Texte intégral
Monsieur le ministre, cher Antoine Armand
Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur général,
Mesdames et messieurs les Députés,
J'ai tenu à venir devant votre Commission aujourd'hui avec le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie pour vous tenir un discours de vérité et de méthode. Vous le savez, le Premier ministre l'a rappelé, la situation de nos finances publiques est grave.
Je n'irai pas par quatre chemins. La vérité, c'est qu'en 2024, le déficit public risque de dépasser les 6 % du PIB selon les dernières estimations dont nous disposons.
Deux raisons à cela, que Bruno Le Maire et Thomas Cazenave vous ont présentées le 9 septembre dernier.
D'abord, les recettes fiscales sont moins importantes que ce qui était attendu. J'ai conscience qu'il y a là un vrai enjeu de monitoring. Je m'engage à être extrêmement vigilant et extrêmement transparent avec vous sur le pilotage des recettes. Cet écart s'explique d'abord par la composition de la croissance, qui est davantage été tirée par les exportations que par la consommation. Cet écart s'explique également par l'attentisme que nous observons de la part des acteurs économiques depuis quelques mois. Qui dit moins d'activité dit moins de recettes.
Par ailleurs, comme vous l'a indiqué Thomas Cazenave, les dépenses des collectivités territoriales ont été plus élevées que ne la trajectoire le prévoyait, de l'ordre de 16 Md€ pour 2024. Dont acte. Je ne suis pas là pour distribuer des bons et mauvais points mais pour regarder l'avenir. Je rappelle que, PLFR après PLFR, l'État a été présent aux côtés des collectivités pendant la crise pandémique. Il le fallait et cela a été fait. Aujourd'hui, nous avons besoin des collectivités. Je recevrai dans les prochains jours les élus locaux pour discuter de la trajectoire financière des collectivités pour 2025.
Il faudra donc que les ministères, les opérateurs, les collectivités locales et les administrations de sécurité sociale fassent preuve de responsabilité afin de tenir les objectifs de maîtrise de dépense publique pour 2024. Les plafonds adressés aux ministères pour 2024, qui vous ont été transmis, seront maintenus. Nous n'avons pas de marge de manœuvre en 2024 si nous voulons renouer avec une trajectoire soutenable en 2025. Redresser les finances publiques, c'est très facile à dire, c'est plus difficile à faire. Ça demande du courage, une méthode de vérité, des décisions assumées.
J'aurai prochainement un dialogue avec l'ensemble des ministres, comme il est d'usage chaque année pour le ministre en charge du budget et des comptes publics, pour proposer au Premier ministre un schéma de fin de gestion. Ce schéma vous sera présenté dans un texte financier de fin d'année.
Quant à la méthode, en tant que Député, en tant que Rapporteur général de la Commission des Finances, je me suis toujours engagé pour consolider les compétences budgétaires du Parlement. J'ai d'ailleurs porté avec Eric Woerth une proposition de loi organique qui les a renforcées. Soyez assurés que je resterai extrêmement soucieux des prérogatives financières des deux assemblées dans mes nouvelles fonctions.
Cette méthode, je veux vous proposer de la construire ensemble. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai tenu à venir vous rencontrer au plus vite, pour laquelle j'ai tenu aussi à réserver à votre commission ma première prise de parole publique plutôt qu'à la presse. Je vous remercie, Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur général, d'avoir organisé cette audition dans des délais aussi brefs.
Depuis samedi, sous l'autorité du Premier ministre, je suis au travail pour être en capacité de vous présenter le Projet de loi de finances pour la semaine du 9 octobre. Qui dit nouveau Gouvernement dit nouveau texte. Aussi vous comprendrez que le contenu ne vous en sera pas ici dévoilé puisque nous sommes encore au travail, et que je concentrerai mon propos sur l'exécution de la fin d'année 2024.
Si vous me le permettez, dans le souci d'éviter les redites et de rester concis, je ne reprendrai pas le détail des chiffres dont Bruno Le Maire et Thomas Cazenave sont venus rendre compte devant votre commission le 9 septembre dernier. Je répondrai avec plaisir à vos questions à ce sujet lors de notre temps d'échange.
Je l'ai dit lors de ma prise de fonctions, la situation actuelle est la conséquence des choix forts que le pays a faits. Nous avons choisi de protéger les travailleurs face au COVID 19 avec un dispositif d'activité partielle parmi les plus généreux et les plus efficaces d'Europe. Nous avons choisi de protéger nos entreprises avec les prêts garantis par l'État, les reports et les annulations de charge, le rééchelonnement des crédits bancaires ou encore avec le fonds de solidarité. Nous avons choisi de relancer massivement l'économie avec "France Relance". Nous avons choisi d'investir massivement dans les usines, les entreprises et les technologies de demain avec France 2030. Nous avons choisi de protéger le pouvoir d'achat des Français face à l'envolée des prix de l'énergie et face à l'inflation.
Ces choix, nous les avons faits collectivement, en tant que Nation. Il se trouve qu'au moment où le déficit était au plus haut, j'étais moi-même au banc en tant que Rapporteur général du Budget. Et je me souviens très bien des amendements qui étaient parfois refusés pendant les débats. Ils avaient tous un point commun : ils proposaient tous d'aller encore plus loin. Bien sûr, nous avions des désaccords sur le fond des mesures proposées. Tout le monde s'accordait, d'une part sur l'ambition qui était de protéger nos concitoyens et notre économie, et d'autre part sur l'ampleur des moyens que nous y avons mis. Au fond, tout le monde était d'accord pour dépenser plus dans l'urgence. Et nous avons eu raison. En faisant porter l'effort sur nos finances publiques, nous avons préservé les forces de notre pays et consolidé les fondamentaux de notre économie.
C'est ce qui nous a permis de renouer très vite avec l'emploi et avec la croissance. C'est ce qui nous a permis de rester attractifs pour les entreprises étrangères, de rester compétitifs et de redevenir conquérants à l'export.
C'était à la fois nécessaire, juste et exceptionnel. Je souhaite et je vous propose que nous fassions ensemble le choix du redressement. Je vous ai exposé clairement quelle était la situation de nos finances publiques. Il nous faut maintenant nous remettre sur les rails du redressement de notre finances publiques. Notre pays a déjà démontré qu'il savait emprunter ce chemin. Avant la crise COVID, le déficit public avait été ramené sous la barre des 3 % du PIB et j'ajoute que nous étions sortis de la procédure de déficit excessif en 2018. Ce n'est pas le bilan de tel ou tel camp. C'est le fruit des efforts continus que les majorités successives ont eu le courage de faire depuis 2012 et de poursuivre à partir de 2017.
Je vous proposerai dans les prochains jours avec le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie des choix forts pour redresser nos dépenses publiques. Je sais que vous aurez également des idées et des propositions. Nous y travaillerons ensemble et, si vous le voulez bien, nous coconstruirons ensemble trouver le chemin du redressement de nos finances publiques.
Avant de vous revenir dans deux semaines vous présenter le futur projet de loi de finances, je veux aujourd'hui vous dire quelle est ma vision du chemin que nous devrons emprunter si nous voulons retrouver une trajectoire soutenable et responsable. Je veux vous dire quels seront mes engagements en tant que ministre du Budget et des Comptes publics, sous l'autorité directe du Premier ministre. Et l'ordre des leviers que je vais citer est important.
Premièrement, réduire les dépenses publiques.
Ma conviction, c'est que puisque notre situation actuelle est due à une hausse des dépenses publiques, ce sont les dépenses publiques qu'il faut baisser aujourd'hui, tout en veillant à leur efficience. D'ailleurs l'État a déjà commencé à maîtriser fortement ses dépenses. En 2023, sur le périmètre des dépenses de l'État, nous avons sous-exécuté de 7 Md€ par rapport à la loi de finances initiale.
Je veux d'ores et déjà lever tout doute sur ce point car je sais qu'il suscite beaucoup d'interrogations. Ma vision, c'est que nous ne redresserons pas nos finances publiques avec d'une part le levier fiscal et d'autre part la dépense publique. Non, nous redresserons les comptes en réduisant les dépenses. Nous sommes déjà l'un des pays d'Europe qui taxe le plus, il serait irresponsable et injuste d'en demander davantage. Mais par ailleurs, nous engagerons bien un travail sur la justice fiscale, c'est un chantier essentiel, j'y reviendrai dans un instant.
Deuxièmement, financer les priorités du Gouvernement, que le Premier ministre viendra présenter devant le Parlement le 1er octobre prochain dans le cadre de sa Déclaration de politique générale.
Troisièmement, la justice fiscale.
Sous l'autorité du Premier ministre, qui en a fait une priorité forte de son action, je m'engage à assumer et à animer un débat au Parlement sur la justice fiscale. Je crois sincèrement que notre pays a besoin de ce débat. Sans justice fiscale, il n'y a pas de consentement à l'impôt.
Des contributions ciblées devront être étudiées avec vous. Des contributions ciblées pour un effort de solidarité nationale, que ce soit pour les entreprises ou pour les particuliers. Le Gouvernement est prêt à avoir cette discussion avec les Parlementaires.
En revanche, et le Premier ministre l'a très clairement affirmé : en aucun cas nous ne taxerons davantage les gens modestes, les classes moyennes, pas plus que nous ne taxerons le travail. Pour tous ces Français, nous ne reprendrons pas d'une main le pouvoir d'achat que nous avons rendu de l'autre ces dernières années.
Et enfin, protéger ce qui fonctionne.
La politique de l'offre a démontré son efficacité. Concrètement, ce sont des usines qui rouvrent partout en France. Ce sont des entreprises en bonne santé, qui investissent dans les territoires, qui recrutent, qui exportent aux quatre coins du monde.
C'est une compétitivité retrouvée qui permet aujourd'hui à la France d'être le pays le plus attractif d'Europe depuis 5 ans. Rien qu'en 2023, les entreprises étrangères qui choisissent la France ont permis de créer ou de maintenir plus de 59 000 emplois dans nos Régions.
Il ne sera donc pas question de casser la politique de l'offre, pas plus qu'il ne sera question de transiger avec le pouvoir d'achat des Français ou avec la compétitivité des entreprises. Pour redistribuer, il faut commencer par produire des richesses. Pour redresser les finances publiques, il faut qu'il y ait de l'activité.
Nous y travaillerons avec le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, qui je le sais, partage les mêmes convictions.
Mesdames et messieurs,
Je ne serai pas plus long. Je tiens à laisser le plus de temps possible aux échanges car je crois sincèrement aux vertus du dialogue. Je vous le redis : je suis à votre disposition, ma porte vous est ouverte. Et je veux, si vous en êtes d'accord, vous proposer une véritable coconstruction sur la base du texte qui vous sera présenté la semaine du 9 octobre.
Notre pays a un problème collectif de dépense publique, et donc nous aurons une réponse collective à apporter pour réduire les dépenses. Je réunirai cette semaine l'ensemble des parties prenantes à cet effort collectif afin d'engager le dialogue : les Parlementaires bien sûr, partenaires sociaux et les élus locaux.
Vous le savez, ce Gouvernement a été nommé à un moment critique pour notre pays, avec pour mission et pour responsabilité de faire des choix courageux. Ces choix, je souhaite très sincèrement que nous les construisions et que nous les assumions ensemble.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 26 septembre 2024