Texte intégral
NATHALIE AMAR
L'invité de la Rédaction ce matin, est la ministre déléguée chargée des Outre-mer. Bonjour Marie GUEVENOUX.
MARIE GUEVENOUX
Bonjour.
NATHALIE AMAR
Merci d'avoir accepté l'invitation de RFI. La Nouvelle Calédonie, d'abord. L'archipel reste sous tension après les émeutes du mois dernier, avec encore par endroits des barrages qui persistent, des échauffourées lundi encore avec les forces de l'ordre, un couvre-feu maintenu au moins jusqu'à lundi prochain. Alors, aujourd'hui, les vols commerciaux vont reprendre à l'aéroport international, mais c'est une reprise partielle, il est toujours impossible de prendre un avion de Nouméa pour Paris. Marie GUEVENOUX, vous étiez sur place avec Emmanuel MACRON il y a une dizaine de jours pour installer une mission de hauts fonctionnaires. On n'a pas l'impression que depuis, la situation ait beaucoup évolué.
MARIE GUEVENOUX
Alors, si, la situation elle a factuellement, elle s'est améliorée sur Nouméa et sur son agglomération. Il y a 3 500 forces de l'ordre qui sont mobilisées jour et nuit pour faire en sorte que l'ordre soit rétabli. Donc la situation est meilleure, très factuellement par rapport à il y a trois semaines. Mais évidemment, quand vous êtes un habitant de Dumbéa, en agglomération de Nouméa, que vous vivez dans les difficultés, dans les barrages, dans la violence et dans l'insécurité, il ne faut pas minimiser ce qui se passe aujourd'hui à Nouméa et dans son agglomération. C'est très difficile pour les habitants. Donc, la situation…
NATHALIE AMAR
Pour quelles raisons, justement, malgré ce déploiement massif de forces de l'ordre, la situation n'est-elle toujours pas sous contrôle ?
MARIE GUEVENOUX
Parce qu'on a affaire à des émeutiers qui sont radicalisés, extrêmement violents, des barrages qui sont parfois piégés, l'usage d'armes à feu, des pièges pour nos gendarmes et pour nos policiers, ou encore un de nos gendarmes hier, a été blessé gravement avec, vraiment, un piège urbain, qui est vraiment fait pour blesser, voire plus. Donc des tensions très fortes, avec des individus qui sont aujourd'hui peut être sous le contrôle d'organisations politiques radicales, mais aussi peut être pas, avec ce qu'on appelle de la délinquance d'opportunité. Donc clairement, parfois, des jeunes désoeuvrés et parfois des délinquants plus durs qui se mettent sur les barrages et qui sont extrêmement hostiles.
NATHALIE AMAR
Marie GUEVENOUX, si la réponse sécuritaire aujourd'hui manifestement, ne suffit pas, que dire de la réponse politique ? A la fois les indépendantistes du FLNKS et les loyalistes de Calédonie Ensemble, demandent l'abandon de la réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres, la réforme sur le dégel du corps électoral. Je cite Philippe GOMES, de Calédonie Ensemble, qui dit que c'est même " un préalable à la démobilisation sur le terrain ". Que lui répondez-vous et que répondez-vous aussi aux indépendantistes ?
MARIE GUEVENOUX
Quand le président de la République…
NATHALIE AMAR
Ce projet va-t-il être maintenu ?
MARIE GUEVENOUX
Quand le président de la République est venu il y a 15 jours, il a donné 3 axes d'action qui sont au fond autant d'imbrication liées à la situation territoriale en Calédonie. Le premier axe, c'est le maintien de l'ordre et le préalable, le retour au calme comme préalable aux discussions. Deuxième axe…
NATHALIE AMAR
On n'y est toujours pas.
MARIE GUEVENOUX
Deuxième axe... Oui, mais on progresse, encore une fois, sans minimiser la situation des Nouméens. Deuxième axe, la discussion politique. Il a installé une mission de hauts fonctionnaires, qui depuis 15 jours a rencontré l'ensemble des parties, Calédonie Ensemble que vous venez de citer, les indépendantistes, les non indépendantistes. Chacun a son point de vue. Les discussions, elles ont lieu, el faut maintenant qu'on passe à un stade supérieur. Pour cela…
NATHALIE AMAR
Mais vous pensez qu'un accord est encore possible sur la base de cette réforme-là ?
MARIE GUEVENOUX
En tout cas, ce que président a souhaité faire, c'est permettre que cet accord puisse avoir lieu et que cette discussion puisse avoir lieu. Un, il a levé l'état d'urgence, pour contribuer à une forme de désescalade, et il a appelé les différentes parties à un retour au calme. Aujourd'hui, malheureusement, force est de constater que le retour au calme, il est lié à l'action des forces de police. Il y a des réunions importantes qui se tiennent ce week-end avec le FLNKS. Donc il faut voir comment les choses progressent dans les jours qui viennent. Et puis après, le président de la République avait indiqué vouloir faire un bilan d'étape. Donc je pense que ce sera à ce moment là l'occasion d'éclaircir la situation.
NATHALIE AMAR
Et ça signifie quoi, en un mot, pour les prochaines semaines ? Ça signifie une convocation du Congrès, comme cela avait été annoncé avant la fin du mois de juin ?
MARIE GUEVENOUX
Non, ça signifie que le président a dit : " Un, je fais en sorte de procéder à de la désescalade. Deux, j'installe une mission qui a à charge de rencontrer l'ensemble des parties. Trois, on fait un bilan d'étape et on voit ce qu'il en est à ce moment-là ". Et donc, c'est à ce moment-là que le président aura à se prononcer.
NATHALIE AMAR
Marie GUEVENOUX, le vote de dimanche pour les européennes pourra t il se tenir dans des conditions normales en Nouvelle-Calédonie ? L'Etat s'y est engagé, engagement ferme, mais compte tenu de ce que l'on disait, ces barrages qui persistent, est ce qu'il sera possible d'installer et de sécuriser l'ensemble des bureaux de vote de l'archipel ?
MARIE GUEVENOUX
Alors, nous faisons un point extrêmement régulièrement avec le Haut-Commissariat qui fait un travail extraordinaire sur l'ensemble des sujets précédents, mais aussi sur l'organisation des élections européennes. On a eu un point hier avec eux. Oui, les élections européennes pourront se tenir dans l'ensemble des communes de Nouvelle-Calédonie…
NATHALIE AMAR
Partout ?
MARIE GUEVENOUX
... avec parfois la délocalisation d'un bureau de vote, mais dans très peu, donc délocalisation d'un bureau de vote dans un endroit différent de celui habituel, mais proche de celui habituel. Et donc les élections vont se tenir normalement, sur je dirais 90 % du territoire calédonien.
NATHALIE AMAR
Et pour une élection qui déjà ne mobilise pas énormément. Vous conviendrez que ce ne sont pas des conditions optimales non plus.
MARIE GUEVENOUX
Oui, je comprends, j'en conviens parfaitement. Je ne suis pas sûre que ce soit la délocalisation de certains bureaux de vote qui fera que ce n'est pas des conditions optimales, mais plutôt la situation en termes d'ordre, qui fait que probablement que Nouméa, y compris si l'ordre et rétabli, n'auront pas forcément la tête à aller voter. J'en conviens parfaitement.
NATHALIE AMAR
Marie GUEVENOUX, l'avenir de Mayotte sera au coeur, lundi 13 juin, d'un séminaire gouvernemental en présence d'élus mahorais. Evidemment, il sera question de la mesure choc qui a été annoncée par le ministre de l'Intérieur, Gérald DARMANIN, il y a quelque temps, la suppression du droit du sol pour le 101e département français. Il faudra là encore pour cela une révision de la Constitution. Si ce texte est adopté, il ne sera plus possible de devenir français à Mayotte si on n'est pas soi-même enfant de parents français. Pourquoi cette mesure, finalement ? Est-ce que ça n'apparaît pas comme une concession à l'extrême droite de la part d'un gouvernement qui a fait de cette famille politique un de ses principaux adversaires ?
MARIE GUEVENOUX
D'abord, dire qu'il n'y a pas eu un gouvernement qui s'est à ce point engagé sur la situation de Mayotte depuis les quatre mois qui viennent de s'écouler…
NATHALIE AMAR
Parce qu'il y avait urgence, il y avait cette crise de l'eau qui a été tragique, avec des conséquences terribles pour les habitants des quartiers.
NATHALIE AMAR
Oui, et puis parce qu'il y a aussi une volonté politique de venir en aide aux Mahorais, qui vivent une situation extrêmement difficile. Pourquoi le gouvernement et le président de la République veulent abroger le droit du sol ? Parce que vous avez sur une île de 374 km², vous avez la moitié de la population qui est étrangère et la moitié de cette population étrangère qui est en situation irrégulière. Ce qui pèse extrêmement fort sur les services publics. Vous indiquiez la crise de l'eau, la crise de l'eau, pourquoi on la subit de façon aussi forte à Mayotte ? Parce que la production d'eau, elle est dimensionnée pour une population qui est de moitié, qui est moitié moindre. Donc, évidemment, l'ensemble du système vient à être au fond embolisé. Donc, voilà.
NATHALIE AMAR
Est-ce que la suppression du droit du sol à Mayotte ne va pas créer un précédent dangereux applicable ailleurs, Marie GUEVENOUX ? C'est aussi la question.
MARIE GUEVENOUX
Nous, notre majorité, elle, est extrêmement claire. On considère que Mayotte vit des circonstances exceptionnelles et qu'elle nécessite une mesure exceptionnelle. Il est en aucun cas question pour cette majorité de faire en sorte d'abroger le droit du sol pour un autre territoire que celui de Mayotte. Mayotte, pourquoi on veut abroger le droit du sol ? Parce que vous avez aujourd'hui 75% des naissances de Mayotte qui sont le fait de mères étrangères. Voilà.
NATHALIE AMAR
On parle de maintenant. Si la majorité change un jour, il y aura eu malgré tout ce précédent, si cette loi arrive à son terme. Un tout petit mot des européennes. Dans 4 jours, si les projections des sondages se confirment, que Valérie HAYER obtient effectivement deux fois moins de voix que le RN, que devra faire, selon vous, Emmanuel MACRON ? Un remaniement ? Une dissolution ? Rien du tout ?
MARIE GUEVENOUX
Ma réponse ne va pas vous convenir…
NATHALIE AMAR
Il est sous pression.
MARIE GUEVENOUX
Ma réponse ne va pas vous convenir. Vous l'avez dit, les élections, elles se jouent dimanche. Tant que dimanche n'est pas passé, il n'y a aucune projection à faire. Moi, je fais partie, j'ai gagné deux élections comme députée, rien n'est jamais joué. Et donc…
NATHALIE AMAR
On n'y réfléchit pas, aujourd'hui, à la suite, dans les cercles de la majorité ?
MARIE GUEVENOUX
On réfléchit d'abord à mobiliser notre électorat sur le projet de Valérie HAYER, et à faire campagne pour l'Europe, avant de faire des projections de défaites, qui n'ont pas lieu d'être à ce stade.
NATHALIE AMAR
Merci Marie GUEVENOUX, d'avoir été avec nous ce matin.
MARIE GUEVENOUX
Merci.
NATHALIE AMAR
Ministre déléguée chargée des Outre-mer.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 juin 2024