Interview de M. Laurent Saint-Martin, ministre, chargé du budget et des comptes publics, à TF1 le 29 octobre 2024, sur le projet de loi de finances pour 2025.

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Média : TF1

Texte intégral

BRUCE TOUSSAINT
Bonjour Adrien GINDRE.

ADRIEN GINDRE
Bonjour Bruce.

BRUCE TOUSSAINT
Votre invitée ce matin est Laurent SAINT-MARTIN, le ministre chargé du Budget et des Comptes publics.

ADRIEN GINDRE
Bonjour Laurent SAINT-MARTIN.

LAURENT SAINT-MARTIN
Bonjour.

ADRIEN GINDRE
On va bien sûr beaucoup parler de budget, mais d'abord, cette information tombée hier soir ; Michel BARNIER a été opéré ce week-end d'une lésion cervicale, d'après un communiqué du médecin de Matignon. Tout s'est très bien passé. Vous avez eu de ses nouvelles ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Il va très bien, effectivement. Juste après cette émission, j'irai le retrouver pour une réunion. Et il a communiqué en toute transparence que je trouve très bien. Et je ne manquerai pas de lui passer vos amitiés et vos souhaits de bon rétablissement.

ADRIEN GINDRE
Bon, même si on nous dit que les résultats de l'analyse seront connus d'ici quelques semaines sans qu'on comprenne tout à fait de quelle analyse il s'agit et de quels résultats il s'agit.

LAURENT SAINT-MARTIN
Je ne suis pas médecin moi-même. Je peux vous assurer que le Premier ministre va très bien et au travail.

ADRIEN GINDRE
Alors, parlons de ce budget qui le concerne et qui vous concerne tous directement. Aujourd'hui, les députés auraient dû procéder au vote solennel sur la première partie du budget, sur les recettes. Ce sera finalement un peu plus tard, puisque les discussions se poursuivront la semaine prochaine. Votre collègue, porte-parole du Gouvernement, Maud BREGEON, dit "On ne cède pas à la facilité du 49.3". Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous préférez laisser traîner les débats au Parlement ?

LAURENT SAINT-MARTIN
En fait, ce n'est pas laissé traîner le débat ; c'est juste respecter la manière dont ça doit se passer.

ADRIEN GINDRE
Quitte à ce qu'il n'y ait pas le temps de tout examiner ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Mais, écoutez, le Gouvernement propose un texte. C'est comme ça que nos institutions sont faites. Le Parlement en dispose. Il l'amende, il dépose autant d'amendements qu'il le veut. C'est un droit constitutionnel. Il y en a eu plus de 3 500 sur cette première lecture à l'Assemblée nationale. C'est le droit des députés. Effectivement, il y a dans la Constitution un délai qui est au total de 70 jours, dont 40 pour la première lecture avant que le texte passe au Sénat. C'est donc à la disposition des députés de pouvoir en débattre dans ce délai-là. Moi, je suis ministre du Budget, je n'ai aucune légitimité ni aucune façon de faire qui permettrait de couper les débats. Pourquoi le faire ?

ADRIEN GINDRE
Il y a un an, la première ministre Elisabeth BORNE a utilisé dix fois le 49.3 pour hâter les débats. Mais on peut comprendre que c'est exclu comme scénario.

LAURENT SAINT-MARTIN
Il y a eu des élections en juillet, Il y a eu différentes forces politiques ; trois blocs que vous connaissez très bien : le Nouveau Front populaire, bloc central…

ADRIEN GINDRE
Donc, il n'y aura pas dix 49.3 cette année ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Mais écoutez… En tout cas, moi, je ne le souhaite pas. Je souhaite que les débats aient lieu. C'est la représentation nationale. On a besoin d'avoir des confrontations d'idées. Et d'ailleurs, ça permet de démontrer ce que propose chaque groupe politique. On a vu quand même une grande foire à la fiscalité apparaître dans cette première lecture du côté du Nouveau Front populaire.

ADRIEN GINDRE
Vous-même, vous proposez des milliards d'impôts en plus.

LAURENT SAINT-MARTIN
Oui, enfin, pardon, on en a vu 60 de plus côté NFP, souvent d'ailleurs avec la complicité du Rassemblement national.

ADRIEN GINDRE
Prenons un exemple concret… Il y a eu des impôts qui ont été supprimés dans la discussion. Est-ce que vous, vous allez remettre la hausse de la taxe sur l'électricité qui a été supprimée ou l'alourdissement prévu du malus pour les voitures essence et diesel qui a été supprimé ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Attention ! De quoi parle-t-on ? Il y aura bien une baisse de la facture d'électricité.

ADRIEN GINDRE
Je pense que vous allez remettre la hausse sur la taxe d'électricité qui a été supprimée.

LAURENT SAINT-MARTIN
Mais il y a eu 50 milliards d'euros de bouclier tarifaire qui a été mis pour protéger les Français face à la hausse de l'électricité pendant le pic de l'inflation. On l'a fait, il fallait le faire. Ça a coûté 50 milliards d'euros.

ADRIEN GINDRE
Donc vous remettrez cette hausse de taxe sur l'électricité ?

LAURENT SAINT-MARTIN
En fait, c'est juste enlever un bouclier quand il n'y a plus d'inflation. Je crois que les Françaises qui nous disent surtout…

ADRIEN GINDRE
Non mais vous disiez, il y a un instant, que vous respectez les parlementaires. Ils ont supprimé la hausse de la taxe. Vous expliquez qu'on va remettre la hausse de la taxe.

LAURENT SAINT-MARTIN
Vous explique pourquoi le Gouvernement fait cette proposition d'abord. Les Français nous demandent de bien gérer leur argent. D'accord ? Donc quand on met des mécanismes de protection baissant les taxes quand l'inflation est haute, ils nous demandent aussi de faire attention à l'argent du contribuable, c'est-à-dire…

ADRIEN GINDRE
Mêmes choses sur le malus automobile. Ça reviendra ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Le malus automobile, qu'est-ce que c'est ? C'est d'abord s'assurer que, alors que des voitures sont de plus en plus propres en sortie d'usine, eh bien il y ait un mécanisme qui suit cette tendance-là. Mais attendez, juste sur le respect du parlement…

ADRIEN GINDRE
Mais il y a beaucoup de sujets.

LAURENT SAINT-MARTIN
Bien sûr qu'on peut prendre des propositions qui sont issues de l'Assemblée nationale, mais aussi au Sénat.

ADRIEN GINDRE
Et vous remettrez vos taxes.

LAURENT SAINT-MARTIN
La seule règle, c'est quoi ? C'est que s'il y a moins de prélèvements obligatoires à l'issue du débat de l'Assemblée nationale, il faut qu'il y ait des économies en face. La règle, c'est que l'équilibre soit tenu parce que la responsabilité du collectif, c'est ça.

ADRIEN GINDRE
Alors, parlons économie. Vous avez annoncé avec votre collègue, Guillaume KASBARIAN, la volonté de durcir les règles en matière d'arrêt maladie pour les fonctionnaires. Réaction de la CFDT, Fonction publique notamment : ce sont des vieilles lunes. Tous les gouvernements ont fini par renoncer de manière raisonnable, dit le syndicat. Est-ce que vous pourriez renoncer de manière raisonnable ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Je crois que c'est une mesure d'abord de bon sens, d'équité. On ne comprend plus vraiment pourquoi il y a encore des différences sur ce plan-là entre le secteur public et le secteur privé. Je crois qu'une très, très grande majorité de nos concitoyens le…

ADRIEN GINDRE
Vous persistez si…

LAURENT SAINT-MARTIN
Mais par contre, oui, il faudra aussi, dans le temps, faire en sorte que ces convergences soient les plus complètes possibles.

ADRIEN GINDRE
Dans le temps, ce sera à partir de quand cette convergence, cet alignement du public privé ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Ça, nous le nous le verrons. Moi, je veux d'abord qu'on ait le débat, si vous me le permettez, au Parlement.

ADRIEN GINDRE
Ce n'est pas forcément au 1er janvier 2025 ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Mais il faut qu'on ait le débat au Parlement comme beaucoup d'autres mesures. Encore une fois, revenons à l'essence même de nos institutions. Le Gouvernement propose et le Parlement va en débattre et va probablement le modifier.

ADRIEN GINDRE
Alors, il y a des choses quand même, Laurent SAINT-MARTIN, qui dépendent du Gouvernement. Quand vous dites par exemple également : "On va supprimer 3 200 emplois publics", c'est mille de plus que ce qui avait été annoncé. Quand vous dites également : "On va faire deux milliards et demi d'économies supplémentaires, c'est au ministère de le faire", ça, ce sont vos collègues du Gouvernement qui vont faire tout ça.

LAURENT SAINT-MARTIN
Oui, enfin, c'est aux parlementaires de le voter.

ADRIEN GINDRE
C'est au Parlement de voter et ensuite à vos collègues d'appliquer. On a bien vu déjà certains de vos collègues du Gouvernement dire : "Merci, mais pas pour moi". Si l'un de vos collègues refuse, qu'est-ce qui se passe ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Non mais tous les ministres de ce Gouvernement savent très bien, au moment où ils sont rentrés dans ce Gouvernement, qu'on était dans une situation de finances publiques complexes, un redressement nécessaire parce qu'on avait protégé le pays pendant quatre ans suite à la crise Covid, suite à la crise de l'inflation. Tout le monde est au courant qu'il faut faire cet effort de réduction de notre déficit public. On ne va pas le faire à l'aveugle, de façon totalement transversale avec chacun le même pourcentage de baisse.

ADRIEN GINDRE
Par exemple, l'éducation, la santé seront concernées ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Mais on a déjà dit qu'il y aura effectivement des baisses de recrutements dans l'Éducation nationale parce qu'il y a moins d'élèves à la rentrée.

ADRIEN GINDRE
Et s'il y en aura encore plus parce que là, vous aller annoncer des…

LAURENT SAINT-MARTIN
Non, il n'y aura pas davantage de baisse de recrutement, donc, on restera sur le quantum qu'on a donné sur la première version. Il y a quelque chose qu'il faut bien comprendre : on ne baisse pas la dépense publique de façon dogmatique, on le baisse parce qu'il y a des besoins qui sont nouveaux en face. Il y a moins d'élèves qui vont aller à la rentrée, près de 100 000 en moins, en septembre prochain, on met moins de recrutement d'enseignants…

ADRIEN GINDRE
Mais donc les suppressions en plus, ce sera où ? Ce sera dans quels secteurs ? Dans quels ministères ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Tous les ministères en moyens verront leurs crédits baisser, sauf ceux qui sont sous la loi de programmation, c'est-à-dire les ministères régaliens, donc, il y a la Justice, il y a l'Intérieur, il y a les Armées, il y a aussi la Recherche et on va aussi protéger, vu les conditions particulières, le ministère des Outre-mer. Tous les autres ministères devront faire un effort, mais de la même façon, Adrien GINDRE, que tous nos concitoyens, les entreprises doivent comprendre qu'on est dans un mouvement d'effort collectif de redressement.

ADRIEN GINDRE
Alors, pour nos concitoyens, justement, il y a des choses très concrètes dans le budget qui vont aussi changer le quotidien pour certains de ceux qui nous regardent. Je prends l'exemple de la voiture électrique. Vous avez dit, il y aura 300 millions d'euros de baisse des aides. Concrètement, qu'est-ce que ça veut dire la prime à la conversion, le bonus écologique, le living social ? Est-ce que tout ça, ça va continuer ? Ou est-ce que l'un de ces dispositifs va disparaître ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Quel est le rôle de l'État quand il verse de l'argent public dans ce genre de mécanisme ? C'est de lancer des dynamiques, d'accord ? Ça a très bien marché. L'acquisition de véhicules propres, c'est quelque chose qui a bien marché dans notre pays. Si le rôle de l'État, c'est de toujours dire, je branche du financement public, de la subvention qui n'est rien d'autre que l'argent des Français, je branche de la subvention et je ne sais pas la retirer quand le mécanisme a fait ses preuves, ce n'est pas de la bonne gestion. Et donc notre rôle, c'est aussi de dire une fois qu'on a eu trois mécanismes, trois, c'est trop, différent d'aide à l'acquisition de véhicules propres, que les collectivités territoriales sont venues aussi ajouter leur propre mécanique d'aide…

ADRIEN GINDRE
Donc, il y en a un qui va disparaître ?

LAURENT SAINT-MARTIN
… On recentre, on recentre et on rend plus efficaces ces aides pour que ça coûte moins cher au contribuable et donc non, pour répondre à votre question, on n'arrête pas l'aide aux véhicules électriques, c'est-à-dire le bonus. Vous avez parlé du malus, mais il y a aussi le bonus à l'achat de véhicules propres. On le poursuit, on le continue en le rendant juste, plus efficace, plus efficient. Vous savez, il faut quand même que tout le monde comprenne bien de quoi on parle. Si on n'agit pas sur le freinage de notre dépense collective, de la dépense publique, on va effectivement, on va effectivement être en incapacité d'assainir nos finances et ça, ce sera…

BRUCE TOUSSAINT
Dernière question, Adrien.

ADRIEN GINDRE
Très rapidement, Laurent SAINT-MARTIN, pour faire rentrer l'argent, il y a aussi un débat sur la taxation du sucre dans les produits transformés. Vous nous confirmez que le Gouvernement soutiendra cette idée à l'Assemblée comme au Sénat, malgré l'opposition de l'industrie du secteur qui dit : "C'est à l'État de maigrir, pas à nous de faire des efforts" ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Il ne faut pas le voir comme une façon de faire rentrer de l'argent, ce n'est pas ça, l'objectif derrière. La fiscalité sur l'alimentation, c'est une question de changement aussi de... C'est une incitation pour qu'il puisse y avoir moins de sucre dans les produits transformés, qu'ils soient de meilleure qualité, là, c'est une question de santé publique.

ADRIEN GINDRE
Et ça fait rentrer de l'argent quand même.

BRUCE TOUSSAINT
Et le deuxième jour férié supprimé après le lundi de Pentecôte ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Ça fait partie des débats qu'on aura au Parlement.

BRUCE TOUSSAINT
Lequel ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Le Gouvernement ne l'a pas proposé, mais je crois que certains parlementaires veulent effectivement le présenter.

BRUCE TOUSSAINT
Vous, vous y êtes favorable, en tant que ministre du Budget ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Moi, je pense que tout ce qui permet à notre pays de montrer qu'on peut travailler davantage pour participer à l'effort de redressement va dans le bon sens.

BRUCE TOUSSAINT
Et il faut en choisir un en particulier ou il faut laisser les entreprises choisir ?

LAURENT SAINT-MARTIN
Je crois qu'il faut souvent laisser de la souplesse pour que ça marche, à l'expérience, c'est quand même ça qui fonctionne.

BRUCE TOUSSAINT
Merci Laurent SAINT-MARTIN. Merci Adrien GINDRE.

LAURENT SAINT-MARTIN
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 octobre 2024