Déclaration de M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué, chargé de l'Europe, sur les ambitions européennes de la France, au Sénat le 29 mai 2024.

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Circonstance : Débat organisé au Sénat à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain

Texte intégral

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, sur le thème : " La France a-t-elle été à la hauteur des défis et de ses ambitions européennes ? ".

Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l'auteur de la demande dispose d'un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l'issue du débat, l'auteur de la demande dispose d'un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

(…)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de donner au Gouvernement l'occasion de faire le bilan de cette législature au moment où celle-ci s'achève, afin que nous puissions nous projeter sur la suivante.

Vous avez évoqué de grands et beaux discours de la France qui n'auraient pas été suivis d'effets. Je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, de reprendre les termes du discours que le Président de la République prononça dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne en 2017. Nous constaterons ainsi, ensemble, que ses propositions, qui à l'époque embrassaient des sujets face auxquels l'Union européenne semblait totalement impuissante, se sont traduites par des solutions. (M. Patrick Kanner ironise.)

Le Président de la République disait, dans ce discours : " Il y a une souveraineté européenne à construire, et il y a la nécessité de la construire. " Or l'adoption par tous les Européens de ce principe de la souveraineté européenne est une victoire idéologique majeure pour la France depuis sept ans. Alors que ce concept avait été accueilli à l'époque avec une certaine tiédeur, tous – le Conseil européen, la Commission européenne, la coalition allemande – se le sont approprié.

Le Président de la République disait aussi : " Nous devrions définir un salaire minimum adapté à la réalité économique de chaque pays. " Or, depuis 2022, nous avons une législation qui établit des critères pour la fixation dans chaque État membre du bon niveau de salaire minimum.

Le Président de la République disait encore : " Aujourd'hui, l'Europe ne protège pas face au dumping social. […] C'est le sens du combat que je mène aujourd'hui pour réviser la directive sur le travail détaché. " Là encore, l'objectif est tenu : le travail détaché a été régulé en Europe sur le fondement du principe " à travail égal, salaire égal ".

Le Président de la République indiquait également : " Je propose aussi la mise en place d'un programme industriel européen de soutien aux véhicules propres. " Sept ans plus tard, nous avons quatre méga-usines de batteries électriques, et ont été mis en place un programme d'investissement européen sur les batteries ainsi qu'un plan de formation de 150 000 personnes en France par l'Académie européenne de la batterie.

Le Président de la République disait en outre : " Ce continent du numérique n'a pas de normes ou, plus exactement, il a une loi : la loi du plus fort. C'est à l'Europe d'en définir le cadre de régulation. " Sept ans plus tard, nous disposons des lois visant à réguler les géants du numérique les plus ambitieuses et les plus exigeantes du monde.

Le Président de la République disait aussi : " Il nous faut une taxe aux frontières de l'Europe sur le carbone. " Cette idée, qui était initialement celle de Jacques Chirac, personne n'avait réussi à la concrétiser : le 1er octobre 2023 a été mise en place la taxe carbone aux frontières, ce mécanisme d'ajustement qui s'applique aux produits étrangers à haute intensité en carbone.

Le Président de la République disait par ailleurs : " Nous avons besoin d'une réciprocité [dans les échanges commerciaux] en créant un procureur commercial européen chargé de vérifier le respect des règles par nos concurrents et de sanctionner sans délai toute pratique déloyale. " Nous disposons désormais d'un procureur commercial européen, et la Commission européenne s'est dotée d'instruments qu'elle utilise pour lancer à l'encontre de nos partenaires ou rivaux, comme la Chine, des enquêtes pour subventions excessives.

Le Président de la République ajoutait : " L'Europe devra ainsi être dotée d'une force commune d'intervention, d'un budget de défense commun et d'une doctrine commune pour agir. " Quelque temps plus tard, avant même le début de la guerre d'agression russe en Ukraine, ont été établis les bases d'une initiative européenne d'intervention et des outils pour structurer l'industrie européenne de défense.

Le Président de la République indiquait : " Nous n'avons qu'un choix, qu'une alternative : le repli sur nos frontières, qui serait à la fois illusoire et inefficace, ou la construction d'un espace commun des frontières de l'asile et de l'immigration. " Sept ans plus tard, il y a quelques semaines, nous avons adopté le pacte européen sur la migration et l'asile, qui consacre le double principe de la responsabilité et du contrôle effectif des frontières et nous permet de disposer enfin d'une politique raisonnable et responsable de maîtrise migratoire.

Le Président de la République disait enfin : " Je propose la création d'universités européennes […]. Nous devons nous fixer d'ici à 2024 [l'objectif d']en construire au moins une vingtaine. " Objectif tenu ! Nous avons créé en sept ans 41 alliances d'établissements d'enseignement supérieur européens, et l'Europe a adopté l'objectif de 60 universités européennes d'ici à 2025.

Vous dites, monsieur le sénateur, que nous avons souvent été en décalage par rapport à nos partenaires. Bien sûr ! Nous étions précisément en décalage pour les rallier à nos idées et les faire progresser !

C'était le cas sur les sujets du travail détaché et du salaire minimum : il a fallu contourner les réserves, d'abord des Britanniques, puis des pays scandinaves.

C'était aussi le cas sur le nucléaire et la neutralité technologique, une idée qui fait à peu près consensus en France, mais qui n'était pas approuvée par une majorité en Europe. Grâce à l'Alliance européenne du nucléaire, que nous avons constituée, nous sommes parvenus à défendre cette technologie.

C'est le cas, par ailleurs, pour le pacte européen sur la migration et l'asile : il fallait convaincre, à la fois, les pays de première entrée, qui se refusaient à faire le moindre effort en matière de contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne, et les pays d'Europe centrale et orientale qui se refusaient à toute forme de partage des responsabilités dans l'accueil des migrants. Nous avons dû trouver les voies d'une convergence entre ces deux Europe, qui jusqu'alors ne s'accordaient pas.

Nous étions également en décalage avec nos partenaires pour faire échec à certaines propositions qui portaient atteinte aux intérêts de la France. Si, à l'heure où nous parlons, le traité avec le Mercosur n'a pas été signé par la présidente de la Commission européenne, c'est parce que sa main a été retenue par un fil, lui-même tenu par le Président de la République ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.)

M. Didier Marie. Et le Ceta ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Vous avez évoqué l'intelligence artificielle. La France s'est opposée, avec l'Allemagne et l'Italie, à ce que la régulation en la matière compromette la capacité européenne à développer cette technologie. Nous avons en effet la conviction que celui qui conçoit l'outil a toujours plus d'influence sur son utilisation que celui qui le régule.

Vous avez mentionné le bilan de cette législature en matière environnementale. Il est assez considérable, à tel point que l'on nous reproche bien souvent d'avoir été trop loin avec le Green Deal. Nous assumons les objectifs climatiques que l'Europe s'est fixés, et regrettons que certaines forces de gauche française ne s'y soient pas ralliées.

Vous parlez d'austérité budgétaire. Or, pour la première fois dans son histoire, l'Union européenne a réussi à s'accorder sur le principe d'un emprunt commun. Cet accord, passé au cœur de l'été 2020 en réponse à la crise de la covid-19, a permis de doubler la capacité budgétaire de l'UE.

Vous avez conclu votre intervention en émettant quelques doutes sur la force et la portée de l'amitié franco-allemande. Je rentre justement, mesdames, messieurs les sénateurs, de la visite d'État historique du Président de la République en Allemagne, la première depuis vingt-quatre ans. C'était aussi la première fois qu'un Président de la République française se rendait en Allemagne de l'Est au cours d'une visite d'État. Je ne sais quels mots employer, dans cet auguste hémicycle, pour traduire la chaleur avec laquelle il a été accueilli, tout au long de son parcours, par le peuple et le président allemands… Comment vous décrire l'émotion qui a saisi la ville de Dresde, où 10 000 personnes s'étaient rassemblées à l'occasion de la Fête de l'Europe, pour écouter le Président de la République présenter ses orientations sur l'avenir de l'Union européenne ?

M. Didier Marie. Et tout cela donne 14% dans les sondages…

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. S'il y a bien un élément fondamental, entraînant l'Europe, qui est ressorti de cette visite acclamée par la presse et le peuple allemands, c'est bien l'amitié franco-allemande, qui a de très beaux jours devant elle ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)


- Débat interactif -

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.

Le Gouvernement dispose pour répondre d'une durée équivalente. Il aura la faculté, s'il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L'auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Pierre Médevielle.

M. Pierre Médevielle. Monsieur le ministre, la France, moteur de la création de l'Union européenne, a toujours nourri de grandes ambitions pour l'unité de notre vieux continent. Après la Seconde Guerre mondiale, le défi était de taille et l'un des objectifs principaux était de ramener une paix durable pour les générations futures. On peut parler de réussite puisque notre pays a connu, depuis 1945, la plus longue période de paix de son histoire.

L'Europe, qui n'a, hélas ! pas échappé à l'inflation normative et à la complexification administrative, vient d'essuyer deux tempêtes : la crise du covid-19 et l'invasion de l'Ukraine nous ont rappelé sévèrement les progrès qui restent à accomplir dans les domaines de la souveraineté énergétique, de la souveraineté alimentaire et de la défense.

Plus que jamais, nous devons sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. La relance du nucléaire et l'amélioration de notre mix énergétique doivent être une priorité nationale. Il faut néanmoins trouver des terrains d'entente avec les autres pays, comme l'Allemagne, qui ont fait d'autres choix.

La crise agricole de ce début d'année nous a forcés à remettre en place une politique européenne plus équilibrée et plus réaliste. Encore une fois, il y a une place pour toutes les agricultures et la productivité n'est pas incompatible avec des objectifs environnementaux. Gardons les pieds sur terre : vider la trousse à pharmacie en 2050 relève du pur fantasme.

Quant à l'invasion de l'Ukraine, elle a remis au goût du jour, certes de façon brutale, notre besoin impérieux de défense européenne.

Monsieur le ministre, beaucoup de nos adversaires et détracteurs pensaient que l'Union européenne ne survivrait pas à ces deux crises ; elle en sort renforcée et c'est tant mieux ! Pensez-vous que, malgré ces épreuves, nous pourrons maintenir un rythme d'investissement suffisant dans les industries d'avenir, notamment l'intelligence artificielle, comme nous continuons à le faire dans le domaine aéronautique et spatial ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur.

Que l'Union européenne puisse investir dans des secteurs, quels qu'ils soient, était considéré il y a quelques années encore comme une idée étrange. Lors de la crise de la covid-19, au mois de mars 2022, les Vingt-Sept ont décidé, sur l'invitation du Président de la République, de se fixer des objectifs d'investissement nouveaux pour réduire les dépendances apparues dans un certain nombre de secteurs, cette apparition ayant d'ailleurs provoqué l'étonnement et un agacement légitime chez nos concitoyens. Ces secteurs sont bien connus : la défense, l'énergie, la santé, avec les pénuries de médicaments, et l'agriculture.

Nous souhaitons pour l'avenir que, au-delà de ces secteurs, sur lesquels des travaux ont été engagés par l'Union européenne en vue de reconquérir notre souveraineté en la matière, l'Union investisse dans des secteurs neufs – intelligence artificielle, quantique, biotechnologies, nouvelles énergies, espace –, qui ne connaissent donc pas encore de telles dépendances, mais où celles-ci pourraient advenir si nous ne faisons rien.

C'est dans cet esprit que le Président de la République a présenté ses orientations dans son discours de la Sorbonne. Et hier soir, lors du conseil des ministres franco-allemand, la France et l'Allemagne ont acté une contribution commune sur la compétitivité et la croissance dans laquelle elles affirment que l'Union européenne doit se doter d'une capacité d'investissement dans ces secteurs d'avenir.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno.

M. Olivier Henno. Je souhaite saisir l'occasion de ce débat pour aborder la question du retour de l'industrie, via les gigafactories, et vous interroger sur l'avenir de la politique européenne de concurrence.

En France, et plus particulièrement dans les Hauts-de-France, nous sommes très heureux de ce retour de l'industrie. Nous avons en effet connu le déclin industriel, que nous avons dû gérer. À l'époque, on pensait que le secteur tertiaire allait remplacer l'industrie. Cela n'a pas été le cas, d'aucuns avaient fait preuve d'une grande naïveté par rapport au concept de division internationale du travail ; c'est un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître…

Nous devons aujourd'hui nous interroger pour faire en sorte que ce retour de l'industrie soit solide et durable. Il le sera si plusieurs conditions sont réunies, parmi lesquelles figure la prise de conscience que le monde a changé. L'époque des " gentils Européens " est finie !

Mon collègue Alain Chatillon et moi-même avons " commis " un rapport sur la politique européenne de concurrence, dans lequel nous faisions état de points de comparaison ; ainsi, en Chine et aux États-Unis, les aides publiques font partie du paysage et le concept de souveraineté économique existe véritablement. Ainsi, comme vous l'avez dit, le concept de souveraineté économique européenne doit faire partie du projet européen.

Mais il convient aussi de modifier la politique européenne de concurrence, qui est depuis toujours axée sur le principe selon lequel le consommateur doit avoir les produits les moins chers. Il faut retourner cette compétence exclusive et faire en sorte que la concurrence européenne bascule vers l'ambition de souveraineté économique européenne. Ce ne sera pas facile, comme l'a illustré la fusion entre Siemens et Alstom : il y aura beaucoup de résistances…

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Monsieur le sénateur Olivier Henno, il y a une prise de conscience de cette idée que la France défend de longue date : la politique de concurrence doit non pas uniquement viser la réduction des prix, mais aussi intégrer la dimension de la souveraineté.

Hier soir, à la suite du conseil des ministres franco-allemand, dans la contribution commune de la France et de l'Allemagne à l'agenda stratégique qui sera adopté par les Vingt-Sept à la fin du mois de juin, a été intégrée l'idée selon laquelle la politique de concurrence doit permettre, notamment dans le secteur des télécommunications, l'émergence d'entreprises de taille suffisante pour résister aux assauts de leurs rivaux américains ou chinois.

De même que l'Europe prend actuellement un virage, sur l'initiative de la France, dans le domaine de la politique de commerce international – l'une de ses compétences exclusives –, elle évolue aussi sur la question de la politique de concurrence, qu'il convient de ne pas jeter avec l'eau du bain.

Dans certains domaines, par exemple le numérique, la politique de concurrence est notre seul espoir de rouvrir des marchés sur lesquels se sont installés des géants, des monopoles, qui, d'une part, retiennent nos entreprises et nos collectivités dans un lien de dépendance et, d'autre part, empêchent toute forme d'initiative entrepreneuriale de la part d'entreprises européennes.

Autrement dit, la politique de concurrence doit s'adapter à l'air du temps, mais elle est aussi un moyen pour l'Union européenne de rétablir l'équité lorsque celle-ci est violée par les comportements de très grandes entreprises, américaines ou chinoises, dans certains secteurs tels que celui du numérique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mathilde Ollivier. Monsieur le ministre, en 2019, la France était marquée par un élan d'espoir sans précédent. Des milliers de jeunes, dans la rue, partout sur le territoire, se sont rejoints dans des marches, historiques, pour le climat, avec un seul mot d'ordre : " Pensez à notre avenir, mettez la préservation de l'environnement au cœur des politiques européennes. "

La jeunesse s'engageait, se révoltait partout en Europe et dans le monde. Je faisais partie de ces jeunes. Ces marches ont été pour moi un point de bascule, le moment où je me suis dit que je ne pouvais plus seulement déplorer l'inaction climatique, mais que je devais m'engager pour la combattre.

L'espoir était immense : l'élection de militants pour le climat au Parlement européen, comme Marie Toussaint, qui a fait condamner l'État pour inaction climatique, et la venue de Greta Thunberg à Bruxelles, laissaient augurer de véritables changements. Et oui, nous avons obtenu, grâce aux écologistes, des avancées sur le pacte vert, le crime d'écocide, l'interdiction de la pêche en eaux profondes et du plastique à usage unique. Nous pouvons en être fiers !

Mais, depuis 2021 et la crise du covid-19, le " Make our planet great again " d'Emmanuel Macron fait " pschitt ". Alors que nous avions la possibilité d'apprendre de ces crises, de construire un nouveau modèle de société, plus rien ne se passe. Au niveau européen, la France ralentit ; pis, elle semble même reculer : sur la restauration de la nature, sur le glyphosate, sur les pesticides et la santé de nos concitoyens, sur le pouvoir d'achat des Français et sur les prix de l'énergie…

Dans quelques semaines, une nouvelle page de notre histoire européenne va s'ouvrir. L'inquiétude règne. Toute une génération vous attend au tournant et votre responsabilité est immense. Les écologistes obtiennent à chaque fois la meilleure note lorsqu'il s'agit d'évaluer les parlementaires qui agissent le plus en faveur de l'environnement au sein du Parlement européen. Et vous, monsieur le ministre, sur cette dernière législature, quelle note vous attribuez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Madame la sénatrice, je ne sais pas s'il me revient de m'attribuer une note… En tout cas, avec le Pacte vert, l'Europe a démontré, me semble-t-il, qu'elle était le continent le plus ambitieux en matière de transition climatique !

Je vous entends sur la contribution à la cause, si je puis dire, du groupe Les Verts au Parlement européen. Je regrette cependant que les députés français dudit groupe n'aient pas voté la loi européenne sur le climat.

M. Didier Marie. C'est parce qu'elle n'était pas assez ambitieuse !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Certes, mais on se doit d'être au rendez-vous lorsqu'un tel vote a lieu, car les États membres de l'Union européenne s'étaient accordés pour la première fois de leur histoire sur le sujet, tout comme cela a été le cas pour le plan de relance européen ou le pacte sur la migration et l'asile. On ne s'oppose pas à de tels textes quand on est véritablement attaché à ce qui symbolise l'Europe, c'est-à-dire à la recherche du compromis, à une démarche qui consiste à écouter, entendre et faire converger les positions.

M. Jean-Michel Arnaud. Très bien !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Je souhaite que la mandature à venir soit mise au service à la fois de la transition écologique et de la justice, parce que le Pacte vert ne peut réussir s'il n'est pas aussi un pacte juste.

Si les agriculteurs, dans tous nos territoires, partout en Europe, ont exprimé leur colère, ce n'est pas parce qu'ils sont climatosceptiques ; c'est parce qu'ils ont le sentiment que, dans le cadre de la transition écologique qui s'impose à nous tous, le fardeau qui pèse sur leurs épaules est trop lourd.

M. Pierre Médevielle. Bravo !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. La responsabilité qui est la nôtre est d'accompagner toutes celles et ceux auxquels nous demandons les efforts les plus importants et de faire en sorte que cette transition indispensable soit également une transition juste. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour la réplique.

Mme Mathilde Ollivier. Vous n'avez pas répondu à ma question, monsieur le ministre. Aussi, je vous informe que l'ONG Bloom vous a attribué la note de 11,9 sur 20, soit mention passable !

Face à la montée de l'extrême droite partout en Europe, vous renoncez à l'écologie. Or le risque qui nous guette, c'est bien celui du pacte brun. Pis, vous présentez l'écologie comme responsable de tous les maux. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le ministre, le gouvernement français se targue de réindustrialiser notre pays, mais il ne semble pas tirer les enseignements de quarante années de désindustrialisation ni s'interroger sur le rôle de la construction européenne dans les délocalisations que nous avons subies.

Le sacro-saint principe de la concurrence libre et non faussée n'empêche pas la concurrence à l'intérieur des groupes ; au contraire, elle la favorise. Les règles du capitalisme libéral sont, de fait, complètement faussées par les différences de coûts salariaux ou de régimes fiscaux entre pays européens, voire par les aides européennes aux investissements.

Les grandes multinationales ont pris l'habitude de mettre leurs sites européens en concurrence. Après la chute du mur de Berlin, elles se sont implantées à l'Est. Les nouveaux entrants dans l'Union européenne bénéficiant d'importants fonds structurels, elles ont pu puiser dans ceux-ci pour ouvrir de nouvelles usines. Ce sont bien souvent nos salariés français qui sont allés former sur place la main-d'œuvre qui allait bientôt les remplacer.

Avec un Smic brut fixé à 1 766 euros en France, comment notre industrie pourrait-elle rester compétitive dans un espace européen concurrentiel où les salariés polonais, roumains et hongrois perçoivent un salaire minimum respectivement de 970 euros, 612 euros et 487 euros ?

Une véritable machine à délocaliser a été mise en place au sein de l'Union européenne. Et ce ne sont pas vos projets d'élargissement qui amélioreront les choses ! Le Smic s'élève à 189 euros en Ukraine et à 47 euros en Moldavie…

Bon nombre d'entreprises continuent de fermer leurs usines en France, car les groupes transfèrent leurs activités en Europe de l'Est. Dans mon département, le Pas-de-Calais, les exemples sont légion : Bridgestone ferme son site de Béthune après avoir massivement investi dans celui de Poznan en Pologne ; les activités de la Française de mécanique partent en Hongrie ; Prysmian ferme son usine de Calais et accroît ses investissements en Roumanie.

Dans votre Europe, monsieur le ministre, la mise en concurrence des travailleurs et des sites entre eux n'est-elle pas l'obstacle majeur à la réindustrialisation que vous nous promettez ?

Mme Cécile Cukierman. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Madame la sénatrice, pour nos territoires et nos industries, l'Union européenne est une véritable assurance vie.

Observez ce qui s'est passé au moment de la crise de la covid-19 : au printemps 2020, alors que l'économie européenne menaçait de s'effondrer sur ses bases, alors que des millions d'emplois et des centaines de milliers d'entreprises étaient en danger, la seule solution possible a consisté, pour l'Union européenne, à se doter pour la première fois de son histoire d'un plan de relance commun de 750 milliards d'euros, afin de soutenir les plans de relance de chacun de ses États membres.

Ainsi, quelque 40 des 100 milliards d'euros du plan de relance français provenaient de l'Union européenne. Dans vos départements, mesdames, messieurs les sénateurs, des dizaines d'entreprises ont bénéficié du plan France Relance. Sans l'Europe, la moitié de ces subventions n'auraient pas été versées.

Par ailleurs, comme je le disais tout à l'heure, l'Europe a pris conscience de ses fragilités et s'est remise à investir dans un certain nombre de filières où ses dépendances étaient inacceptables. C'est le cas dans le domaine des batteries : pour construire les gigafactories de Dunkerque à Billy-Berclau, l'apport de l'Union européenne est indispensable, tant la taille de ces équipements est considérable.

Cela dit, l'Europe est notre assurance vie, non seulement parce qu'elle nous permet d'investir au bon moment, dans les bons territoires et en misant sur les bonnes industries, mais également parce que nous avons fait progresser l'Europe sociale.

Vous avez raison, madame la sénatrice, le dumping social n'est pas acceptable ! C'est pourquoi la régulation du travail détaché, que nous avons obtenue dès 2017, et la fixation d'un salaire minimum dans tous les États membres de l'Union européenne étaient primordiales. On ne peut pas faire l'Europe au détriment de nos entreprises, de nos industries et de nos emplois.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. L'Europe doit avancer sur ses deux jambes. Et, de ce point de vue, le bilan du mandat qui s'achève me semble être particulièrement satisfaisant.

Mme la présidente. La parole est à M. Ahmed Laouedj.

M. Ahmed Laouedj. Monsieur le ministre, le 25 avril dernier, le Président de la République prononçait un discours à la Sorbonne dans lequel il évoquait la nécessité d'une Europe plus souveraine et plus puissante.

Telle est l'ambition affichée alors qu'une crise majeure touche l'ensemble des pays européens, qui sont aujourd'hui à la croisée des chemins, tant les défis politiques, économiques, diplomatiques et écologiques bouleversent profondément nos sociétés. En outre, la montée des mouvements populistes et eurosceptiques atteste d'une résistance significative à l'intégration européenne.

Notre pays a toujours revendiqué un rôle de leader sur la scène européenne. Or l'Insee devrait publier dans les jours qui viennent les chiffres du déficit public français en 2023, et nous savons d'ores et déjà que les résultats ont été mauvais. Avec un déficit public aux alentours de 5,6% du PIB, la France se classe désormais à l'avant-dernière place dans la zone euro, devançant seulement l'Italie. Les défis économiques auxquels nous faisons face affaiblissent notre position à l'échelle européenne.

Sur le plan environnemental, nous nous sommes positionnés comme d'ardents défenseurs de la transition énergétique. Force est de constater que cette dernière est lente et que les mesures prises sont souvent jugées insuffisantes pour répondre à l'urgence climatique.

Enfin, sur la scène diplomatique, l'Europe et, par extension, la France devraient jouer un rôle prépondérant dans la gestion des conflits en Ukraine et en Palestine. Mais est-ce vraiment le cas ? Notre pays n'a pas semblé à la hauteur de son statut de leader, ce qui laisse planer quelques doutes sur notre capacité à jouer un rôle majeur dans la diplomatie européenne.

Avec les derniers bombardements à Rafah qui ont fait une cinquantaine de morts, la situation devient urgente et appelle une réponse immédiate. Il est primordial que l'Europe, sous l'impulsion de notre pays, parle d'une seule voix pour exiger un cessez-le-feu immédiat et la reconnaissance de l'État palestinien, à l'instar de ce qu'ont décidé l'Espagne, la Norvège et l'Irlande. Il est temps que la France prenne ses responsabilités et accompagne l'Europe dans cette démarche cruciale.

Monsieur le ministre, face à ces constats, il est légitime de s'interroger : notre pays peut-il continuer à prétendre remplir pleinement son rôle de puissance influente au niveau européen ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Monsieur le sénateur, pour ce qui est de son importance géopolitique et de son influence diplomatique, l'Europe a également accompli des progrès sensibles ces cinq dernières années. Je pense notamment à la manière dont l'Union européenne a su s'accorder, dès les premiers jours qui ont suivi la guerre d'agression russe en Ukraine, sur la question des sanctions, du soutien militaire à apporter et du secours aux civils.

S'agissant de la situation au Proche-Orient, la France a beaucoup insisté pour que l'Union européenne parle d'une seule voix.

Lors du Conseil européen du mois de mars, les Vingt-Sept se sont accordés – enfin !, si j'ose dire – sur une déclaration commune, qui réclame une trêve immédiate conduisant à un cessez-le-feu durable et appelle à la libération inconditionnelle des otages, à l'acheminement sans entrave de l'aide humanitaire, à des sanctions à l'encontre des dirigeants du Hamas comme des colons extrémistes violents, ainsi qu'au respect d'un certain nombre de principes qu'ils sont parvenus à défendre ensemble.

Vous l'avez dit, certains États membres de l'Union européenne ont décidé de reconnaître l'État palestinien.

Comme le Président de la République a eu l'occasion de le rappeler à plusieurs reprises, cette reconnaissance ne constitue pas un tabou pour la France. C'est une décision qui viendra en temps utile dans le cadre d'un processus de paix, ce qui, vous le savez, n'a pas empêché la France de soutenir devant les Nations unies la résolution conduisant à la reconnaissance de l'État de Palestine comme membre associé.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. À l'évidence, l'Europe a encore des efforts à réaliser pour s'affirmer comme une puissance diplomatique. Elle a néanmoins considérablement progressé ces dernières années.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet.

Mme Nadège Havet. Permettez-moi tout d'abord de remercier le groupe socialiste d'avoir inscrit ce débat à l'ordre du jour, à dix jours seulement des élections européennes, d'autant que la réponse à la question posée est, à l'évidence, favorable à la majorité présidentielle. (Sourires.)

Monsieur le ministre, ma question portera sur l'écologie : quelles impulsions ont été données à l'échelle continentale pour soutenir les avancées environnementales des vingt-sept États membres ? Quel rôle la France a-t-elle joué en la matière ?

Je pourrais citer plusieurs avancées comme la taxe carbone aux frontières ou la redéfinition de la taxonomie européenne. Sur le fondement du Pacte vert pour l'Europe, de nombreuses législations visant la neutralité carbone en 2050 ont vu le jour.

En 2023, la France a, quant à elle, enregistré une baisse record de près de 6 % de ses émissions de CO2, un résultat inédit et supérieur aux objectifs fixés.

C'est pourquoi je souhaiterais vous interroger plus particulièrement sur les effets, à mon avis méconnus, du plan de relance européen de 750 milliards d'euros, voté en 2020, qui n'a été soutenu en France que par le groupe Renaissance et les écologistes.

Parce que des enjeux cruciaux marquent notre actualité, comme la guerre d'agression russe en Ukraine, la situation dramatique au Proche-Orient ou la baisse du pouvoir d'achat, l'analyse des bienfaits de cette relance d'inspiration keynésienne, pourtant historique, a pu passer au second plan.

Pourtant, les plus de 40 milliards d'euros de la contribution versée à la France se traduisent sous la forme de multiples projets. Ainsi, au moins 37% des dépenses des plans de résilience nationaux devaient être consacrées à l'action climatique. Grâce à ce plan, l'Espagne, en 2026, devrait bénéficier de 80 milliards d'euros de fonds non remboursables et à autant de crédits. Cela avait fait dire à la gauche espagnole, il y a trois ans, que cet engagement marquait la fin d'une logique néolibérale.

Monsieur le ministre, pourriez-vous citer des exemples concrets de réalisations environnementales, qui auraient été rendues possibles en France grâce au plan de relance dont la majorité présidentielle a été le fer de lance ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Madame la sénatrice, je vous remercie d'avoir relevé, au travers de votre question, l'importance de l'emprunt commun qu'a lancé l'Europe, pour la première fois de son histoire.

Pour vous répondre, je pourrais ne citer qu'un seul exemple, celui du dispositif MaPrimeRénov',…

M. Didier Marie. Son montant a baissé !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. … qui a été financé, pour les deux tiers, par le plan de relance européen. Ce cas suffit à lui seul à témoigner de l'importance de l'effort budgétaire européen au service de la transition écologique.

Toutefois, je donnerai d'autres exemples, qui tiennent à cœur, me semble-t-il, aux sénatrices et aux sénateurs ici présents : la rénovation thermique des bâtiments publics qui a été rendue possible, pour une très large part, par le plan France Relance, donc, par le plan de relance européen, ou encore les nombreux programmes de décarbonation industrielle, qui, durant cette période si éprouvante pour l'économie française, n'ont pu être engagés que grâce au déploiement, dans tous les territoires de France, de crédits rendus accessibles à la faveur de la mobilisation exceptionnelle de l'Union européenne.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le ministre, comme dans bien d'autres domaines, votre action en matière d'agriculture à l'échelle européenne aura été marquée par un terrible double discours.

Alors que les négociations sur les contours de la future politique agricole commune (PAC) avaient permis certaines avancées, notamment la conditionnalité environnementale des aides, la France s'est imposée comme un acteur de premier plan pour détricoter ce modeste verdissement de la PAC, un an seulement après son entrée en vigueur.

Contrairement à ce que vous venez de nous dire et en contradiction avec les déclarations d'Emmanuel Macron en 2017, vous avez également permis, en agissant comme vous l'avez fait, la réautorisation du glyphosate pour les dix prochaines années.

Monsieur le ministre, quand comptez-vous défendre l'indispensable transition de notre modèle agricole au niveau européen ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Monsieur le sénateur, la France a soutenu l'adoption de la PAC, telle qu'elle avait été négociée à l'époque. Je précise que, comme souvent, les politiques publiques évoluent et que, de toute évidence, certaines de ces conditionnalités n'étaient pas tout à fait acceptables pour une partie de nos agriculteurs.

Cela dit, la politique du gouvernement français au Conseil de l'Union européenne comme au Conseil européen consiste bel et bien à accompagner l'agriculture dans sa transition, tout en ralliant l'ensemble de nos partenaires, qui n'y sont pas tous favorables, à une idée française, qui s'est concrétisée au travers des lois Égalim, à savoir la préservation des revenus des agriculteurs.

Au niveau européen, nous avons défendu et obtenu plusieurs mesures en faveur des agriculteurs français, qui conduisent, il est vrai, à l'assouplissement de certaines conditionnalités. Il s'agit, d'une part, de mesures de simplification drastique que la Commission européenne a mises sur la table à la surprise générale, et, d'autre part, d'engagements que nous avons obtenus, puisqu'ils figurent, dans leur principe, dans les conclusions du dernier Conseil européen.

Je pense à l'européanisation des objectifs des lois Égalim, notamment celui de revenus agricoles garantis, non seulement grâce à des règles de construction des prix définies en amont, en partant des agriculteurs, mais aussi grâce à des contrôles sanitaires permettant d'éviter que ces règles ne soient contournées.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour la réplique.

M. Jean-Claude Tissot. Malgré ce nouveau numéro d'autosatisfaction, monsieur le ministre, vous n'êtes malheureusement pas à la hauteur de l'enjeu, tout comme le projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole de votre gouvernement, dont nous débattrons bientôt.

Dans cet hémicycle, comme au Parlement européen, nous cessons de vous proposer des mesures concrètes pour faire évoluer l'agriculture européenne. Il est temps de construire une réelle politique agricole et alimentaire commune, en imposant de meilleurs modes de production conduisant à une alimentation de qualité.

Aussi faut-il réviser en profondeur le fonctionnement de la PAC, en encourageant les aides à l'emploi agricole et à l'utilité écologique, mais aussi en plafonnant les aides, comme en Espagne, pour garantir leur plus juste répartition.

Il faut apporter un soutien massif à l'agriculture biologique et à l'ensemble des modèles qui concilient production et respect de la biodiversité et de la santé des agriculteurs.

Il faut recourir à la commande publique dans la restauration hors domicile et les cantines scolaires, pour bâtir notre souveraineté agricole et favoriser nos filières locales.

Il faut également renoncer aux accords de libre-échange en cours de négociation et prévoir en permanence les clauses miroirs indispensables pour assurer la réciprocité des normes environnementales et sociales.

Il faut surtout instaurer un véritable revenu agricole, en encadrant plus strictement les marges et les méthodes, de la grande distribution et des industriels, mais aussi en rémunérant correctement les services environnementaux rendus par les agriculteurs.

Voilà, monsieur le ministre, quelques moyens concrets pour réussir l'indispensable transition de notre agriculture. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Guy Benarroche applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Cadec.

M. Alain Cadec. Monsieur le ministre, pour commencer, je tiens à reconnaître que l'engagement européen du Président de la République, de son gouvernement et des députés français au Parlement européen ne peut être remis en cause.

La France ne manque pas d'ambition européenne, bien au contraire ! On serait même tenté parfois de dire qu'elle en a trop, comme lorsqu'elle envisage de laisser entre les mains d'entités supranationales des décisions qui relèvent de la souveraineté nationale, de renoncer à la règle de l'unanimité dans des domaines aussi essentiels que la politique étrangère ou la fiscalité, ou encore d'élargir l'Union européenne.

Quand des objectifs réalistes sont définis, il est possible, voire fréquent, d'obtenir des résultats tangibles. Cependant, la défense des intérêts français en Europe me paraît comporter plusieurs faiblesses notables et systémiques.

La première résulte de notre système politique national, qui fait du Président de la République le seul inspirateur, le seul décideur et, de facto, le seul responsable de toutes les initiatives et positions françaises en Europe, alors même qu'il ne pourra pas se représenter en 2027 et qu'il ne dispose plus d'une majorité assurée à l'Assemblée nationale. Sa crédibilité européenne s'en trouve inévitablement affectée.

La deuxième tient à notre piètre situation économique et budgétaire, notamment à nos déficits publics chroniques, à notre taux d'endettement stratosphérique, à notre niveau record de prélèvements obligatoires et à l'effondrement de notre commerce extérieur.

La troisième est le fruit de la configuration politique qui prévaut en France depuis 2017 et qui marginalise les forces politiques de la droite et de la gauche modérées.

En 2019, cette situation a conduit une grande majorité des députés français au Parlement européen à adhérer aux troisième et sixième groupes politiques transnationaux de l'institution, c'est-à-dire à un groupe qui ne compte pour pas grand-chose, le groupe Renew, et à un autre qui ne compte pour rien, le groupe Identité et Démocratie. En 2024, tout indique que la situation pourrait empirer.

Il me semble difficile, dans ces conditions, d'avoir une vision positive de l'influence française dans les institutions européennes, à moins évidemment qu'un redressement ne s'opère sur chacun des trois éléments je viens d'évoquer.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Monsieur le sénateur, il est vrai que certains chefs d'État ou de gouvernement qui représentent leur pays au Conseil sollicitent un mandat formel auprès de leur parlement national.

Je salue à cet égard la pratique qui a cours au Sénat et qui consiste à auditionner le ministre chargé de l'Europe avant et après le Conseil européen, car, à mon sens, c'est une manière pour votre assemblée, donc pour le Parlement, de s'approprier pleinement ces questions, qui seraient autrement débattues de manière très lointaine, même si Bruxelles n'est finalement pas si éloignée…

Concernant la piètre situation économique et budgétaire de la France, je ne voudrais pas remuer le couteau dans la plaie, mais, si l'on peut certes toujours faire mieux, on aurait bien aimé que vos collègues députés Les Républicains soutiennent la réforme des retraites que nous avons engagée, en vue de redresser nos finances publiques. (M. Alain Cadec fait mine de jouer du violon.)

M. Didier Marie. Rassurez-vous, ils voteront celle de l'assurance chômage ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Enfin, s'agissant de la configuration politique que vous venez de décrire, permettez-moi d'être en désaccord avec votre constat.

Ce qui a permis à la France d'être aussi influente ces cinq dernières années sur des sujets aussi divers que la réciprocité dans les échanges commerciaux, le nucléaire ou le pacte sur la migration et l'asile, c'est précisément le fait que la France présidait un groupe pivot au Parlement européen, à savoir le groupe Renew. (M. Alain Cadec le conteste.)

Ainsi, même si cela peut sembler étonnant et paradoxal, la proportion des votes de ce groupe qui ont été suivis d'effets et qui ont conduit à des décisions conformes à ses souhaits est plus élevée que celle de votre groupe parlementaire au Parlement européen, le PPE, dont les membres sont pourtant deux fois plus nombreux que ceux du groupe des Socialistes et Démocrates et du groupe Renew. (M. Alain Cadec proteste de nouveau.)

De fait, ce groupe occupe une place tout à fait centrale dans le processus conduisant à un certain nombre de décisions. Dans la mesure où il est présidé par la délégation française, il est en mesure d'engager le vote en tenant compte des orientations françaises.

M. Michaël Weber. Je n'ai rien compris à la démonstration !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud.

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le ministre, je souhaite aborder un sujet qui est au cœur de toutes les discussions dans le cadre de l'actuelle campagne des élections européennes, celui de l'immigration.

Le 14 mai 2024, le Conseil de l'Union européenne a adopté le pacte sur la migration et l'asile, qui devra s'appliquer à partir de 2026. Celui-ci vise principalement à renforcer les contrôles aux frontières par la mise en place d'un filtrage des personnes tentant d'entrer illégalement sur le territoire européen, mais aussi à organiser la gestion de l'asile.

Or, sur le terrain, nous sommes toujours dans un entre-deux.

Le 21 septembre 2023, saisie d'une question préjudicielle portant sur l'ordonnance du 16 décembre 2020, qui permet à un État de prendre une décision de refus d'entrée sur le territoire national, également appelée procédure de réadmission, conformément au code frontières Schengen, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a estimé que les pratiques de la France étaient contraires à la directive Retour de 2008.

Désormais, les migrants bénéficieront donc d'un délai de vingt-quatre heures, ce qui doit leur laisser le temps d'opter, ou non, pour un retour volontaire dans le pays d'origine. Dans les Hautes-Alpes, mon département, qui est frontalier de l'Italie, la situation est inextricable : en 2023, ont été interpellées 6 151 personnes et 4 809 mesures de non-réadmission ont été prises.

D'un côté, nous n'avons pas les moyens de rendre la frontière étanche en raison du contexte naturel. De l'autre, les moyens humains et matériels limités ne permettent pas d'assurer un accueil digne et humain. Par exemple, les rétentions sont régulièrement effectuées dans des algécos à plus de 2 000 mètres d'altitude. Sur ce point, la France n'est pas à la hauteur.

La thématique migratoire reste omniprésente. C'est pourquoi, monsieur le ministre, le pacte sur la migration et l'asile, qui vise plus précisément les frontières extérieures de l'Union européenne, ne donne pas du tout satisfaction.

Aussi, pour informer les populations de mon département et, au-delà, répondre aux légitimes questions des Français, je vous poserai deux questions. Quelle sera la position du gouvernement français en matière migratoire lors de la prochaine mandature ? Et quelles mesures défendra-t-il afin de mieux réguler les migrations secondaires et de pouvoir appliquer les procédures de réadmission dans le cadre la directive Retour ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Monsieur le sénateur, le pacte sur la migration et l'asile est l'aboutissement de dix années de travail.

Ce texte visait à la fois à trouver un juste partage des responsabilités en termes d'accueil entre les pays de première entrée et les pays de " base arrière ", si je puis dire, et à garantir la protection effective des frontières, en enregistrant les demandes d'asile des ressortissants de pays d'origine sûrs à la frontière, mais aussi en contrôlant, en filtrant et en suivant les demandeurs d'asile, dès lors qu'ils franchissent une frontière extérieure de l'Union européenne.

S'agissant de la situation dans votre département, les Hautes-Alpes, la réforme du code frontières Schengen, adoptée le 24 mai 2024, donnera à nos forces de l'ordre les moyens de protéger efficacement nos frontières intérieures. Le nouveau régime permettra de tirer les conséquences des décisions récentes de la Cour de justice de l'Union européenne et d'éloigner les personnes en situation irrégulière arrêtées à nos frontières vers l'État membre d'où ils sont arrivés.

Je vous propose, si bien sûr vous en êtes d'accord, de vous apporter ultérieurement toutes les informations utiles pour répondre le plus précisément possible à vos questions.

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Daniel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Karine Daniel. Monsieur le ministre, malgré la tournure du débat de ce soir, j'espérais que l'on épargne aux Européennes et Européens sincères que nous sommes non seulement un certain nombre de caricatures et de critiques, mais aussi les élans d'autosatisfaction qui pourraient nous guetter dans un contexte difficile pour tous les Européens réellement attachés au progrès.

Nous pouvons continuer à nous jeter les objectifs et les votes à la figure pendant toute la soirée, mais il se trouve que le groupe des Socialistes et Démocrates (S&D), au sein duquel siègent les députés socialistes, a défendu avec sincérité le Pacte vert pour l'Europe et que nous souhaitons aujourd'hui encourager le développement des politiques publiques qui en découlent.

On a beaucoup parlé d'environnement ce soir. Or, même si notre ambition est de continuer à progresser, nous avons probablement échoué à entraîner les citoyennes et les citoyens dans ce combat pour la transition écologique.

Quand vous nous parlez de ces gigafactories, que l'on attend comme le Grand Soir, monsieur le ministre, je ne puis m'empêcher d'avoir quelques doutes, parce que, parallèlement, nous sommes incapables d'assurer le développement des industries de ce secteur, qui investissent dans nos territoires et dont les salariés sont licenciés.

Je pense naturellement à l'entreprise Systovi dans mon département, mais aussi aux usines de General Electric, qui signe de gros contrats dans le port de Saint-Nazaire aujourd'hui, pour lesquelles on annonce de vastes plans sociaux demain, parce qu'il n'y aura plus aucune activité à vingt kilomètres à la ronde.

C'est notre échec et celui du Gouvernement qui suscitent l'incompréhension des citoyennes et citoyens européens.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Madame la sénatrice, je suis quelque peu étonné.

En écoutant la première partie de votre question, j'étais assez d'accord avec vous : si une menace plane sur l'avenir de l'Europe, c'est bien celle des nationalistes et des populistes, qui veulent s'attaquer à l'Union européenne en tant qu'organisation politique fondée, il y a plusieurs décennies, sur un principe de respect absolu et en toutes circonstances de l'État de droit, c'est-à-dire de la liberté, de l'indépendance de la justice, de la liberté de la presse, de la liberté académique, etc.

Ce principe dégoûte les nationalistes et les populistes. Aussi les démocrates, quelle que soit leur sensibilité, devront-ils le défendre avec ardeur.

Toutefois, votre question prend ensuite un virage déroutant : vous accusez le Gouvernement d'avoir contribué à la désindustrialisation, alors que tous les chiffres démontrent le contraire. Certes, nous n'avons pas encore retrouvé les niveaux que la France a atteints par le passé, mais nous ouvrons désormais bien plus d'usines que nous en fermons et la France est le pays le plus attractif en Europe pour les investissements étrangers pour la cinquième année consécutive.

Cette statistique n'aurait pas une grande valeur en soi si l'on ne constatait pas que les usines financées par ces investissements étrangers s'installent dans les territoires les plus fragiles de notre pays, notamment les villes moyennes, qui étaient il y a sept ans encore parmi les plus pauvres de la République.

Aussi tendons-nous à penser que la politique d'attractivité économique qui a été menée par le Gouvernement a été plutôt positive, tout du moins à l'échelle nationale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Daniel, pour la réplique.

Mme Karine Daniel. Monsieur le ministre, on ne peut pas parler d'attractivité sous le seul prisme d'une dépendance vis-à-vis des capitaux étrangers ! Il convient de se pencher sur notre capacité à créer du développement endogène.

Vous avez mentionné les universités européennes, un sujet sur lequel mon collègue Ronan Le Gleut et moi-même sommes en train d'élaborer un rapport : notre échec est de ne pas lier suffisamment recherche, innovation et développement sur notre territoire et en Europe.

Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Monsieur le ministre, alors que le Président de la République prononçait le 25 avril dernier un discours sur l'Europe, sept ans après son premier discours de la Sorbonne de septembre 2017, et alors que l'échéance des élections européennes approche, il nous est proposé par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, que je remercie de cette initiative, de dresser le bilan de l'action française à l'échelle européenne.

Au regard de la multiplicité des thématiques et du temps qui m'est imparti, je ne saurais le faire de manière exhaustive. Aussi ai-je choisi de me concentrer sur le sujet de la politique étrangère.

De longue date, notre pays est réputé pour l'excellence de sa diplomatie, qui est sans conteste l'une de nos forces. Nous avons su prendre conscience de l'importance, pour atteindre nos objectifs, d'une présence active en tout point de la planète. La France s'est donc logiquement positionnée en faveur d'une cohérence diplomatique à l'échelle européenne.

Si les États membres mènent évidemment leur propre politique internationale de manière indépendante, nous pouvons démultiplier les effets de nos politiques étrangères en unissant nos forces et nos voix, ce qui apparaît crucial face à la force de frappe de certains pays.

Or il me semble, comme je l'ai déjà dit par le passé, que nous n'avons pas suffisamment concrétisé cette ambition : l'Union européenne reste trop peu audible sur la scène internationale, ce qui laisse de la place à des États qui peuvent être mal intentionnés.

La France doit donc continuer de pousser à Bruxelles en faveur de la construction de véritables partenariats entre les Vingt-Sept et des pays tiers, qui ne reposent pas uniquement sur des accords commerciaux. En effet, ces partenariats doivent relever d'une véritable stratégie d'influence sur l'ensemble des continents, de manière indépendante des États-Unis.

La France peut et doit être un moteur à ce sujet au sein de l'Union européenne. Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que la France ne relâchera pas ses efforts en ce sens ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Monsieur le sénateur, je vous remercie de me donner l'occasion d'évoquer les pistes de réflexion du Gouvernement pour renforcer le poids diplomatique de l'Union européenne. Parmi celles-ci figure la mise en cohérence des outils de la politique extérieure de l'Union européenne, même si cela suppose encore beaucoup de travail.

À l'heure actuelle, le Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui incarne la politique étrangère européenne, n'est pas chargé des instruments d'aide au développement ou de la politique commerciale.

Vis-à-vis de l'extérieur de l'Union européenne, les responsabilités de la Commission européenne semblent faire l'objet d'un éclatement, alors même que l'Union dispose d'outils puissants : la stratégie Global Gateway et la politique commerciale de l'Union pourraient être plus utilement mises au service de sa politique extérieure et de sa diplomatie.

Par ailleurs, il convient d'améliorer la capacité des États membres à se mettre d'accord sur leur position dans les délais serrés qu'exige parfois la diplomatie. C'est pourquoi le Président de la République, dans son discours de la Sorbonne, a déclaré qu'il était ouvert à cheminer vers un processus décisionnel fondé sur la majorité qualifiée pour les sujets de politique fiscale et de politique étrangère.

J'ai compris que cette idée ne faisait pas l'unanimité au sein de cet hémicycle, ce qui est bien normal, mais cela nous permettrait d'aller plus vite dans certaines situations.

Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le ministre, le commissaire Johannes Hahn a récemment déclaré que " le budget européen actuel n'est pas adapté à nos priorités d'avenir ". Il préconise un budget beaucoup plus important, qui serait alimenté par de nouvelles ressources propres. En effet, les besoins d'investissements de l'Union européenne sont immenses en matière de réindustrialisation, de compétitivité, de défense, mais aussi pour réussir la transition écologique sans qu'elle pèse sur les plus modestes.

Dans le même temps, nous constatons que les inégalités de patrimoine se sont accrues. La fortune des milliardaires a explosé : en France, leur patrimoine a augmenté de 493% en dix ans.

Pourquoi ? Parce que la fiscalité des très riches est très faible, en France comme partout en Europe, à l'exception peut-être de l'Espagne. Comme l'a démontré Gabriel Zucman, les ultra-riches, c'est-à-dire les 0,01 % les plus riches de la population, sont imposés à un taux réel bien inférieur à celui auquel le sont les personnes appartenant à la classe moyenne.

Face à ce constat, il semble indispensable de taxer les milliardaires à l'échelle européenne. Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque centrale européenne (BCE) eux-mêmes appellent à le faire ! Une taxe de 2% sur le patrimoine des ultra-riches pourrait rapporter 42 milliards d'euros. C'est une question de justice sociale et d'efficacité économique.

Monsieur le ministre, pourquoi la France n'a-t-elle pas défendu cette solution ? D'une manière générale, pourquoi n'a-t-elle pas été plus offensive sur la question des ressources propres ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Madame la sénatrice, mais si, la France a défendu cette solution ! Seulement, elle l'a fait dans le cadre du G20 ou de l'OCDE.

Elle a également plaidé pour l'impôt minimum mondial sur les sociétés, qui vient d'entrer en vigueur à l'échelle européenne, ce qui est une victoire historique contre les paradis fiscaux et l'évasion fiscale. Si nous sommes parvenus à un tel accord, c'est grâce au travail résolu de la France dans le cadre de l'OCDE.

Forts de ce succès, nous voulons aboutir à la création d'une taxation minimale des très hautes fortunes, comme nous l'avons fait pour l'impôt sur les sociétés.

Cela dit, le Président de la République a évoqué à plusieurs reprises la nécessité de doubler la capacité d'investissement de l'Union européenne. Il a même dit, à Dresde, en Allemagne, qu'il fallait doubler le budget de l'Union, ce qui n'a pas manqué d'être relevé par nos partenaires allemands.

Pourtant, ceux-ci voient bien que l'on ne peut pas réussir la transition verte de nos industries, à commencer par les industries automobiles et chimiques allemandes, que l'on ne peut pas investir dans les industries stratégiques pour réduire notre dépendance excessive dans plusieurs domaines et que l'on ne peut pas développer une industrie européenne de la défense sans se donner les moyens de le faire !

Il n'est pas question de sacrifier la politique agricole (PAC) et la politique de cohésion à ces nouveaux objectifs, qui viennent se surajouter aux objectifs préexistants. Pour cela, nous devrons trouver des ressources nouvelles. Dans la contribution commune issue du conseil des ministres franco-allemands qui s'est tenu hier, la nécessité de dégager des ressources propres est évoquée.

La question est de savoir lesquelles. Le Président de la République, dans son second discours de la Sorbonne, a évoqué la piste de la taxe sur les transactions financières, qui pourrait rapporter gros.

M. Didier Marie. Qui a déjà été mise sur la table !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Oui, monsieur le sénateur, et le chancelier Scholz s'était prononcé en sa faveur en 2020. Cette piste pourrait être remise sur le métier.

Il a également évoqué les ressources issues de la taxe qui est payée par les ressortissants extracommunautaires grâce au système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages, dit Etias (European Travel Information and Authorization System), au terme du pacte sur la migration et l'asile, ainsi que le premier pilier, à savoir la taxation des multinationales dans le cadre de l'OCDE, qui ne s'est pas tout à fait concrétisée,…

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. … sans oublier, bien sûr, la taxe carbone, dite taxe ETS (Emissions Trading System) et le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF).

De toute évidence, il est nécessaire d'avancer sur ce sujet, qui est sans doute l'un des plus sensibles pour les années qui viennent.

Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour la réplique.

Mme Florence Blatrix Contat. En effet, le premier pilier de la taxation sur les multinationales est un bon projet, mais les ressources qu'il dégagerait seraient plutôt affectées – et c'est une bonne chose – à des fonds pertes et dommages pour les pays les plus pauvres subissant les effets du changement climatique.

Il nous faut vraiment dégager des ressources au sein de l'Europe. Si nous n'y parvenons pas, le grand plan de relance de 750 milliards d'euros devra être remboursé par des contributions nationales.

Pour l'instant, le bilan n'est pas très favorable. Pour éviter un échec, il convient d'avancer sur cette question cruciale des ressources propres.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marta de Cidrac.

Mme Marta de Cidrac. Monsieur le ministre, le 1er janvier 2026 entrera en vigueur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, une taxe qui obligera les entreprises européennes qui importent depuis un autre continent des produits polluants – essentiellement des matières premières – à payer une compensation pour les émissions causées, par exemple, par l'extraction et le transport de ceux-ci.

Le 1er octobre 2023, la phase à blanc a été lancée, ce qui, comme vous l'avez rappelé, a permis de dégager quelques pistes de réflexion et interrogations. En effet, les ambitions européennes de la France ne sont que partiellement satisfaites par le MACF.

Nul ne conteste qu'il s'agit d'une victoire d'un point de vue écologique, mais on ne peut pas en dire autant en matière de compétitivité. Notre espace économique apparaît très vulnérable aux manœuvres de triche ou de contournement, et je ne parle pas de la distorsion de concurrence qui risque de s'installer pour les produits européens si nos partenaires commerciaux ne se dotent pas des mêmes règles environnementales.

Monsieur le ministre, en tant que représentant de la France au Conseil de l'Union européenne, il est important que vous fassiez entendre une voix forte pour que ce règlement en demi-teinte n'en reste pas là. Avez-vous prévu d'agir d'ici à l'entrée en vigueur du MACF ? Le cas échéant, quelles mesures envisagez-vous de mettre en œuvre ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Madame la sénatrice, je rappelle que la taxe carbone aux frontières est une idée française, que nous défendions déjà lors de la présidence française de l'Union européenne en 2008. Nicolas Sarkozy avait alors tenté de faire faire prospérer cette idée, héritée de Jacques Chirac. C'est donc avec une grande satisfaction que nous avons accueilli l'adoption de ce principe lors de la mandature qui vient de s'achever.

La taxe carbone aux frontières sera appliquée très progressivement à partir du 1er octobre 2023 sur les importations de certains produits industriels, dont le fer, l'acier, l'hydrogène, le ciment, les engrais, l'aluminium et l'électricité. Une période transitionnelle de deux ans est prévue jusqu'au 1er janvier 2026, durant laquelle les obligations ne seront que déclaratives.

Ainsi, le MACF ne sera pleinement appliqué qu'en 2034, ce qui laissera le temps de l'ajuster, si nécessaire, afin de répondre à vos préoccupations légitimes, que le Gouvernement partage, quant à un éventuel contournement ou à une couverture insuffisante de ce dispositif.

Quoi qu'il en soit, un premier pas important a été franchi pour garantir aux industriels de notre continent que les règles auxquelles nous nous astreignons s'appliquent aussi à leurs concurrents des autres régions du monde au travers de ce mécanisme.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour la réplique.

Mme Marta de Cidrac. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.

Toutefois, en matière d'ajustement carbone, l'Union européenne devra faire preuve d'une très forte vigilance pour éviter tout contournement ou toute tricherie, qui ferait perdre beaucoup de compétitivité à nos entreprises. Nous devons collectivement nous montrer très attentifs sur ce point.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc.

M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le ministre, il y a vingt-quatre ans et deux mois, le Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000 fixait l'objectif de faire de l'économie de l'Union européenne " l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010 ", grâce à une stimulation de l'effort communautaire en matière de recherche et d'innovation.

Or non seulement la cible de 2010 a rapidement été jugée irréaliste, puis abandonnée, mais le dernier quart de siècle a été marqué par une accentuation continue du poids des États-Unis dans l'innovation mondiale, notamment dans les domaines numériques les plus disruptifs, comme l'intelligence artificielle.

La société allemande BioNTech, qui a joué un rôle majeur dans le développement des vaccins et des thérapies à base d'ARN messager, a été créée en 2008, mais elle n'a bénéficié de son premier soutien européen qu'en 2019, de la part de la Banque européenne d'investissement (BEI), alors qu'elle avait été soutenue tôt par la Fondation Bill et Melinda Gates…

Pendant ce même quart de siècle, la Silicon Valley a été le principal foyer de l'innovation numérique mondiale, souvent catalysé par les programmes de la Darpa (Defense Advanced Research Projects Agency, Agence pour les projets de recherche avancée de défense). Cette agence du Pentagone stimule l'innovation disruptive par des mécanismes particulièrement agiles.

Alors que l'Europe avait pris le leadership mondial dans le domaine du lancement spatial grâce à Arianespace, elle l'a perdu lorsque des start-up innovantes, à commencer par SpaceX, ont rapidement émergé à la suite du choix de la Nasa de mettre en concurrence les acteurs privés pour assurer les services de lancement – un choix qui vient seulement d'être imité très récemment par l'Agence spatiale européenne.

Cette accentuation du leadership technologique américain est due non pas à une quelconque supériorité naturelle des ingénieurs et des chercheurs exerçant aux États-Unis, dont, au reste, une partie est née en Europe ou en Asie, mais à une supériorité écrasante de l'écosystème innovant américain. Ce dernier est bien plus efficient et agile que l'écosystème européen, qui est souvent paralysé par les processus fastidieux qu'impose une certaine culture bureaucratique.

Monsieur le ministre, comment la France peut-elle amorcer un changement organisationnel et culturel majeur, pour enfin créer un écosystème européen qui inciterait nettement plus à innover ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Monsieur le sénateur, vous posez une question essentielle, celle de la capacité de l'Union européenne à innover et à se placer à la frontière de la connaissance en matière de recherche et de développement.

Permettez-moi de vous faire part de la signature, en marge de la visite du Président de la République en Allemagne, d'un contrat pour développer la première station internationale privée, entre, d'un côté, un consortium rassemblant Airbus et deux groupes américain et japonais – l'acheteur –, et, de l'autre, une start-up franco-allemande fondée en France par une Française, Hélène Huby – le vendeur –, laquelle a conçu la première capsule européenne privée, susceptible d'approvisionner cette future station.

La signature de ce contrat revêt une portée symbolique : c'est sur une initiative franco-allemande que l'innovation spatiale européenne renaît. C'est très prometteur, même si d'aucuns objecteront qu'il ne s'agit que d'une entreprise. Assurément, de nombreuses autres devront suivre pour que l'Union européenne s'illustre, dans ce domaine comme dans d'autres.

L'un des instruments les plus remarquables ayant été développés ces dernières années est le programme-cadre Horizon Europe, doté de 100 milliards d'euros qui seront consacrés au soutien aux universités, à la recherche et à l'innovation. Il est à ce point remarquable que nous négocions un accord avec la Suisse, qui veut y être associée, tant il a permis de développer l'investissement et la recherche, dans ce pays comme partout ailleurs en Europe.

Le Président de la République, dans son discours de la Sorbonne, a affiché l'objectif d'atteindre une part de 3 % du PIB européen qui serait consacrée à la recherche et au développement. Nous tâcherons de rallier nos partenaires européens à ce principe dans les semaines à venir.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel.

M. Stéphane Sautarel. Monsieur le ministre, la question dont il nous est donné de débattre est très large et recouvre des entrées multiples pouvant susciter de nombreuses réponses. Pour ma part, j'ai pris le parti de l'examiner sous le prisme du poids de la France et de son influence au sein de l'Union européenne.

En effet, il semble, hélas ! que notre parole porte de moins en moins, et cela pour une raison simple : notre faiblesse intérieure, liée au manque d'ordre tant dans nos comptes que dans nos rues, pour paraphraser un ancien Premier ministre, ne nous permet plus d'être entendus à l'échelle européenne, comme nous devrions encore l'être.

Les récentes initiatives de la France en matière de budget européen – en particulier le recours à une dette européenne propre, alors même que nous ne savons toujours pas comment rembourser l'emprunt covid – et de défense commune semblent nous isoler davantage encore.

La procédure de déficit excessif qui devrait nous frapper après le 9 juin est inquiétante, tout comme la manière dont Bruxelles a réagi à la transmission de notre programme de stabilité.

À quelques jours des élections européennes du 9 juin prochain et dans la perspective du prochain cycle 2024-2029, la question de l'influence française au sein des prochaines instances se pose, notamment dans la perspective de déterminer les prochaines orientations budgétaires et la future PAC.

Sommes-nous mieux placés qu'il y a cinq ans pour faire valoir nos positions, dans un contexte de durcissement des relations internationales et de décrochage de notre continent ?

Monsieur le ministre, comment abordez-vous cette échéance, du point de vue tant des priorités stratégiques que nous défendons – mettre fin à la naïveté de notre politique de concurrence, qui affaiblit notre souveraineté, et défendre la PAC, tout en maintenant un budget européen soutenable – que des postes à responsabilité – cabinet des commissaires, responsabilité de directions générales structurantes, chefs de délégation – au sein de la Commission européenne ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Monsieur le sénateur, permettez-moi de formuler un diagnostic divergent : la France n'a sans doute jamais été aussi influente en Europe que ces cinq dernières années. (M. Didier Marie proteste.)

Toutefois, l'influence se cultive, s'entretient, se travaille. Aussi avez-vous raison de pointer les deux dimensions de l'influence française.

Tout d'abord, nous devons diffuser nos idées auprès de nos partenaires. Je pense en particulier à la défense de l'agriculture et de nos agricultures, dont presque personne, que ce soit au sein de cet hémicycle ou dans tout le pays, ne conteste qu'il s'agit d'une priorité. Or cette idée simple est une idée française ; dans de nombreux pays européens, elle ne relève pas de l'évidence. C'est pourquoi l'influence est nécessaire pour la faire prospérer.

Ensuite, notre influence doit être incarnée au sein des institutions européennes par des hommes et des femmes.

En ce qui concerne la première dimension, nous avons des idées très claires, que ce soit sur la PAC, sur la souveraineté industrielle ou sur la réciprocité dans les échanges. Celles-ci ont été exprimées de manière très précise et détaillée dans le discours de la Sorbonne du Président de la République, que notre diplomatie s'attache à relayer auprès de nos homologues, que ce soit dans les capitales ou au sein des instances européennes, auprès de ceux qui ont la responsabilité d'y représenter leur pays.

Nous sommes allés jusqu'à mobiliser l'intelligence artificielle pour convertir le discours de la Sorbonne dans les langues de l'Union européenne, afin d'effacer les barrières de la langue et le rendre ainsi accessible au plus grand nombre.

Pour ce qui concerne à présent les hommes et les femmes qui incarneront ces priorités, notre présence au sein des institutions européennes est tout à fait convenable, et de nombreux pays nous l'envient.

Toutefois, il nous faut la préserver. C'est la raison pour laquelle j'ai rencontré ces dernières semaines, sous l'autorité de Stéphane Séjourné, les directeurs généraux français de la Commission européenne, du Conseil de l'Union européenne et du Service européen pour l'action extérieure (SEAE). J'ai également rencontré les Français qui travaillent dans les cabinets des commissaires européens.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. En outre, nous accueillerons dans les prochaines semaines à Paris l'ensemble des Français de la Commission, pour nous assurer que nous sommes bien représentés à tous les étages dans les administrations et que les idées françaises y sont bien incarnées.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.

M. Stéphane Sautarel. Je vous remercie de vos réponses, monsieur le ministre. Mon inquiétude porte non pas sur les idées que vous défendez, même si elles méritent de faire l'objet d'un débat, mais sur notre crédibilité pour les faire valoir.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Avant tout, je tiens à remercier nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain d'avoir demandé l'organisation de ce débat ; la question posée est d'une brûlante actualité.

Monsieur le ministre, je suis certes le dernier à vous interroger, et nombre de sujets ont déjà été abordés. Mais nous pouvons approfondir encore de nombreuses questions, notamment agricoles. Ces dernières se posent avec une acuité toute particulière dans le département des Ardennes, dont j'ai l'honneur d'être l'élu.

La France fait partie des trois plus importants contributeurs au financement de l'Union européenne – pour l'État, ce poste de dépenses représente près de 23 milliards d'euros chaque année –, et c'est bien normal, car il y va de la solidarité entre les pays membres. Toutefois, je m'interroge sur la complexité des dossiers exigés pour obtenir des aides européennes. Pour les collectivités territoriales, les entreprises ou encore les associations, ces procédures sont toujours très complexes.

Par ailleurs, permettez-moi d'évoquer un sujet qui me passionne de longue date, à savoir le ferroviaire, et de citer un exemple selon moi tout à fait significatif.

Dans mon département, qui est frontalier de la Belgique, il manque 22 kilomètres de voies entre Givet et Dinant pour assurer la liaison ferroviaire Reims-Charleville-Mézières-Givet-Namur. On déplore cette lacune depuis plus de vingt ans, mais le tronçon dont il s'agit manque encore et toujours.

Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous nous battons toutes et tous en faveur des infrastructures, notamment ferroviaires, car c'est un véritable enjeu d'aménagement du territoire ; 22 kilomètres de voies, ce n'est pas si considérable ; pourtant, on n'arrive pas à les obtenir…

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Monsieur le sénateur, vous insistez tout d'abord sur l'effort de simplification que l'Union européenne se doit selon vous d'accomplir.

La Commission européenne s'est engagée à réduire de 25% le volume de normes et d'obligations déclaratives qu'elle impose aux entreprises, notamment aux exploitations agricoles. Nous veillerons très attentivement à ce que cet objectif soit tenu. Dans la discussion qui s'engage au sujet de l'agenda stratégique des cinq prochaines années, nous allons même proposer de le rendre plus ambitieux encore.

Comme vous, je me passionne pour les sujets transfrontaliers, car c'est à la frontière que l'on ressent le mieux l'existence de l'Europe, qu'il s'agisse d'ailleurs d'une frontière intérieure ou d'une frontière extérieure de l'Union européenne.

La voie ferrée de transport de passagers qui reliait Givet à Dinant n'étant plus exploitée depuis 1990, il n'existe plus d'interconnexion entre les réseaux français et belge sur plus de 200 kilomètres entre Maubeuge et Longwy – si d'aventure je me trompe dans mes chiffres, vous ne manquerez pas de me corriger ! (Sourires.)

La réouverture de cette ligne est envisagée depuis 2004. J'ajoute qu'une étude franco-belge sera financée pour le segment Reims-Namur-Bruxelles.

Depuis 2015, des travaux de régénération de la ligne Charleville-Givet sont engagés ; et, en 2021, une déclaration d'intention franco-belge a été publiée pour lancer de nouvelles études de potentiel. Ces dernières ont été entreprises en 2022, pour un montant de 119 000 euros, sous maîtrise d'ouvrage de SNCF Réseau. S'y ajoute désormais un travail d'estimation du coût de réouverture de la ligne, comprenant son électrification.

Les conclusions de ces études sont attendues avant la fin de l'année 2024. Aussi, je me propose de rester en lien avec vous pour traiter plus avant ce dossier. Je l'ai découvert à l'occasion de ce débat, dont je remercie bien sûr les élus du groupe socialiste.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour la réplique.

M. Marc Laménie. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Il faut s'efforcer de rester positif : je vais donc continuer d'espérer, car je crois sincèrement au ferroviaire !


Source https://www.senat.fr, le 7 juin 2024