Interview de M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice, à BFM TV le 10 octobre 2024, sur le narcotrafic, l'excuse de minorité, la question des peines, le budget de la justice, les prisons et l'État de droit.

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Média : BFM TV

Texte intégral


APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Didier MIGAUD.

DIDIER MIGAUD
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être dans ce studio pour répondre à mes questions. Vous êtes le nouveau garde des Sceaux, ministre de la Justice. On vous a encore peu entendu depuis votre prise de fonction. Merci donc d'être venu répondre. Je voudrais qu'on parte de la situation à Marseille, pour essayer de comprendre les besoins de la justice aujourd'hui, les difficultés auxquelles elle fait face. " Marseille, une sauvagerie inédite " a dit le procureur après ce qu'il s'est passé la semaine dernière. Les jeunes, de plus en plus jeunes et de plus en plus violents… En 48 heures, il y a eu un jeune de 15 ans, petites mains du narcotrafic, qui avait été poignardé, brûlé vif, son corps abandonné dans une poubelle. Et 24 heures plus tard, un tout jeune tueur à gages, 14 ans, un ado, qui avait tué un chauffeur Uber d'une balle dans la nuque. Et l'on apprend que celui qui tire les ficelles a lui-même 23 ans. Il est déjà condamné et il passerait commande depuis un quartier d'isolement à la maison d'arrêt d'Aix-Luynes. Ça pose énormément de questions. Vous avez, d'ailleurs, demandé une inspection à l'inspection générale sur la situation de ce centre pénitentiaire. Ça pose des questions sur la Justice des mineurs. Ça pose des questions sur le narcotrafic et sur la réponse pénale que vous allez y apporter. Sur la justice des mineurs d'abord et je voudrais une question très concrète. Aujourd'hui, elle se passe en deux temps : culpabilité, sanctions. Allez-vous réunir ces deux moments ? Allez-vous reprendre la Justice des mineurs dans ce pays ?

DIDIER MIGAUD
Les faits que vous reproduisez sont atroces. Et le sujet est d'une gravité tout à fait exceptionnelle. Et c'est un phénomène qui monte en puissance. Donc, il faut que nous puissions réagir et nous donner les armes nécessaires pour affronter, effectivement, ces situations. Alors, il y a plusieurs sujets. Vous évoquez immédiatement la Justice des mineurs. La Justice des mineurs ne peut pas être la Justice des majeures. C'est un principe constitutionnel. C'est même un principe qui est reconnu dans des conventions internationales, dans des traités internationaux. Il y a une spécificité…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça, ça veut dire que vous n'allez pas supprimer l'excuse de minorité, comme on dit ?

DIDIER MIGAUD
Non. N'anticipez pas sur la réponse que je peux faire. Le Premier ministre m'a demandé de réfléchir à l'atténuation de responsabilité des mineurs dans un certain nombre de situations d'une extrême gravité, c'est-à-dire notamment pour les mineurs de 16 à 18 ans, pour des crimes. Donc des situations tout à fait exceptionnelles. Il y a déjà des dérogations, d'ailleurs, à cette excuse de minorité. Il faut voir comment nous pouvons élargir dans le respect de l'état de droit.

APOLLINE DE MALHERBE
Atténuation ? C'est le mot que vous dites.

DIDIER MIGAUD
Mais je crois que nous avons quelques marges de manoeuvre.

APOLLINE DE MALHERBE
Atténuation de l'excuse de…

DIDIER MIGAUD
Oui, c'est d'ailleurs le terme qu'a retenu le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que ça veut dire que... Là encore, prenons des exemples très concrets pour savoir ce que ça voudrait dire dans les faits. Quand vous voyez que le meurtrier présumé de la jeune Philippine, avait été condamné à 7 ans de prison pour viol, mais avait bénéficié d'une remise automatique de peine. Ce n'était pas un juge des libertés qui l'aurait remis en liberté, comme ça avait pu être dit sur le moment. Non, non. C'est une remise automatique parce qu'il n'avait que 17 ans.

DIDIER MIGAUD
Vous savez que la remise automatique…

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que lui, aujourd'hui… Cette remise automatique n'existerait plus ?

DIDIER MIGAUD
Tout cela, nous sommes en train de l'expertiser pour que nous puissions, dans le cadre du respect de l'état de droit, trouver les solutions pour faire en sorte que ce type de situation puisse être sanctionné comme il se doit.

APOLLINE DE MALHERBE
Et d'ailleurs, j'en profite pour vous poser la question. Pourquoi est-ce qu'il est toujours en Suisse, le meurtrier présumé de la jeune Philippine ?

DIDIER MIGAUD
Vous savez qu'il y a des règles. Il a été arrêté en Suisse. La demande d'extradition a été faite par la France.

APOLLINE DE MALHERBE
Elle a été faite ?

DIDIER MIGAUD
Elle a été faite par la France dans les délais. Maintenant, il faut que la procédure suive son cours.

APOLLINE DE MALHERBE
Parce que normalement, il y a 18 jours, en effet, pour faire cette demande. Elle a été faite dans les temps. Il devrait donc... Rien ne s'oppose à ce qu'il soit extradé vers la France. Ça tarde.

DIDIER MIGAUD
Oui, mais vous savez qu'il peut refuser, qu'il y a des procédures. Il est aujourd'hui détenu en Suisse. Donc, il y a une garantie au niveau de sa détention. Maintenant, je ne peux pas me substituer à la Justice suisse et au Gouvernement suisse.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous avez l'impression qu'il y a quelque chose qui bloque ou pas ?

DIDIER MIGAUD
Écoutez, nous le verrons. La demande a été formulée hier. Et la France insistera, bien évidemment, pour que cette personne soit jugée en France.

APOLLINE DE MALHERBE
Didier MIGAUD, allez-vous rétablir la double peine ? C'est aussi une des questions qui s'est posée.

DIDIER MIGAUD
Alors qu'est-ce que c'est que la double peine ? Vous parlez des peines planchées, des peines accentuées pour la récidive ?

APOLLINE DE MALHERBE
On peut parler de tout ça aussi. Mais en l'occurrence, la question de savoir si ceux qui sont arrêtés pour des crimes en France et qui n'auraient pas la nationalité française doivent être renvoyés automatiquement.

DIDIER MIGAUD
Cela dépend, une fois de plus, des situations. Vous savez, les réponses ne sont jamais aussi simples que les questions que vous exprimez. Alors ça, ça n'est pas toujours…

APOLLINE DE MALHERBE
Je suis bien consciente que votre job est plus difficile que le mien.

DIDIER MIGAUD
Ça n'est pas toujours compris par l'opinion publique, qui souhaite qu'effectivement, qu'à partir du moment où de telles atrocités sont commises, les personnes puissent être poursuivies et, bien sûr, sanctionnées. Et je suis pour une réponse pénale ferme. Et je veux rassurer l'opinion publique sur l'état d'esprit des magistrats…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais qu'est-ce qui vous retient ? Qu'est-ce qui vous retient là-dessus ?

DIDIER MIGAUD
… qui apportent des réponses fermes à l'ensemble de ces situations. D'ailleurs, quand vous constatez les décisions que peuvent prendre les cours criminels départementales, quand vous les comparez aux décisions qui sont prises par les cours d'assises, où d'un côté, vous avez, sur les cours criminels, des magistrats professionnels, de l'autre côté - au niveau des cours d'assises - à la fois des magistrats professionnels mais aussi des citoyens qui sont des jurés. Les décisions sont plus sévères au niveau des cours criminels, c'est-à-dire là où il n'y a que des magistrats professionnels. Donc voilà, je suis navré de ces attaques contre la Justice, qui remettent en cause d'ailleurs l'indépendance de la Justice.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous estimez, aujourd'hui, qu'il faut défendre l'institution ?

DIDIER MIGAUD
Mais bien évidemment. Dans une démocratie, ne pas défendre la Justice, c'est remettre en cause les fondements de la démocratie. Alors, il faut veiller au bon fonctionnement de la justice, dans le respect d'un certain nombre de droits et l'indépendance de la Justice, l'individualisation des peines. C'est quelque chose qui est essentiel dans une démocratie. Mais il faut aussi, bien sûr, que la réponse pénale soit ferme. Et les instructions que je donnerai, au niveau d'une politique pénale, seront toujours fermes.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais pas de rétablissement de la double peine ?

DIDIER MIGAUD
Mais tous ces sujets-là, nous allons essayer de les aborder. Je veux éviter…

APOLLINE DE MALHERBE
En tout cas, ce n'est pas votre souhait à ce stade ?

DIDIER MIGAUD
Je veux éviter les solutions simplistes. Il y a, parfois, un certain nombre de propositions qui sont formulées. On se fait plaisir en les formulant. Et puis, en fait, on voit que ça ne marche pas. Par exemple, les peines planchers, on ne peut pas considérer que ça a été une réussite. D'ailleurs, les peines accordées, après la suppression des peines planchers, ont été plus sévères. Donc évitons les solutions faciles. Et faisons confiance au juge. Le juge, il a connaissance d'un certain nombre de faits dans le dossier qu'obligatoirement, vous n'avez peut-être pas au niveau des médias ou que le citoyen n'a pas. Donc, il faut faire confiance à la Justice.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous voulez rétablir cette confiance ?

DIDIER MIGAUD
Je suis préoccupé par le fait que cette défiance que peuvent avoir les citoyens vis-à-vis d'ailleurs de l'ensemble des institutions…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais pas seulement les citoyens. Le ministre de l'Intérieur, lui-même, a commencé par dire quand même qu'il avait l'impression que la Justice était souvent laxiste.

DIDIER MIGAUD
Non, il a tort de le penser, s'il l'a exprimé. Rien ne sert d'attaquer les magistrats. C'est même totalement contre-performant. Je ne souhaite pas opposer la police à la Justice. Il n'y a pas, d'un côté, la police qui arrête les délinquants et puis, la Justice qui les libère de l'autre. Ça n'est pas vrai. Il y a une complémentarité. D'ailleurs, une police qui est bien connue par les citoyens, qui est la police judiciaire, elle est sous l'autorité du procureur de la République et sous le contrôle de la Chambre de l'instruction et sous la surveillance du procureur général. C'est déjà la Justice. Vous savez, la Justice…

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais vous êtes un peu un ministre…

DIDIER MIGAUD
…Ce sont des milliers de décisions qui sont prises…

APOLLINE DE MALHERBE
Je ressens un ministre un peu sur la défensive, malgré tout. C'est-à-dire que vous venez de prendre votre boulot et…

DIDIER MIGAUD
Parce que la justice est attaquée. Et que comme garde des Sceaux, je dois la défendre tout en ayant une réponse ferme sur le plan pénal, tout en étant ferme sans complaisance sur d'éventuels manquements.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce qu'elle fonctionne si bien que cela sur la question du narcotrafic ? L'une des pistes évoquées, d'ailleurs, par ce même ministre de l'Intérieur, Bruno RETAILLEAU, ce matin dans le journal Le Parisien, il dit l'avoir évoqué avec vous, un parquet national dédié au narcotrafic.

DIDIER MIGAUD
Oui. Il faut voir si c'est la meilleure solution. Et j'espère apporter une réponse très rapidement sur ce sujet.

APOLLINE DE MALHERBE
Je précise que par exemple, il y a un parquet spécialisé sur la lutte contre le terrorisme.

DIDIER MIGAUD
C'est une solution qui n'est pas partagée totalement dans le monde de la Justice. En tout cas, je souhaite que nous puissions répondre à ce sujet, qui est d'une gravité exceptionnelle dans des délais rapprochés. D'ailleurs, à Marseille, nous sommes convenus, avec le ministre de l'Intérieur, d'y aller ensemble. Ce sera symbolique.

APOLLINE DE MALHERBE
Main dans la main ?

DIDIER MIGAUD
Main dans la main, je ne sais pas. Mais nous pouvons avoir des sensibilités différentes. Le Gouvernement n'est pas monocolore. Mais nous devons être capables de travailler ensemble sur un certain nombre de sujets, trouver des compromis utiles pour répondre justement de façon efficace aux problèmes qui se posent. Et je pense que c'est tout à fait possible. Mon prédécesseur y avait travaillé. Une commission d'enquête a eu lieu d'ailleurs au niveau du Sénat avec des propositions conjointes. C'étaient des propositions consensuelles. Vous aviez une double autorité au niveau…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous pouvez travailler ensemble ?

DIDIER MIGAUD
Bien évidemment. Il le faut, il le faut. En plus, nous sommes dans une situation dans notre pays où il n'y a pas de majorité absolue. Bon, et avec une dissolution qui n'est plus possible pendant, pendant un certain temps, il faut bien travailler ensemble dans l'intérêt du pays. Il y a des attentes très fortes…

APOLLINE DE MALHERBE
Ce n'est peut-être pas par choix, mais c'est par nécessité au minimum.

DIDIER MIGAUD
L'intérêt général nous impose de le faire.

APOLLINE DE MALHERBE
Didier MIGAUD, on va revenir aussi sur ce qui s'est passé d'ailleurs avec cette prison, depuis la prison, cette commande, je le disais tout à l'heure de ces terribles jeunes à Marseille, mais justement, puisqu'on parle de Marseille, je voudrais vous poser une question sur ce qu'il s'est passé hier soir aux Baumettes. Selon les informations du service de police justice de BFMTV, un détenu en aurait égorgé un autre. Êtes-vous en mesure de nous le confirmer ce matin ?

DIDIER MIGAUD
Je confirme qu'il y a effectivement un crime a été commis. Je ne peux pas davantage commenter, mais je ne confirme que cette information.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous confirmez cette information dans le contexte que l'on connaît, le contexte aussi de surpopulation carcérale, d'extrême difficulté à permettre que les uns et les autres vivent ensemble dans les prisons, comment vous réagissez vous, ministre de la Justice ?

DIDIER MIGAUD
Il y a quelques années, les États généraux de la justice ont décrit une situation de crise au niveau de la justice, au niveau de nos prisons. Cette situation, elle a été prise en considération. Vous avez une loi de programmation qui a été votée, il faut que les engagements pris soient au maximum respectés, y compris dans un contexte de situation budgétaire dégradée. Je partage l'objectif du Premier ministre de redresser les comptes publics, c'est une nécessité et puis ce n'est pas l'ancien premier président de la Cour de la Cour des comptes qui le suis qui va…

APOLLINE DE MALHERBE
De la Cour des comptes ?

DIDIER MIGAUD
Mais je pense qu'on peut maîtriser les finances publiques tout en conservant des priorités. Vous savez, autour de nous, il y a des tas de pays qui arrivent, de maîtriser la finance et les finances publiques et dans le même temps d'avoir des priorités. Le budget de la justice, dans notre pays, c'est 2% des dépenses de l'État. Nous sommes très en deçà de ce que font d'autres pays qui nous sont comparables. Donc, on attend beaucoup de la justice, il faut pouvoir lui donner les moyens. Il y a un certain nombre d'améliorations qui peuvent être obtenues en interne.

APOLLINE DE MALHERBE
C'est à moi que vous parlez, là, ou au Premier ministre à travers mon micro ?

DIDIER MIGAUD
Je parle aux citoyens, à l'ensemble des citoyens. Le Premier ministre, je lui en ai parlé, je crois qu'il est tout à fait conscient de cette situation. Il s'est exprimé…

APOLLINE DE MALHERBE
Il vous avait dit il y a deux jours que le budget tel qu'il vous avait été présenté, pour l'instant, le budget de la justice n'était pas satisfaisant ?

DIDIER MIGAUD
Oui, je partais de la lettre Plafonds, qui a été arrêtée au mois d'août et qui n'est pas satisfaisante au regard des engagements qui ont été pris, donc, le Premier ministre, d'ailleurs, a dit qu'il souhaitait, sur un certain nombre de budgets, dont la justice, faire des ajustements donc, nous sommes, je dirais, en discussion. Dans ce moment-là…

APOLLINE DE MALHERBE
Dans ce moment-là ? Vous êtes en égaux quoi ?

DIDIER MIGAUD
Mais qui est un moment normal entre un ministre et puis le Premier ministre qui doit faire les arbitrages et a priori, je lui fais confiance.

APOLLINE DE MALHERBE
A priori ? Tout est dans le " a priori ", Didier MIGAUD ?

DIDIER MIGAUD
Non, a priori et puis j'espère a posteriori.

APOLLINE DE MALHERBE
Avez-vous eu, Didier MIGAUD, la garantie que vous aurez bien les moyens d'assurer, notamment les embauches prévues, ne serait-ce que les embauches prévues ? Même pas aller plus loin, ces 1 500 magistrats supplémentaires, 1 800 greffiers…

DIDIER MIGAUD
C'est ma priorité.

APOLLINE DE MALHERBE
1 100 contractuels, la poursuite du plan de construction, 18 000 places de prison supplémentaires ?

DIDIER MIGAUD
Sur les effectifs, c'est ma priorité. On ne peut pas attendre de la justice sans lui reconnaître les moyens nécessaires. Je vous dis, il y a peut-être des améliorations qu'il faut faire, j'ai quelques idées en tête, dans le cadre d'un dialogue avec les magistrats eux-mêmes, avec tous les acteurs de la justice, je pense qu'on peut simplifier un certain nombre de procédures. On peut, peut-être, redéfinir le rôle de chacun entre le juge pénal, le juge financier, le juge administratif, il y a des choses qui peuvent être entreprises pour contribuer à l'amélioration du bon fonctionnement de la justice. Tout n'est pas qu'une question de moyens, mais c'est aussi une question de moyens.

APOLLINE DE MALHERBE
Qu'est-ce que vous dites à Nicolas JAUNIAUX, qui a été l'ancien directeur de la prison de Mayotte, qui a annoncé lundi sa démission pour dénoncer, je cite : " Des conditions de travail dégradées au sein de son établissement pénitentiaire surpeuplé " ? C'est rarissime une démission comme celle-là ?

DIDIER MIGAUD
Oui, et ça traduit une situation effectivement qui était extrêmement difficile. Il y a, il y a eu des mouvements…

APOLLINE DE MALHERBE
Une mutinerie, une prise d'otages qui s'est déroulée le 28 septembre ?

DIDIER MIGAUD
Oui, des événements que j'ai eu l'occasion de condamner, nous avons envoyé d'ailleurs immédiatement des renforts pour soutenir le personnel pénitentiaire qui est sur place. Il y a d'ailleurs un projet de création d'un nouvel établissement sur Mayotte.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais justement, il le dit, ce projet est pour l'instant uniquement à l'état de plan, il n'y a pas la première pierre.

DIDIER MIGAUD
Écoutez, nous allons tout faire pour essayer d'accélérer les choses, c'est un problème que nous avons à Mayotte, c'est un problème que nous avons aussi dans d'autres départements ou territoires d'outre-mer et c'est un problème que nous avons, y compris en métropole.

APOLLINE DE MALHERBE
Je précise d'ailleurs les chiffres, dans cette prison-là, il y a 650 détenus, au moment où on se parle, pour 278 places. Je reprends ma question, Didier MIGAUD, ces deux drames à Marseille, on apprend qu'ils ont été commandités par un homme de 23 ans depuis le quartier d'isolement d'une prison. Comment c'est possible, ça ?

DIDIER MIGAUD
C'est incompréhensible, donc il faut chercher à comprendre, c'est pour ça que j'ai décidé d'une inspection. Donc j'espère en avoir les résultats très vite. Ça ne veut pas dire d'ailleurs qu'il y ait eu des manquements en tant que tels, mais il y a des dispositifs qu'il faut vraisemblablement renforcer pour justement ne plus avoir ces matériels qui normalement sont interdits et qui arrivent encore à pénétrer dans les prisons, par des drones, par des envois dans des cours qui ne sont pas suffisamment couvertes, donc, là aussi, ça nécessite des moyens.

APOLLINE DE MALHERBE
L'idée de couvrir de manière systématique les cours des prisons, c'est une des solutions ?

DIDIER MIGAUD
C'est une solution. Vous avez aussi des mécanismes anti-drone, vous avez aussi des portiques de sécurité qui peuvent mieux détecter.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y avait la fouille.

DIDIER MIGAUD
Oui, mais la fouille peut ne pas être suffisante. Vous avez…

APOLLINE DE MALHERBE
Déjà, il faudrait la rétablir, permettre de manière plus systématique.

DIDIER MIGAUD
Bien évidemment, donc, je ne peux pas davantage commenter, mais sachez que je suis tout à fait conscient de cela et de l'incompréhension que ça peut susciter, donc il faut pouvoir prendre des dispositions, ça nécessite aussi un dialogue avec l'ensemble des acteurs et croyez-moi, le personnel pénitentiaire fait un très gros travail dans des conditions extrêmement difficiles. Donc, il faut pouvoir d'ailleurs respecter l'ensemble des engagements qui ont été pris à l'endroit de ces personnels et il faut pouvoir dialoguer avec eux pour voir comment améliorer tous ces dispositifs de sécurité.

APOLLINE DE MALHERBE
On se souvient bien sûr à quel point ils avaient tous été bouleversés par l'épisode Mohamed AMRAN au péage d'Incarville, le 14 mai dernier.

DIDIER MIGAUD
Légitimement bouleversé, c'est un drame.

APOLLINE DE MALHERBE
Deux de leurs hommes avaient été tués.

DIDIER MIGAUD
Oui, et trois autres blessés.

APOLLINE DE MALHERBE
Il est toujours l'homme le plus recherché de France ?

DIDIER MIGAUD
Oui, bien sûr, c'est tout à fait légitime.

APOLLINE DE MALHERBE
On n'a pas de… Depuis le 14 mai dernier ?

DIDIER MIGAUD
Oui, oui.

APOLLINE DE MALHERBE
C'est-à-dire, vous n'étiez pas vous-même ministre, ce n'est pas… Mais vous comprenez effectivement que ça interroge ?

DIDIER MIGAUD
Bien évidemment, mais tout est employé pour faire en sorte qu'il soit retrouvé et qu'il puisse être…

APOLLINE DE MALHERBE
Les moyens sont encore aujourd'hui mis sur cette piste, sur cette recherche ?

DIDIER MIGAUD
Je le pense, je ne vais pas me substituer au ministre de l'Intérieur. Et je comprends l'émotion légitime des personnels pénitentiaires. Il y a un protocole dit " protocole d'Incarville ", qui a été adopté entre les acteurs pénitentiaires et puis le ministère. Il s'agit de respecter bien sûr tous les engagements qui ont été pris.

APOLLINE DE MALHERBE
Didier MIGAUD, l'État de droit, est-il sacré ?

DIDIER MIGAUD
L'État de droit est fondamental dans nos démocraties.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous comprenez bien sûr, et je vois votre sourire, que vous comprenez pourquoi je vous pose cette question, parce que cette phrase a été prononcée par Bruno RETAILLEAU : " L'État de droit n'est pas sacré ", dit-il.

DIDIER MIGAUD
L'État de droit, ce sont des principes qui sont considérés comme essentiels dans une démocratie. C'est quoi ? C'est l'indépendance de la justice, c'est la séparation des pouvoirs, donc, tout cela…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous en avez parlé ensemble, vous vous êtes compris là-dessus ?

DIDIER MIGAUD
Oui, bien sûr, nous en parlons, mais je crois qu'il y a eu des malentendus sur la différence qu'il faut faire entre l'État de droit et l'État du droit. L'état du droit, bien sûr, peut être adapté, modifié, et le Parlement a toute légitimité pour le faire, mais on peut le faire, on peut, je pense, répondre à tous ces sujets extrêmement difficiles en respectant l'État de droit.

APOLLINE DE MALHERBE
L'État de droit peut changer ? Est-ce qu'il peut évoluer ? Est-ce que vous estimez par exemple qu'il faut toucher…

DIDIER MIGAUD
L'était du droit peut évoluer, l'état du droit peut évoluer.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'il faut toucher à la Constitution potentiellement ?

DIDIER MIGAUD
Le pouvoir constituant a tout à fait la possibilité…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous n'auriez pas prononcé cette phrase en tout cas ?

DIDIER MIGAUD
Il y a des procédures de révision de la Constitution, mais je pense que dans le cadre de l'État de droit, nous pouvons améliorer un certain nombre de dispositifs.

APOLLINE DE MALHERBE
Dans le cadre de cet état du droit, aujourd'hui en France ?

DIDIER MIGAUD
Ah, je pense que l'état du droit peut évoluer, bien évidemment, et je pense qu'y compris avec Bruno RETAILLEAU, nous pourrons faire un certain nombre de propositions sur des préoccupations qui peuvent nous être communes. Une fois de plus, je pense qu'on peut trouver les compromis nécessaires et on peut passer les compromis sans se compromettre.

APOLLINE DE MALHERBE
C'est à la fois philosophique et politique. Merci beaucoup Didier MIGAUD.

DIDIER MIGAUD
C'est moi qui vous remercie.

APOLLINE DE MALHERBE
Ministre de la Justice, d'être venu ce matin répondre à toutes ces questions et confirmer tristement cette nouvelle. Vous le confirmez, un crime a donc été commis entre deux détenus aux Baumettes la nuit dernière. Il est 8 h 53 et vous êtes bien sur RMC - BFM TV.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 octobre 2024