Texte intégral
THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenue sur RTL, Didier MIGAUD.
DIDIER MIGAUD
Bonjour.
THOMAS SOTTO
Etes-vous… Serez-vous, Didier MIGAUD, le garde des Sceaux d'une Justice au rabais ?
DIDIER MIGAUD
Non.
THOMAS SOTTO
Vous savez pourquoi je vous pose la question ? Le budget, 500 millions de moins pour l'année prochaine.
DIDIER MIGAUD
Oui, j'en suis conscient. Et je suis mobilisé pour que des ajustements à la hausse puissent être proposés. Le Premier ministre l'a dit d'ailleurs qu'un amendement serait déposé par le Gouvernement dans le cadre de la discussion parlementaire pour rehausser un certain nombre de budgets, dont celui de la Justice.
THOMAS SOTTO
Donc, vous allez récupérer ces 500 millions ? Vous avez la garantie aujourd'hui ?
DIDIER MIGAUD
Je ne sais pas. Peut-être pas la totalité. Ce que je souhaite, c'est que les engagements qui ont été pris en termes d'effectifs vis-à-vis des magistrats, vis-à-vis des greffiers, vis-à-vis des personnels de justice, des personnels pénitentiaires, soient tenus.
THOMAS SOTTO
Ça ne va pas être facile s'il y a moins d'argent, s'il y a moins de moyens. Les syndicats disent déjà qu'il y a des embouteillages dans les tribunaux, dans les cours d'assises. On n'arrive plus à gérer les crimes. Ça va créer des délais rallongés pour rendre justice. C'est un problème quand même, non ?
DIDIER MIGAUD
Oui, les états généraux de la Justice ont fait le constat d'une Justice sinistrée.
THOMAS SOTTO
Vous le partagez, ce constat, aujourd'hui ?
DIDIER MIGAUD
Oui.
THOMAS SOTTO
La Justice est sinistrée ?
DIDIER MIGAUD
La Justice n'est pas réparée. Il y a eu un programme, des crédits supplémentaires obtenus par mon prédécesseur avec le soutien du Président de la République. Il faut poursuivre cet effort. En plus, il y a d'énormes attentes vis-à-vis de la Justice. Il faut que la justice ait les moyens justement. Et je suis préoccupé par l'engorgement. Vous avez un engorgement considérable au niveau de la police, au niveau de la Justice. Vous avez un certain nombre d'affaires criminelles qui ont des difficultés d'audiencement dans les tribunaux.
THOMAS SOTTO
Il faut récupérer combien, Didier MIGAUD ? De combien vous avez besoin, là, pour le budget, 2025 ?
DIDIER MIGAUD
Je ne veux pas vous donner un chiffre.
THOMAS SOTTO
Pourquoi ?
DIDIER MIGAUD
Ça fait l'objet des négociations que je peux avoir avec Matignon. J'ai posé, comme principe, d'obtenir les crédits nécessaires pour que les engagements soient respectés en termes, notamment d'effectifs. Ça me paraît essentiel, je vous le disais…
THOMAS SOTTO
C'est une ligne rouge, pour vous ? Est-ce que vous pourriez quitter le Gouvernement si demain, on vous disait « ce ne sera ça et pas plus » ?
DIDIER MIGAUD
Si on en reste à la lettre plafond, oui, je ne vois pas ce que je ferai encore au Gouvernement. Mais, j'ai eu des assurances du Premier ministre et je lui fais totale confiance. Il est tout à fait conscient de cette situation.
THOMAS SOTTO
Il y a toujours un décalage entre certaines déclarations politiques et la réalité, les moyens dont on dispose. Est-ce qu'on peut créer, aujourd'hui, des peines courtes, immédiatement exécutées, comme le souhaite Bruno RETAILLEAU, avec moins d'argent ? Est-ce qu'on peut obtenir plus de fermeté de la justice, comme le répète encore Bruno RETAILLEAU, en lui donnant moins de moyens ? Est-ce que là, ce n'est pas la quadrature du cercle quand même ?
DIDIER MIGAUD
Oui. C'est pour ça qu'il faut que les moyens promis à la Justice soient confortés. Donc, sur les peines courtes, le Premier ministre les a proposées. Nous sommes en train d'y travailler. Mais, effectivement, se pose la question : où on accueille ces jeunes, avec une surpopulation carcérale ? Donc, il y a un certain nombre de lieux…
THOMAS SOTTO
C'est record, 79 000…
DIDIER MIGAUD
Oui, avec un nombre record de lits par terre… matelas par terre.
THOMAS SOTTO
Plus de 3 500.
DIDIER MIGAUD
Près de 3 900, oui. Donc voilà… Il faut poursuivre, bien sûr, le programme de construction des prisons. Il faut réfléchir à des lieux d'enfermement qui soient diversifiés pour, justement, accueillir les différents publics en fonction de la peine prononcée et en fonction du profil, bien évidemment de la personne.
THOMAS SOTTO
Mais ça vous paraît réalisable pour quand, ça, les peines courtes immédiatement réalisées ? C'est quoi le calendrier compte tenu de la situation que vous décrivez ?
DIDIER MIGAUD
Nous sommes en train d'y travailler. Il faut vraisemblablement réadapter un certain nombre de lieux pour pouvoir accueillir. Il faut modifier la loi. Donc, ça demande un tout petit peu de temps.
THOMAS SOTTO
C'est quoi ? On parle de semaines, de mois, d'années ? C'est quoi ?
DIDIER MIGAUD
Ça peut être de mois…
THOMAS SOTTO
De mois…
DIDIER MIGAUD
Oui. Pas d'années, je l'espère. Mais parce qu'il peut y avoir des situations, des solutions provisoires. Mais en tout cas, ça nécessite des moyens. Donc, vous avez… Je suis aussi très mobilisée là-dessus, la criminalité organisée, c'est un sujet qui s'amplifie, qui est d'une gravité extraordinaire.
THOMAS SOTTO
La criminalité est gérée depuis les cellules de prison, de plus en plus, et que la prison est surnommée maintenant le télétravail.
DIDIER MIGAUD
Oui, c'est aussi une de mes préoccupations : faire en sorte que tous ces objets interdits en prison ne puissent pas arriver dans les prisons. Donc là aussi, c'est tout un programme de couverture des cours intérieures, de brouillage des téléphones en prison. Donc, il y a un certain nombre, bien sûr, de décisions…
THOMAS SOTTO
Là, je vous écoute et je me dis ce ne sont pas quelques centaines de millions d'euros en plus qu'il faudrait, c'est doubler le budget de la Justice, quasiment ; non, avec tout ce qu'il y a à faire ?
DIDIER MIGAUD
Non, mais il y a quand même 10 milliards.
THOMAS SOTTO
Oui, certes.
DIDIER MIGAUD
Donc vous raisonnez en termes différentiels. Mais oui, le…
THOMAS SOTTO
C'est 2% des dépenses de l'Etat.
DIDIER MIGAUD
Le budget de Justice, c'est 2% des dépenses de l'Etat. C'est un budget de l'ordre de 10 milliards ; un petit peu plus, je l'espère, par rapport à, disons, 500 milliards de dépenses de l'Etat. Quand vous regardez la place de la France et la considération de la France pour sa Justice, nous sommes très en retard par rapport à beaucoup d'autres pays qui nous sont comparables. Et je pense qu'on peut maîtriser les finances publiques. C'est l'ancien premier président de la Cour des comptes qui vous parle. On peut maîtriser les finances publiques tout en conservant un certain nombre de priorités et les économies sur le régalien ne sont pas toujours les économies les plus intelligentes et les plus pertinentes.
THOMAS SOTTO
Ce ne sont pas de bonne économie, il ne faut pas faire celles-là ? Ce n'est pas celles-là qu'il faut faire ?
DIDIER MIGAUD
En tout cas pas… Sur le budget de la justice, ça doit rester une priorité.
THOMAS SOTTO
Aujourd'hui, dans tous les collèges et tous les lycées de France, on va se souvenir de Samuel PATY et Dominique BERNARD, professeurs exécutés dans l'exercice de leurs fonctions. Aujourd'hui, à l'âge où on devrait être sagement assis en classe, certains jeunes, voire très jeunes, deviennent des criminels. On l'a vu il y a quelques jours, des meurtres qui peuvent impliquer des tueurs à gages de quatorze ans. J'ai une question très concrète : l'excuse de minorité qui fait qu'aujourd'hui un mineur n'est pas condamné comme un majeur peut-elle devenir non plus la règle, mais l'exception ? Autrement dit, aujourd'hui, quand un mineur commet un crime, l'excuse de minorité, elle est de principe la base et le juge peut décider d'y déroger. Est-ce que vous souhaitez inverser ça ?
DIDIER MIGAUD
Il y a des exceptions et d'ailleurs une Cour d'assises vient de faire, de prendre une décision en rejetant l'excuse de minorité. Je suis prêt à y travailler. Le Premier ministre a fait des propositions dans ce sens. Je pense qu'en certaines situations, notamment d'ultra violence, de crime, il faut ajuster l'excuse de minorité.
THOMAS SOTTO
Vous n'êtes pas hostile à l'inversion de la norme ? On est d'accord ?
DIDIER MIGAUD
Sans la remettre en cause.
THOMAS SOTTO
Ah, sans la remettre en cause ?
DIDIER MIGAUD
Sans la remettre en cause. A partir du moment où ce sont des principes constitutionnels, ce sont des conventions internationales qui font que la justice des mineurs ne peut pas être la justice des majeurs. Donc, il faut pouvoir travailler dans ce cadre-là. Je pense que des ajustements sont possibles tout en respectant l'État de droit et l'état des conventions internationales qui lient la France.
THOMAS SOTTO
Donc ajuster, ça veut dire quoi, pour vous, ajuster ça veut dire qu'on… ?
DIDIER MIGAUD
Il faut regarder l'excuse de minorité peut, doit pouvoir être remise en cause dans un certain nombre de situations. Je pense que nous avons quelques marges de manoeuvre par rapport à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et qu'il faut prendre en compte cette situation d'ultra violence réalisée par des mineurs.
THOMAS SOTTO
Il y a une nouvelle loi immigration, il y aura une nouvelle loi immigration en janvier, Didier MIGAUD, annonce de la porte-parole du Gouvernement, Maud BREGEON, hier et il s'agira notamment de faire passer la durée maximale de rétention administrative de 90 à 210 jours. On en a besoin de cette loi ou pas aujourd'hui ?
DIDIER MIGAUD
Écoutez, ça va dépendre beaucoup du contenu. Bon, l'immigration doit pouvoir être maîtrisée, l'immigration est utile dans nos pays, d'ailleurs, on voit bien qu'y compris les pays qui ont des Gouvernements qui s'efforcent de… Ou qui tiennent un discours de limitation très très fort de l'immigration accueillent aussi des immigrés.
THOMAS SOTTO
Mais pour vous, on en a besoin, a priori ou on fait du pied au RN ?
DIDIER MIGAUD
Je le… Il ne s'agit pas, je pense, de faire du pied au RN, Il faut, il faut voir si un Gouvernement dispose de tous les outils nécessaires pour maîtriser ce phénomène. Sur la durée de rétention administrative, c'est se rapprocher, je dirais des textes européens, bon et ce qui se fait dans d'autres matières, donc pourquoi pas, donc, moi, je ne suis pas…
THOMAS SOTTO
Vous n'êtes pas hostile par principe à une loi sur l'immigration ?
DIDIER MIGAUD
Je ne suis pas hostile par principe à une loi sur l'immigration, tout dépend du contenu.
THOMAS SOTTO
Dernière question : la politique, c'est aussi des symboles, on a beaucoup parlé d'argent. Les budgets du Parlement et de l'Élysée vont augmenter de 1,7 % et de 2,5 % respectivement l'an prochain. " Elle est où la République exemplaire ? " S'étrangle Valérie PECRESSE, qui pourtant, soutient Michel BARNIER. Est-ce qu'il faut revenir symboliquement sur ces hausses de budget-là ?
DIDIER MIGAUD
Oui, est-ce qu'on peut arrêter la démagogie ?
THOMAS SOTTO
A qui vous parlez-là ?
DIDIER MIGAUD
Sur un certain nombre de sujets à tout le monde, c'est le budget de l'Élysée, il peut être variable d'une année sur l'autre, ça dépend des déplacements du président de la République, des responsabilités qui sont peut-être les siennes. Bon, c'est à un, deux, trois millions près. Honnêtement, le budget de l'Élysée est le budget le plus contrôlé aujourd'hui. Il fait l'objet d'un contrôle chaque année par la Cour des comptes, bon, c'est une garantie, je pense, pour les citoyens.
THOMAS SOTTO
Donc, c'est un faux sujet dans le contexte. L'exemplarité doit s'appliquer à tout, c'est ce que dit votre collègue du Gouvernement, pourtant…
DIDIER MIGAUD
Mais cela doit s'appliquer à tous, mais en fonction de priorités, en fonction de besoins. Bon, donc, bien sûr et c'est à l'ancien président de l'Autorité pour la transparence de la vie publique que vous vous adressez, donc, la probité, l'exemplarité, je pense qu'effectivement ça doit être constamment une règle pour les responsables publics.
THOMAS SOTTO
Merci, Didier MIGAUD, venu avec plusieurs casquettes ce matin, merci à vous d'être venu sur RTL.
DIDIER MIGAUD
C'est vous qui me posez des questions appelant les différentes casquettes.
AMANDINE BEGOT
" La justice n'est pas réparée, il faut des moyens, si on en reste à la lettre de plafond, je ne vois pas pourquoi je resterais au Gouvernement ", Didier MIGAUD, vous restez avec nous puisque vous êtes dans l'oeil de Philippe CAVERIVIERE, dans un tout petit instant. A tout de suite.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 octobre 2024