Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Astrid, PANOSYAN-BOUVET, vous êtes la ministre du Travail et de l'Emploi. Merci de répondre à mes questions.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Et aussi à celles des auditeurs. Puis, il y en a un qui vous pose une question, c'est le patron du MEDEF, il estime que le budget présenté hier va détruire des centaines de milliers d'emplois, il utilise l'expression "tuer l'emploi".
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Moi, j'ai beaucoup d'estime pour Patrick MARTIN, à la fois parce que c'est le président d'une grande organisation patronale et aussi le patron d'une très belle entreprise française dont on a besoin sur nos territoires. Je pense que de laisser filer la dette, c'est bon pour personne et y compris pour les entreprises. Et quand ce qu'on rembourse en dette représente maintenant deux fois plus que le budget du ministère de l'Intérieur, presque l'équivalent de l'Éducation nationale, ce n'est pas bon, parce que ça veut dire qu'en cas de choc externe, et on a vu sur ces cinq dernières années combien le pays ne pouvait pas épargner, que ce soit sur la pandémie, que ce soit sur une guerre en Europe, en Ukraine, on serait très mal préparés, donc c'est important aujourd'hui, très important d'avoir son budget, qui à la fois, augmente de manière ciblée, exceptionnelle, temporaire, ce sera, d'ailleurs, inscrit dans la loi temporaire.
APOLLINE DE MALHERBE
Temporaire, ça, il y a quand même beaucoup de Français qui vous écoutent et se qui disent : « On nous a déjà fait le coup, on nous a déjà dits que la CSG, ce serait temporaire, on nous dit que c'était ponctuel pour les retraites »
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ce sera écrit sur l'augmentation exceptionnelle et temporaire sur les grandes entreprises bénéficiaires, ce sera dit, ce sera au plus tard jusqu'en 2026. Ça veut dire que le Gouvernement qui voudra continuer, il devra retourner devant l'Assemblée nationale.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais les aides promises aux entreprises, notamment sur les bas salaires, les baisses de charges, on en termine avec trente ans de baisses de charges sur les bas salaires, par exemple ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Non, d'abord, on n'est pas en train d'en terminer. Il faut quand même. Effectivement, il y a trente ans, on a fait le choix parce que c'était un vrai chômage de masse, de se dire qu'il faut aider au recrutement des moins qualifiés et donc, baisser les charges sur le travail peu qualifiés. Résultat, trente ans après, d'abord, c'est une politique qui est très coûteuse, on parle de 80 milliards d'euros d'aide sur les allégements généraux, ça a augmenté, donc, ça, c'est quand même un peu important.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, ça, il faut que ça cesse, d'après vous ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Non, je ne dis pas qu'il faut que ça cesse, mais il faut peut-être le reconsidérer au regard, aussi, de la situation financière. Et puis ça a commencé à créer des trappes à bas salaires, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, un patron qui veut pousser le salaire de quelqu'un parce qu'il veut le retenir, ça lui coûte cher.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, il faut desmicardiser ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
C'est exactement le sujet de la desmicaridisation que Gabriel ATTAL a voulu pousser dans le débat public et c'est une excellente chose.
APOLLINE DE MALHERBE
Sauf qu'il y a aussi le bébé qui est jeté avec l'eau du bain et en l'occurrence, ce sont les apprentis, notamment la question de l'apprentissage, la baisse des aides à l'apprentissage. Je voudrais que ce soit Amandine, directement, qui puisse vous interroger. Bonjour Amandine.
AMANDINE, CHEFFE D'ENTREPRISE DANS LA SOMME
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Amandine, vous nous avez appelées aux 32 16, ce matin. Vous êtes dans la Somme, cheffe d'entreprise, une TPE puisque c'est une auto-école. Vous vouliez recruter, je crois, en contrat de professionnalisation, la ministre vous écoute.
AMANDINE
Bonjour Madame la Ministre
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Bonjour Amandine,
AMANDINE
Bonjour, je me permets de vous appeler, en fait, j'ai effectivement le but de recruter un jeune en contrat pro sur 18 mois et, malheureusement, l'aide des six milles euros n'est plus d'actualité, et sans cette aide, je ne peux malheureusement pas financièrement recruter ce jeune qui me permettrait de remplacer mon salarié qui part à la retraite.
APOLLINE DE MALHERBE
Comment on fait Madame la Ministre ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Comment on fait ? D'abord, il faut voir quel était le niveau, on avait 6 000 euros de primes, d'aides, d'aide à l'embauche, c'est un point important. Ensuite, ça dépend de quel type de contrat d'apprentissage Amandine parle, est-ce que c'est un bac pro ? Est-ce que c'est un bac plus deux ? Est-ce que c'est une licence ? Ça dépend aussi de ce genre de sujet.
APOLLINE DE MALHERBE
Amandine, dites-nous d'ailleurs ?
AMANDINE
C'est pour un contrat, pour devenir enseignant de la conduite, en fait, un contrat de professionnalisation, le jeune n'a pas l'équivalent du bac en fait, et ça lui permettrait justement d'obtenir en plus cette équivalence.
APOLLINE DE MALHERBE
En plus, c'est de la formation, Madame la Ministre.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
C'est de la formation, et je pense que, ce qu'on est en train d'envisager, ça ne remettra pas en cause la logique de l'apprentissage. Vous savez, je pense qu'il y a quand même eu de manière générale dans notre pays, et c'est bien qu'on a ce débat aujourd'hui, tous, tous sur la question du budget. Il y a quand même un vrai sujet d'addiction générale à la dépense publique. Vous regardez l'apprentissage, lequel on a réussi une vraie révolution culturelle. On regardait les modèles suisses et allemands, aujourd'hui, on a un niveau de soutien public à l'apprentissage par apprenti qui est supérieur à l'Allemagne et équivalent à la Suisse.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça veut dire quoi ? Vous dites à Amandine en gros : « Bon, faites aussi vous l'effort, oubliez les béquilles de l'État ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Non, il n'y a pas de béquilles, ça veut dire qu'on va continuer. On va continuer à la fois à financer les aides à l'embauche. Je ne dis pas que ça va s'arrêter du jour au lendemain, au contraire, on va continuer avec un effort substance, important qui sera bien supérieur à ce qu'on a pu connaître les dernières années. et on va continuer aussi le financement, parce qu'il y a l'aide pour Amandine, mais il y a l'aide du financement de la formation de cet apprenti.
APOLLINE DE MALHERBE
Les 6 000 euros, alors, il y avait deux aides, vous le dites, en effet, il y a l'aide à l'embauche, les 6 000 euros, ça, c'est niet.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Non, ce n'est pas 6 000 euros, ce n'est pas niet. On va voir comment moduler, ah ça, je veux tout à fait le dire et rassurer Amandine.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous entendez ça, Amandine ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Oui, je veux tout à fait rassurer Amandine, les 6 000 euros ce n'est pas niet, on va moduler, voilà. Et puis il y a le financement de la formation de votre apprenti qui va continuer.
APOLLINE DE MALHERBE
Qui va continuer à être pris en charge ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Qui va être continué à être pris en charge à hauteur des montants. Après, il y a un vrai sujet, mais qu'on ne peut pas garder sur le budget qui est aussi le pilotage de tous ces financements de la formation par plus de qualité pour bien s'assurer que les jeunes qui vont dans ces formations sont assurés d'avoir une bonne insertion professionnelle après. Mais ça, c'est un travail en deuxième temps que j'aimerais entreprendre et avec les organisations patronales, syndicales et avec les parlementaires intéressés sur ce sujet.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors que justement, les organisations syndicales, il y aura tout à l'heure la secrétaire générale de la CFDT qui sera mon invitée à 8 h 30, Marylise LEON, vous lui demandez notamment de revoir l'assurance-chômage avec des mesures qui concernent les seniors, un départ à la retraite progressive, qu'est-ce que vous leur demandez aux syndicats ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Alors, moi, j'ai envie de faire confiance, comme Michel BARNIER, le Premier ministre, au dialogue social. Et donc on a un vrai sujet aujourd'hui parce que la bataille de l'emploi, elle n'est pas terminée et certainement pas pour les seniors qui ont l'impression de se dire qu'ils n'ont plus leur place dans le monde du travail, passé cinquante ans, passé 55 ans, c'est un défi majeur et je pense qu'il faut qu'on regarde, à la fois les reconversions, les entretiens de mi-carrière pour se dire, qu'est-ce que je veux faire ? Est-ce que je peux tenir sur un métier qui est pénible ? Les discriminations, aujourd'hui, vous avez trois fois moins de chance d'être embauché, d'être convoqué, même à un entretien de recrutement, quand vous avez plus de cinquante ans. Et puis, il y a le sujet des retraites progressif, c'est-à-dire de pouvoir partir progressivement à la retraite en cumulant, en associant travail à temps partiel et retraite, c'est ce que font beaucoup de pays du Nord qui ont réussi le défi du travail des seniors. Je pense que c'est un sujet qu'il faut qu'on regarde avec les partenaires sociaux.
APOLLINE DE MALHERBE
Et vous vous engagez à reprendre la copie des syndicats ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Alors, il faut que ça reste dans l'épure de l'équilibre budgétaire, c'est ce qu'ont souhaité aussi des équilibres financiers, c'est ce que souhaitent…
APOLLINE DE MALHERBE
Vouloir donner une enveloppe dans cette enveloppe, Ils font ce qu'ils veulent ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ils font ce qu'ils veulent, ils font en tout cas. Et j'ai envie de faire confiance. Non, mais j'ai envie de faire confiance, en fait. Je pense que l'apaisement, ça a aussi une valeur et plutôt que d'être dans l'accoup et dans la verticalité, être dans l'apaisement et l'anticipation, c'est aussi quelque chose de bien.
APOLLINE DE MALHERBE
Il y a un point également qu'un certain nombre de patrons vont sans doute trouver douloureux, c'est la question de la prime sur le partage de la valeur, autrement appelée prime Macron. Si j'ai bien compris, dans le détail de ce budget, ce qui permettait aussi de booster un peu le pouvoir d'achat des salariés, ça va coûter plus cher quand ça sera versé par l'entreprise.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Alors, parce qu'effectivement, il y aura, c'était avant, exonéré d'un certain nombre de…
APOLLINE DE MALHERBE
De charges.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
De charges, et ça le sera. Mais ça permettra aussi, parce que c'était une demande, notamment des syndicats, d'être moins dans l'arbitrage entre salaires et primes. Ce que demandent aujourd'hui les salariés, c'est moins la prime que du salaire sonnant et trébuchant à la fin du mois. Et c'est aussi ce qu'il faut qu'on regarde…
APOLLINE DE MALHERBE
Je me souviens bien que les syndicats avaient dit oui, mais à chaque fois, on permet des primes et les primes ce n'est pas une augmentation de salaire. Mais est-ce qu'à l'inverse, en réduisant la possibilité de donner cette prime ou en tout cas en rendant les choses moins faciles pour l'entreprise, est-ce que vous aurez des garanties qui vont augmenter les salaires de l'autre côté ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ça, ce sont des sujets qu'il faut qu'on garde. C'est pour ça que j'ai dit que je serais la ministre des gens qui travaillent et qui cherchent du travail et des entreprises qui créent de l'emploi, parce qu'il y a un sujet effectivement de salaire. C'est le sujet de la desmicardisation, c'est le sujet du temps partiel subi, 80 % des personnes qui travaillent à temps partiel, c'est des femmes. Et c'est aussi le sujet, il faut bien savoir que sur le SMIC, un tiers des personnes qui sont au SMIC le reste des années et des années et des années, et c'est ce sujet-là qu'il faut qu'on regarde pour donner de la progression. Pourquoi la faute ?
APOLLINE DE MALHERBE
Et ça, ce n'est pas la faute du macronisme ? Je mis dis, vous, qui aviez été une des macronistes de la première heure, une des fondatrices d'En Marche, au fond, Emmanuel MACRON, c'était : « On va surtout aider les entreprises », on tourne cette page ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Non, on va d'abord aider le travail. Il y a des années, on parlait du chômage de masse qui gangrenait la société française. On a un taux de chômage qui a baissé, qui reste plus élevé que la moyenne de l'Union européenne, plus élevée sur les jeunes et les seniors, donc la bataille, elle n'est pas derrière nous, mais la bataille, c'est celle du travail pour aussi financer et les investissements d'avenir, et notre modèle de protection sociale, on le voit bien avec le débat aujourd'hui.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci, Astrid PANOSYAN-BOUVET, d'être venue répondre à mes questions, à celle d'Amandine également, que je remercie pour son témoignage, vous êtes la ministre du Travail et de l'Emploi.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 octobre 2024