Interview de Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à BFM le 24 juin 2024, sur les élections législatives, la lutte contre le racisme et l'antisémitisme dans les écoles et la violence dans les établissements scolaires.

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Média : BFM

Texte intégral

NEÏLA LATROUS
Bonjour Nicole BELLOUBET.

NICOLE BELLOUBET
Bonjour.

NEÏLA LATROUS
Vous êtes ministre sortante de l'Education nationale et de la Jeunesse. Vous avez aussi été garde des Sceaux, ministre de la Justice, c'était auparavant dans le premier mandat d'Emmanuel MACRON. Le président de la République qui écrit ce matin aux Français : « Ne vous résignez pas, votez », leur dit-il. Lettre publiée dans la Presse quotidienne régionale. Nicole BELLOUBET, les Français ont déjà voté deux fois en 2022, aux législatives, ils vous ont refusé une majorité relative. Et puis le 9 juin, aux européennes, ils ont mis le Rassemblement national largement en tête. Pourquoi se déjugeraient-ils à 21 jours d'écart ?

NICOLE BELLOUBET
Eh bien, parce que la situation a évolué déjà depuis 2022. Ça fait 2 ans. Le président de la République a ensuite considéré que la majorité relative dont nous disposions à l'Assemblée nationale ne nous permettait pas de gouverner avec suffisamment d'efficacité. Et donc il a souhaité rendre la parole aux Français, ce qui est au fond une expression d'un respect de la démocratie. Et c'est cela qu'il a voulu redire dans sa lettre.

NEÏLA LATROUS
Sauf que Nicole BELLOUBET, enquête après enquête et celle d'ELAB pour BFM TV et la Tribune dimanche le confirme encore : votre camp, le camp central, est loin, très loin derrière le Rassemblement national et loin derrière le Nouveau Front populaire. Qu'est-ce qui vous fait croire au miracle encore ?

NICOLE BELLOUBET
Eh bien moi, je ne crois pas au miracle. Je suis suffisamment rationnelle pour ne pas croire au miracle, et donc je lis bien sûr les sondages. Mais nous nous battons. Nous sommes d'une extrême volonté et nous présentons un projet qui est crédible et qui est cohérent. Et donc nous fondons notre travail et notre argumentaire sur cette cohérence et sur cette…

NEÏLA LATROUS
Mais qui est peu ou prou le même que celui qui a déjà été présenté en 2022.

NICOLE BELLOUBET
Absolument. Mais il y a des inflexions qui sont, qui figurent dans le programme, je ne sais pas si nous aurons le temps d'y revenir ici, mais c'est sur cela que nous, vraiment nous fondons, en disant qu'il y a des dangers aux extrêmes. A l'extrême droite, parce qu'au fond c'est un risque de séparatisme, c'est un risque de désunion, et à l'extrême gauche aussi un risque d'incrédibilité, notamment du point de vue économique.

NEÏLA LATROUS
Sauf que l'un des arguments de ceux que l'on interroge sur RMC sur BFM TV, c'est de dire : on entend ces arguments, sauf que le Rassemblement national, finalement, on ne l'a jamais essayé.

NICOLE BELLOUBET
Oui, mais ça, ce n'est pas un argument. Vous ne donnez pas les clefs du camion à n'importe qui parce que, soi-disant, vous ne l'auriez jamais essayé. Et donc moi je pense qu'il y a un minimum de cohérence et de crédibilité qui doivent être espérés et attendus d'un gouvernement.

NEÏLA LATROUS
Quand vous lisez la lettre d'Emmanuel MACRON ce matin, lui qui s'était engagé à ne pas faire campagne. Vous vous dites ça, « ça, ça va vraiment nous aider à gagner » ?

NICOLE BELLOUBET
Ce n'est pas le propos ici. Ce qui est important…

NEÏLA LATROUS
Tout de même…

NICOLE BELLOUBET
Non, ce qui est important, c'est ce qu'a dit le président de la République. C'est-à-dire qu'il explique pourquoi il a dissous, puisqu'on entend beaucoup de choses à ce sujet. Donc il explique pourquoi il a dissous. Il explique pourquoi, selon lui, on ne peut pas voter pour le Rassemblement national. Et il explique les risques du Nouveau Front populaire. Et il dit finalement que c'est l'arc central, l'arc républicain. Et il fait appel à l'ensemble de ces hommes et femmes, de cet arc républicain, qui vont encore une fois jusqu'aux sociaux-démocrates.

NEÏLA LATROUS
Sauf que, Nicole BELLOUBET, une partie de votre camp précisément, lui demandait de ne pas s'impliquer dans cette campagne en arguant du rejet qu'il suscite. Est-ce qu'il n'entend pas…

NICOLE BELLOUBET
Le président de la République joue son rôle.

NEÏLA LATROUS
Il est dans son rôle, pour vous ?

NICOLE BELLOUBET
Le président de la République joue son rôle.

NEÏLA LATROUS
Il n'y a pas de confusion des rôles ?

NICOLE BELLOUBET
Le président de la République est dans son rôle quand il explique pourquoi il a utilisé cette arme qu'il possède seul, l'arme de la dissolution, et quand il mesure les conséquences que cela entraîne. Donc, il explique…

NEÏLA LATROUS
Il ne dit pas que ça, Nicole BELLOUBET…

NICOLE BELLOUBET
Si, il dit ça, et il rappelle également ce qui est dans la Constitution, c'est à dire qu'il ne démissionnera pas. Il a été élu pour la période. Nous savons, qui va jusqu'en 2027. Il explique qu'il fait confiance aux Français et que, en fonction de leur vote, lui, sera là pour exprimer la permanence de la politique…

NEÏLA LATROUS
Je vais revenir sur la démission qui est notamment posée sur la table par un ancien président du Conseil constitutionnel, Pierre MAZEAUD, et vous êtes vous-même un ancien membre du Conseil constitutionnel. Mais pour revenir à la lettre, il y a un bon tiers pour expliquer effectivement pourquoi cette décision a été prise…

NICOLE BELLOUBET
Absolument.

NEÏLA LATROUS
... et dire qu'il comprend la colère, qu'elle suscite, et y compris à son égard. Il y a effectivement une lettre expliquant qu'un président de la République est là pour incarner la permanence du pouvoir. Et puis au milieu, il y a tout de même un propos de campagne lorsqu'il décrit le Rassemblement national en disant : cette extrême droite qui prétend mieux répondre à l'immigration illégale et l'insécurité sans rien proposer concrètement.

NICOLE BELLOUBET
C'est un rappel aux fondamentaux…

NEÏLA LATROUS
Il tape aussi sur le Nouveau Front populaire, et pardon, il explique qu'il y a une troisième proposition qui est celle du bloc central des candidats Ensemble pour la République. Là, on n'est plus dans le chef d'Etat garant, gardien, arbitre, il est en campagne.

NICOLE BELLOUBET
Il explique les enjeux de ce scrutin…

NEÏLA LATROUS
Mais vous ne voyez pas le mélange des genre, Nicole BELLOUBET ?

NICOLE BELLOUBET
Moi, je considère qu'il est dans son rôle en faisant cela, il explique les enjeux du scrutin. Il dit clairement que l'axe central qu'il élargit d'ailleurs, puisque je vous rappelle que dans sa conférence de Presse qui s'est tenue il y a peut-être une semaine, le temps va très vite, il avait fait appel, au-delà de la majorité actuelle, il avait ouvert vers tous ceux qui sont porteurs d'un projet républicain. Et je trouve que c'est important de le redire et cela montre à quel point il va respecter évidemment le vote qui sera issu des élections.

NEÏLA LATROUS
Donc, pour être très clair, Nicole BELLOUBET, pour vous, il ne sort pas de son rôle au regard de la Constitution ?

NICOLE BELLOUBET
Pour moi, il joue son rôle de président de la République.

NEÏLA LATROUS
D'accord, très bien. Membre du Conseil constitutionnel, je le disais, vous l'avez été. Son ancien président Pierre MAZEAUD : « Je trouve ce qui se passe, affligeant. Je suis triste. En cas de défaite, le président va devoir démissionner pour arrêter cette situation grave pour notre pays », dit-il. C'est le président, c'est l'ancien président du Conseil constitutionnel, c'est une autorité juridique.

NICOLE BELLOUBET
Je ne sais pas pourquoi il dit ça. Il ne l'est plus. C'est un ancien président, il ne l'est pas au moment où il parle, et donc on ne peut pas y appliquer ce qualificatif d'autorité juridique. C'est une opinion qu'il dessine. Juridiquement, la Constitution ne l'oblige, n'oblige en aucun cas le président de la République à démissionner. Il a été élu pour 5 ans. Il reste élu quelle que soit la situation qui sortira des urnes. Les diverses hypothèses que nous avons connues auparavant de cohabitation, montrent que le président de la République reste à son rôle, qu'il ne peut y avoir un Premier ministre d'une obédience différente. En l'occurrence, ce n'est pas dans cette optique que je me place nécessairement. Mais il n'y a aucune raison pour que le président de la République démissionne.

NEÏLA LATROUS
Vous lui en voulez, personnellement, au président, Nicole BELLOUBET ? Quand on voit la situation actuelle. C'est une sacrée pagaille.

NICOLE BELLOUBET
Le président a fait un choix, c'est un choix, il l'a dit, qui était difficile. C'est un choix qui est porteur de risque. Nous le voyons bien entendu, mais c'est un choix, je le redis ici, qui est fondé sur le respect des électeurs et sur la confiance qu'il fait au peuple français. Et de ce point de vue-là, ce choix est respectable.

NEÏLA LATROUS
Beaucoup dans la majorité. Certains, sur ces mêmes plateaux, ont dit une forme de déception, de regret face à cette décision. Vous, vous ne lui en voulez pas ? C'est vraiment votre sentiment personnel ?

NICOLE BELLOUBET
Je viens de le dire ici…

NEÏLA LATROUS
Mais ce que vous avez dit, c'est un sentiment personnel. Ce n'est pas votre analyse.

NICOLE BELLOUBET
Mon analyse, c'est que cette décision, qui lui appartient constitutionnellement, cette décision-là, elle a engendré une situation politique, qui certes est porteuse de risque, mais qui redonne la parole aux Français. Et je trouve qu'il n'y a pas de raison d'avoir peur de la parole des Français.

NEÏLA LATROUS
Nicole BELLOUBET, j'en viens à Courbevoie, où s'est tenu hier un rassemblement, à Courbevoie où une jeune fille a été victime d'un viol parce que juive. Elle a 12 ans. Un acte antisémite de plus qui est venu ajouter au climat anxiogène que vivent certains de nos compatriotes depuis le 7 octobre dernier. Ils sont quelques-uns - on parlait des élections - le premier tour a lieu dimanche, et on entend certains de nos compatriotes juifs s'apprêter à voter pour le Rassemblement national, qui leur apparaît comme le meilleur rempart, disent-ils, contre l'antisémitisme. Qu'est-ce que vous avez raté, collectivement, au gouvernement Nicole BELLOUBET ?

NICOLE BELLOUBET
Alors, je ne sais pas si c'est le gouvernement qui a raté. Moi, j'entends l'inquiétude de nos compatriotes de confession juive. J'entends parfaitement. Je dis simplement ici que pour moi, l'antisémitisme, c'est l'exacte négation du projet républicain. J'ai eu l'occasion de le dire hier, puisque je me suis rendue à la manifestation de Courbevoie, comme je m'étais déjà rendue à la manifestation qui s'est déroulée place de l'Hôtel de ville, quelques jours après ce crime sexuel et fondé sur l'antisémitisme. Et moi, ce que je dis, c'est que vraiment, nous avons développé à l'école et en dehors de l'école, toute une politique de lutte contre les actes antisémites.

NEÏLA LATROUS
Et pourtant, les actes ont explosé depuis le 7 octobre dernier.

NICOLE BELLOUBET
Oui, parce qu'il y a une... La singularité de l'antisémitisme, c'est qu'il peut prendre différentes formes, en fonction des circonstances extérieures. Et de là, nous avons, le 7 octobre dernier, connu cet attentat gravissime qui effectivement a redonné une nouvelle forme à l'antisémitisme. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, à l'école, depuis le 7 octobre dernier, nous nous dénombrons les actes antisémites. Auparavant, nous avions simplement un calcul sur les actes racistes et antisémites. Maintenant, nous dénombrons les actes antisémites. Il y en a eu 650 depuis le 7 octobre, et nous y répondons à chacun d'entre eux, parce que nous sommes arcs boutés sur cette lutte.

NEÏLA LATROUS
Quand vous dites « nous répondons », il y a un signalement systématique, par exemple ?

NICOLE BELLOUBET
Absolument systématique. Dès lors que nous pouvons…

NEÏLA LATROUS
Par les professeurs, le proviseur.

NICOLE BELLOUBET
Par le professeur, le proviseur, l'élève. Nous... et on ne met pas la poussière sous le tapis, on ne met pas la poussière sous le tapis.

NEÏLA LATROUS
Vous avez les chiffres du nombre de signalements, article 40, qui ont été faits ?

NICOLE BELLOUBET
Absolument…

NEÏLA LATROUS
C'est les 650 ?

NICOLE BELLOUBET
Non, pas systématiquement, parce que tout dépend de la nature de l'acte, mais il y a un nombre important d'articles 40 qui ont été faits. Il y a des sanctions ou des punitions systématiques. Et en amont de tout cela, en amont de tout cela, et dans les programmes d'enseignement et dans la formation des professeurs et dans le travail accompli avec des associations qui nous aident, il y a vraiment une prise en charge de ce combat.

NEÏLA LATROUS
Mercredi d'ailleurs, en Conseil des ministres, le président vous a demandé d'organiser 1 heure sur la lutte contre le racisme et l'antisémitisme dans les écoles. Comment va se passer cette heure de cours ? Qui va donner ce cours ? Est-ce que ce sont des professeurs formés spécifiquement pour l'occasion ?

NICOLE BELLOUBET
Vous savez, j'ai demandé à ce qu'il y ait une séquence de dialogue et d'explication avec les élèves, autour de la lutte contre l'antisémitisme…

NEÏLA LATROUS
Mais ce sont des professeurs qui vont organiser cela…

NICOLE BELLOUBET
Bien sûr.

NEÏLA LATROUS
Ce n'est pas des associations, ce n'est pas des extérieurs.

NICOLE BELLOUBET
Non, c'est des professeurs. Mais vous savez, ce n'est pas nouveau puisque je viens de vous le dire à l'instant. Donc, à chaque niveau d'enseignement, il y a des éléments, évidemment adaptés selon l'âge des élèves, qui portent sur la lutte contre l'antisémitisme.

NEÏLA LATROUS
C'est une heure supplémentaire en quelque sorte.

NICOLE BELLOUBET
Voilà, ce n'est pas 1 heure stricto sensu, c'est un temps d'échange et de dialogue avec les élèves autour de la nécessaire lutte contre l'antisémitisme.

NEÏLA LATROUS
Et ce sera une obligatoire pour tous les élèves ?

NICOLE BELLOUBET
Ah, d'ici la fin de l'année, oui. J'ai écrit à l'ensemble des principaux et des directeurs d'école pour qu'ils organisent cette heure d'enseignement, avec des ressources en plus, avec des ressources pédagogiques, et notamment…

NEÏLA LATROUS
Et que se passe-t-il si des élèves, par exemple, refusent de suivre cette heure de cours ?

NICOLE BELLOUBET
Non, mais un élève ne peut pas refuser de suivre l'heure de cours…

NEÏLA LATROUS
Ou s'il le perturbe ?

NICOLE BELLOUBET
Eh bien nous avons des éléments de réponse. Je viens de vous le dire à l'instant, il y a des outils pédagogiques…

NEÏLA LATROUS
Non mais c'est important de le redire.

NICOLE BELLOUBET
Oui, je le redis, il y a des outils pédagogiques qui sont donnés aux professeurs, qui ont été donnés là par la lettre que je leur ai écrite et des outils qui viennent d'être réactualisés. Et puis bien sûr, nous avons les équipes académiques, Valeurs de la République, qui sont en permanence mobilisables.

NEÏLA LATROUS
Et à votre connaissance, Nicole BELLOUBET, est-ce qu'au cours de ces années, il y a eu des perturbations particulières ? Alors, je crois que le programme des Accords de Sykes-Picot, la création d'Israël, ça doit être la première de la terminale, si mes souvenirs sont bons. Est-ce que ces cours ont pu se dérouler partout, de la bonne façon, de la façon adéquate ?

NICOLE BELLOUBET
Alors, vous savez, nous avons, c'est sans doute d'ailleurs une des choses peut être les plus inquiétantes, mais ce n'est pas seulement lié à l'antisémitisme. Il y a des questions actuellement qui se posent, d'atteintes aux enseignements. Dans ce cas-là, évidemment, c'est ce que je viens de vous dire, nous avons des équipes qui sont immédiatement disponibles pour venir appuyer l'enseignant s'il le demande, pour venir travailler dans la classe sur ces sujets…

NEÏLA LATROUS
Non mais j'essaie de comprendre, précisément, dans quel cadre ces enseignements ont pu être faits cette année.

NICOLE BELLOUBET
Dans les cours, les cours d'histoire…

NEÏLA LATROUS
Et tout s'est bien déroulé. Vous n'avez pas eu de retour ?

NICOLE BELLOUBET
C'est ce que je viens de vous dire. Lorsqu'il y a des contestations, eh bien, les enseignants le signalent, et nous pouvons les appuyer avec les corps d'inspection et avec ces équipes Valeurs de la République, qui jouent un rôle important dans…

NEÏLA LATROUS
Pourquoi je vous pose la question Nicole BELLOUBET, parce qu'un certain nombre de professeurs disent : « En fait, tout simplement, je m'autocensure. Il y a des passages du programme que je ne fais plus ». Et donc c'est pour ça qu'il est important de vous entendre ce matin dire : je veux enseigner cette période de l'histoire et on a pu le faire cette année.

NICOLE BELLOUBET
On ne peut pas... On doit le faire, on doit le faire. Et nous sommes vraiment en appui de nos enseignants, si pour des tas de raisons, ils rencontrent une difficulté sur ces sujets-là. Nous sommes en appui vraiment et en permanence.

NEÏLA LATROUS
Nicole BELLOUBET, il y a le sujet de l'antisémitisme et celui aussi d'une jeunesse de plus en plus violente, de plus en plus sexiste et machiste. Je ne reviens pas sur les drames et les martyrs, notamment celui Shaina par exemple à Creil. Juste une étude que le Haut Conseil pour l'égalité entre les femmes et les hommes dressait, enfin, publiait en janvier dernier, où on voit que plus d'un jeune de 15/24 ans sur 5, pense qu'une femme agressée sexuellement peut être responsable de ce qui lui arrive et que la même proportion, plus d'un jeune sur cinq, juge qu'il faut parfois être violent pour se faire respecter. Est-ce que là aussi, c'est à dire que l'école peine à pleinement jouer son rôle dans l'éducation à la vie sexuelle et ... ?

NICOLE BELLOUBET
Alors, moi, je voudrais dire évidemment que l'école est le réceptacle de toutes les violences dans la société, qu'elle en est aussi l'antidote. Et moi, je joue sur ce rôle d'antidote et sur ce rôle d'éducation. Sur l'éducation à la vie affective et sexuelle. Nous allons faire paraître dans les jours qui viennent, un nouveau programme pour que... un programme, c'est la première fois qu'il y aura un programme d'éducation à la vie affective et sexuelle, pour précisément qu'à chaque niveau, et de manière adaptée à l'âge des élèves, nous puissions prendre en compte ces questions de consentement, de violence, de vie affective. Tout cela est, me semble-t-il, tout à fait capital.

NEÏLA LATROUS
Pour bien comprendre, vous dites « en fonction de l'âge », est-ce que c'est un programme de l'école au lycée ?

NICOLE BELLOUBET
Absolument, un programme du CP jusqu'en terminale, et qui évidemment abordera tous ces sujets. Il sera porté par nos enseignants, avec éventuellement des appuis associatifs, mais essentiellement par nos enseignants. Et c'est la première fois que nous aurons un programme précis qui sera donc communiqué à tout le monde.

NEÏLA LATROUS
Certains disent…

NICOLE BELLOUBET
Il y a d'ailleurs eu le projet de programme. Le projet de programmes a d'ailleurs été largement communiqué.

NEÏLA LATROUS
Pour ceux qui qui voient aussi cette jeunesse de plus en plus violente, certains disent : eh bien il faut faire sauter l'excuse de minorité. Est-ce que l'ancienne ministre de la Justice y est favorable ? C'est ce qui en gros différencie les peines entre un majeur, un mineur.

NICOLE BELLOUBET
Oui. Alors vous savez qu'actuellement, l'excuse de minorité qui permet effectivement de diminuer la peine d'un mineur, parce qu'on a toujours considéré que pour un mineur, c'était la primauté de l'éducatif sur le répressif, eh bien cette excuse de minorité, elle n'est pas obligatoire, c'est à dire que le magistrat peut parfaitement décider de ne pas…

NEÏLA LATROUS
De s'en exonérer... le font peu.

NICOLE BELLOUBET
Mais ils peuvent le faire. Ils peuvent le faire. J'ai bien entendu vu et vous avez vu que le Premier ministre, avec le garde des Sceaux, vont proposer une autre évolution de ce texte.

NEÏLA LATROUS
Est-ce que vous y êtes favorable ?

NICOLE BELLOUBET
Moi, j'ai toujours dit, lorsque j'étais garde des Sceaux, que je n'y étais pas favorable. J'avais beaucoup travaillé et d'ailleurs j'avais réformé le Code de justice pénale des mineurs en ce sens, pour que l'on juge les mineurs plus vite, pour qu'ils sachent plus rapidement quelle était leur culpabilité et pour que leurs peines soient données plus rapidement. Sur la question de l'excuse de minorité, il faut voir le texte que le garde des Sceaux va présenter.

NEÏLA LATROUS
Mais vous y êtes favorable.

NICOLE BELLOUBET
Pardon ?

NEÏLA LATROUS
Mais vous y êtes déjà, par définition, en tant que…

NICOLE BELLOUBET
Je vous ai dit, que moi, lorsque j'étais garde des Sceaux, je n'avais pas choisi d'aller sur ce terrain-là. Je vais voir le texte que je ne connais pas au moment où je vous parle et qui n'est plus de ma responsabilité.

NEÏLA LATROUS
Nicole BELLOUBET, vous êtes toujours ministre de l'Education, il y a des élections, on verra ce que ça donne. Qui prépare la rentrée scolaire de septembre ? Est-ce que c'est vous ?

NICOLE BELLOUBET
Ça fait longtemps qu'elle est préparée.

NEÏLA LATROUS
Donc toutes les nouveautés de la rentrée…

NICOLE BELLOUBET
Absolument.

NEÏLA LATROUS
Pour ceux qui nous écoutent, elles seront là.

NICOLE BELLOUBET
Bien sûr.

NEÏLA LATROUS
Par exemple, le groupes de besoins au collège, il y en aura.

NICOLE BELLOUBET
Absolument. Absolument.

NEÏLA LATROUS
Dans tous les collèges.

NICOLE BELLOUBET
Absolument.

NEÏLA LATROUS
Il y a suffisamment de professeurs pour cela ?

NICOLE BELLOUBET
Oui, nous avons 2 300 et quelques emplois qui ont été affectés à ces groupes. Et bien entendu, si je peux juste me permettre de revenir sur la question précédente, bien entendu, la rentrée est préparée. Vous savez, la rentrée de 2024, elle se prépare depuis six mois, donc elle est prête. Nos élèves seront…

NEÏLA LATROUS
Ça ne sera pas une rentrée Rassemblement national pour ceux qui regardent par exemple les sondages.

NICOLE BELLOUBET
Non non, en aucun cas, ce sera la rentrée que j'ai préparée moi-même.

NEÏLA LATROUS
Est ce qu'il y aura des professeurs devant toutes les classes ? Les concours peinent encore à faire le plein.

NICOLE BELLOUBET
Oui, c'est un vrai sujet. Moi, j'ai eu l'occasion de le dire. Oui, il y aura des professeurs devant toutes les classes à la rentrée. Parce qu'au-delà de nos personnels titulaires, nous recrutons des personnels contractuels.

NEÏLA LATROUS
Il en manque combien aujourd'hui dans les concours par exemple ? On a eu les chiffres au global…

NICOLE BELLOUBET
Alors, c'est très difficile. Tout dépend des académies. Je parle notamment du premier degré. Tout dépend des académies. Les concours font le plein…

NEÏLA LATROUS
1 500 postes selon les syndicats.

NICOLE BELLOUBET
Dans l'Ouest, dans l'Ouest et dans le Sud de la France, nous sommes un petit peu en difficulté sur Versailles et Créteil. Et c'est la raison pour laquelle nous avons décidé de reprendre la formation initiale des enseignants, en proposant un concours à bac+3, plus deux années de formation où nos enseignants bénéficieront d'une gratification et d'une rémunération pour apprendre leur métier et passer un master. Donc c'est une refonte complète, c'est un projet d'excellence et de clarté, là aussi.

NEÏLA LATROUS
Vous vous voyez, dans quelques semaines, sur le perron du ministère de l'Education nationale, passer les clés de cette administration à par exemple quelqu'un du Rassemblement national ?

NICOLE BELLOUBET
Je ne me vois pas, parce que je ne me projette pas dans les solutions les pires.

NEÏLA LATROUS
Ce n'est pas une image qui vous hante ?

NICOLE BELLOUBET
J'y ai pensé cette nuit. Je vous dis la vérité. J'y ai pensé cette nuit, mais je pense que nous n'y sommes pas encore. Et en tout cas, je me battrai avec l'ensemble de la Communauté éducative pour que ça n'advienne pas.

NEÏLA LATROUS
La communauté éducative, d'ailleurs assez inquiète une quarantaine de cadres et c'est plutôt rare, a signé une pétition en ligne, pour dire que si le RN arrive au pouvoir, ils n'obéiront pas à des mesures contraires aux valeurs de la République. Qu'est-ce que vous, vous dites ? C'est un sursaut bienvenu ou c'est un manque de républicanisme ?

NICOLE BELLOUBET
Je dis que, un, ça traduit une inquiétude et évidemment je la partage, parce que, enfin, je ne reviens pas. Pour moi, le Rassemblement national, c'est un projet de désunion, donc je comprends cette inquiétude. Deux, je crois que la priorité, Laurent BERGER en parlait, c'est d'abord de battre le Rassemblement national et c'est là-dessus que je suis arc-boutée.

NEÏLA LATROUS
Vous dites : « c'est la priorité », vous.

NICOLE BELLOUBET
Eh bien oui. Il me semble que si nous, en tout cas pour moi, en tant qu'enseignante fidèle depuis toujours à des valeurs sociales démocrates, évidemment, pour moi, la priorité sera de battre le Rassemblement national. Et j'avoue que je pense que la communauté éducative est arc-boutée là-dessus aussi. Pour le reste, les questions se posent quand elles se posent, ce n'est pas la peine de les imaginer avant.

NEÏLA LATROUS
Oui, non, mais quand vous dites ça, c'est important, Nicole BELLOUBET, parce que, ce que j'entends, c'est que s'il devait, demain, y avoir une cohabitation, elle vous serait sans doute plus facile avec une partie de la gauche qu'avec une alliance de droite et d'extrême droite. Est-ce que c'est ce que j'entends dans votre propos ?

NICOLE BELLOUBET
Oui, mais absolument. Mais moi, je ne m'en cache pas. Je viens de vous dire que, moi, j'ai toujours été sociale-démocrate. Je pense que la majorité gouvernementale actuelle a un projet de clarté, mais qui pourrait aussi s'ouvrir sur d'autres personnalités, des anciens du PS…

NEÏLA LATROUS
… De gauche…

NICOLE BELLOUBET
Oui, moi, j'ai souvent travaillé avec le PS…

NEÏLA LATROUS
Vous vous sentez plus proche du programme de la gauche sur l'Education nationale, par ailleurs ?

NICOLE BELLOUBET
Je me sens proche du Parti socialiste, de l'ancien Parti socialiste que j'ai connu et de l'actuel, mais pas de toutes les composantes du nouveau Front populaire.

NEÏLA LATROUS
Une dernière question, Nicole BELLOUBET. Je disais vous êtes ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse. Comment est-ce que vous expliquez aujourd'hui que les jeunes préfèrent voter soit pour Jordan BARDELLA, soit pour le nouveau Front populaire et qu'ils aient déserté votre camp central ? Là aussi, qu'est-ce que vous avez raté avec la jeunesse ?

NICOLE BELLOUBET
Mais dites-donc, à vous entendre, on a raté beaucoup de choses…

NEÏLA LATROUS
Eh bien, je regarde les sondages, ils sont de 8 % à avoir voté pour vous aux dernières européennes.

NICOLE BELLOUBET
Oui, j'entends ce que vous me dites, mais moi, je ne considère pas les jeunes comme un ensemble politique uniforme. Ce n'est pas une clientèle…

NEÏLA LATROUS
Vous avez un message pour eux, pour ceux qui vont aller voter dimanche ?

NICOLE BELLOUBET
Ce n'est pas une clientèle électorale. Je termine. Ce n'est pas une clientèle électorale, les jeunes, donc. D'ailleurs, j'observe qu'il y a des jeunes dans chaque parti politique. Nous travaillons beaucoup avec eux. Moi, je dis, et je comprends d'ailleurs que vous voyez, parfois, quand vous êtes jeune, vous avez envie forcément de choses qui sont plus liées à la contestation, pas forcément de responsabilité. Vous avez envie de contester ceux qui sont au pouvoir, comme nous, depuis sept ans. Mais je leur dis : regardez les valeurs républicaines auxquelles vous croyez, c'est-à-dire la fraternité, la solidarité. Je pense que nous pouvons les incarner.

NEÏLA LATROUS
8h52 sur RMC BFMTV. Merci Nicole BELLOUBET d'être venue à ce micro.

NICOLE BELLOUBET
Merci à vous.

NEÏLA LATROUS
Ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse. Bonne journée à vous. Bonne journée à tous.

NICOLE BELLOUBET
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement,le 25 juin 2024