Texte intégral
SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Didier MIGAUD.
DIDIER MIGAUD
Bonjour.
JEROME CHAPUIS
Bonjour.
SALHIA BRAKHLIA
L'actualité récente a été marquée par de l'ultra violence sur fond de trafic de drogue, d'effets de violences graves, qui parfois ont conduit à des morts dans plusieurs villes moyennes : Poitiers, Rennes, Valence, Grenoble. Est-ce que ça vous inquiète ?
DIDIER MIGAUD
Bien sûr. C'est un véritable fléau et il faut que l'État puisse le combattre avec énergie, force et efficacité. C'est une menace qui est grandissante et puis qui est gravissime, avec le recours aux méthodes ultra violentes des cartels sud-américains. Donc ça nécessite une réponse très ferme de la part de l'État.
SALHIA BRAKHLIA
Votre lecture des événements est importante, Didier MIGAUD, et la manière aussi dont vous en parlez, parce que ça conditionne la réponse que vous comptez apporter. Votre collègue de l'Intérieur, Bruno RETAILLEAU, parle d'un phénomène de mexicanisation en France, de narco-racaille aussi. Est-ce que vous utilisez les mêmes mots ?
DIDIER MIGAUD
Narco-racaille, c'est faible. Ce sont des narco-criminels et il faut les combattre. Mais nous avons le même objectif avec le ministre de l'Intérieur. Comment peut-on avoir des objectifs différents quand il s'agit de la lutte contre les narco-criminels ? Donc nous sommes totalement en phase, je le redis. Et c'est indispensable. Que dirait-on si nous étions désunis face à cette lutte, face à, effectivement, cet armement que doit constituer l'État pour se battre contre ces narco-criminels ?
SALHIA BRAKHLIA
Sur le terme de mexicanisation, par exemple.
JEROME CHAPUIS
Parce que le Mexique, c'est quand même 30 000 homicides par an, 23 pour 100 000 habitants. C'est 15 fois moins en France. On est à 1,5 homicide pour 100 000 habitants en 2023. Pourquoi utiliser ces mots ? C'est pour faire peur ? C'est pour alerter ?
DIDIER MIGAUD
On voit bien qu'aujourd'hui, il y a recours à des méthodes qui sont proches de celles des cartels sud-américains. Alors, nous n'en sommes pas encore, bien évidemment, à ce niveau-là. Et je ne crois pas que ce soit ce que veut dire mon collègue ministre de l'Intérieur.
JEROME CHAPUIS
Les méthodes, c'est le meurtre ?
DIDIER MIGAUD
Oui, les méthodes, c'est le meurtre, l'utilisation… C'est le meurtre, c'est la corruption.
JEROME CHAPUIS
Parce que mexicanisation, en effet, corruption, ça veut dire corruption en France d'élus, de magistrats ?
DIDIER MIGAUD
Mais c'est possible, bien évidemment. Et nous devons mettre en place tous les dispositifs qui nous permettent de prévenir ce type de situation. Personne n'est à l'abri.
SALHIA BRAKHLIA
C'est possible ou c'est réel ? Parce que les accusations sont graves, quand même, Didier MIGAUD.
DIDIER MIGAUD
Mais la corruption, le phénomène…
SALHIA BRAKHLIA
Peut-être que les magistrats qui nous écoutent nous disent, " mais attendez, qu'est-ce qu'il est en train de faire ? "
DIDIER MIGAUD
L'immense majorité de nos fonctionnaires, des magistrats, de nos personnels de greffe ou pénitentiaires sont honnêtes et font un travail remarquable, difficile. Et je suis toujours peiné, voire même très choqué, lorsque leur travail est remis en cause. Ils font un travail considérable, justement, pour protéger les citoyens. Et j'ai toujours été hostile à l'opposition entre les policiers, les magistrats. Nous avons tous le même objectif : garantir les libertés, protéger les citoyens, sanctionner celles et ceux qui doivent l'être, et puis réparer pour les victimes. Donc c'est une complémentarité, bien sûr, entre toutes les forces que constitue un état démocratique. Mais la corruption, c'est un vrai sujet qu'on ne peut pas sous-estimer.
JEROME CHAPUIS
Vous avez des signes précis, aujourd'hui, sur ce sujet-là ?
DIDIER MIGAUD
Regardez les rapports de l'agence française anti-corruption, qui parle justement d'une corruption de faible intensité, qui peut avoir tendance à se développer. Donc il faut qu'on soit vigilant là-dessus.
JEROME CHAPUIS
Y compris dans l'univers de la Justice ?
DIDIER MIGAUD
Mais partout, partout, personne n'est à l'abri.
SALHIA BRAKHLIA
Les élus, les fonctionnaires, les magistrats… Comment on lutte contre la corruption de ceux que je viens d'évoquer ?
DIDIER MIGAUD
Il faut prévenir, il faut contrôler, prévenir et contrôler. Mais une fois de plus, l'immense majorité est tout à fait honnête et fait correctement son travail. Mais vous pouvez avoir, comme ça, ici ou là, une personne qui se laisse tenter. Et donc, il faut pouvoir prévenir ce type de situation. Si on l'ignore, ou si on sous-estime cela, on fait une grave faute. Compte tenu des moyens, ce sont des sommes considérables que les narcotrafiquants utilisent. Bon, donc ils ont des moyens considérables, de la même façon qu'il est intolérable, inacceptable, que ces narcotrafiquants puissent organiser des crimes de la prison. Comme garde des Sceaux, comme ministre de la Justice, c'est inacceptable. Je ne peux pas l'accepter
JEROME CHAPUIS
On va en parler.
DIDIER MIGAUD
Donc il faut prendre les mesures pour que, justement, ce type de situation ne puisse pas se reproduire.
JEROME CHAPUIS
Vous êtes, vendredi, à Marseille, où la DZ Mafia accoutume, par exemple, à chaque fois qu'il y a un million d'euros de chiffre d'affaires de la drogue, de tirer des feux d'artifice. Vous y êtes, vendredi, avec votre collègue de l'intérieur, Bruno RETAILLEAU. Sur ce sujet, vous avez déclaré que, face aux trafiquants, l'État lutte à armes complètement inégales. Pourquoi est-ce qu'on n'y arrive pas ? C'est juste une question de moyens ?
DIDIER MIGAUD
C'est une question... Oui, oui, oui, et de... Il faut prendre des mesures, et nous allons en annoncer vendredi avec le ministre de l'Intérieur. Il nous faut une loi, bien évidemment, parce qu'il…
JEROME CHAPUIS
Qu'est-ce qui manque dans la loi aujourd'hui ?
DIDIER MIGAUD
Vous avez la question du statut du repenti, vous avez la question des procédures, quand il s'agit justement de criminalité organisée. Vous avez un travail considérable qui a été fait par une commission d'enquête d'Étienne BLANC et de Jérôme DURAIN au niveau du Sénat, qui formule un certain nombre de propositions. Il faut que le Parlement puisse en débattre. En ce qui nous concerne, le ministre de l'Intérieur comme moi, nous sommes tout à fait ouverts à ces propositions.
SALHIA BRAKHLIA
Mais sur le concret quand même, Didier MIGAUD, on voit ce qui a été fait jusqu'à présent par les différents gouvernements qui se sont succédé. Sur le narcotrafic, on a vu des opérations Place nette XXL, avec des forces de l'ordre qui arrivent en nombre dans les quartiers, qui restent quelques jours. Puis, une fois qu'elles sont parties, les dealers reviennent, le trafic reprend. Le député macroniste, Karl OLIVE, propose une solution radicale. Lui, il dit qu'il faut carrément envoyer l'armée dans ces quartiers. Vous, garde des Sceaux, vous dites quoi ?
DIDIER MIGAUD
Il faut renforcer la coordination, les échanges d'informations au niveau de toutes celles et ceux qui s'occupent de ces sujets. Ce sera l'objet des annonces que nous ferons vendredi. Il faut davantage…
JEROME CHAPUIS
Mais sur l'armée ?
DIDIER MIGAUD
L'armée… Une fois que l'armée est partie, qu'est-ce qui se passe ? Donc, ce sont des solutions qui ne peuvent être que temporaires. Donc, il faut pouvoir conjuguer, si vous voulez, un certain nombre d'actions directes, comme celles que vous venez d'évoquer, et puis le travail de fond. Et le travail de fond, ce sont les services de renseignement, ce sont les indicateurs, ce sont les éventuels repentis, ce sont les procédures adaptées face à ces criminels.
SALHIA BRAKHLIA
Pour essayer de démanteler les trafics ?
DIDIER MIGAUD
Donc voilà, vous avez tout un ensemble de mesures pour armer l'État face à ces criminels et face à ce fléau.
JEROME CHAPUIS
Et un parquet spécialisé, un parquet national anticriminalité organisé ? C'était l'un des dossiers prioritaires de votre prédécesseur, Vous êtes pour ou pas ?
DIDIER MIGAUD
Oui, il faut une organisation telle que nous soyons efficaces par rapport à cela.
JEROME CHAPUIS
Ça veut dire que le parquet national anticriminalité organisé verra le jour ?
DIDIER MIGAUD
Mais ça c'est au Parlement d'en décider. Moi, je suis tout à fait ouvert là-dessus. Il faut qu'on soit organisé.
JEROME CHAPUIS
Ce n'est pas la même chose d'être ouvert là-dessus et d'y être favorable et de venir le défendre devant l'Assemblée nationale. Est-ce que vous y êtes favorable ?
DIDIER MIGAUD
Oui, je suis favorable à une organisation qui permette de lutter contre ce fléau et le parquet national peut tout à fait être une solution.
SALHIA BRAKHLIA
" Un joint à le goût du sang ", c'est ce qu'a dit votre collègue de l'Intérieur, Bruno RETAILLEAU, pour pointer la responsabilité des consommateurs de drogues. Une amende forfaitaire existe déjà… Une amende de 200 euros pour consommation existe, mais seulement 35% d'entre elles sont réglées. On fait comment ?
DIDIER MIGAUD
Il faut s'attaquer au sujet de recouvrement des amendes. C'est déjà un premier sujet.
SALHIA BRAKHLIA
Emmanuel MACRON avait proposé qu'elle soit payée en liquide ou par carte. Ça donne quoi maintenant ?
DIDIER MIGAUD
D'ailleurs, ce n'est pas seulement sur ce sujet-là qu'il faut s'efforcer à un meilleur recouvrement des amendes. Il peut y avoir d'autres situations où les amendes sont recouvrées avec retard. Sur la consommation, bien sûr qu'il faut prendre un certain nombre de dispositions pour la limiter. Cela dit, vous avez 5 millions de consommateurs, bon dans notre pays. Il faut prévenir aussi cela. Moi, je suis favorable à des campagnes d'informations pour montrer tous les dangers de la drogue sur la santé. Et nous avons des campagnes d'informations contre le recours au tabac, contre l'alcool, il faut montrer aussi les dangers de la drogue sur la santé.
SALHIA BRAKHLIA
De la prévention, d'accord, mais vous l'avez dit, on a 5 millions de consommateurs en France, on a quand même le système le plus répressif aussi en France sur la question. Est-ce qu'il faut aller plus loin ? Exemple, Jean-Philippe TANGUY qui est député RN préconise de courtes peines de prison pour les consommateurs de drogue. Ecoutez ce qu'il dit : " Quand les enfants de la grande bourgeoisie parisienne, des hauts fonctionnaires, des dirigeants d'entreprises qui ont pignon sur rue iront en prison quelques jours parce qu'ils ont consommé de la drogue et qu'ils assumeront enfin le sang qu'ils ont sur les lèvres, sur leurs doigts, peut-être que la consommation de drogue diminuera dans le pays. " Il a raison ?
DIDIER MIGAUD
Les courtes peines de prison peuvent… Le premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a dit qu'il fallait voir les situations où les courtes peines de prison pouvaient s'appliquer.
SALHIA BRAKHLIA
Et dans ce cas-là, alors ?
DIDIER MIGAUD
Je suis en train… Vous savez, c'est le juge qui en décide.
JEROME CHAPUIS
Le juge applique la loi. La loi est votée par le Parlement.
DIDIER MIGAUD
La loi… il y a de la prison, il y a des peines alternatives. Il faut… C'est tout un contexte. Vous avez des éléments dans un dossier. Est-ce qu'il faut faire attention à ne pas non plus conforter à partir du moment où vous mettez quelqu'un en prison, alors même que vous n'avez pas réglé ces problèmes de d'hébergement, d'enfermement. Ensuite, vous avez la sortie, etc. Qu'est-ce qui se passe après ces quelques jours ?
SALHIA BRAKHLIA
Là, on parle de quelques jours de prison pour quelques personnes qui fument.
DIDIER MIGAUD
Ça rejoint la question… Ça rejoint la question des courtes peines, que ce soit pour cela ou pour autre chose. Mais à partir du moment où vous avez des courtes peines qui sont exécutées, il faut des conditions, il faut pouvoir trouver les lieux où vous enfermez les personnes. Nous sommes dans une situation de surpopulation carcérale. Donc tout cela doit se regarder. Nous sommes en train de le faire et…
SALHIA BRAKHLIA
Ah, donc vous ne dites pas non ? Vous ne dites pas non aux courtes peines de prison pour les consommateurs de drogue ?
DIDIER MIGAUD
Mais on ne dit pas non aux courtes peines. Je ne raisonne pas vis-à-vis des consommateurs de drogue, tout ça. Je raisonne vis-à-vis des courtes peines en elles-mêmes, avec les peines aussi alternatives qui doivent être envisagées dans un certain nombre de situations. Mais là, il y a l'individualisation de la peine, il y a l'indépendance de la magistrature et de la Justice. Le législateur peut, bien sûr, doit, bien sûr, organiser les échelles de peines, mais ensuite c'est une question d'application. En revanche, et c'est aussi une de mes préoccupations, vous avez un temps… Et c'est pour cela que vous avez un sentiment parfois d'injustice. Vous avez un temps trop long entre le prononcer de la peine et l'exécution de la peine. Et ça, il faut qu'on puisse y travailler pour faire en sorte que ce temps soit le plus court possible.
JEROME CHAPUIS
Et d'un mot, Didier MIGAUD, l'une des réponses à l'autre bout du spectre sur ce débat, c'est la légalisation ou au moins la dépénalisation de l'usage du cannabis avec une filière contrôlée par l'État. Vous y êtes favorable ? Défavorable ?
DIDIER MIGAUD
À titre personnel, je n'ai jamais été favorable à la légalisation, avec la crainte que la légalisation entraîne le passage à une drogue encore plus forte.
JEROME CHAPUIS
Votre position de ministre est la position du Gouvernement aujourd'hui ? Mais le Gouvernement ne s'est pas exprimé là-dessus. Enfin, le Gouvernement ne me paraît pas favorable à la légalisation. En tout cas, ça ne fait pas partie, je dirais, de la feuille de route du Gouvernement.
SALHIA BRAKHLIA
Je vous pose juste la question parce que ça peut être une question gadget, mais en fait elle a une importance. Vous, vous avez déjà fumé ou pas ? On parlait de 5 millions de consommateurs en France.
DIDIER MIGAUD
Non, non, non, non.
JEROME CHAPUIS
Didier MIGAUD, ministre de la Justice, on vous retrouve juste après le Fil Info. Il est 8h46, Maureen SUIGNARD.
/// (Fil info)
JEROME CHAPUIS
Et Didier MIGAUD, le garde des Sceaux, ministre de la Justice. On a évoqué tout à l'heure ces faits extrêmement graves qui se sont déroulés ces derniers jours et le mois dernier, notamment à Marseille, avec des meurtres commis parfois par des enfants, des adolescents de quatorze ans. Après les drames du mois dernier, vous aviez déclaré ne pas être hostile à l'idée d'écarter l'excuse de minorité pour ces faits d'une extrême gravité, même tonalité du côté de l'opposition. L'autre jour, à votre place, Olivier FAURE, du Parti socialiste était venu dire aussi qu'il était ouvert. Si tout le monde est d'accord, est ce que cela va se faire ?
DIDIER MIGAUD
Oui, je l'espère en tout cas, il y a, ça faisait partie de la déclaration de politique générale du Premier ministre. La Justice des mineurs ne peut pas être celle des majeurs. Il y a un certain nombre de principes qui sont consacrés par la Constitution, mais pas seulement par la Constitution française, ils sont consacrés aussi par les conventions internationales. Mais, mais, mais il peut y avoir des dérogations dans des situations tout à fait particulières, notamment de crimes, de crimes atroces.
JEROME CHAPUIS
Donc, la loi pourrait être modifiée ?
DIDIER MIGAUD
Oui, oui, et c'est-à-dire que les dérogations pourraient être élargi en fonction d'un certain nombre de situations.
SALHIA BRAKHLIA
Didier MIGAUD, on parlait, avant dans le fil info, des consommateurs de drogues, les consommateurs de cannabis. A ce sujet, on voulait relever avec vous la différence de législation entre les pays européens eux-mêmes. Aux Pays-Bas, le cannabis est légalisé, en Allemagne, on a commencé aussi. Sauf qu'on est tous dans un espace commun, l'espace Schengen, qui permet la libre circulation des biens, mais aussi des personnes. A partir de là, comment on fait ?
DIDIER MIGAUD
Mais la coopération est tout à fait nécessaire pour lutter contre le trafic des stupéfiants, contre les narco-trafiquants. Et là, vous avez…
SALHIA BRAKHLIA
Mais là, je parle des consommateurs. Vous voyez la différence.
DIDIER MIGAUD
Oui, oui, mais vous avez une volonté, oui, mais vous avez des législations différentes et chaque pays est souverain, mais la coopération peut tout à fait exister contre, contre, bien, bien sûr, ce fléau et ce trafic, contre cette criminalité organisée. J'ai pu avoir un échange avec mon collègue italien et j'ai pu avoir un échange avec mon collègue allemand, on doit se rencontrer bientôt, y compris avec le ministre polonais de la Justice. Les ministres de l'Intérieur aussi se rencontrent, nous devons…
SALHIA BRAKHLIA
Qu'il y ait de la coopération européenne pour lutter contre les trafics de drogue, ok…
DIDIER MIGAUD
C'est indispensable, c'est indispensable.
SALHIA BRAKHLIA
Je parle juste des consommateurs, parce que ce sont eux qui sont dans le viseur de votre collègue, le ministre de l'intérieur Bruno RETAILLEAU. Qu'est-ce que vous allez dire à un frontalier français qui a envie d'aller prendre un joint, d'aller acheter un joint en Allemagne, et qui repasse la frontière pour rentrer chez lui ? On fait comment ?
DIDIER MIGAUD
Mais vous avez des pays qui ont des législations différentes, jusqu'à preuve du contraire, ce n'est pas le Parlement français qui décide de la législation en Allemagne.
SALHIA BRAKHLIA
Donc comment on lui contrôle la consommation en France ?
DIDIER MIGAUD
Non mais nous, nous avons une consommation qui est interdite, donc nous avons une politique pénale vis-à-vis de cette consommation, mais on n'a pas capacité à légiférer pour d'autres. En revanche, ce que nous devons faire, c'est une coopération très étroite, des échanges d'informations, de renseignements pour lutter contre le trafic et contre cette criminalité organisée qui justement s'organise de plus en plus pour diffuser cette drogue qui fait du mal. C'est pour ça que tout à l'heure, j'insistais beaucoup aussi sur les campagnes d'information, de prévention, sur les conséquences de la drogue.
SALHIA BRAKHLIA
Donc vous, vous voulez vous attaquer plus aux trafiquants qu'aux consommateurs ?
JEROME CHAPUIS
Ça passe notamment, Didier MIGAUD, par la collaboration avec le Maroc qui est considéré comme le premier producteur mondial. Le flux de cannabis en France, il vient pour une grande, grande part du Maroc. Est-ce que la collaboration est fluide avec ce pays ?
DIDIER MIGAUD
Écoutez, il n'y a pas que le Maroc. Il faut aussi avoir des échanges avec les pays sud-américains, l'Amérique du Sud. Vous avez un certain nombre de pays du Golfe aussi qui peuvent être considérés comme bienveillants vis-à-vis de ces trafiquants. Donc ça nécessite des échanges entre les États pour lutter, une fois de plus, contre cette criminalité organisée avec toutes les conséquences que cela peut avoir dans nos pays, donc bien sûr qu'il faut cette coopération internationale.
JEROME CHAPUIS
Est-ce que le Maroc… On le rappelle, réconciliation la semaine dernière, en grande pompe avec la France, après quelques années de fortes tensions, ça peut contribuer à améliorer la collaboration sur ce sujet-là ?
DIDIER MIGAUD
Je l'espère, je l'espère. En tout cas, cette coopération, elle est nécessaire, elle est vitale. Elle est vitale sur le terrorisme, contre le terrorisme, et là, les échanges avec le Maroc existent aussi. Il faut, et sur le narcotrafic, je dirais que c'est un phénomène qui devient aussi grave compte tenu des conséquences que cela peut avoir sur notre territoire. Aussi grave que le terrorisme. En tout cas, les conséquences, elles peuvent se traduire également par des actes d'ultra-violence et des morts. Donc il faut pouvoir réagir. Il faut que l'État soit armé par rapport à ces fléaux.
SALHIA BRAKHLIA
Didier MIGAUD, vous dites donc être sur la même longueur d'onde que votre collègue de l'intérieur Bruno RETAILLEAU sur la lutte contre le narcotrafic. Sur l'immigration, c'est autre chose. Bruno RETAILLEAU, dit que ce n'est pas une chance pour la France. Vous, vous dites l'inverse. Comment travailler ensemble sur ce sujet si, de base, vous n'avez pas du tout la même appréciation ?
DIDIER MIGAUD
Écoutez, c'est de la discussion que jaillit les bons compromis. C'est un Gouvernement qui n'est pas monocolore, c'est assumé par le Premier ministre. Il faut, sur un certain nombre de sujets, trouver, bien sûr, les bons compromis et nous y parvenons, d'ailleurs, avec Bruno RETAILLEAU, notamment sur la lutte contre les narcotrafics et je pense que nous y arriverons aussi sur d'autres sujets.
SALHIA BRAKHLIA
Il y a un sujet qui arrive, et on va le dire tout de suite. Il y a une loi qui est prévue l'année prochaine. C'est la volonté de votre collègue Bruno RETAILLEAU, comme le Rassemblement national, une nouvelle loi immigration dès l'année prochaine, avec des mesures censurées par le Conseil constitutionnel, qui avait été censurée par le Conseil constitutionnel l'année dernière. Vous le soutenez dans sa démarche ?
DIDIER MIGAUD
Mais je peux le soutenir dans une démarche qui consiste à lutter contre l'immigration clandestine et contre l'immigration irrégulière. Après, il faut voir, bien évidemment, les modalités de tout cela. Mais parlons-en. C'est un phénomène. Vous savez, on oppose les uns et les autres. Quand vous regardez la façon dont les Gouvernements de l'Union européenne abordent ces sujets-là, vous ne voyez pas toujours de sensibilité différente entre un Gouvernement social-démocrate et puis un Gouvernement de droite contre l'immigration clandestine.
SALHIA BRAKHLIA
La difficulté, c'est que là, au sein même du Gouvernement, il y a deux philosophies.
DIDIER MIGAUD
Oui, mais qui peuvent se retrouver, me semble-t-il, sur la maîtrise plus forte que celle qui peut exister aujourd'hui de l'immigration clandestine.
JEROME CHAPUIS
Didier MIGAUD, autre sujet qui a été remis dans l'actualité avec le procès Pélicot. En France, juridiquement, le viol est constitué quand un acte de pénétration sexuelle a été commis sous la menace, la contrainte, la surprise ou la violence. Vous avez dit être favorable à l'inscription de la notion de consentement dans la loi. Vous demandez aux députés du Bloc central de voter la proposition de loi LFI qui va être proposée en ce sens à la fin du mois, le 28 novembre.
DIDIER MIGAUD
Je ne connais pas encore la rédaction. J'ai eu l'occasion de recevoir les députés qui ont présenté des propositions de loi. Le LFI n'avait pas encore proposé un texte. Il faut être attentif à la rédaction. J'ai dit que j'étais ouvert, bien sûr, à introduire la notion de consentement à la définition du viol. Il faut le faire de telle façon que ça n'inverse pas la charge de la preuve et que ça ne focalise pas sur la victime. Donc il y a une rédaction qui n'est pas facile d'ailleurs à trouver et sur laquelle nous travaillons ensemble avec celles et ceux qui ont jusque-là fait des propositions de texte.
SALHIA BRAKHLIA
Donc vous allez en parler aussi avec les Insoumis puisque ça arrive dans quelques jours, là, c'est le 28 novembre.
DIDIER MIGAUD
S'ils présentent leur texte, bien sûr, nous en débattrons.
SALHIA BRAKHLIA
Vous avez menacé, Didier MIGAUD, de claquer la porte du Gouvernement il y a quelques semaines si vous n'aviez pas le budget promis pour votre ministère. Un coup de rabot de près de 500 millions d'euros était prévu. Finalement, on va vous amputer de 250 millions d'euros. Vous restez quand même ?
DIDIER MIGAUD
D'abord, je veux rectifier. J'ai dit que la lettre plafond qui a été signé en août n'était pour moi pas acceptable et que si on en restait là, effectivement, je ne voyais pas ce que je pouvais faire au Gouvernement. Mais j'ai immédiatement ajouté que le Premier ministre avait déjà pris l'engagement, y compris lorsque nous en avons discuté avant que je n'entre au Gouvernement, de réajuster à la hausse, donc, en fait, c'est une interprétation…
SALHIA BRAKHLIA
Donc, vous n'aviez pas le budget de départ, à savoir plus de 500 millions, mais vous avez eu 250 millions, donc c'est bon ?
DIDIER MIGAUD
Non, ce que j'ai demandé au Premier ministre, c'est d'être en mesure de respecter les engagements qui ont été pris en termes d'effectifs, de magistrats, de personnel de greffe, de juristes assistants. Je l'ai obtenu. Le Premier ministre a montré…
JEROME CHAPUIS
Vous êtes sûr que vous l'avez obtenu ? Parce que ce budget, il part un peu dans tous les sens. On ne sait d'ailleurs plus trop ce qu'il y a dedans, il y a eu énormément d'amendements qui ont été votés.
DIDIER MIGAUD
Le Premier ministre s'est engagé sur cet amendement qui a été présenté. J'espère qu'au final, bien sûr, il sera adopté.
JEROME CHAPUIS
On sait que tout ça se réglera au 49.3 à la fin.
DIDIER MIGAUD
C'est un arbitrage qui permet de respecter les engagements qui ont été pris. Vous savez, le budget de la Justice a fait l'objet de beaucoup d'abandons, de sous-investissements, pendant trop longtemps. Bon, ce qui a entraîné le constat des états généraux de la justice, d'une justice sinistrée. D'où la loi de programmation et d'orientation.
SALHIA BRAKHLIA
Avec l'augmentation du budget.
DIDIER MIGAUD
Avec l'augmentation du budget. Donc, il était important de tenir, de respecter un certain nombre d'engagements. On ne peut pas critiquer en permanence la justice et ne pas lui donner les moyens. Vous savez, toutes les violences de la société viennent devant le juge. Bon, et ces violences ont tendance à s'amplifier, donc, il faut que la justice ait les moyens de les traiter. Dans le cadre, bien sûr, de l'indépendance de la justice et de l'individualisation de la peine et de l'État de droit. Mais il faut, quand vous regardez le budget de la justice en France, que vous le comparez avec celui des pays qui nous sont comparables, vous notez qu'en France, c'est notoirement insuffisant, donc, il faut poursuivre l'effort.
JEROME CHAPUIS
Merci beaucoup Didier MIGAUD.
DIDIER MIGAUD
C'est moi qui vous remercie.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 novembre 2024