Texte intégral
Mme la présidente
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2025 (nos 324, 468).
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
J'ai l'honneur de vous présenter le projet de loi de finances (PLF) pour l'année 2025, premier budget de cette 17e législature, qui intervient, vous le savez, dans un contexte politique exceptionnel. Je tiens, à cet égard, à remercier les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ainsi que de celui chargé du budget et des comptes publics, pour leur réactivité dans un calendrier particulièrement contraint.
Je ne reviens pas sur le contexte économique, national et international, que nous avons déjà évoqué cet après-midi, ni sur la croissance de la France, qui, en valeur relative, est supérieure à la moyenne de la zone euro, ni sur l'inflation, repassée sous la barre des 2 %, ni sur le taux de chômage qui atteint son niveau le plus bas depuis quarante ans.
M. Jean-Paul Lecoq
Tout va très bien, madame la marquise !
M. Nicolas Sansu
Les Français sont contents, alors !
M. Antoine Armand, ministre
Je ne reviens pas non plus sur les ouvertures d'usines, plus nombreuses que les fermetures, ni sur les créations d'emplois industriels partout dans le territoire, (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP), ni sur le fait que les exportations augmentent.
M. Jean-Paul Lecoq
Tout va très bien, monsieur le ministre !
M. Antoine Armand, ministre
Je le dis avec beaucoup de calme à celles et à ceux qui sont incapables de se réjouir pour le pays, de reconnaître que le taux de chômage baisse et que des emplois sont créés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Jean-Paul Lecoq
Dites-nous où !
M. Antoine Armand, ministre
Je le dis à celles et à ceux qui sont incapables de reconnaître qu'une plus grande attractivité de la France est bénéfique à tous les Français. Tant pis pour eux. Les Français, eux, s'en réjouissent et vous regardent de travers. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Cet environnement économique doit nous permettre de prendre les décisions qui s'imposent sur le plan financier. Car, oui, en la matière, notre situation est très préoccupante.
M. Jean-Paul Lecoq
À qui la faute ?
M. Antoine Armand, ministre
En 2024, la dette publique devrait s'établir à 3 300 milliards d'euros, soit plus de 113% du PIB – c'est colossal.
Mme Marie Mesmeur
La faute à personne !
M. Antoine Armand, ministre
Cette situation résulte des déficits successifs. Dois-je vous rappeler que la dernière fois que notre pays a adopté un budget à l'équilibre, c'était en 1974 ?
M. René Pilato
Vous n'étiez pas né !
M. Antoine Armand, ministre
Depuis cette date, la dette française a augmenté de près de 100 points de PIB. Entre 1991 et 1996, après la crise du système monétaire, elle a crû de 23 points de PIB. Entre 2008 et 2013, pendant la crise financière, elle a augmenté de près de 25 points. Entre 2019 et 2024, après les crises du covid et de l'énergie, elle a encore progressé de 15 points de PIB.
M. Jean-Paul Lecoq
Et depuis 2017 ?
Mme Marie Mesmeur
Qui est au Gouvernement depuis 2017 ?
M. Antoine Armand, ministre
Ce niveau de dette affecte notre souveraineté, notre crédibilité et notre capacité à aborder l'avenir. La façon dont nous avons toujours considéré la dette est presque une exception française…
M. Karl Olive
Il a raison !
M. Jean-Paul Lecoq
Il faut le dire à l'Europe si c'est une exception française !
M. Antoine Armand, ministre
…qui a un impact très concret : nous paierons plus de 50 milliards d'intérêts par an ; autrement dit, nous y consacrerons 1 euro sur 8 euros dépensés par l'État. Et ce coût augmente. Notre taux d'emprunt, qui était supérieur de 0,5% environ à celui de l'Allemagne en début d'année, a augmenté de 0,3%, ce qui représentera, à une échéance de dix ans, 10 milliards supplémentaires de charge de la dette.
M. Jean-Paul Lecoq
C'est du racket !
M. Antoine Armand, ministre
Ce sont 10 milliards que nous ne consacrerons pas aux dépenses prioritaires en faveur des services publics, des investissements dans la transition écologique ou de notre souveraineté. Le Portugal se finance désormais à un taux inférieur au nôtre. Une agence de notation, qui a récemment souligné la diversité et la force de notre économie, a cependant considéré que notre trajectoire des finances publiques devait être placée sous perspective négative. Si nous ne faisons rien, les intérêts de la dette deviendront le premier poste de dépenses de l'État.
M. Jean-Paul Lecoq
Les Français ont bien essayé de faire quelque chose, mais vous êtes encore là !
M. Antoine Armand, ministre
Si cela se produit, la couleur politique du gouvernement en place aura bien peu d'importance. Que ce soit pour maintenir le niveau de nos services publics, réindustrialiser le pays, investir dans l'éducation ou dans la lutte contre le dérèglement climatique, les pouvoirs publics auront les mains, si ce n'est liées, du moins largement entravées. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)
Ces choix récents, nous les avons faits ensemble, indépendamment de notre appartenance politique. Même ceux qui n'étaient pas aux responsabilités ont maintes fois eu l'occasion de soutenir l'augmentation des dépenses publiques, souvent à raison, parfois à tort, au cours des dernières années.
Mme Danielle Brulebois
Eh oui !
M. Antoine Armand, ministre
Jamais aucun groupe de cet hémicycle ne s'est opposé au soutien et à la protection apportés aux Français ces dernières années. Ce soutien était nécessaire et a fait l'objet d'un consensus national alors que notre pays connaissait une pandémie parmi les plus importantes de son histoire. Je me souviens de ceux qui voulaient nationaliser les autoroutes (M. Jean-Philippe Tanguy s'exclame), de ceux qui voulaient accroître, en une nuit, les 25 milliards de dépenses consacrées à la rénovation énergétique ou encore de ceux qui ont présenté un déficit aggravé de plus de 60 milliards.
Bref, je le dis sans mauvais esprit, il y a toujours de bonnes raisons d'accroître la dépense et il y en a peu de faire des économies. Pourtant, la situation à laquelle nous faisons face aujourd'hui est suffisamment grave pour nous arrêter un instant sur cette nécessité. De deux choses l'une, soit nous faisons collectivement, au-delà des étiquettes partisanes, le choix de réduire nos déficits…
Mme Marie Mesmeur
Pas avec nous !
M. Antoine Armand, ministre
…et cela prendra du temps – ce sera difficile et cela exigera des efforts structurels en matière de dépense publique, sur le train de vie de l'État et la manière dont il est géré. Soit nous repoussons de nouveau cette nécessité et décidons collectivement de la reporter à l'année prochaine, voire à plus tard,…
Mme Marie Mesmeur
C'est maintenant qu'il faut taxer les riches !
M. Antoine Armand, ministre
…considérant qu'il faut, cette année encore, compte tenu de l'urgence, faire des efforts en faveur de tel ou tel investissement,…
M. Jean-Paul Lecoq
Il faut investir pour l'avenir !
M. Antoine Armand, ministre
…et alors nous en paierons les conséquences plus vite et plus fort.
Au-delà des débats éclairants qui ont eu lieu en commission des finances et de ceux que nous aurons cette semaine dans l'hémicycle, nous pouvons et nous devons partager l'objectif de redresser les comptes et de ramener le déficit public à 5 % du PIB en 2025. Nous le devons pour notre pays, pour le financement de notre économie et vis-à-vis de nos partenaires européens, qui nous observent.
M. Jean-Paul Lecoq
Si vous écartez le coût de la bombe atomique, cela ne va pas si mal ! Mais ça, vous ne voulez pas en parler !
M. Antoine Armand, ministre
Cette trajectoire est indispensable pour repasser en 2029 sous la barre des 3%, celle qui, je le rappelle, permet d'engager un horizon de désendettement pour notre pays,…
M. Jean-Philippe Tanguy
Arrêtez avec ça !
M. Antoine Armand, ministre
…et de renforcer notre souveraineté nationale.
Pour y parvenir, conformément à la méthode que le Premier ministre Michel Barnier vous a présentée, nous continuerons de défendre un discours de vérité avec tous ceux qui le souhaitent. Nous continuerons de travailler avec l'ensemble des sensibilités représentées dans cet hémicycle et au Sénat afin de construire le budget. Nous assumons qu'il est perfectible. Nous ne prétendons pas détenir la vérité ni que nous avons tout compris avec ce budget à l'équilibre, élaboré en quelques semaines. Mais nous devons partager un objectif nécessaire :…
M. Aurélien Le Coq
Partagez les richesses !
M. Antoine Armand, ministre
…celui du redressement des comptes publics dès l'année prochaine et d'un déficit de 5 % en 2025.
Mme Émilie Bonnivard
C'est dommage que Bruno Le Maire ne soit pas là !
M. Antoine Armand, ministre
Notre dépense publique est devenue la plus importante d'Europe.
M. Jean-Paul Lecoq
Sans la bombe atomique, comment serions-nous classés ?
M. Antoine Armand, ministre
Ce budget doit donc reposer en priorité sur des baisses de dépenses, lesquelles constituent les deux tiers de l'effort – mais vous pourrez modifier cet équilibre. Nous vous proposerons également, dans les prochaines semaines – nous avons eu l'occasion de l'évoquer au cours du débat d'orientation et de programmation des finances publiques cet après-midi –, de maîtriser la dépense et l'emploi public, de simplifier le fonctionnement de l'État, de réduire son train de vie et de commencer à supprimer les doublons inutiles – même si cela prend du temps et cela constitue un travail de longue haleine.
Chacun devra prendre sa part : l'État, les collectivités et la sphère sociale, non pas parce qu'il y aurait des bons et des mauvais gestionnaires, non pas parce qu'il y aurait ceux qui ont réussi à bien dépenser et les autres, mais parce que, face à l'effort nécessaire, chacun doit s'investir.
Les baisses de dépenses que Laurent Saint-Martin vous proposera ont été ciblées dans le but d'affecter le moins possible la croissance. Oui, ce sera difficile. Dire le contraire ne serait ni honnête ni en adéquation avec notre objectif de redressement pour 2025. Mais, de grâce, dans un débat aussi important, ne sombrons pas dans la caricature !
J'ai entendu certains d'entre vous parler de budget d'austérité. (" Bah oui ! " sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Faut-il rappeler que, dans ce budget, la dépense publique augmente de 0,4% en volume ? Un budget d'austérité dans lequel la dépense augmente, ce serait extraordinairement nouveau ! Je ne doute pas que certains sur ces bancs (L'orateur désigne la gauche de l'hémicycle) soient capables d'inventer le concept d'une austérité doublée de dépenses en hausse, mais ce n'est pas possible. Ce budget n'est pas un budget d'austérité, mais un budget visant précisément à éviter l'austérité. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et HOR. – Vives exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. René Pilato
Arrêtez ! Vous n'y croyez pas vous-même !
M. Antoine Armand, ministre
Tournez-vous vers les pays qui connaissent l'austérité, ceux qui ont dû réduire de 25% les salaires des fonctionnaires et qui ont dû couper dans les pensions de retraite. Nous avons, au contraire, revalorisé de 5% l'ensemble des retraites l'année dernière. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Nous avons soutenu l'activité et l'emploi et nous continuerons de le faire.
M. René Pilato
Il y a deux millions de pauvres chez les retraités ! Sortez de l'hémicycle !
M. Antoine Armand, ministre
Nous proposons des efforts ciblés et proportionnés afin de contenir – Laurent Saint-Martin y reviendra – la croissance spontanée de nos dépenses. Ces mesures ne peuvent pas être pour solde de tout compte. Ce sont les premières d'une série de réformes de fond, de réformes structurelles, qui auront pour but de réduire durablement la dépense publique partout où nous devons le faire. Ces réformes permettront aussi de soutenir l'activité, l'emploi, l'industrie et la création de richesses partout en France, comme de nombreux groupes le souhaitent, depuis des années, dans cet hémicycle.
Par transparence et par souci d'exactitude, nous améliorerons aussi la qualité des prévisions économiques.
M. Jean-François Coulomme
Il était temps !
M. Antoine Armand, ministre
J'ai entendu les interrogations, que je partage, concernant les écarts de prévisions. Je sais que la commission des finances a prévu de se pencher sur cette question. Les ministères économiques et financiers en tirent les conséquences dès à présent, en engageant un plan d'amélioration des prévisions et de suivi des dépenses. La représentation nationale sera associée à cet effort de transparence autant qu'elle le souhaitera, parce que nous n'avons rien à cacher.
Mme Marie Mesmeur
Pourquoi n'avons-nous pas reçu les documents à temps ?
M. Antoine Armand, ministre
Nous lancerons également, avec Laurent Saint-Martin, des revues de dépenses régulières afin d'améliorer d'au moins 5 milliards, dans les prochaines années, l'efficacité de nos dépenses publiques. Toutes les administrations seront mobilisées et mises à contribution.
La baisse des dépenses de l'État constitue la condition sine qua non à l'instauration de prélèvements exceptionnels, temporaires et ciblés que nous devons proposer pour atteindre un déficit de seulement 5% en 2025, dans un pays qui est malheureusement déjà champion en matière de prélèvements obligatoires. Sans cet effort sur les dépenses publiques, il serait impensable de demander un effort à certains de nos concitoyens et aux grandes entreprises.
Ces prélèvements, vous avez eu l'occasion d'en débattre en commission des finances, ont été conçus pour ne pas affecter durablement la croissance et pour contribuer à la décarbonation de notre économie, qui a commencé depuis plusieurs années. Nous ciblons ainsi les entreprises qui ont la plus forte capacité contributive, celles dont le chiffre d'affaires dépasse 1 milliard et qui sont bénéficiaires. Ces prélèvements devraient représenter 8 milliards en 2025 et 4 milliards en 2026, et concerner plus de 400 groupes. Nous leur demandons un effort important et je salue les représentants des entreprises qui s'y disent prêts, dans un esprit de responsabilité, à condition que ces prélèvements soient temporaires et ciblés.
Nous proposons également de décaler la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), initialement prévue. Cette suppression aura bien lieu puisque nous nous sommes engagés à réduire les impôts de production qui affectent les entreprises et leurs décisions. Toutefois, force est de constater que nous ne pouvons pas nous le permettre dès l'année prochaine.
Pour appuyer la transition écologique, nous poursuivrons le soutien à la décarbonation de notre industrie en encourageant les projets industriels. Nous serons ouverts au renforcement des crédits en la matière au cours du débat parlementaire.
M. David Amiel
Excellent !
M. Antoine Armand, ministre
C'est un sujet important pour la plupart des groupes parlementaires et je partage votre préoccupation. Dans ce même objectif de verdissement, nous avons déposé un amendement qui augmente la taxe sur les billets d'avion et les jets privés. Cette augmentation, nécessaire pour renforcer la contribution collective aux investissements dans la transition écologique, sera mesurée et nous serons attentifs à son impact sur nos compatriotes ultramarins.
En revanche, je le confesse, il y a des choses que nous ne proposerons pas. Nous ne proposerons pas d'imposer toujours plus les Françaises et les Français qui travaillent ou ceux qui transmettent le fruit de leur travail à leurs enfants.
M. Nicolas Sansu
Et ceux qui ne travaillent pas ? Et les rentiers ?
M. Antoine Armand, ministre
Nous ne proposerons pas d'entraver la mobilité de nos concitoyens lorsqu'ils cèdent leur résidence principale, ni de taxer les entreprises à l'infini (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP), comme certains ici en rêvent – nous savons que derrière chaque entreprise, il y a des entrepreneurs, des salariés, des emplois, des fournisseurs, un tissu économique et social. Bref, nous ne proposerons pas d'affaiblir la France et les Français.
M. Nicolas Sansu
Vous protégerez la petite caste !
M. Antoine Armand, ministre
Nous vous présentons un budget de redressement, inscrit dans une trajectoire de rétablissement de nos comptes, qui s'appuiera essentiellement sur la baisse de la dépense. Pour cela, je le dis avec humilité, nous aurons besoin d'un esprit de responsabilité collective. Laurent Saint-Martin et moi-même ferons preuve de tout l'esprit d'ouverture qui nous incombe dans la période que nous traversons.
Nous avons pris l'engagement de soutenir toutes les propositions parlementaires qui permettront de remplacer 1 euro de fiscalité par 1 euro d'économie. Ce sera fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe HOR. – Mme Danielle Brulebois applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nous y sommes prêts parce que, oui, nous devons baisser la dépense publique plutôt qu'augmenter les impôts. Nous serons au rendez-vous de cet exercice. Les Français le demandent. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme Véronique Louwagie
C'est ça le courage !
M. Antoine Armand, ministre
Ceux que je croise dans la circonscription où j'ai l'honneur d'être élu nous demandent de réduire le train de vie de l'État, de réduire les dépenses, de faire un effort d'abord avant de leur demander un effort. C'est cet esprit de responsabilité qui doit nous guider, en respectant nos engagements, en continuant de soutenir l'activité, la croissance et l'emploi, comme nous l'avons fait ces dernières années. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) N'ayons pas peur de ce que nous avons fait et ayons le courage de faire mieux demain. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et HOR et sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics.
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Une fois n'est pas coutume, je tiens, avant la présentation du texte, à revenir sur son examen en commission.
M. Jean-Paul Lecoq
Je croyais que vous alliez vous excuser pour les documents en retard !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je tire de l'issue de vos débats un motif de préoccupation. Même si le texte a été rejeté – cela ne m'a pas échappé –, les amendements adoptés en commission représenteraient le tour de vis fiscal le plus brutal dans l'histoire de notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
M. Aurélien Le Coq
Le tour de justice fiscale !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il n'y a certes pas eu de majorité pour choisir ce chemin. D'ailleurs, le vote de rejet exprimé par la commission n'est pas neutre.
M. Nicolas Sansu
Oui, par l'extrême droite et l'extrême centre !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Croyez-moi, je regrette profondément de devoir m'en réjouir. Mais si le chemin que vous nous proposez est celui du matraquage fiscal, ne comptez pas sur le Gouvernement pour le cautionner.
M. Jean-Philippe Tanguy
Retirez votre texte !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je ne peux qu'inciter à la plus grande prudence lorsque l'on modifie le code général des impôts, surtout quand c'est pour y ajouter des pages, voire des chapitres entiers. Derrière chaque taxe supplémentaire, ce sont les Français que vous visez. C'est leur épargne, leur résidence, leur entreprise que vous voulez accabler d'impôts nouveaux.
M. Jean-Philippe Tanguy
La facture d'électricité !
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Si les amendements de la commission étaient repris dans l'hémicycle, nous n'aurions pas l'année prochaine une vingtaine de milliards d'euros de contributions supplémentaires comme le prévoit le texte du Gouvernement, mais des dizaines de milliards d'impôts – 40, 50, 60 milliards selon les chiffrages –, qui n'auraient rien de temporaire ni d'exceptionnel.
Contrairement à ceux qui voudraient s'en prendre aux économies de toute une vie en ajoutant plusieurs milliards de prélèvements supplémentaires sur les successions et sur l'épargne, le Gouvernement s'engage à protéger le pouvoir d'achat des Français. C'est la raison pour laquelle nous indexons le barème de l'impôt sur le revenu sur l'inflation…
M. Jean-René Cazeneuve
Bien !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…nous sortons du bouclier tarifaire,…
M. Nicolas Sansu
Pas sur l'électricité !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…tout en garantissant une baisse de la facture d'électricité pour les Français qui bénéficient du tarif réglementé. C'est aussi la raison pour laquelle nous refusons d'augmenter les taxes sur le gaz.
Contrairement à ce qui a été proposé en commission – des taxes supplémentaires sur les résidences principales, les résidences secondaires, la construction et même le logement social –, ce projet de loi de finances refuse de renchérir le coût du logement. Nous agissons pour aider concrètement les Français à se loger. Comme s'y est engagé le Premier ministre, je donnerai un avis favorable à l'extension du prêt à taux zéro (PTZ) défendue par le socle majoritaire.
Mme Danielle Brulebois
Très bien !
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
J'ai également relevé plusieurs initiatives intéressantes en commission de la part de députés de tous bords : par exemple sur la facilitation des dons familiaux, en particulier des dons des parents qui souhaitent aider leurs enfants à construire une résidence principale,…
M. Nicolas Sansu
C'est vrai que cela s'adresse à tout le monde !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…ou l'initiative visant à consolider le dispositif Loc'Avantages, sur lequel nous aurons l'occasion de revenir au cours de la discussion parlementaire. Voilà des mesures concrètes pour aider nos concitoyens à se loger à des prix abordables.
Contrairement à ceux qui voudraient ponctionner des dizaines de milliards d'euros sur les petites entreprises, les fournisseurs d'électricité, les fleurons nationaux et les entreprises familiales,…
M. Nicolas Sansu
Ah bon ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…ce projet de loi de finances s'engage à protéger l'activité économique et la compétitivité. Le Premier ministre mettait en garde ce week-end contre un " concours Lépine fiscal " lors de l'examen du budget : nous y sommes. Quant à nous, nous refusons un budget qui signifierait moins de pouvoir d'achat, moins de compétitivité, moins de croissance et moins d'emplois. Il n'y aurait pas de moyen plus sûr pour engager notre pays sur la voie de la récession et compromettre l'effort de redressement de nos finances publiques. Trop d'impôts tue l'impôt (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) : sans activité économique, sans création d'emploi, sans consommation, il n'y a pas de recettes fiscales.
Mme Véronique Louwagie
Tout à fait !
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Nous ne redresserons pas nos recettes et nos finances sans croissance. Les contribuables ne sont pas des porte-monnaie en libre-service. Rétablir les comptes, ce n'est pas confisquer l'argent des Français. Si nous taxons trop, nous briserons le consentement à l'impôt.
M. Aurélien Le Coq
Si vous ne taxez pas les plus riches, vous le brisez aussi !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ce n'est ni responsable, ni raisonnable, ni acceptable. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Le Gouvernement propose un budget qui est une ligne de crête entre, d'une part, la nécessité de renouer avec une trajectoire soutenable et, d'autre part, l'exigence de protéger le pouvoir d'achat des Français et de préserver ce qui marche : une croissance robuste attendue à 1,1% l'an prochain, un taux de chômage à son niveau le plus bas, qui tutoie les 7%, une inflation contenue qui a diminué plus rapidement que chez nos voisins, des usines qui rouvrent partout dans nos territoires.
M. Jean-Philippe Tanguy
C'est reparti !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Nous ne pouvons pas nous permettre de renoncer à ces résultats positifs. Nous n'en avons tout simplement pas les moyens. Certes, ce projet de loi de finances pour 2025 est perfectible, je le reconnais, tout comme l'a fait le ministre de l'économie, mais c'est un texte nécessaire dans son ambition : il prévoit un effort inédit de 60 milliards d'euros pour redresser les comptes…
M. Jean-Philippe Tanguy
C'est du pipeau !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…et vise à ramener le déficit sous la barre des 3% du PIB à l'horizon 2029. Pour y parvenir, il est impératif de le contenir à 5% dès 2025.
M. René Pilato
Qui y croit encore ? Ça fait sept ans que vous racontez ça !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
L'objectif de 5 % en 2025 n'est ni une lubie, ni un totem : c'est la condition sine qua non pour financer demain nos services publics, continuer à investir dans notre avenir et retrouver la capacité à protéger notre nation face aux crises futures.
Mme Marie Mesmeur
Taxez les riches !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ce budget est aussi nécessaire par l'équilibre qu'il propose entre économies budgétaires et contributions fiscales. Faire porter l'ensemble de l'effort de redressement de nos finances publiques sur la seule maîtrise des dépenses aurait été excessif et déraisonnable. Dans ce contexte, j'assume le recours à la fiscalité, mais à trois conditions.
Première condition : la fiscalité doit représenter une part minoritaire de l'effort de redressement de nos finances publiques.
M. Jean-Philippe Tanguy
C'est raté !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
C'est précisément pour cette raison que nous nous sommes imposés une règle pour bâtir ce budget : pour 1 euro de recette supplémentaire, 2 euros d'économies.
Deuxième condition : le recours à la fiscalité doit être ciblé, c'est-à-dire limité pour l'essentiel aux contribuables auxquels il est juste de demander un effort de solidarité.
M. Jean-Philippe Tanguy
C'est ciblé, mais sur tout le monde !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il est juste et responsable de demander d'abord aux ménages fortunés de contribuer au redressement, comme nous le proposons avec la contribution minimale sur les hauts revenus,…
M. Alexis Corbière
Ah oui, minimale !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il est juste et responsable de demander d'abord à quelques centaines de grandes entreprises de faire un effort temporaire.
Mme Marie-Christine Dalloz
Temporaire !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il est juste et responsable de taxer les entreprises qui pratiquent le rachat d'actions à la seule fin de gonfler artificiellement la rémunération de leurs actionnaires.
Une fiscalité ciblée, c'est aussi une fiscalité qui contribue à réduire notre dette écologique autant que notre dette financière.
M. Nicolas Sansu
Et la taxe sur l'électricité ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Consolider le malus écologique comme nous le proposons ne doit pas être un gros mot : c'est la contrepartie fiscale des dispositifs d'aide, que nous maintenons. Il en est de même lorsque nous proposons de faire contribuer les personnes qui se déplacent en avion, en faisant payer davantage les voyageurs en classe affaires sur les vols long-courriers…
Mme Cyrielle Chatelain
Et les jets privés ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…et les jets privés que les voyageurs en classe économique.
Mme Cyrielle Chatelain
On attend encore !
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
J'ajoute que, du côté des dépenses, il n'y a jamais eu de budget aussi vert que celui que nous proposons pour 2025 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS, dont certains députés font mine d'applaudir.) Je suppose que vous applaudissez le budget vert dont la publication est attendue demain matin ! Les dépenses favorables à l'environnement, qui figurent dans le document annexé au PLF – dont vous avez sûrement déjà pris connaissance, d'où vos applaudissements –, s'élèvent à 47 milliards (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NFP), soit près de 3 milliards de plus qu'en 2024 – ce sont les chiffres.
Avec ce budget, nous marchons sur nos deux jambes pour réduire la dette écologique : la fiscalité pour inciter, jamais pour punir ; la dépense et l'investissement pour accompagner. Je précise que les recettes de la fiscalité à visée environnementale sont nettement inférieures aux dépenses que nous consacrons à la protection de l'environnement.
Troisième condition : le recours à la fiscalité doit être…
M. Jean-René Cazeneuve
Temporaire !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…temporaire. Notre horizon doit rester celui de la prévisibilité fiscale. C'est la condition d'une politique économique efficace. Nous l'avons inscrit clairement dans le texte, qu'il s'agisse des contributions exceptionnelles sur les ménages et les entreprises ou du report de la suppression définitive de la CVAE. Dans un pays qui est déjà champion d'Europe des prélèvements obligatoires, on ne peut pas demander aux contribuables davantage qu'un effort ponctuel, limité dans son ampleur et dans sa durée.
Mme Marie-Christine Dalloz
C'est vrai !
M. Aurélien Le Coq
Sauf aux plus riches !
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
En revanche, dans un pays qui est champion d'Europe de la dépense publique, on peut et on doit agir fortement sur la dépense, qui représente près de 57% de notre PIB.
Mme Marie-Christine Dalloz
C'est ça, l'aberration !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Faire des économies après des années de hausse de la dépense, ce n'est pas un tabou. Rappelons-le, c'est en raison de la hausse de la dépense que nos finances publiques se sont dégradées. Nous avons fait ce choix collectivement – un choix nécessaire et juste –, dans cet hémicycle, pour protéger nos concitoyens et notre économie. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Face à la crise sanitaire, à l'inflation, à la hausse des prix de l'énergie, nous avons été au rendez-vous – vous avez été au rendez-vous.
M. Aurélien Le Coq
C'est la loi de programmation militaire ! C'est le renouvellement de la bombe atomique ! Pourquoi ne le dites-vous pas ? Vous avez honte !
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Notre faute n'est pas d'avoir pris les décisions que nous avons prises, ni d'avoir déployé des filets de sécurité. Nous pouvons en être fiers –– j'insiste, vous pouvez en être fiers. Mais aujourd'hui, on ne peut plus attendre. Il faut dès maintenant tout faire pour redresser la barre et renouer avec une trajectoire budgétaire soutenable. Alors oui, nous proposons un effort qui passe d'abord et prioritairement par la maîtrise des dépenses.
Cet effort est partagé entre toutes les administrations publiques. Nous proposons des économies aux administrations de sécurité sociale, dont le déficit risque de déraper plus encore. Nous proposons donc, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, en cours d'examen par la commission des affaires sociales, un coup de frein réel, mais responsable, en limitant à 2,8 % l'évolution de la dépense sociale, ce qui nous permettra de financer nos priorités et d'ouvrir de nouveaux droits.
Nous proposons aux collectivités locales de construire un effort de 5 milliards d'euros.
M. Jean-René Cazeneuve
Très bien !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Nous y travaillerons avec elles, toujours dans la concertation et le partenariat. Enfin, nous proposons que l'État et ses opérateurs prennent à leur charge la moitié des économies nécessaires, soit 21,5 milliards d'euros : 15 milliards grâce à la stabilisation en valeur des crédits par rapport au budget voté pour 2024 – c'était d'ailleurs l'objet des lettres-plafonds signées par le précédent Premier ministre Gabriel Attal ; 1,5 milliard sur les opérateurs de l'État ; enfin, 5 milliards d'économies supplémentaires sur les administrations d'État et les opérateurs de l'État par voie d'amendements du Gouvernement lors de l'examen de la seconde partie du PLF, conformément aux engagements pris.
Cela, nous le ferons tout en augmentant les budgets des armées, de l'intérieur, de la justice et de la recherche, qui font l'objet de lois de programmation.
M. Alexis Corbière
La recherche, non !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Le budget du ministère de la recherche est en hausse.
M. Alexis Corbière
Non !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
S'agissant du ministère de la justice, comme je l'ai annoncé, nous compléterons les moyens prévus dans le texte initial par voie d'amendement gouvernemental. Nous ne transigerons pas avec la sécurité des Français, qui est également une priorité de l'action du Gouvernement.
J'entends parler d'austérité. Permettez-moi de répéter ce qu'a dit mon collègue Antoine Armand : de quelle austérité parlons-nous ? (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Inaki Echaniz
De la vôtre !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Quand les dépenses de l'État restent supérieures de 91 milliards à leur niveau de 2019, même après 20 milliards d'économies, ce n'est pas de l'austérité.
M. René Pilato
Respectons la langue française !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Oui, je dis qu'il est possible et nécessaire de proposer aux Français un meilleur service public pour moins cher. Il est possible de faire mieux avec moins d'effectifs, mieux avec moins de moyens, à condition de mieux employer les effectifs et les moyens dont nous disposons. (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Paul Lecoq
Allez dire ça dans les écoles et les hôpitaux !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il s'agit tout simplement de bien gérer l'argent des contribuables, c'est-à-dire de bien gérer l'argent des Français.
Mme Véronique Louwagie
Voilà !
M. Inaki Echaniz
Tout ce que vous n'avez pas fait depuis sept ans !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Nos concitoyens ne nous demandent pas autre chose. Nous pouvons baisser les effectifs de l'éducation nationale – ce ne doit pas être un tabou – tout en améliorant le taux d'encadrement dans les classes (Exclamations continues sur les bancs des groupes LFI-NUPES, EcoS et GDR), dès lors que nous acceptons de regarder la réalité démographique en face : entre juin 2024 et septembre 2025, l'école accueillera 170 000 élèves en moins. Assumons de mettre les justes moyens en face des besoins réels du pays.
M. Alexis Corbière
Nos classes sont les plus surchargées d'Europe !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Nous pouvons revoir les politiques de soutien à l'emploi, dès lors que le chômage est au plus bas depuis quarante ans. Dès lors qu'il y a moins de chômeurs et donc de dossiers à traiter, nous pouvons diminuer les effectifs de France Travail tout en consolidant la qualité du service public d'aide à l'emploi. (Brouhaha.)
M. Jean-René Cazeneuve
Est-ce qu'on peut écouter le ministre, madame la présidente ?
M. Alexis Corbière
Ça suffit, Cazeneuve, taisez-vous ! On fait ce qu'on veut, nous sommes parlementaires !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Nous pouvons baisser les aides à l'apprentissage, dont le coût a triplé depuis 2017, sans pour autant casser la dynamique de ce dispositif qui est désormais au cœur des pratiques des entreprises.
Je pourrais multiplier les exemples qui illustrent la nécessité d'ajuster les moyens publics à la hauteur des besoins réels, surtout après avoir tant dépensé pour protéger à juste titre notre pays. Que les choses soient claires : nous n'avons pas l'intention de casser l'apprentissage, pas plus que tous les dispositifs qui fonctionnent. La réduction du montant des aides aux employeurs d'apprentis que nous proposons représente une économie de 250 millions en 2025 et de 1 milliard en 2026, sur 16 milliards de soutien public : cela n'a rien d'excessif, c'est simplement de la bonne gestion ! Nos entreprises auront toujours intérêt demain à embaucher des apprentis. J'insiste : nous protégeons ce qui marche.
Mme Danielle Brulebois
Très bien !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Nous pouvons aussi rationaliser les aides à l'achat de véhicules électriques dès lors qu'il existe non pas un, ni même deux, mais trois dispositifs de soutien de l'État visant le même objectif, sans compter les aides des collectivités. Nous pouvons réduire de 4 milliards les allègements généraux de cotisations dès lors qu'ils ont progressé de 20 milliards ces dernières années, pour un coût total d'environ 75 milliards en 2023. Nous proposons même une refonte du dispositif actuel – le rapport Bozio-Wasmer a clairement souligné ses effets pervers – pour lutter plus efficacement contre les trappes à bas salaires et la smicardisation. Nous en débattrons lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous pouvons aussi freiner un certain nombre de politiques publiques dont les budgets ont très largement augmenté depuis 2017, sans renoncer à nos ambitions.
Pouvons-nous également demander un effort aux retraités (" Non ! " sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR), dès lors qu'ils ont bénéficié en 2024 d'une revalorisation des pensions supérieure à l'inflation et aux augmentations de salaires des actifs ? C'est ma conviction.
M. Aurélien Le Coq
Deux millions de retraités pauvres !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je précise que les pensions resteront bien indexées sur l'inflation en 2025 et que ce lissage ne concernera pas les minima sociaux qui seront bien revalorisés au 1er janvier. Peut-on par ailleurs avoir un débat constructif sur la manière de protéger les petites retraites ? Bien sûr ! J'ai d'ailleurs vu plusieurs propositions en ce sens et j'y donnerai un avis favorable.
M. Jean-Paul Lecoq
C'est quoi, une petite retraite ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Avec les économies ciblées que nous proposons, nous n'avons qu'une seule ambition : faire en sorte, comme l'a dit le Premier ministre dans son discours de vérité, " que les Français en aient pour leurs impôts ". Il y va du consentement à l'impôt. C'est possible, et ça fonctionne ! Mon ministère fait partie de ceux qui ont le plus contribué à la réduction du nombre de fonctionnaires ces dernières années.
Mme Marie-Christine Dalloz
Grâce au prélèvement à la source, c'est normal !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je pense en particulier à la direction générale des finances publiques (DGFIP), qui a été particulièrement innovante et dont je veux saluer les agents. Elle a réduit ses effectifs tout en menant à bien des réformes de structure qui ont changé le quotidien des Français, comme le prélèvement à la source, mais aussi en faisant évoluer son maillage territorial. Et elle est restée l'un des services publics de proximité les plus appréciés des Français !
Nous baissons la dépense, oui, mais en veillant toujours à renforcer son efficience : j'y suis particulièrement attaché. La clé de l'efficience de la dépense publique est la poursuite des réformes structurelles. Le Gouvernement fera très prochainement des propositions concrètes en ce sens.
Enfin, le Premier ministre l'a dit, nous renforcerons la lutte contre toutes les fraudes : c'est une question de justice. Je tiens à saluer les propositions formulées par Thomas Cazenave pour renforcer nos outils de lutte contre la fraude fiscale : elles sont pertinentes et vont dans le bon sens. Dans le cadre du PLFSS, nous consoliderons aussi les efforts engagés en ce sens par les précédents gouvernements dans le champ social. Nous serons intraitables dans la lutte contre la fraude aux prestations sociales et aux cotisations sociales.
Mesdames et messieurs les députés, je souhaite que nous trouvions au Parlement un chemin pour ce budget. Refuser le débat serait une faute, morale et politique. Comme j'en ai pris l'engagement devant la commission des finances, ma méthode tient en trois mots : vérité, dialogue et respect. J'ai été parlementaire ; j'ai siégé sur ces bancs en tant que rapporteur du budget. Je tiens à ce que le débat ait lieu, à ce que chaque article du PLF soit disséqué, chaque amendement discuté, chaque mesure débattue. Je tiens à ce que le Parlement puisse présenter les modifications qui lui semblent importantes et qu'il puisse en délibérer. Je tiens à ce que vous puissiez enrichir et améliorer ce texte – j'ai déjà cité quelques-unes des propositions que je m'engage à soutenir.
M. Jean-Philippe Tanguy
C'est du macronisme !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ainsi, celle du député Nicolas Metzdorf…
M. Jean-Philippe Tanguy
Encore un macroniste !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…vise à faciliter les investissements en Nouvelle-Calédonie afin d'aider les efforts de reconstruction. Le Gouvernement sera à ses côtés.
Aujourd'hui, l'urgence, ainsi que notre responsabilité collective, est d'œuvrer au redressement des comptes publics.
Un député du groupe RN
Que vous avez saccagés !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
J'insiste sur ce point : il y va de notre responsabilité collective. Ce cap, je n'en dévierai pas.
M. Jean-Philippe Tanguy
Il faut un cap clair !
M. Aurélien Le Coq
Ce n'est pas vous qui décidez !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Nous n'avons pas d'autre choix que de ramener le déficit à 5 % du PIB, ce qui nécessite bel et bien un effort inédit et urgent de 60 milliards d'euros.
M. Jean-Philippe Tanguy
C'est faux !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Le Parlement disposera des voies et moyens, mais le cadre de notre responsabilité est intangible. Ces dernières semaines, j'ai souvent entendu parler de lignes rouges. Pour ma part, je n'en ai qu'une : c'est le redressement des comptes. Si l'équilibre que nous avons proposé – deux tiers d'économies de dépenses publiques et un tiers de hausses d'impôts – devait évoluer, je souhaite qu'il n'évolue que dans un sens, à savoir plus d'économies et moins d'impôts.
M. Jean-Philippe Tanguy
Mais c'est faux !
M. Aurélien Le Coq
Ce n'est pas vous qui décidez !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Plus d'impôts serait déraisonnable pour le contribuable, qui en paie déjà bien assez, et pour notre économie, qui ne s'en remettrait pas, nos finances publiques non plus.
M. René Pilato
Toujours la même rengaine !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je vous propose cette discipline non pour fermer le débat mais, au contraire, parce que je prends nos échanges très au sérieux. Je prends aussi très au sérieux le fait de construire avec vous un chemin de responsabilité et de redressement, afin de renouer avec une trajectoire de finances publiques soutenable. Il y va tout simplement de notre capacité à investir, à protéger nos concitoyens et nos entreprises face aux crises futures, à consolider les droits sociaux de nos concitoyens, à être aux côtés des collectivités lorsqu'elles ont besoin du soutien de l'État. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) Le Gouvernement fixe le cadre et propose un chemin : c'est un chemin difficile, mais aussi un chemin d'équilibre. Le Parlement s'en saisira en responsabilité. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
source https://www.assemblee-nationale.fr, le 23 octobre 2024