La loi a été modifiée et enrichie au cours du débat parlementaire. Elle entend apporter des réponses aux difficultés rencontrées par le monde agricole.
Souveraineté alimentaire et agricole
La loi fait de la souveraineté alimentaire un objectif structurant des politiques publiques. Le code rural et de la pêche maritime est modifié en ce sens. Il affirme désormais le caractère d’intérêt général majeur de la protection, de la valorisation et du développement de l’agriculture et de la pêche, en tant qu’ils garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation ainsi que leur "intérêt fondamental" pour la Nation en tant "qu’éléments essentiels de son potentiel économique".
La souveraineté alimentaire est définie "comme le maintien et le développement des capacités de la Nation à produire, à transformer et à distribuer les produits agricoles et alimentaires nécessaires à l’accès de l’ensemble de la population à une alimentation saine, et le soutien des capacités exportatrices contribuant à la sécurité alimentaire mondiale". Plusieurs priorités lui sont assignées : assurer la pérennité et l’attractivité de l’agriculture, faciliter les installations et transmissions d'exploitations, le renouvellement des générations et la juste rémunération des agriculteurs…
Les politiques publiques devront avoir pour finalités notamment de veiller au respect du principe de réciprocité dans les accords de libre‑échange, de concourir aux transitions énergétique et climatique ou encore d'atteindre l'objectif de 21% de la part des surfaces agricoles en bio d'ici 2030. Le texte prévoyait en outre que les politiques publiques et les textes réglementaires ayant une incidence sur l'agriculture ou la pêche "s'inspirent du principe de non-régression de la souveraineté alimentaire". Le Conseil constitutionnel a toutefois censuré cet article car il méconnaissait l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ainsi que le principe de la séparation des pouvoirs.
En matière de protection des cultures, la loi fixe un objectif de diminution de l'usage des pesticides par le soutien à la recherche en faveur de solutions "économiquement viables et techniquement efficaces". À défaut de telles solutions, l’État devra s'abstenir "d’interdire les usages de produits phytopharmaceutiques autorisés par l’Union européenne".
Des conférences de la souveraineté alimentaire, réunissant les filières agricoles, seront organisées en 2026 sous l'égide de FranceAgriMer. Une stratégie par filière sera définie. Une conférence nationale de la souveraineté alimentaire présentera les travaux de ces conférences.
Former les agriculteurs de demain
D'ici dix ans, plus d'un tiers des agricultrices et des agriculteurs seront en âge de partir à la retraite.
La loi définit les priorités d’action publique en matière d’orientation, de formation, de recherche et d’innovation. L’État, les régions et les autres collectivités locales volontaires devront établir un programme national d’orientation et de découverte des métiers agricoles et des autres métiers du vivant (actions de découverte pour tous les écoliers, stages de découverte pour les élèves de collège et de seconde). Un programme national triennal de formation accélérée destiné aux 50 000 professionnels qui accompagnent les agriculteurs et futurs agriculteurs devra également être mis en œuvre.
Un volontariat agricole de six mois sera mis en place. Cette mesure résulte d'un amendement des sénateurs.
Un dispositif intitulé "contrat territorial de consolidation ou de création de formation" devra répondre, dans les régions, aux besoins de renouvellement des générations en augmentant le nombre de jeunes formés.
Un "Bachelor Agro", diplôme national de niveau bac+3, est créé. Il doit devenir un niveau de formation de référence dans les métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire. D'autres mesures intéressent les études vétérinaires.
Faciliter les transmissions et les installations
La loi précise les objectifs auxquels les politiques publiques devront répondre d'ici dix ans en matière d’installation des agriculteurs et de transmission des exploitations. Le pays devra compter d'ici à 2035 au moins 400 000 exploitations et 500 000 agriculteurs. Pour atteindre cette cible, les pouvoirs publics devront assurer la régulation du marché foncier pour le rendre accessible, mener dès 2025 une réforme de la fiscalité applicable à l'installation et à la transmission et bâtir une stratégie de lutte contre la concentration excessive des terres et leur accaparement.
L’État mettra en place dans chaque département un guichet unique d’accueil, d’orientation et d’accompagnement, constitué par la chambre d’agriculture, et destiné à toutes les personnes voulant s’engager dans une activité agricole ou céder une exploitation. Dénommé "France Services Agriculture", ce service et ce réseau permettront d'accéder au 1er janvier 2027 à des outils de diagnostic afin d’évaluer les exploitations à céder ou les projets d’installation au regard de leur viabilité économique, environnementale et sociale. Un module dit "stress test climatique" sera développé afin d'évaluer la résilience d'un projet.
Une aide au passage de relais pour les agriculteurs en difficulté proches de la retraite devra être instaurée d'ici à 2026, comme l'ont souhaité les sénateurs.
Une analyse prospective devra être proposée sur internet aux acteurs des secteurs agricole et agroalimentaire pour les aider à anticiper l’état du marché à l'horizon 2035.
Le texte adapte les dispositions sur l’obligation de déclaration d’intention de cessation d’exploitation pour que les exploitants soient accompagnés le plus tôt possible par le nouveau guichet unique départemental dans la démarche de transmission. Les informations sur les exploitants concernés seront regroupées dans un répertoire unique départemental.
Les parlementaires ont inscrit dans la loi un "droit à l’essai" pour encourager l’installation en société. Ce droit à l’essai prendrait la forme d’un nouveau "contrat d’associé à l’essai" pour expérimenter un travail en commun au sein d’une exploitation agricole.
Simplifier et sécuriser les activités agricoles
La loi modifie le régime des sanctions pour atteinte à la biodiversité (une ordonnance du gouvernement était à l'origine prévue). La qualification de délit et les peines qui vont avec (jusqu'à trois ans de prison et 150 000 euros d'amende) seront désormais réservées aux atteintes commises de manière intentionnelle ou par négligence grave. En cas d'atteinte non-intentionnelle, une amende administrative de 450 euros maximum sera encourue. À la place, sauf s'il y a récidive, un stage de sensibilisation aux enjeux de la protection de l'environnement est toutefois prévu. Le texte présumait en outre que les atteintes sont réputées non-intentionnelles lorsqu'elles ont été commises pour répondre "à l’exécution d’une obligation légale ou réglementaire ou à des prescriptions prévues par une autorisation administrative". Le Conseil constitutionnel a jugé ces dernières dispositions contraires au principe de légalité des délits et des peines, en raison de leur imprécision.
De même, le Conseil constitutionnel a considéré sans portée normative et inintelligible l'article qui disposait que "lors d’un contrôle opéré dans une exploitation agricole, la bonne foi de l’exploitant est présumée" (principe du droit à l'erreur) et qu'en cas de conflit des normes, l'agriculteur ne peut être sanctionné. Il l'a donc censuré.
D'autres mesures portent sur les règles applicables aux haies. Les projets de destruction seront soumis à une déclaration unique. Dans chaque département, l’administration devra établir une cartographie des réglementations sur les haies et reconnaître la possibilité de "travaux d'entretien usuels" échappant par principe à la qualification de "destruction". Une stratégie de gestion durable et de reconquête de la haie devra être définie. Un cadre de reconnaissance de certifications de gestion durable des haies est créé.
Un nouvel article, ajouté au Sénat, pour exclure les bâtiments nécessaires à l’activité agricole de l’objectif du zéro artificialisation net (ZAN) a été censuré comme cavalier législatif.
Enfin, des dispositions permettent :
- d'accélérer les décisions des juridictions dans les contentieux portant sur des projets de retenues d'eau et d’installations d’élevage (réserves d'eau ou bassines, porcheries, poulaillers…) ;
- d'introduire de plus grandes facultés d’intervention des départements en matière de gestion de l’approvisionnement en eau ;
- de sécuriser le cadre applicable aux chiens de protection de troupeaux, aux sous-produits lainiers ou aux installations aquacoles ;
- d'adapter les règles sur la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs ;
- au gouvernement de prendre deux ordonnances, l'une sur l'outre-mer et l'autre sur la mise en cohérence des textes.
Cette page propose un résumé explicatif du texte pour le grand public. Elle ne remplace pas le texte officiel.
Sources
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Légifrance :
Loi n° 2025-268 du 24 mars 2025 d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture (version initiale) -
Légifrance :
Loi n° 2025-268 du 24 mars 2025 d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture (version consolidée) -
Conseil Constitutionnel :
Décision n° 2025-876 DC du 20 mars 2025 - Loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture -
Légifrance :
Dossier législatif : Souveraineté en matière agricole et renouvellement des générations en agriculture -
Conseil économique, social et environnemental (CESE) :
Avis du CESE du 20 mars 2024 sur le projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture