Interview de Mme Maud Bregeon, ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement, à France 2 le 23 octobre 2024, sur la discussion du projet de loi de finances 2025 à l'Assemblée nationale.

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Média : France 2

Texte intégral

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Bonjour Maud BREGEON.

MAUD BREGEON
Bonjour.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Bienvenue dans "les 4V" ce matin. C'était une nouvelle soirée de discussion budgétaire à l'Assemblée nationale, la deuxième ; et première déconvenue pour le Gouvernement puisque la surtaxe temporaire sur les très hauts revenus, qui devait donc être temporaire, a été pérennisée par un vote des députés dans la nuit contre l'avis du Gouvernement. Est-ce que c'est une défaite pour le Gouvernement, Maud BREGEON ?

MAUD BREGEON
En tout cas, ce n'est pas notre position. Ce qui fait l'équilibre et l'acceptabilité de ce budget, c'est qu'il est bien dosé entre 40 milliards d'euros de réductions de dépenses et des augmentations de taxes exceptionnelles qui doivent rester temporaires. Et nous, on estime qu'un budget qui est juste et que ce budget est juste parce que précisément, les hausses d'impôts sont temporaires, exceptionnelles et ciblées et qu'elles doivent rester temporaires, exceptionnelles et ciblées.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Ce n'est pas ce qu'on a décidé les députés de la nuit dernière. Au final, on sait que ce budget sera voté par 49.3. On y reviendra.

MAUD BREGEON
C'est vous qui le dites, ça.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Et ce sera donc au Gouvernement de choisir… Probablement ! Même le Premier ministre sous-entend que c'est une grosse probabilité. Vous n'avez pas de majorité absolue. Déjà sous Elisabeth BORNE, c'est déjà le 49.3, donc ce sera probablement comme ça qu'on va terminer, non ?

MAUD BREGEON
C'est un outil constitutionnel qu'on n'exclut pas par principe. Mais on n'exclut pas non plus par principe l'esprit de responsabilité. Il y a une volonté qui est réelle du Premier ministre – et moi, j'ai eu l'occasion régulièrement d'échanger avec lui sur ce sujet – de respecter le parlementarisme, de permettre au débat de se tenir. C'est vraiment la promesse de l'engagement que je peux prendre devant vous ce matin. On laissera les débats se tenir à l'assemblée autant que nécessaire.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Le plus longtemps possible…

MAUD BREGEON
Après, à la fin, il faudra évidemment un budget pour le pays. Et il faudra aussi, pardonnez-moi, mais protéger les Français de l'obsession fiscale du Nouveau Front populaire. Mais nous n'en sommes qu'au début et je crois qu'il est sain, encore une fois, pour le respect des parlementaires, de l'ensemble des groupes à l'Assemblée nationale et puis, plus tard au Sénat, que ces débats puissent se tenir.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Seulement 159 amendements sur les 3 500 qui ont été abordés pour le moment. On sait que si vous voulez utiliser, un jour, le 49.3, il faut d'abord que le Conseil des ministres les décidait, les discutait. Est-ce que cela va être le cas, par exemple, tout à l'heure en Conseil des ministres ?

MAUD BREGEON
Oui, on en discutera comme c'est la règle. Et c'est une possibilité constitutionnelle qui s'offre au Gouvernement, mais ce n'est pas la volonté du Premier ministre.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Le 49.3 sera sur la table du Conseil des ministres tout à l'heure ?

MAUD BREGEON
On aura la discussion tout à l'heure en conseil des ministres, et ça, je vous le confirme ce matin, mais ce n'est pas la volonté. L'utilisation du 49.3 n'est pas la volonté du Premier ministre. Et on laissera les débats se tenir autant que nécessaire en respectant le vote des parlementaires, quand bien même il ne va pas dans le sens de la volonté du Gouvernement. Mais on estime que dans un moment aussi crucial, aussi difficile sur le plan budgétaire, il est important que chacun puisse s'exprimer et que chacun soit aussi en face de ses responsabilités.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Mais Maud BREGEON, soyons très clairs pour nos téléspectateurs ; cela veut dire que tout à l'heure, le Conseil des ministres va voter, va donner la possibilité au Gouvernement d'utiliser ce 49.3 quand il le souhaitera ?

MAUD BREGEON
Je ne veux pas préempter les décisions qui seront prises en Conseil des ministres, mais ce sera effectivement sur la table du Conseil. On aura cette discussion au sein du Gouvernement. C'est normal qu'on l'ait, mais cela ne préjuge pas de la décision finale de l'utilisation ou non du 49.3. Parce que, je le redis encore une fois, on est dans un moment qui est à un moment difficile. On est à 6,1 % de déficit ; vous en parliez tout à l'heure. On a 60 milliards d'euros d'économies à trouver dans un temps record. C'est un budget d'urgence, c'est un budget qu'on sait difficile. Mais parce que c'est difficile, justement, je crois que le débat à l'Assemblée nationale et au Sénat doit plus que jamais se tenir.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
60 milliards d'économies à trouver. Mais pour l'instant, c'est 60 milliards d'impôts supplémentaires qui ont été votés par la commission des finances, majoritairement en tout cas par la gauche. Est-ce que justement, vous êtes inquiète de la tournure des débats, pour l'instant, qu'il y a eu en commission ?

MAUD BREGEON
Mais on est arrivés en commission avec un budget, avec un projet de loi de finances. On en est ressorti avec une feuille d'impôt. Je sens bien l'obsession, encore une fois fiscale, notamment du Nouveau Front populaire qui souhaite taxer matin, midi et soir. Mais enfin, taxer, ce n'est pas un projet ; taxer, c'est une impasse. Je regardais, avant de venir, les différentes taxes supplémentaires qui avaient été votées : augmentation des droits de succession, surtaxe sur l'assurance vie, surtaxation de la vente de la résidence principale. Ce n'est pas un projet pour la France, ça. Et ce n'est pas acceptable pour les Français. Ce que nous, on propose, c'est une équation qui fonctionne, qui nous semble juste, qui repose massivement sur la baisse des dépenses parce que c'est là-dessus qu'on doit concentrer nos efforts. Ce n'est pas évident à faire…

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Donc vous allez devoir trouver de nouvelles économies de dépenses dans le budget ?

MAUD BREGEON
Notre proposition, c'est d'avoir des économies qui, pour deux tiers, reposent sur une baisse des dépenses parce qu'on estime que c'est juste et qu'il est hors de question qu'on aille chercher l'argent dans la poche des Français.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Sauf que pour l'instant, certaines économies que vous souhaitiez faire sont en train d'être remises en question, d'être débattues, en tout cas au sein du Parlement. C'est le cas sur les retraites. Il y a une certitude pour l'instant. C'est en tous cas ce qu'a dit le ministre du Budget ; c'est que les petites retraites ne seront pas concernées par le gel de l'indexation qui doit avoir lieu donc au 1er janvier et non pas au 1er juillet comme… au 1er juillet, non pas au 1er janvier, comme c'était prévu. C'est quoi une petite retraite ? Quelles sont ces petites retraites qui vont être épargnées ?

MAUD BREGEON
D'abord, cette mesure sur les retraites qui est proposée initialement dans le budget, on a conscience que c'est une mesure qui est difficile. On sait que ce n'est pas facilement accepté, qu'il y a besoin d'en discuter. Moi, je peux prendre trois engagements devant vous.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Lesquels ?

MAUD BREGEON
Le premier, c'est que les petites retraites, le minimum vieillesse, sera revalorisé au 1er janvier, comme c'est prévu. Le deuxième engagement, c'est qu'on ne désindexera pas les retraites sur l'inflation. On propose un décalage de cette indexation effectivement de six mois et on est ouvert – mais comme le Premier ministre a eu déjà l'occasion de le dire – à des discussions sur la mise en place d'un seuil pour épargner les retraités les plus modestes.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Donc le seuil devrait être discuté au sein du Parlement ?

MAUD BREGEON
Notre volonté, c'est que les retraités qui, pour certains et on le sait, ont du mal à boucler les fins de mois, n'aient pas à supporter cette mesure. Et donc, il y aura des discussions avec les parlementaires. Et c'est tout le sens aussi de laisser le débat se tenir, confère le début de la discussion sur l'utilisation du 49.3.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Alors, justement, le débat sur la méthode Michel BARNIER qui n'arrête pas de parler d'écoute, de dialogue, de respect. Mais concrètement, Jean-Pierre CHEVENEMENT en 1983, disait "Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne." Pardon pour ce mot. On a l'impression que depuis, Michel BARNIER, au contraire, il laisse faire. Il ne dit rien. Il laisse les uns et les autres s'exprimer, même s'il y a des oppositions publiques au sein du Gouvernement.

MAUD BREGEON
Il faut dédramatiser tout cela. On n'est pas un Gouvernement de clones. Les Français en ont bien conscience. C'est un Gouvernement qui a été créé dans un contexte exceptionnel. Le Premier ministre a eu cette volonté, qui est très saine, je crois, de proposer aux Français un Gouvernement le plus large possible.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Donc, on assume qu'il y a des divergences au sein des ministres ?

MAUD BREGEON
On ne pense pas toujours tous pareil. Que des ministres défendent le budget de leur ministère, c'est-à-dire leurs convictions, c'est tout à fait normal. Maintenant, dans un moment difficile – et c'est aussi le message que je passe aujourd'hui – on avait tous conscience, en arrivant au Gouvernement, qu'on était dans un cadre budgétaire extrêmement contraint. Et donc, à la fin, évidemment, il y a besoin d'une unité gouvernementale.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Donc, c'est quoi la limite ?

MAUD BREGEON
Ce qui ne veut pas dire qu'il ne peut pas y avoir parfois des nuanciers sur les positions des uns et des autres. Encore une fois, chacun peut le comprendre. On a des histoires politiques différentes, on a des partis politiques différents, on a des cultures politiques différentes.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Mais la limite c'est quoi ? C'est, au final, qu'il y ait de la solidarité gouvernementale ? C'est où ?

MAUD BREGEON
La limite, c'est le cadre qui a été fixé par le Premier ministre lors du discours de politique générale ; c'est ce cadre budgétaire avec 60 milliards d'euros d'économies à trouver. On s'inscrit tous dans ce cadre. Il y a des débats au sein du Gouvernement, il y a des débats au sein du Parlement comme dans toute organisation et je pense que les gens le comprennent. Je pense que c'est, encore une fois, plutôt sain. Et à la fin, on s'en remet au cadre qui est fixé par le Premier ministre.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Merci beaucoup Maud BREGEON.

MAUD BREGEON
Merci à vous.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Porte-parole du Gouvernement, invité des "4V" ce matin. Belle journée.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 octobre 2024