Interview de M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à France Inter le 24 septembre 2024, sur la politique économique.

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Média : France Inter

Texte intégral

NICOLAS DEMORAND
Et avec Léa SALAME, nous recevons ce matin le nouveau ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. Dialoguez avec lui ; questions, réactions au 01 45 24 70 00 et sur l'application de Radio France. Antoine ARMAND, bonjour.

LEA SALAME
Bonjour.

ANTOINE ARMAND
Bonjour ! Merci pour votre invitation.

NICOLAS DEMORAND
Oui, soyez le bienvenu sur Inter et le bienvenu à ce micro. A seulement 33 ans, vous héritez donc du ministère stratégique de l'Economie, dans un contexte budgétaire extrêmement tendu et un contexte politique extrêmement instable, avec un Gouvernement qui n'a pas de majorité à l'Assemblée nationale. Et il vous faudra être inventif, diplomate, habile pour gouverner et répondre aux grands enjeux qui attendent le pays. Antoine ARMAND, ce n'est pas vous faire injure que de dire que les Français ne vous connaissent pas bien. Vous êtes député Renaissance depuis deux ans. Vous avez été élu président de la commission des Affaires économiques à l'Assemblée nationale en juillet dernier. Auparavant, vous avez fait Normale Sup et l'ENA. Héléna. Question : malgré ce brillant CV, est-ce que vous avez été vous-même surpris, comme beaucoup, quand on vous a proposé ce ministère clé n'ayant jamais eu, jusque-là, d'expérience gouvernementale ?

ANTOINE ARMAND
Ecoutez. Vous savez, quand on a eu une expérience gouvernementale, on a un certain nombre d'habitudes. Quand on n'en a pas eu, oui, c'est nouveau ; oui, c'est impressionnant. Mais je pense que c'est important que ça reste impressionnant. Parce que servir la France, c'est toujours immense et donc ça doit rester impressionnant. Mais la légitimité, je la tire des électrices et les électeurs de Haute-Savoie qui m'ont élu, bien sûr du parcours, bien sûr de l'expérience, bien sûr des travaux que j'ai menés, mais d'abord et avant tout, en démocratie, des électrices et des électeurs.

LEA SALAME
Alors certes, comme vous l'a rappelé Bruno Le MAIRE hier lors de la passation de pouvoirs ; la valeur n'attend pas le nombre des années. Certes, la jeunesse est un atout, mais il y a urgence. Les hôpitaux sont en crise, le monde agricole aussi. Ils attendent des réponses. Et évidemment, il y a la situation des finances publiques. Il y a un vent force neuf et l'équipage est fait de matelots juniors, résume un conseiller dans Les Échos. Comment vous rassurez, ce matin, quand on dit " ils sont jeunes ou manque d'expérience dans une situation politique et budgétaire explosive " ?

ANTOINE ARMAND
Je comprends cette question. Je pense qu'il faut l'aborder de front. Mais il faut aussi dire aux gens que je n'ai jamais demandé à personne de chèque en blanc. Je ne demande aucune forme d'indulgence. Je ne demande aucune forme de tolérance. Je suis là pour être jugé sur mes résultats, comme dans toute démocratie. Vous avez cité un certain nombre de défis : les services publics, notre capacité à avoir de la croissance écologique, sociale et puis, notre capacité à dire à nos partenaires européens et internationaux " la signature de la France est crédible. La souveraineté de la France est intacte. "

NICOLAS DEMORAND
Antoine ARMAND, vous aurez à manoeuvrer face à une Assemblée nationale divisée, sans majorité. Craignez-vous la motion de censure très rapidement ou espérez-vous pouvoir travailler avec les autres groupes politiques ? Et si c'est le cas, c'est tous les groupes politiques de La France insoumise au Rassemblement national ?

ANTOINE ARMAND
Alors d'abord, quand je me lève le matin, je ne pense pas à la motion de censure, je pense aux décisions. Vous en avez cité quelques-unes qui sont urgentes et qui sont indispensables. Ensuite, nous avons été élus… Nous sommes nombreux à avoir été élus dans le cadre du Front républicain. Et ce Front Républicain, j'aime dire que c'est notre histoire, c'est notre héritage, c'est-à-dire que nous l'avons avec nous, dans nos ministères, nous l'avons avec nous, dans nos convictions. Et donc, le trahir…

LEA SALAME
C'est un Front Républicain qui est sous surveillance du Rassemblement national. Là, il n'y a plus beaucoup de Front Républicain dans la nouvelle configuration politique.

ANTOINE ARMAND
Pardon, il est sous surveillance du Rassemblement national et du Nouveau Front populaire. Vous parlez de motion de censure. Une motion de censure, ce ne serait pas une motion de censure qui passerait si elle n'était votée que par le Rassemblement national. Il faut le rappeler, ce serait une motion de censure de l'extrême gauche ou de la gauche avec le Rassemblement national. Et ce serait aussi une trahison du Front Républicain de la part de la gauche de s'associer au RN. Donc oui, nous avons à construire un socle. Et pour finir sur votre question ; je l'ai dit pendant la passation de pouvoir, ma porte restera toujours ouverte avec le Parti socialiste, avec les écologistes, avec les Communistes…

LEA SALAME
Avec les insoumis ?

ANTOINE ARMAND
Mais si… Un député a été élu par les électeurs et si on ne respecte pas la fonction, on n'a pas compris ce que c'est que la démocratie. Donc je crois qu'il ne faut pas commencer par dire avec qui on ne va jamais travailler pour peu qu'il soit dans l'arc Républicain. Il faut commencer par se poser les questions de l'agriculture, de l'industrie, de l'hôpital.

LEA SALAME
Pour peu qu'il soit dans l'arc Républicain. Pardonnez-moi, ça veut dire quoi ?

ANTOINE ARMAND
Ça veut dire que le Rassemblement national contre lequel nous avons été élus, avec lequel… face auquel nous avons fait un Front républicain, il n'y a qu'un pas. Il faut être très clair dessus, même si on respecte…

LEA SALAME
Pour vous, le Rassemblement national n'appartient pas à l'arc Républicain, les Insoumis ?

ANTOINE ARMAND
Mais même si certains insoumis ont malheureusement dépassé les bornes de la République très souvent.

LEA SALAME
Alors on va aller au fond de vos sujets. Lors de votre passation de pouvoir hier, vous avez affirmé que chaque minute passée à Bercy doit être consacrée aux Français. Et aussi, notre travail à nous dans ce monde, c'est de faciliter la tâche des entreprises, de celles et ceux qui travaillent. Votre objectif numéro un est de faciliter la tâche des entreprises. C'est ainsi que vous entendez la mission d'un ministre de l'Economie ? C'est défendre l'intérêt des entreprises où l'intérêt général ?

ANTOINE ARMAND
Alors dans le discours juste avant, il y avait deux objectifs principaux : la souveraineté et l'écologie. Et ce sont ces deux combats-là qui doivent être menés. Maintenant, vous parlez de la tâche des entreprises. Je vous donne un indicateur. Il y a, aujourd'hui, plus de 40 millions de mots, de normes, de lois et de décrets. Il y en avait 20 millions il y a 15 - 20 ans. Ça protège les Français, l'Environnement, c'est important. Mais si on n'est pas capable, à un moment, de s'interroger sur la question de la complexité qui nous touche tous au quotidien dans nos démarches administratives, pour une entreprise, pour un particulier, alors on a du mal à regarder la réalité en face. Et moi, mon travail, c'est d'être lucide.

LEA SALAME
Antoine ARMAND, vous avez salué le bilan de Bruno Le MAIRE et des gouvernements précédents lors de votre prise de fonction. " Je mesure la chance d'hériter d'un tel bilan " avez-vous dit. Ce qui vous a valu un tweet ironique de Marine Le PEN. " Au moins, ils ont le sens de l'humour ", a-t-elle écrit. Quand vous saluez le bilan dont vous héritez, vous parlez des 3 000 milliards d'euros de dette, du déficit qui se creuse, qui pourrait atteindre les 6% ? C'est ça aussi le bilan dont vous héritez.

ANTOINE ARMAND
Je crois que face à la déferlante populiste à laquelle on assiste, faire la part des choses est très important. La France est devenue le pays le plus attractif d'Europe. Notre croissance est supérieure à celle de l'Allemagne, alors qu'avant, on la prenait comme exemple. Et puis, le taux de chômage est au plus bas depuis 40 ans. Maintenant, vous soulignez un point crucial : à part une ou deux années de crise exceptionnelle ces 50 dernières années, on a un des pires déficits de notre histoire. Donc sur ce plan-là, la situation est grave. Le Premier ministre l'a rappelé…

NICOLAS DEMORAND
Il l'a dit dans ses mots. Et ce sont les vôtres ce matin.

ANTOINE ARMAND
Et ce sont les miens. Et je le dis sous l'autorité du Premier ministre, nous allons travailler à la hauteur de la gravité de cette situation.

NICOLAS DEMORAND
Alors, dans ce contexte, monsieur le ministre, Antoine ARMAND, il faut trouver 20 milliards de plus dans le prochain budget. Michel BARNIER n'exclut pas des hausses temporaires d'impôt, non pas sur les classes moyennes et les plus modestes, mais sur les personnes les plus fortunés, via des prélèvements ciblés qui toucheraient aussi certaines grandes entreprises. Ce sont les mots du Premier ministre. On s'achemine vers cela ? Vous allez demander un effort de solidarité nationale aux plus aisés, aux grandes entreprises ? C'est ça la feuille de route ?

ANTOINE ARMAND
Le Premier ministre aura l'occasion de l'exprimer la semaine prochaine avec mon collègue qui s'occupe du budget, Laurent SAINT-MARTIN. La question que nous devons nous poser, c'est : face à la gravité de la situation budgétaire, comment est-ce que chacun peut contribuer intelligemment ? Mon travail, c'est que les prélèvements éventuels qui existeront, n'entravent pas notre croissance, n'entravent pas la création d'emplois. Et quand je vois le patron du MEDEF qui donne certaines pistes…

LEA SALAME
Ce matin, dans Le Parisien, il se dit prêt à discuter d'une hausse des impôts des entreprises, mais sous condition.

ANTOINE ARMAND
Exactement. Et nous allons y travailler avec lui, avec l'ensemble des entreprises de toutes les tailles, avec évidemment les partenaires sociaux. Et je veux le dire ici, avec un peu d'humilité, je crois que le dialogue avec les partenaires sociaux, il doit être repris, il doit être remis en musique et retrouver une forme d'équilibre et de respect du paritarisme auquel je tiens énormément.

LEA SALAME
Il doit être repris, dites-vous ? Ça veut dire qu'il a été un peu abandonné ces dernières années, le dialogue avec les partenaires sociaux ?

ANTOINE ARMAND
On a vécu des réformes qui étaient nécessaires mais qui étaient très difficiles et qui ont abîmé, je crois, ce dialogue. À nous de nous reprendre.

LEA SALAME
Quand Michel BARNIER dit ça ne se fera pas, il n'y aura pas de hausses d'impôts sur les classes moyennes mais sur les plus fortunés ; à partir de combien on est dans la classe moyenne et à partir de combien on est dans les plus fortunés ?

ANTOINE ARMAND
C'est toute la question et c'est une question qui anime, je crois, vos matinales depuis longtemps maintenant. En la matière, il ne faut pas faire d'idéologie. Mais ce que dit aussi le Premier ministre ici, c'est que l'action que nous menons depuis plusieurs années avant Michel BARNIER, notamment sous l'impulsion du Président de la République, c'est que le travail paie. Et donc celles et ceux qui, pour vivre, n'ont que leurs revenus, n'ont que leur salaire et qui ont des difficultés à se loger, à se nourrir, ne peuvent pas être, dans la période, pénalisées. Moi, je défends par exemple un travail sur le salaire décent pour que chacun puisse se loger, se nourrir, se déplacer. Maintenant, les gens qui ont des patrimoines très importants, qui parfois, d'ailleurs, ne paient pas beaucoup d'impôts ; peut-être ceux-là, on va le regarder dans les prochaines semaines - le premier ministre décidera - peuvent-ils contribuer davantage dans la situation que nous connaissons.

NICOLAS DEMORAND
Donc c'est le patrimoine plus que le salaire ?

ANTOINE ARMAND
Il faut regarder la question. On ne va pas trancher cette question maintenant.

NICOLAS DEMORAND
Parce qu'un Français qui gagne… mettons 3 000 – 4 000 – 5 000 – 6 000 euros ; vous les classez où ces Français-là ? Classe moyenne ? Les plus fortunés ? ... Qu'on ait une idée.

ANTOINE ARMAND
Je vais vous dire ma conviction, je pense qu'on a en France un rapport très particulier à l'argent et qu'on a besoin de classer très vite en riches, en pauvres, en classes moyennes. Quand vous demandez aux Français où ils se situent ? Ils se situent très largement dans la classe moyenne eux-mêmes. Donc ce travail, c'est un travail de fiscalité, c'est un travail budgétaire pour savoir aussi quels peuvent être les rendements ? Et puis c'est un travail, je le dis, c'est très important, c'est un travail global, c'est-à-dire que si vous augmentez plusieurs impôts en même temps sur les mêmes personnes. Là, vous avez un impact très négatif sur l'activité, sur la croissance, sur la consommation. Mon travail, c'est de préserver l'activité, l'emploi, la croissance dans le pays.

LEA SALAME
On ne va pas vous refaire parce que c'est votre première interview et donc, on ne va pas vous refaire la question à François HOLLANDE, on est riche à combien ? Est-ce qu'à 4 000 euros, on est riche selon vous ? Mais c'est vrai que ce n'est pas qu'une question de rapport à l'argent, c'est une question de rapport aux impôts. Il y a des gens qui nous écoutent ce matin, qui se disent : " Est-ce que je vais rentrer dans la tranche qui va voir ces impôts augmenter ou pas ? Est-ce que si je gagne 5 000 euros, est-ce que je vais voir mes impôts augmenter l'année prochaine ? " C'est ça qui se pose.

ANTOINE ARMAND
Et c'est une question extrêmement légitime à laquelle nous apporterons une réponse très vite. Le Premier ministre…

NICOLAS DEMORAND
Vous ne l'avez pas pour l'instant ?

ANTOINE ARMAND
On y travaille. Le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, y reviendra sans aucun doute.

NICOLAS DEMORAND
Selon La Tribune et Les Échos, le Gouvernement envisagerait un gel des barèmes de l'impôt sur le revenu, mécanisme qui aboutirait à une hausse des impôts pour tout le monde et pas seulement les plus fortunés. Je simplifie à l'extrême. Ce projet, est-il sur la table ?

ANTOINE ARMAND
Le Premier ministre a dit très clairement que nous n'allons pas alourdir la fiscalité de celles et ceux qui travaillent, qui appartiennent à la classe moyenne au sens large, c'est mon travail, c'est ma mission et j'y tiens énormément parce que c'est au fond la base du contrat social. Celles et ceux qui s'investissent au quotidien, parfois dans des conditions de travail difficiles, dégradées, on ne peut pas leur dire vous : " Vous serez davantage pénalisés, vous, vous allez contribuer davantage ".

LEA SALAME
L'augmentation du taux de la flat tax, elle est sur la table ?

ANTOINE ARMAND
Oui, on regarde globalement la question. Je vous le disais, on instruit à la demande du Premier ministre avec mon collègue Laurent SAINT-MARTIN, ces questions. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'on a fait un certain nombre de réformes depuis dix ans, qui vont dans un sens : favoriser l'attractivité du pays et permettre aux gens d'investir, non pas dans des fonds d'investissement chinois à l'autre bout de la planète, mais dans nos PME, dans nos TPE. Et si on veut que demain nos entreprises continuent à croître, continuer à avoir de l'activité sur notre territoire, on a besoin aussi qu'elles soient financées et on a besoin d'aider les Françaises à investir.

LEA SALAME
D'accord, mais ça passe, dans ces réformes-là, il y a eu la flat tax, il y a eu la baisse de l'impôt sur les sociétés qui a été très sensibles, ces sept dernières années où Emmanuel MACRON est président de la République. Est-ce que vous allez arrêter ça ? Est-ce que vous allez remonter l'impôt sur les sociétés ? Est-ce que vous allez remonter le taux de la flat tax ? C'est ça, c'est des questions très précises. Alors, je comprends que vous n'avez pas les réponses à tout, mais est-ce qu'on va vers ça ? Est-ce que c'est en tout cas sur la table ?

ANTOINE ARMAND
Ce que je vous dis, c'est qu'on va se poser la question dans la globalité et on va y répondre dans la globalité, c'est-à-dire que réfléchir impôt par impôt, ce n'est pas la méthode. La méthode, c'est préserver l'emploi, préserver aussi le pouvoir d'achat de l'ensemble des Français et puis, s'assurer que l'effort est réparti, ménages et entreprises. J'entends que les entreprises y sont prêtes. Nous y travaillerons ensemble.

NICOLAS DEMORAND
Antoine ARMAND, l'ISF, c'est un mot tabou ?

ANTOINE ARMAND
Ce qu'il faut rappeler, c'est pourquoi on a réformé et transformé l'ISF en IFI, pour que les personnes qui aient des revenus ou du patrimoine immobilier en l'occurrence, puissent l'investir dans l'économie réelle de notre pays. Ça, c'est très important et c'est ce qui a contribué aussi à la croissance en France, donc, des prélèvements ciblés sur les ménages les plus aisés, comme l'a dit le Premier ministre, c'est à l'étude. Des prélèvements ciblés sur les entreprises en lien avec elles, pour que ce soit le plus efficace possible et le moins affectant sur la croissance, c'est en réflexion, mais il faut regarder la question dans la globalité.

LEA SALAME
La réforme des retraites, elle va être aménagée ?

ANTOINE ARMAND
Le Premier ministre l'a dit et je crois qu'on peut dire que Michel BARNIER, c'est un homme d'expérience, de dialogue et de résultats. Et donc, quand le Premier ministre dit : " Je veux améliorer la réforme des retraites ", en fait, ce qu'il nous dit, et il l'a d'ailleurs exprimé comme ça, c'est : " Je vais demander aux partenaires sociaux quelles sont les pistes d'amélioration de la réforme des retraites ". Il a par exemple cité la pénibilité, je crois que ce qu'on peut faire mieux que les dernières années, c'est prendre en compte le quotidien des gens, c'est-à-dire que bien sûr qu'on nous parle de salaire et moi, je veux qu'on travaille à un salaire plus décent, mais les gens, les femmes, les hommes qui travaillent, elles nous parlent aussi de la manière dont ils ont mal au dos, au travail, de la manière dont elles ont mal aux poignets quand ils sont dans un supermarché, des aides-soignants aussi. Cette question des conditions de travail, elle est centrale.

LEA SALAME
La pénibilité, il l'a citée, les femmes, le travail des femmes et la prise en compte de leur travail également dans une idée d'aménagement de cette réforme des retraites qui a été adoptée par 49.3, on se rappelle, il y a deux ans. Les 64 ans restent un marqueur ? On ne va pas bouger l'âge pivot, 64 ans ?

ANTOINE ARMAND
Ça dépend de la pénibilité, ça dépend d'un certain nombre de critères. Donc, au fond, il ne faut pas forcément se focaliser sur un âge. En revanche, ce n'est pas parce qu'on a changé de Gouvernement que les lois de l'économie et de la finance ont changé et que donc les équilibres budgétaires et le besoin de rééquilibrer notre régime reste le même.

NICOLAS DEMORAND
Allez, on passe au standard d'Inter, Elisa nous appelle. Bonjour, bienvenu.

ELISA, AUDITRICE
Bonjour à tous, merci, donc la France est un paradis fiscal où les ultras riches ne paient que 2% d'impôts. Il n'y a plus d'ISF, l'impôt sur les sociétés a été réduit de 8%, donc cet argent manque pour financer la santé et les écoles. Alors, un autre exemple, il y a 160 milliards par an de dette publique pour les entreprises sans contreparties. SANOFI a licencié 3 000 chercheurs productifs, AUCHAN 800 salariés, etc. Et en huit ans, la fortune des 500 Français les plus riches est passée de 460 milliards à 1 230 milliards, soit une hausse de 170 %. Alors quand allons-nous réguler les marchés financiers, les firmes et instituer de la justice fiscale ?

NICOLAS DEMORAND
Merci, Elisa, pour cette question, la France, un paradis fiscal, Monsieur le Ministre, Antoine ARMAND ?

ANTOINE ARMAND
D'abord, je me permets de rappeler que la France est quasiment le pays au monde qui taxe le plus et donc, il est important de partir de ce constat.

NICOLAS DEMORAND
Elle parlait des ultras riches.

ANTOINE ARMAND
Et j'entends, et j'entends la question de la répartition à l'intérieur, mais commencer par dire que la France serait un paradis fiscal alors que c'est le pays qui taxe le plus au monde, je pense que c'est important de le rappeler. Ensuite, il y a quelque chose d'important. L'ISF n'a pas disparu, il y a un impôt sur la fortune immobilière qui existe et qui est toujours important, mais au fond, la question qu'on se pose ici, c'est comment est-ce qu'on s'assure que ceux qui ont un revenu important ou un patrimoine important payent un minimum d'impôt ? Je trouve que c'est une piste extrêmement intéressante. Ensuite, sur le soutien aux entreprises, je prends l'exemple du crédit impôt recherche, vous savez, ce crédit qui permet aux entreprises d'embaucher des chercheurs ? Mais si elles n'embauchent plus de chercheurs, elles ne l'ont plus. Donc, il ne faut pas croire que les entreprises auraient des cadeaux. Au fait, elles s'en servent immédiatement pour embaucher et c'est ce qui nous a permis d'avancer, donc, je crois qu'il faut quand même avoir cet élément en tête et il faut aussi se dire peut-être qu'on n'est pas obligé d'opposer, on n'est pas obligé de se dire que si les riches, avec tout ce qu'on s'est dit tout à l'heure sur le fait que c'est difficile à définir, payent plus, nous irons mieux, ce n'est pas les mêmes grandeurs, ce n'est pas aussi simple que ça et c'est mon devoir, comme responsable politique modéré de le dire et de rappeler les ordres de grandeur. Le déficit de la France, c'est des dizaines, des centaines de milliards d'euros. La dette, c'est des milliers de milliards.

LEA SALAME
3 000 milliards.

ANTOINE ARMAND
L'impôt sur la fortune tel qu'il existait avant, c'étaient quatre à cinq milliards d'euros.

LEA SALAME
Les déficits, Bruno Le MAIRE, a estimé début septembre que nous pouvons, je le cite : " Nous pouvons et nous devons tenir nos 5,1 % de déficit en 2024 ", c'est à notre portée et nous pouvons et nous devons tenir nos 3 % en 2027. 5,1 % de déficit en 2024, c'est impossible, nous a dits Pierre MOSCOVICI, le premier président de la Cour des comptes, il y a la semaine dernière à ce micro, vous, vous dites quoi ?

ANTOINE ARMAND
Je dis que nous sommes, avec mon collègue Laurent SAINT-MARTIN, en train de travailler à cette question.

LEA SALAME
Laurent SAINT-MARTIN, je précise pour ceux qui vous écoutent ici, c'est le ministre du Budget, parce que le Budget, désormais, est chez lui, il n'est plus à Bercy.

ANTOINE ARMAND
Et nous travaillons main dans la main, vous savez, avec Laurent SAINT-MARTIN, notre coopération, elle est et elle sera, je pense, exemplaire parce qu'on a le même intérêt, c'est-à-dire rétablir les finances publiques sans entraver la croissance. Moi, je crois que…

LEA SALAME
C'est très difficile.

ANTOINE ARMAND
Oui, mais je vais vous dire, le Premier ministre l'a dit et je crois que c'est une conviction majeure : la dette écologique compte tout autant que la dette financière et lâcher la dette écologique pour la dette financière, ce serait lâcher la proie pour l'ombre.

LEA SALAME
Oui, mais ce n'est pas ma question. Le message est clair ce matin, mais ma question, c'est est-ce que vous pensez que vous tiendrez 5,1% de déficit en 2024 ou ça vous semble compliqué ?

ANTOINE ARMAND
Le nouveau ministre des Comptes publics qui a été nommé samedi y travaille. Je suis à ses côtés avec le Premier ministre pour que nous ayons ensemble quelque chose de crédible à présenter.

NICOLAS DEMORAND
On va passer au Standard où nous attend Martine. Bonjour, vous nous appelez d'Aix-en-Provence.

MARTINE, AUDITRICE D'AIX-EN-PROVENCE
Oui, Bonjour.

NICOLAS DEMORAND
Bienvenue.

MARTINE
Bonjour à tous, merci, j'ai une question précise à poser. Après les fonctionnaires est-ce que les retraités - je suis retraité depuis un an - vont devenir les nouveaux boucs émissaires, on sera là pour en quelque sorte appuyer l'augmentation des cotisations sociales, après on sera là encore pour, disons, combler le déficit ? Une fois de plus, on ne tient pas compte du fait que les retraités aident énormément, leurs enfants, leurs enfants qui ont à leur tour des difficultés et on est solidaire d'eux parce qu'ils ont des difficultés pour trouver un emploi pour acheter une voiture, bêtement, etc. Et donc, je sens arriver encore une fois le fait que les retraités vont être le bouc émissaire et vont payer la note une bonne partie de la note parce qu'on est vécu comme des gens entre guillemets, ensuite " un peu inutiles ", quoi, finalement, on n'est plus des gens actifs. Je voulais dire qu'on est actif.

NICOLAS DEMORAND
Alors que vous êtes très actives, alors que vous êtes très active, Martine, auprès de vos enfants, vous vous l'avez dit. Antoine ARMAND vous répond.

ANTOINE ARMAND
Oui, je voudrais d'abord dire à madame très simplement, je rencontre beaucoup de retraités dans ma circonscription, des bénévoles, des aidant familiaux et je voudrais vraiment qu'on dise à quel point ces gens sont utiles au quotidien et vous rendre hommage pour ça. Dire aussi qu'on a indexé les pensions de retraite pour que les retraités ne soient pas victimes de l'inflation, ça a été un geste très fort. Vous savez, certains nous ont même dit : " Vous privilégiez les retraités ", non, c'est un combat pour que les retraités ne tombent pas dans une forme de précarité.

NICOLAS DEMORAND
Et vous ne revenez pas là-dessus ?

LEA SALAME
Vous ne revenez pas sur l'indexation de la retraite sur l'inflation ?

ANTOINE ARMAND
Ça a été fait, on verra pour les prochaines années dans l'équilibre global des choses, mais je pense que c'est vraiment important de dire qu'on a préservé ce pouvoir d'achat-là et de dire à quel point le service social, si vous me permettez l'expression, que rendent les retraités, les retraités de France, est important à mes yeux.

NICOLAS DEMORAND
Alors, vous avez le programme du NFP, c'était d'augmenter aussi le SMIC à 1 600 euros, plusieurs patrons réclament une revalorisation du SMIC comme Thierry COTILLARD à la tête des MOUSQUETAIRES qui était notre invité il y a quelques jours. Vous dites non ?

ANTOINE ARMAND
Je dis qu'il ne faut pas se laisser enfermer dans la polémique. Chaque année, on augmente le SMIC. Chaque année, il y a une revalorisation du SMIC, alors ou on peut le prendre sur un mode politique politicienne, c'est-à-dire qu'on peut dire : " Sortir le chiffon rouge, dire ce que le NFP propose est abominable, nous, nous sommes très responsables ". Ayons un tout petit peu le courage de regarder précisément de combien on peut augmenter le SMIC, de combien les entreprises sont capables de le faire parce que je le disais.

LEA SALAME
Alors, de combien ?

ANTOINE ARMAND
C'est la discussion qu'on va avoir dans les prochaines semaines comme chaque année, mais je ne veux pas qu'on soit des ministres qui augmentent des salaires par décret, qui sont payés par des entreprises par ailleurs. Et donc, ça doit se faire évidemment en co-construction, en dialogue avec les partenaires.

LEA SALAME
Bruno Le MAIRE vous a offert un makila, hier, lors de la passation de pouvoir, c'est un bâton basque qui sert à la fois à marcher et à se défendre, vous a-t-il expliqué. Une baguette magique, n'aurait-elle pas été plus efficace ?

ANTOINE ARMAND
Justement non. Comme l'a dit le Premier ministre, il n'y a pas de miracle en politique ou en politique économique. Les miracles, ça n'existe pas. Mon travail, c'est de dire la vérité telle qu'elle est et de faire des propositions par rapport à cette vérité-là et je le ferai avec mon makila.

NICOLAS DEMORAND
Merci, Antoine ARMAND, d'avoir été au micro d'Inter ce matin.

ANTOINE ARMAND
Merci à vous.

NICOLAS DEMORAND
Je rappelle que vous êtes ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie. Il est 8 h 47.


source : Service d'information du Gouvernement, le 25 septembre 2024