards d'euros seront déployés cette année, dont 400 millions seront fléchés vers les installations d'élevage ;…

Mme Marie Pochon
On ne l'a pas voté, le budget !

M. Marc Fesneau, ministre
…quant aux mesures annoncées par le Premier ministre pour assurer le soutien fiscal à l'installation et la transmission, elles se traduiront dans la loi de finances initiale pour 2025. La puissance publique mobilise l'équivalent de 2,5 milliards d'euros pour favoriser l'accès au foncier et l'installation – 2,5 milliards !

En complément de ce dispositif, nous proposons de mobiliser environ 100 millions pour faciliter l'installation des jeunes. Nous y reviendrons. Nous devons le faire, car sinon, une seule loi s'imposera : celle du plus riche, du plus fort, celle de l'agrandissement de toutes les exploitations, que nous voyons actuellement à l'œuvre. Néanmoins, nous ne devons pas être sourds aux inquiétudes et aux préoccupations, qui se sont traduites par le rejet de cet article en commission. Je n'y suis pas sourd, les rapporteurs non plus : nous avons commencé à le réécrire.

J'évoquerai pour conclure une quatrième avancée concrète permise par ce projet de loi : les éléments de simplification, tout aussi attendus par le monde agricole. Cela ne concerne pas uniquement ce projet de loi, comme le montrent la simplification de la politique agricole commune (PAC) et des règles relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE), votée le 25 avril dernier par le Parlement européen, à l'initiative de la France. L'attente était extrêmement forte en la matière. Elle ressortait des 3 000 propositions formulées par les agriculteurs dans le cadre du chantier de la simplification confié aux préfets. Il était nécessaire de remettre l'impératif de souveraineté au cœur du fonctionnement de la PAC. Nous avons commencé à le faire. Cet équilibre entre souveraineté et transitions, sur lequel nous travaillons au niveau européen, nous le recherchons aussi avec ce projet de loi.

Je rappelle que, comme je m'y suis engagé, toutes les ordonnances qui peuvent être inscrites " dans le dur " lors du débat parlementaire le seront, y compris en concertation avec vous. Des amendements ont été déposés dans ce sens.

Enfin j'insisterai sur les avancées proposées par le texte en matière de simplification.

La première, je l'ai évoquée, concerne l'adaptation du régime de répression des atteintes au droit de l'environnement, avec des procédures et des peines véritablement adaptées aux situations, des sanctions proportionnées et progressives, de manière à éviter des procédures infamantes pour les agriculteurs.

Mme Delphine Batho
Impunité !

M. Marc Fesneau, ministre
Cela permettra également de préciser la notion de droit à l'erreur. C'est le sens de l'article 13.

Mme Estelle Folest
Très bien !

M. Marc Fesneau, ministre
La deuxième concerne la réduction des délais de recours contentieux contre les projets agricoles pour l'élevage et les ouvrages hydrauliques, par exemple, avec l'adaptation de différentes procédures, comme la présomption d'urgence et la régularisation des vices de procédure, entre autres. Le but est que nous puissions dire clairement et rapidement aux agriculteurs si leurs projets seront validés ou non, et d'en finir avec des procédures longues et lentes, qui les découragent ; c'est aussi d'enrayer les actions de ceux qui, par idéologie, jouent avec ces procédures pour décourager les porteurs de projets, alors qu'ils ont besoin d'accès à l'eau.

Je citerai enfin la simplification et l'unification du régime applicable aux haies, afin d'en finir avec le maquis de réglementations – plus d'une dizaine, parfois contradictoires –, qui produit l'effet inverse de ce que nous recherchons, à savoir le maintien et le développement de la haie. Celle-ci est un élément paysager, utile à la biodiversité, utile pour accéder à l'eau et utile à l'ensemble des agriculteurs. Je remercie le rapporteur Pascal Lavergne pour son travail sur ce sujet, notamment.

Discuter d'un projet de loi d'orientation en matière agricole a une résonance particulière, certains d'entre vous le rappelleront sûrement, car cela renvoie naturellement aux grandes lois qui ont structuré la politique agricole française dans les années 1960. Depuis, d'autres lois d'orientation se sont inscrites dans cet héritage : en 1980, en 1994, en 1999 et la dernière en date, en 2006. Toutes ont participé à construire un édifice qui a contribué à faire de notre agriculture la meilleure du monde.

Sans se départir de ce qui a été construit, il faut, avec humilité, réinterroger les grandes politiques publiques à l'aune des défis actuels, pour préparer l'avenir sans rien ignorer des urgences du moment. Nous essayons de le faire avec le projet de loi d'orientation soumis à votre examen. Je le résumerai ainsi : souveraineté alimentaire et transitions comme objectifs, voire comme impératifs ; renouvellement des générations pour les concilier.

Je vous fais confiance pour mener un débat exigeant et constructif, dans un esprit de responsabilité, au service de l'avenir de notre agriculture. Je nous fais confiance pour retracer et donner une perspective claire, tant attendue par les agriculteurs, dans le respect de nos différences. (Applaudissements sur les bancs du groupes RE et sur les bancs des commissions, ainsi que sur quelques bancs des groupes LR, Dem et HOR. – Mme Hélène Laporte applaudit également. )

(…)

Mme la présidente
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre
Même si j'ai le sentiment que nous aurons le temps de débattre dans les heures et les jours qui viennent, je répondrai aux orateurs, dans l'ordre des interventions. Je vous remercie de vos contributions respectives, et cela malgré nos désaccords – c'est la démocratie et c'est très bien ainsi.
Monsieur Jumel, vous avez évoqué les concurrences déloyales. Or plus de 65% des importations alimentaires de la France proviennent de l'Union européenne. Le problème principal vient non des accords de libre-échange ou des accords internationaux, mais d'un manque de compétitivité et de la surtransposition de règles que nous nous sommes nous-mêmes imposées. Ces règles, nous les avons laissées se distordre progressivement au sein d'un espace économique commun, l'Union européenne. Le projet de loi vise à répondre à cet enjeu.

M. Grégoire de Fournas
En faisant quoi ?

M. Marc Fesneau, ministre
Vous avez dénoncé des mesures cosmétiques. Il me semble que l'installation et la formation, auxquelles je sais que vous êtes attaché, ainsi que l'adaptation des exploitations agricoles au dérèglement climatique sont des questions centrales – je reviendrai ultérieurement sur le sujet foncier, auquel tient tant M. Potier. Idem pour la simplification, qui nous renvoie au point précédent. Je le répète : nous avons institué en France des règles qui entravent notre capacité à produire par rapport, non pas au reste du monde, mais au reste de l'Europe.
Monsieur Potier,…

M. Éric Bothorel
Les yeux dans les yeux ! (Sourires.)

M. Marc Fesneau, ministre
…je comprends votre attachement au foncier et la place que vous lui accordez. Vous dites : le foncier, rien que le foncier.

M. Dominique Potier
Je n'ai pas dit cela !

M. Marc Fesneau, ministre
Je crois que je caricature à peine : vous avez dit qu'il manquait tout, c'est-à-dire le foncier !
Pardonnez-moi, mais l'adaptation au changement climatique, la résilience des systèmes d'exploitation et la structuration des filières agricoles – nous avons un problème en la matière, vous le savez comme moi –, n'ont rien à voir avec le foncier et sont pourtant des nécessités.

Mme Marie Pochon
Vous ne parlez de rien dans le projet de loi !

M. Marc Fesneau, ministre
De même, l'adaptation des filières aux évolutions de la consommation est centrale. Les surtranspositions, maladie française depuis des années, sont un problème pour l'installation des agriculteurs, que nous souhaitons encourager.

Mme Delphine Batho
Vous inventez une maladie imaginaire !

M. Marc Fesneau, ministre
Par conséquent, ne dites pas " le foncier sinon rien " : nous risquerions de passer à côté de notre sujet – mais cela ne nous empêchera pas pour autant d'en débattre.

M. Dominique Potier
Nous ne pourrons pas, justement !

M. Marc Fesneau, ministre
C'est vous qui avez supprimé l'article en question : cela vous prive d'une occasion de le faire. Quoi qu'il en soit, nous pourrons quand même débattre du sujet.

Ensuite, vous évoquez à juste titre les lois dites Pisani. Edgard Pisani, tout en reconnaissant des erreurs, maintient qu'il a eu raison d'agir ainsi. Je rappelle néanmoins que c'est au cours de cette période que le nombre d'exploitations a le plus diminué. Le gouvernement de l'époque a fait un choix assumé, celui de la mécanisation et de l'exode rural – l'industrie avait besoin de bras. L'épopée est complète. Le plan conçu par Edgard Pisani était pertinent dans une logique de planification : il considérait que la main-d'œuvre rurale migrerait vers les villes à mesure que l'industrie se développerait. Vous ne pouvez pas affirmer que c'était un outil puissant pour maintenir les exploitations.

M. Dominique Potier
Un outil de partage !

M. Marc Fesneau, ministre
Vous réécrivez l'histoire. C'était un outil puissant de transformation et de modernisation de l'agriculture dans un contexte particulier. Il s'agit d'un exemple de planification organisée, qui avait bénéficié du soutien de la profession agricole de l'époque – même si cela s'est opéré à bas bruit, sans grandes déclarations.

Monsieur Taupiac, vous prétendez que nous ne répondons pas à la crise agricole. Pourtant, comme vous avez pu le constater dans votre département, nous avons apporté des réponses immédiates à toutes les crises agricoles qui se sont présentées : les crises viticoles, la grippe aviaire, les crises bovines. Une crise appelle des réponses à court et à long terme. Vous ne pouvez pas nous faire grief de ne pas avoir mobilisé des moyens significatifs. Je le rappelle, en 2023, plus de 800 000 millions d'euros de crédits supplémentaires ont été alloués pour répondre à la crise. De nombreuses filières – je pense en particulier à la filière avicole au sens large – auraient disparu sans notre intervention. Près de 1 milliard d'euros ont été dépensés pour la sauver. Nous l'avons aidée cette année encore à renforcer la vaccination.

Outre ces mesures immédiates, plusieurs des dispositions du texte et, plus largement, les politiques publiques visent à répondre à la crise agricole dans la durée. Ne confondez pas le volet législatif et les politiques publiques – le législatif et le réglementaire. Rappelons que 4 500 amendements ont déjà été déposés et que le nombre d'articles a été doublé à l'issue du travail en commission. Si vous voulez que tout figure dans le texte, il ne ressemblera plus à rien. Nous devons concevoir à la fois des réponses législatives et des réponses réglementaires.

Je serais heureux de débattre un jour avec Mme Belluco de la notion d'agriculture industrielle. Combien de vaches, combien de veaux, combien de porcs, combien de volailles sont nécessaires pour qu'une agriculture soit qualifiée d'industrielle ? Vous décrivez un modèle mais si l'on regarde hors de France – sans aller jusqu'au bout du monde…

M. Sébastien Jumel
Les écologistes ne sont pas au pouvoir et nous perdons des vaches !

M. Marc Fesneau, ministre
Laissez-moi finir !
J'aimerais que l'on définisse ce concept d'" agriculture industrielle ". D'ailleurs, mettons-nous d'accord : l'industrie, c'est une insulte ?

M. Fabrice Brun
Cessons d'opposer les agricultures entre elles !

M. Marc Fesneau, ministre
L'agroalimentaire, c'est un gros mot ?

M. Sébastien Jumel
Il faudrait juste mieux répartir les marques…

M. Marc Fesneau, ministre
Cette guerre faite à l'industrie est une erreur.

En revanche, nous pourrions chercher ensemble des solutions pour les personnes non issues du milieu agricole, les Nima. C'est d'ailleurs l'un des objectifs du projet de loi. Comme je l'ai souligné dans mon discours de présentation, la sociologie des exploitants agricoles évolue, et c'est pourquoi les dispositifs de formation et d'accompagnement doivent être adaptés, notamment grâce au réseau France Services agriculture et à la création de dispositifs d'accompagnement des nouveaux arrivants et de dispositifs d'accompagnement et de portage du foncier agricole visant à permettre à ceux qui n'en disposent pas d'y accéder.

Madame Laporte, vous avez affirmé que les dispositions juridiques du texte étaient mineures. Je ne pense pas qu'elles le soient, en particulier celles du titre relatif à la simplification.

M. Grégoire de Fournas
Ah, ça va tout changer, c'est sûr !

M. Marc Fesneau, ministre
Les dispositions relatives à la gradation des peines, aux haies, aux délais de contentieux et d'autres encore ajoutées grâce à des amendements défendus par certains d'entre vous ne sont pas mineures.
Quant à la souveraineté, je l'ai évoqué dans ma réponse à M. Jumel : la France est exposée non pas une concurrence extérieure aux frontières européennes, mais à une concurrence qui découle des surtranspositions qu'elle a produites pendant des années. Nous devons y remédier.

M. Grégoire de Fournas
Vous n'avez rien fait contre les surtranspositions !

M. Marc Fesneau, ministre
Madame Hignet, je m'efforcerai de ne pas être aussi caricatural que vous. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Fabrice Brun
Cela va être difficile ! (Sourires.)

M. Marc Fesneau, ministre
Premièrement, vous dites qu'il n'y a pas un sou. Pas moins de 1 milliard d'euros supplémentaires sont inscrits au budget 2024 : si ce n'est pas un sou, je ne sais pas ce que c'est ! En 2023, 800 millions supplémentaires ont été alloués pour répondre aux crises, 500 millions pour lutter contre la maladie hémorragique épizootique (MHE) et remédier aux problèmes de la viticulture, et vous dites qu'il n'y a pas un sou ? À partir de quelle somme – combien de milliards – considérez-vous qu'il y a un sou ? (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Sylvain Carrière
Le projet de loi est vide !

M. Marc Fesneau, ministre
Vous alignez des mots qui ne veulent rien dire. Ils ne correspondent pas à la réalité budgétaire – je ne parle pas de celle que je vous promets pour 2025, mais de celle de 2024.
Deuxièmement, vous dites que nous allons privatiser l'agriculture.

M. Pierre Cazeneuve
Elle est déjà privatisée !

M. Marc Fesneau, ministre
Où avez-vous vu des kolkhozes en France ? Je sais que c'est votre modèle (Protestations et applaudissements ironiques sur les bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem)…
…mais j'ai le regret de vous dire que l'agriculture en France est de nature privée.

Mme Marie Pochon
Cessez les caricatures !

M. Marc Fesneau, ministre
Je ne caricature pas : Mme Hignet a dit que nous privatisions. Or l'agriculture est de nature privée en France : il me semble qu'il était important de le rappeler. (Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Matthias Tavel
Vous n'y connaissez rien !

M. Marc Fesneau, ministre
Monsieur Dive, vous affirmez qu'il s'agit d'un texte qui porte principalement sur l'installation. La vérité m'oblige à dire que tel était l'objectif du pacte d'orientation pour le renouvellement des générations en agriculture. Nous sommes d'accord au moins sur ce point : ce texte, principiellement et principalement, visait à favoriser l'installation des agriculteurs.

M. Julien Dive
D'où l'intérêt de ne pas noyer le message !

M. Marc Fesneau, ministre
Entre-temps, il y a eu la crise agricole – cela ne vous aura pas échappé. Outre les mesures de politique publique que j'ai mentionnées, deux ajouts importants sont intervenus : l'article 1er, qui traduit notre vision de l'agriculture au travers de la souveraineté, et les mesures de simplification. Ces éléments sont venus compléter le projet de loi initial, qui visait à favoriser le renouvellement des générations en agriculture, comme le nom du pacte, présenté en décembre, l'indiquait. Il n'empêche que certaines dispositions qui figurent désormais dans le projet de loi étaient principiellement inscrites dans le pacte. À nous d'étoffer le texte en fonction de nos réflexions et de ce que nous avons perçu des réalités du terrain. J'assume donc totalement à la fois le volet installation et les éléments qui ont été ajoutés en réponse à la crise agricole – la totalité du texte ne relevant cependant pas d'une telle réponse.

Madame Babault, vous avez défini ce qu'était une voie d'équilibre. Dans ce texte, nous nous efforçons d'en suivre une entre production et souveraineté, d'une part, transition, d'autre part. Je l'ai souligné dans ma présentation : personne n'y gagnerait si l'on ne menait pas les deux combats en même temps. De nombreux territoires agricoles souffrent fortement du dérèglement climatique et des jours difficiles s'annoncent si nous n'arrivons pas à renforcer leur résilience, donc à engager une transition. Le modèle agricole changera, non parce que nous le souhaitons, mais parce que le climat l'imposera. La transition est nécessaire pour continuer à produire – et non pour s'engager dans un modèle de recul et de décroissance.

Vous avez évoqué à juste titre le diagnostic modulaire d'évaluation de la résilience des exploitations au changement climatique. Il fait partie des outils à mettre à la disposition des agriculteurs pour leur permettre de se projeter et de répondre aux questions suivantes : quel sera mon système avec un climat plus chaud de 2 ou de 3 degrés ? Comment résistera-t-il ? Faudra-t-il diversifier ? Quel est mon modèle en matière d'accès à l'eau ou de résilience face au manque d'eau ?

Monsieur Lamirault, vous avez évoqué la confiance et la souveraineté. Oui, nous devons y travailler. Pour ce qui concerne la souveraineté, la réécriture collective de l'article 1er a permis de mieux éclairer ce que nous attendons de l'agriculture – M. Alfandari auprès de qui vous êtes assis en sait quelque chose. Je pense que la crise agricole est une crise de sens. Ce texte est un projet de loi d'orientation et l'article 1er permet d'orienter la politique agricole au service d'une souveraineté renouvelée et retrouvée.

Quant à la question de la confiance, vous avez raison, elle renvoie à celle de la norme.

Je ne reviendrai pas sur l'enseignement agricole, public et privé ; nous avons réalisé des avancées utiles.

Je ne reviendrai pas non plus sur l'ensemble des sujets évoqués par M. Pacquot. Je le remercie pour ses propos sur l'équilibre recherché dans le texte, dont il a rappelé les objectifs et les principes, et sur les aspects sur lesquels nous devons continuer à avancer.

Mme Besse estime que les agriculteurs attendent des actes concrets. Elle sait que, dans son département, la puissance publique a été au rendez-vous pour répondre à la grippe aviaire par des actes concrets. Au-delà de la crise immédiate, cet épisode appelle une réflexion plus large : nous devons toujours raisonner dans une logique de souveraineté et de réponses à court et à long terme. Nous devons repenser notre modèle de production agricole afin d'éviter de nous trouver de nouveau dans une situation catastrophique au prochain épisode de grippe aviaire – car il y en aura d'autres.

Enfin, je partage ses vues sur la définition de la souveraineté. Nous avons bien avancé sur ce point. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)


source https://www.assemblee-nationale.fr, le 17 mai 2024