Texte intégral
"Je suis très heureux d'être ici. Il y a quelques semaines, j'ai été nommé ministre de l'Intérieur en France, et je me réjouis de participer à ce premier Conseil JAI depuis les élections européennes de juin dernier.
Nous sommes dans un monde où, je crois, la convergence entre les États membres s'accentue de plus en plus, pour répondre aux souhaits de nos peuples qui veulent être protégés des chocs migratoires. C'est pourquoi je suis ici ce matin, avec cette volonté politique de coopérer au sein du cadre européen, car je pense que seul ce cadre est en mesure de nous apporter les bonnes solutions et protections, pour répondre à ces enjeux.
Je vais attacher beaucoup d'importance à la mise en œuvre la plus rapide possible, et même, si possible, anticipée, du Pacte Asile et Migration. C'est un enjeu fondamental, notamment pour les procédures de filtrage et d'examen des demandeurs d'asile. Un autre dossier très important sera la renégociation de la directive Retour. Adoptée en 2008, mais élaborée bien avant dans un contexte mondial très différent, cette directive est mal nommée, parce qu'en réalité elle empêche beaucoup de retours. Je sais qu'il y a une convergence sur ce sujet, et je vais vraiment m'engager pour que nous puissions modifier et réviser cette directive dans les mois à venir. Je pense qu'il faut des outils, et ces outils doivent être élaborés rapidement.
Un troisième dossier qui est pour moi essentiel est le Conseil de Schengen. Nous nous réunirons dans ce qui est pour moi le cercle de la gouvernance politique de Schengen. Schengen est un espace commun avec des frontières extérieures communes. Nous devons veiller à les protéger et à faire en sorte que ces frontières soient véritablement des frontières. C'est dans l'instance où je m'exprimerai dans quelques instants que cela doit être traité.
Enfin, un dernier point très important à mes yeux est l'approfondissement de nos relations avec les pays sources, d'origine et de transit. Nous disposons déjà d'outils, mais des progrès sont nécessaires pour mieux utiliser les leviers que nous avons, notamment en ce qui concerne les réadmissions. Je pense au levier des visas, à celui de l'aide au développement, et aussi au levier commercial, car le système de préférences généralisées, qui concerne les droits de douane, devra être révisé assez rapidement. Il ne faut rien exclure et utiliser ces trois leviers de manière complémentaire pour faciliter les réadmissions.
Q : Quels sont les problèmes avec les retours ?
M. Bruno Retailleau : Il y a la directive Retour. Très franchement, la directive retour, nous devons pouvoir la réviser, pour inverser la charge de la preuve et faire en sorte notamment que pour laisser les réadmissions volontaires avec les délais, qu'on puisse changer la règle. Ça c'est quelque chose d'important. Je souhaite aussi qu'on puisse repénaliser le séjour irrégulier, ça c'est très important pour que nous, dans les États, on puisse diligenter des enquêtes et avoir l'ampleur des réponses.
Q : Aujourd'hui on a eu une première discussion sur une solution innovative, notamment des centres pour retourner les migrants qui n'ont pas de droit à produire leur protection. Qu'en pensez-vous et quel pays pourrait recevoir le texte ?
M. Bruno Retailleau : Je pense qu'il faut que l'on n'écarte aucune solution à priori. Dans ces solutions, il y a différents publics. Il y a le public des demandeurs d'asile. Et nous avons, nous chez nous, un ordre constitutionnel que d'autres pays européens n'ont pas. C'est la raison pour laquelle la France n'avait pas co-signé la lettre que 15 pays ont signée il y a quelques mois. Et donc de ce point de vue-là, je dois tenir compte évidemment de cet ordre constitutionnel, notamment du préambule de la Constitution de 1946.
En revanche, pour le reste, on a déjà dans le cadre européen actuel et à droit constant, on a des outils. Je pense que toutes les solutions innovantes qui permettent de respecter ces outils, le droit international, doivent être utilisés. De ce point de vue-là, j'aurai un regard bienveillant. Et il y a des exemples qu'il faudra bien entendu évaluer mais de ce point de vue-là, la France accueillera toutes les solutions avec beaucoup d'attention.
Q : Les Pays-Bas faisant une opt-out de l'immigration, quelle est l'opinion de la France ?
M. Bruno Retailleau : Mon opinion est que la bonne solution si on veut maîtriser les flux migratoires, c'est de s'inscrire dans l'union Européenne. Je pense que l'on doit avoir un certain nombre d'outils. Ces outils pour moi sont de 3 sortes. Il y a un outil de “l'avant”. C'est la raison pour laquelle je vais accorder beaucoup d'importance à des accords bilatéraux avec des pays tiers, sûrs, des pays sources, des pays de transits. Ça, c'est pour moi la première réponse très en amont.
Ensuite il y a la réponse européenne. La France ne demande pas de opt-out. Au contraire, le nouveau pacte pour l'Asile et l'Immigration, nous l'avons beaucoup soutenu et donc voudrions même anticiper son entrée en vigueur. Voilà bien entendu, ça n'exclut pas les angles morts qu'il faut absolument refermer. J'ai à l'instant parlé de la directive retour.
Et puis enfin, il y a les solutions nationales. Il y a des solutions nationales d'ordre réglementaire, législatif. Et chaque État membre doit assumer sa responsabilité. Moi, de ce point de vue-là, j'ai une ligne directrice sur tous les dispositifs, tous les dispositifs. Je m'efforcerai que, en France, on ne soit pas meilleurs que la moyenne européenne, pour ne pas être un pays plus attractif que d'autres. Voilà c'est ce qui guide mon action, c'est ce qui guide l'action du gouvernement. Merci".
Source https://ue.delegfrance.org, le 11 octobre 2024