Texte intégral
Mme la présidente
L'ordre du jour appelle, en application de l'article 48 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, un débat sur la trajectoire, les conditions de financement et la soutenabilité de la dette publique.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
Ménager dans cet hémicycle un temps de débat sur la dette est essentiel pour l'avenir de notre pays. J'ai acquis sur les bancs de cette assemblée la conviction que la dette est bien un sujet politique et pas uniquement financier. C'est avant tout un sujet qui concerne toutes les Françaises et tous les Français, et donc tout particulièrement la représentation nationale.
Pour cette raison, mon collègue Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics, et moi-même avons tenu à ce que le rapport sur la dette des administrations publiques vous soit remis, mesdames, messieurs les députés, dans les meilleurs délais. Je rappelle qu'à la demande de la présidente de l'Assemblée nationale, ce document vous a été transmis comme convenu le 11 octobre, pour que nous puissions en discuter dans les meilleures conditions possibles, compte tenu des délais extraordinaires dus à la situation politique de notre pays. Sur le fondement de ce rapport, du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, je vous propose d'évoquer successivement la trajectoire de notre dette et les conditions de son financement.
Mais un mot tout d'abord sur la situation de notre dette. Vous le savez : notre dette est colossale… Elle atteindra 113 % du produit intérieur brut à la fin de l'année 2024, soit environ 3 300 milliards d'euros.
M. Olivier Fayssat
Chapeau !
M. Antoine Armand, ministre
Cette dette est le résultat de cinquante années de déficits successifs…
M. Mickaël Bouloux
Surtout les sept dernières années !
M. Antoine Armand, ministre
…puisque, je le rappelle, pas un budget n'a été équilibré depuis l'exercice 1974. C'est plus précisément le résultat d'une dépense publique qui a augmenté quasiment chaque année, depuis plusieurs décennies, ce qui fait que la France a maintenant le taux de dépenses publiques le plus élevé de l'Union européenne. C'est aussi la résultante des crises récentes durant lesquelles nous avons, je crois de manière transpartisane, fait le choix de protéger les ménages et les entreprises, à la fois bien sûr pendant la crise sanitaire que nous avons traversée ensemble mais aussi lors de la récente crise énergétique et de la crise inflationniste qui s'en est suivie, avec des taux d'inflation qui ont dépassé les 4%. Toutefois, l'inflation se réduit mois après mois puisqu'elle est passée sous les 2 % ans au mois d'août de cette année et qu'elle devrait être de moins de 2% pour l'année 2025. Mais je vous le confirme, même si je sais que vous êtes nombreux à en avoir pleinement conscience : nous allons devoir consentir collectivement un effort important et nécessaire parce que cette dette a des conséquences, et tout d'abord sur nos marges de manœuvre.
M. Sébastien Chenu
Vous parlez d'expérience !
M. Antoine Armand, ministre
À cet égard, je souligne que la charge de la dette devrait atteindre 54 milliards d'euros l'an prochain et pourrait devenir le premier budget de l'État en 2027… Elle serait alors supérieure au budget de n'importe quel autre poste de dépenses de l'État.
Un député du groupe RN
Quelle honte !
M. Antoine Armand, ministre
Pour le dire autrement, cette année, 1 euro de dépenses publiques sur 8 est utilisé pour payer les intérêts de la dette plutôt que pour financer nos services publics. Je ne crois pas que nous puissions collectivement nous y résoudre.
M. Sébastien Chenu
Vous devriez vous excuser !
M. Hadrien Clouet, rapporteur de la commission des affaires sociales
C'est votre bilan !
M. Antoine Armand, ministre
Cette situation a aussi des conséquences sur notre crédibilité et si la hausse de la charge de la dette s'explique d'abord bien sûr par l'augmentation de la dette elle-même, elle est due également, je le souligne, à l'augmentation des taux d'intérêt. Les taux des bons du Trésor à dix ans, par exemple, atteignent 3% aujourd'hui. Il est vrai que c'est aussi le résultat cohérent de la politique qui a été menée notamment par la Banque centrale européenne pour contenir l'inflation – j'ai rappelé à l'instant que celle-ci baisse et que, dès l'année prochaine, elle devrait retrouver un niveau inférieur à 2% en rythme annuel. Mais c'est aussi, reconnaissons-le, un signal que les instituts et les marchés nous envoient : notre écart de taux d'intérêt à dix ans avec l'Allemagne est passé de 0,5% à un niveau compris entre 0,7% et 0,8% au cours de l'année. C'est une tendance évidemment dangereuse puisqu'elle représente des milliards d'euros supplémentaires que nous ne pouvons pas consacrer à nos services publics, à l'investissement dans la transition écologique et numérique et, de manière générale, au renforcement de notre pays. C'est donc bien sûr une tendance que nous devons endiguer.
Face à cette situation et pour réagir comme l'a souhaité le Premier ministre, il nous faut bien sûr avoir un discours simple et clair, mais aussi humble.
M. Hadrien Clouet, rapporteur
Ah oui ! C'est très simple !
M. Emmanuel Maurel
L'humilité n'est pas votre marque de fabrique !
M. Antoine Armand, ministre
Il nous faut respecter nos engagements européens pour redonner de la capacité d'investissement à notre pays. C'est le principe de la trajectoire que nous allons vous proposer visant à rétablir les comptes publics afin de repasser sous la barre des 3% de déficit en 2029. Pourquoi un déficit de 3% au plus en 2029 ?
M. Hadrien Clouet, rapporteur
Bonne question !
M. Antoine Armand, ministre
Tout d'abord parce que, et je le redis ici, c'est le niveau de déficit qui permet de stabiliser notre dette, c'est-à-dire de faire qu'elle cesse d'augmenter. Nous retrouverons alors un horizon de désendettement pour notre pays. Ensuite, parce que c'est évidemment aussi un gage de souveraineté nationale et de crédibilité sur la scène européenne. Pour atteindre cet objectif et gagner en crédibilité à cet égard, redescendre à un déficit de 5% en 2025 est un ancrage nécessaire, mais difficile. Nous y reviendrons dans les débats du projet de loi de finances sans aucun doute mais, je le répète, un tel ancrage est nécessaire parce qu'il traduit un ajustement important entre 2024 et 2025, et qu'il nous permet d'envisager sereinement notre capacité à réduire les déficits les années suivantes et à soutenir notre croissance qui, je le souligne, reste un moteur dans l'Union européenne puisqu'elle est supérieure à la moyenne de la zone euro et que, cumulée depuis 2019, elle dépasse 3% au lieu d'à peine 0% en Allemagne.
Tenir cette trajectoire de 5% en 2025 implique de consentir un effort de 60 milliards d'euros pour l'année prochaine par rapport à la hausse prévue des dépenses publiques. C'est un effort important. Sans en faire un totem, je me dois de rappeler que c'est tout de même la condition de la crédibilité du redressement de nos finances publiques à moyen terme. Le Gouvernement a eu l'occasion d'évoquer à de multiples reprises le fait que cet effort devait essentiellement reposer sur la dépense publique et je ne doute pas que le débat parlementaire permettra d'aller plus loin dans les propositions d'économies,…
M. Antoine Léaument
On peut aussi taxer les riches !
Mme Stéphanie Rist, rapporteure de la commission des affaires sociales
Ah, ça faisait longtemps !
M. Hadrien Clouet, rapporteur
Il y a un très bon rapport sur le sujet !
M. Antoine Armand, ministre
…qu'il s'agisse des dépenses de l'État – y compris des emplois –, de la sécurité sociale ou des collectivités. Mais les mesures d'économies proposées pour 2025 ne pourront suffire ni à boucler le budget ni à présenter un effort collectif à hauteur de la contribution de l'ensemble de la nation. C'est pourquoi le Gouvernement a proposé une augmentation des recettes d'environ 20 milliards d'euros basée sur une triple critérisation : des prélèvements ciblés, temporaires et qui s'appliqueront avant tout sur celles et ceux qui peuvent contribuer. C'est nécessaire pour que la réduction de notre dette ne se fasse pas au détriment de notre économie. Après avoir rappelé le niveau de la croissance française comparée à celui de la zone euro et évoqué l'inflation, nul besoin de rappeler ici que le taux de chômage est quasiment au plus bas depuis quarante ans, ce dont je suis sûr que la représentation nationale dans son ensemble ne peut que se réjouir.
M. Hadrien Clouet, rapporteur
Nous sommes réjouis !
M. Antoine Armand, ministre
S'agissant des conditions de financement de la dette, je note que ce sujet est trop peu abordé, moins souvent que l'ampleur de celle-ci, alors que c'est pourtant un sujet central dans la situation où nous nous trouvons. Je l'ai dit : notre dette colossale, ce qui place notre pays dans une situation très préoccupante, mais sa gestion technique et financière est assurée.
M. Sébastien Chenu
Ah !
M. Antoine Armand, ministre
Le rapport qui nourrit ce débat a été établi à partir de la stricte application des principes de gestion technique et financière de notre dette. Je rappelle que l'État émet de la dette de façon régulière et stable, indépendamment de la situation et de la conjoncture économique.
En outre, je sais que la question de la diversification de nos investisseurs fait souvent débat ici. Il s'agit d'investir et de financer à moindre coût, notamment par la mise en concurrence de nos investisseurs, mais aussi d'assurer notre sécurité et notre résilience si jamais un choc économique frappait une zone géographique plutôt qu'une autre, un type d'investisseur plutôt qu'un autre.
Enfin, j'en viens au verdissement de notre dette. La France, je le rappelle, a été le premier État souverain à émettre des obligations vertes en 2017. Désormais, la plupart des pays européens font de même car c'est un élément important à la fois de souveraineté nationale, de résilience et de fléchage des investissements publics vers la transition écologique. Alors même que notre trajectoire a suscité des interrogations marquées et compréhensibles, c'est ce qui a permis que le financement technique au quotidien de notre dette se fasse sans heurts sur les marchés. Et je vous annonce en ce milieu du mois d'octobre que plus de 90 % du programme de financement a déjà été réalisé.
Un mot pour finir, à propos de la notation de la France. Vous avez vu que l'agence de notation Fitch a confirmé notre note vendredi soir, en lui adjoignant certes une perspective négative. L'agence a insisté sur le fait que notre économie est forte, vaste et diversifiée, tout en formulant aussi très clairement les doutes et les interrogations qu'elle avait sur notre capacité à tenir une trajectoire de redressement de nos comptes publics, ce qui doit nous inciter collectivement a encore plus de responsabilités au moment du débat budgétaire. Ce placement sous une perspective négative, nous l'analysons. Je n'ai pas besoin de répéter devant la représentation nationale que la politique de la France ne se fait évidemment pas par rapport aux analyses des agences de notation ni pour ces dernières. Il n'en demeure pas moins, je le dis avec une certaine solennité, que les analyses d'agences indépendantes doivent, surtout dans cette période, être considérées comme des avertissements lorsque nous arrivons à de tels niveaux, et nous conforter ainsi dans notre détermination à mener l'effort qui est le nôtre. Celui-ci doit être partagé, ce qui n'empêche pas un débat très large sur les économies à faire ni sur les mesures fiscales à prendre, pas plus que sur le type d'économies ni sur le type de fiscalité concernés, mais un débat qui doit nous placer collectivement dans une perspective de redressement de nos comptes publics. Et je sais que nous serons tous dans un esprit de responsabilité. Je me tiens maintenant à votre disposition pour répondre à vos remarques. (Mme la rapporteure de la commission des affaires sociales et M. Éric Woerth applaudissent.)
(…)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Antoine Armand, ministre
J'essaierai de répondre, sans être trop long, à chacun des orateurs, car beaucoup de choses très intéressantes ont été dites.
Monsieur le rapporteur général, j'ai apprécié à sa juste valeur le début de votre intervention, lorsque vous avez comparé la France à une entreprise. Il me semblait que vous aviez une certaine conception de notre nation et je ne suis pas sûr que j'attendais de votre part une telle comparaison. Toutefois, j'en prends bonne note.
Par ailleurs, vous avez conclu en évoquant la nécessité de réduire les déficits. Or vous aviez déclaré en 2011 – j'ai de bonnes lectures – qu'il faudrait réduire les déficits d'environ 1 point l'année suivante, avec une proportion de deux tiers pour les dépenses et d'un tiers pour les recettes. Je sais donc que je pourrai compter sur votre soutien.
Monsieur le rapporteur spécial Mauvieux, vous avez cité de nombreux chiffres qui illustrent un constat que nous partageons en tant qu'élus de la nation : la situation actuelle est préoccupante.
J'aimerais revenir sur un point que vous avez – comme d'autres – plus particulièrement relevé et à propos duquel toute la transparence doit être faite devant la représentation nationale : la question des obligations indexées sur l'inflation.
Premièrement, le souci des équipes de l'Agence France Trésor – qui accomplissent un travail exceptionnel, je tiens à le souligner ici – est de s'assurer que la demande de titres de dette soit la plus élevée et fiable possible. Or les obligations indexées à l'inflation font l'objet d'une demande spécifique. Je ne parle pas d'une demande de la part de spéculateurs car je pense plutôt, par exemple, à l'épargne réglementée. En effet, le livret A est indexé, pour moitié, sur l'inflation. Cela nous permet d'avoir une demande très importante.
Deuxièmement, comme plusieurs de vos collègues, vous avez mentionné l'enjeu financier. Or, vous en conviendrez avec moi, pour mesurer le coût occasionné, on ne peut pas raisonner à partir d'une année qui nous arrange en écartant celles qui nous dérangent,…
M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial
Ce n'est pas ce que j'ai fait !
M. Antoine Armand, ministre
…il faut prendre en compte toutes les années.
M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial
Oui !
M. Antoine Armand, ministre
C'est ainsi qu'ont procédé les équipes. Or il apparaît que, si l'on n'avait pas eu recours, depuis les années 1990, au principe de l'indexation sur l'inflation, le coût supplémentaire aurait été d'au moins 5 milliards. (M. Charles Sitzenstuhl applaudit.) D'un point de vue financier, ce choix présente donc un intérêt. Nous pouvons bien sûr en discuter.
M. Charles Sitzenstuhl
En plus, ça a été inventé par les socialistes !
M. Jean-Philippe Tanguy
La convergence des luttes !
M. Antoine Armand, ministre
J'en profite pour évoquer les comparaisons qui ont été établies par certains avec le Royaume-Uni, la Suède ou l'Allemagne. Je mettrai de côté ce dernier pays car je n'ai pas besoin de vous préciser que notre niveau d'endettement n'est pas exactement le même. En revanche, le Royaume-Uni a un taux d'endettement bien supérieur au nôtre, y compris s'agissant des obligations indexées. Certes, ce pays souhaite revenir à un niveau plus bas mais, du point de vue des proportions, sa situation n'a rien à voir avec la nôtre.
Monsieur le président de la commission des finances, vous avez d'abord évoqué le montant de la dette et la question de son financement en soulignant que cette dette était techniquement contrôlée et qu'il ne fallait pas céder à la dramatisation en la matière. Je vous rejoins sur ce point.
De même, je suis d'accord avec vous lorsque vous mentionnez la possibilité de mutualiser, au niveau européen, le financement de la transition dans différents domaines, comme cela a été proposé dans les rapports de Mario Draghi et d'Enrico Letta. Nous devons continuer, en tant qu'Européens, de défendre cette idée car la question se posera au cours des prochaines années. C'est un combat de longue haleine qu'il n'est pas totalement évident de mener – je le dis avec toute l'humilité qui convient – lorsqu'on est le troisième pays le plus endetté de la zone euro. Cependant, je le mènerai, y compris personnellement.
Vous avez également abordé, comme d'autres orateurs, la question de nos investisseurs. Oui, ils ont des profils variés. Je précise toutefois que les trois quarts d'entre eux sont Français ou issus de la zone euro, le quart restant étant composé, pour une bonne partie, de Suisses et de Britanniques.
Pour éviter toute méprise, je rappelle encore une fois ici que le fait de détenir un titre de dette publique ne donne pas pour autant un droit de regard sur la politique conduite par la nation. Le seul droit que cela confère est celui d'être remboursé – c'est d'ailleurs pour cette raison que ces titres trouvent des acheteurs. Par conséquent, le fait que le financement de la dette soit diversifié, voire en partie extra-européen, ne constitue pas une difficulté. Au contraire : c'est précisément pour cette raison que ne nous courons pas de risque lorsqu'une crise économique ou un choc géopolitique survient dans telle ou telle région du monde.
J'aimerais maintenant répondre, de façon groupée, à Mme Rist et à MM. Clouet, Neuder et Valletoux au sujet de la dette sociale, qui constitue une question en soi. Tout d'abord, si elle représente moins de 9% du PIB, c'est parce qu'elle est remboursée progressivement – sinon, 260 milliards d'euros seraient venus s'ajouter à la dette publique depuis 1996. Ensuite, comme le souligne le rapport d'information de Stéphanie Rist et Hadrien Clouet, cette dette est gérée avec efficacité et la sécurité sociale ne rencontre pas de difficulté majeure pour emprunter.
Je réponds à présent au député Woerth, lequel a souligné le paradoxe très français qui consiste à vouloir dépenser plus tout en s'endettant moins. J'en profite pour saluer son engagement car c'est grâce à lui qu'un tel débat peut avoir lieu puisque, comme il l'a rappelé, il en fut, avec Laurent Saint-Martin, un des initiateurs. Nos échanges sont peut-être un peu plus techniques que dans d'autres débats mais ils nous permettent de dire toute la vérité s'agissant de l'état de la dette et de sa gestion financière.
Je pense comme vous qu'il est nécessaire de s'engager sur le suivi de la dépense. Si nous arrivons à fournir un effort collectif pour le budget 2025, la priorité immédiate sera d'appliquer les baisses de dépenses que nous aurons proposées. Sinon, nous n'arriverons pas à faire ces économies – une situation que nous avons connue dans le passé, au cours des dernières décennies. Sur ce point, vous pourrez compter sur la vigilance du ministre chargé du budget et des comptes publics et, bien sûr, sur la mienne.
Je m'adresse maintenant à M. Pilato… que je ne vois pas.
Plusieurs députés
Il est parti !
M. Gérald Darmanin
Là où il est, il nous entend !
M. Antoine Armand, ministre
C'est dommage. Je pensais que, m'ayant harangué comme il l'a fait et s'étant dit si préoccupé de la dette publique, il serait resté pour écouter la réponse.
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
On la transmettra !
M. Gérald Darmanin
Il lira le compte rendu !
M. Arnaud Le Gall
Les réponses sont tellement prévisibles ! Il les connaissait déjà !
M. Antoine Armand, ministre
Au moment de faire part de son inquiétude concernant la dette publique, il a expliqué que les dépenses qui s'étaient accumulées avaient laminé les forces vives. Je lui pose alors la question : est-ce que ce sont les tests gratuits, pendant la crise du covid, qui lui ont posé problème ? Ou le recours au chômage partiel pour éviter le chômage de masse et l'atrophie du tissu économique ? Ou encore le Ségur des hôpitaux, qui a permis d'augmenter le salaire des soignants et d'investir dans les équipements ?
Mme Christine Arrighi
Arrêtez de vous réfugier derrière la dette covid !
M. Antoine Armand, ministre
Je l'ignore mais il saura sûrement nous répondre. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Arnaud Le Gall
Des milliards versés sans contreparties ! Le plan de relance est un échec !
Mme la présidente
Monsieur le ministre, évitons les interpellations. Le collègue en question n'est pas là, adressez-vous à l'Assemblée. Tout le monde va s'apaiser, nous arrivons à la fin du débat.
M. Antoine Armand, ministre
Madame la présidente, je ne voudrais pas qu'une réponse à un député de la nation passe pour une interpellation !
Mme la présidente
Vous savez bien qu'on ne fait pas d'interpellation personnelle. M. Pilato étant absent, je vous prie de vous adresser à l'Assemblée dans son ensemble.
M. Gérault Verny
Ce n'était pas une interpellation, c'était une réponse !
M. Rodrigo Arenas
Élevez le niveau ! Vous valez mieux que ça !
M. Antoine Armand, ministre
Je voudrais à présent répondre à M. Oberti.
Mme Christine Arrighi
Il est parti !
M. Philippe Brun
Nous le représentons !
M. Antoine Armand, ministre
Je ne m'adresserai donc pas au député Oberti.
Mme Christine Arrighi
Merci !
Mme la présidente
Parfait !
M. Rodrigo Arenas
Très bien ! Adressez-vous à l'Assemblée !
M. Antoine Armand, ministre
Il a déclaré que la politique de l'offre n'avait pas produit d'effets. J'aimerais revenir sur ce point. Lorsque je dis – et je le répète – que notre politique a eu des effets et que je suis heureux que le chômage ait baissé, je ne verse pas dans l'autosatisfaction partisane. En tant qu'élu de la nation, on a bien le droit de se réjouir que le chômage soit en baisse et que la France soit le pays le plus attractif de l'Union européenne. Je ne vois pas où est le problème. De même, ce ne serait pas un aveu de faiblesse de votre part que de reconnaître certains succès.
M. Arnaud Le Gall
Vous avez modifié les critères de définition du chômage, ce qui vous a permis de faire baisser mécaniquement le nombre de chômeurs !
M. Antoine Armand, ministre
Madame Dalloz, je partage pleinement votre inquiétude au sujet du montant de la charge de la dette. Vous avez rappelé à quel point elle pouvait obérer notre capacité à investir. De même, je partage votre souci de déterminer une trajectoire crédible d'ici 2029, en commençant par contenir le déficit en 2025 au-dessous de 5%. Le budget pour 2025 est en cours d'examen à l'Assemblée, et il sera attentivement étudié – nous rejoignons la question du suivi et de l'exécution de la dépense.
Enfin, je partage la conviction essentielle que vous avez exprimée : au-delà de la première partie du projet de loi de finances, nous devons nous donner pour ligne de conduite de mener des réformes. Nous présentons un projet de loi de finances éminemment perfectible ; la représentation nationale le perfectionnera, à n'en pas douter. Néanmoins, cela ne doit pas nous priver de réfléchir à des réformes de fond sur la productivité des services publics, les économies que nous pouvons faire, le taux d'emploi, l'attractivité du pays et les investissements industriels. En tant que ministre de l'économie, j'y serai particulièrement attentif.
Mme Christine Arrighi
Ça, c'est sûr !
M. Antoine Armand, ministre
…la représentation nationale le perfectionnera, à n'en pas douter. Néanmoins, cela ne doit pas nous priver de réfléchir à des réformes de fond sur la productivité des services publics, les économies que nous pouvons faire, le taux d'emploi, l'attractivité du pays et les investissements industriels. En tant que ministre de l'économie, j'y serai particulièrement attentif.
Madame Arrighi, je voudrais revenir sur ce que vous dites sur l'austérité.
Mme Christine Arrighi
Vous pouvez vous adresser à tout le monde !
M. Antoine Armand, ministre
Voici quelle est ma conviction en la matière. Quand la dépense globale que nous présentons dans le projet de loi de finances pour 2025 augmente de 0,4% en volume, ce n'est pas de l'austérité. Ce projet de loi de finances vise à prévenir l'austérité.
Parmi nos partenaires européens, avec lesquels je participe à de nombreuses réunions, certains ont procédé à des coupes de 25% dans les salaires des fonctionnaires, ou de 10%, voire de 20%, dans les pensions de retraite pour éviter des sanctions financières.
Mme Danielle Simonnet
Vous auriez donc pu faire pire !
M. Antoine Armand, ministre
Ce n'est pas ce que nous souhaitons pour la France. C'est pour cela que nous présentons un budget de redressement des comptes publics – et non un budget d'austérité.
C'est pour cela que nous investissons aussi dans la transition écologique,…
Mme Christine Arrighi
Il fallait s'y prendre avant !
M. Antoine Armand, ministre
…moins que nous le souhaiterions, bien sûr,…
Mme Christine Arrighi
Cela fait sept ans que vous êtes au gouvernement !
M. Antoine Armand, ministre
…mais dans l'intérêt du pays et en gardant des marges de progression.
Mme Christine Arrighi
Ne faites pas comme si vous veniez d'arriver !
M. Antoine Armand, ministre
Monsieur Mandon, vous avez également exprimé la conviction que nous devons maîtriser la dette. Vous le savez comme moi, un des principes du rapport Pébereau, que vous avez cité et auquel je tiens moi aussi, est l'examen intégral de l'efficacité des dépenses. Nous devons donc effectuer une revue intégrale des dépenses, exercice que nous engagerons de nouveau dans les prochaines semaines.
Madame Gérard, je vous rejoins : la dette met en jeu la souveraineté.
Monsieur Castellani, vous avez mentionné la fraude fiscale. Je veux redire que le Gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre celle-ci : ce qui est en jeu n'est pas seulement le pacte républicain ; c'est aussi une question financière. Le recouvrement de la fraude fiscale a été amélioré de 600 millions d'euros entre 2022 et 2023 ; nous pouvons sans doute faire beaucoup mieux. Le projet de loi de finances pour 2025 comporte des mesures en ce sens, notamment en ce qui concerne les bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE) et les investissements en cryptoactifs.
Monsieur Maurel,…
M. Emmanuel Maurel
Il est là ! Il vous écoute !
M. Antoine Armand, ministre
…je suis heureux de vous entendre vous inquiéter de la situation des finances publiques,…
Mme Danielle Simonnet
Vous êtes heureux qu'il s'inquiète !
M. Antoine Armand, ministre
…car je sais que ce débat constitue les prémices des discussions budgétaires qui nous permettront d'examiner les propositions d'économies que vous formulerez avec les membres de votre groupe.
Mme Danielle Simonnet
Supprimons le SNU !
Je le répète, avec sincérité et sans aucun second degré : il y a une forme de paradoxe dans notre pays. D'un côté, la croissance se maintient. Sans doute est-elle insuffisante – à titre personnel, j'aimerais qu'elle soit supérieure, mais peut-être votre groupe a-t-il une position différente. Il reste que la France est l'un des pays de la zone euro dont la croissance résiste ; c'est plutôt une bonne nouvelle. De nouveau, s'en réjouir ne constitue pas une prise de position partisane. De l'autre côté, la situation des finances publiques est très dégradée.
M. Arnaud Le Gall
La faute à qui ?
M. Antoine Armand, ministre
Là encore, dire la vérité n'est pas faire preuve de sectarisme, mais donner un fondement à la discussion.
Monsieur Verny, je partage la préoccupation que vous avez exprimée au sujet du coût de la dette et de notre capacité à financer les services publics, au sens strict, et les investissements pour les générations futures. Vous avez posé la question, qui doit effectivement être débattue, de la date à laquelle notre déficit reviendra sous le seuil de 3% du PIB, baisse qui nous permettra de nous désendetter. Je note que le Haut Conseil des finances publiques considère, comme le Gouvernement, que 2029 est un bon moment pour le faire. En effet, il y a un équilibre à assurer pour redresser les finances publiques sans freiner trop fortement la croissance, car une baisse de celle-ci ne nous permettrait plus de favoriser l'emploi, notamment dans le secteur industriel, et plus généralement de continuer à soutenir le pays. J'en conviens, cet équilibre est difficile à trouver, cependant nous pourrons sans doute y parvenir ensemble si davantage de mesures d'économie sont proposées dans ce budget et si nous pouvons remplacer les sommes attendues de certaines augmentations de la fiscalité par le même montant en économies de dépenses publiques. Le Gouvernement étudiera les pistes pour le faire et les retiendra à chaque fois que cela est possible.
Madame Marais-Beuil, comme tous nos concitoyens, je partage votre inquiétude au sujet de la dette. Je note néanmoins qu'à plusieurs moments de notre histoire récente, le groupe auquel vous appartenez a demandé – peut-être d'ailleurs n'était-ce pas absurde – plus de protection des Français, au moment du covid-19 et en matière de politique énergétique. Ce sont des mesures coûteuses. Je le répète à chacun d'entre vous : si, en faisant preuve de responsabilité, nous démontrons notre capacité à réduire le déficit sur plusieurs années, le Gouvernement retiendra les propositions et trouvera des chemins et des solutions concrètes pour réduire d'abord le déficit grâce à des économies dans les dépenses. Néanmoins, je terminerai en rappelant qu'il ne faut pas tuer ou freiner la croissance. Nous devons conserver cet acquis sans sectarisme et avec responsabilité.
Mme la présidente
Le débat sur la dette est clos.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 16 octobre 2024