Déclaration de M. Nicolas Daragon, ministre délégué, chargé de la sécurité du quotidien, sur le financement de la sécurité civile, au Sénat le 13 novembre 2024.

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  • Nicolas Daragon - Ministre délégué, chargé de la sécurité du quotidien

Circonstance : Débat organisé au Sénat à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, sur le thème : " Financement de la sécurité civile : soutenir les Sdis dans leur gestion des nouveaux risques. "

Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s'il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l'orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.

Monsieur le ministre délégué, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé une place dans l'hémicycle.

(…)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de me sensibiliser encore davantage à ce sujet. En effet, la sécurité civile fait partie du périmètre ministériel qui m'a été confié par Michel Barnier et Bruno Retailleau.

Nous accordons, bien évidemment, une attention particulière au modèle français de la sécurité civile, que nous souhaitons préserver, bien qu'il doive aussi évoluer compte tenu des nouveaux enjeux qui pèsent sur notre société.

Ce modèle est fondé en grande partie, comme vous venez de le rappeler, sur le volontariat. Nous souhaitons que cela perdure et nous devrons, à cette fin, améliorer le statut des volontaires, qui constituent le gros des troupes intervenant au quotidien pour secourir nos concitoyens.

Le Beauvau de la sécurité civile sera relancé, le 25 novembre prochain, à Rouen. Ce sera l'occasion d'évoquer tous les chantiers que nous aborderons ce soir dans le cadre de vos interventions, au premier rang desquels le financement de la sécurité civile. Celui-ci pèse, vous l'avez rappelé, non seulement sur les départements et sur les communes, mais également sur l'État, au travers du reversement d'une fraction de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances.

Vous avez rappelé les problèmes fondamentaux qui se posent à nous. Nous travaillerons à les résoudre dans les mois à venir. Les contributions parlementaires seront évidemment les bienvenues, ainsi que l'expertise des élus locaux, particulièrement dans les départements.

Depuis quelques semaines, j'ai commencé à rencontrer l'ensemble des acteurs de la sécurité civile. J'écoute ce qu'ils ont à dire, afin de ne rien omettre à l'ordre du jour du Beauvau de la sécurité civile qui sera bientôt relancé. En effet, ces travaux avaient déjà été engagés avant la dissolution de l'Assemblée nationale.

Nous devrons progresser rapidement : nous nous fixons le calendrier le plus serré possible, pour aboutir, d'ici à la fin du mois de mars prochain, à des propositions concrètes.

M. le président. Dans la suite du débat, la parole est à M. Ronan Dantec. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie le groupe RDSE d'avoir demandé ce débat.

Pour commencer, permettez-moi d'avoir une pensée pour les habitants de la région de Malaga, victimes ce soir des effets d'une goutte froide, après ceux de Valence il y a quinze jours. Nous voyons circuler les mêmes images, mais nous espérons tous bien sûr que le bilan humain sera moins tragique.

Ce qui se passe à Malaga montre clairement que nous sommes en train de basculer dans un monde nouveau pour ce qui est de la gestion des risques. Nous devons donc remettre à plat notre manière de réfléchir sur ce sujet ; c'est précisément le thème du débat de ce soir.

Avant d'en venir aux moyens d'intervention, le premier enjeu reste celui de la prévention. Nous serons, en effet, d'autant plus à même de réagir face aux catastrophes que nous en aurons limité les effets. Les informations que nous recevons de Malaga le confirment, puisque 3 000 personnes ont été évacuées pour limiter le coût humain. L'interdiction de circuler, lors de la dernière tempête en Bretagne, avait eu le même effet.

Face aux inondations, nous savons très bien à quel point la question de l'artificialisation des sols est centrale. Nous avons donc besoin en urgence de déployer le ZAN (zéro artificialisation nette) !

Aussi, je ne puis ce soir que me réjouir des déclarations très claires qu'a tenues Mme Vautrin sur ce dispositif devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, puisque, voilà quelques heures, elle s'est prononcée en faveur du maintien d'un premier palier d'objectifs à atteindre en dix ans.

Nous nous réjouissons que la ministre ait d'ores et déjà pris toutes ses distances avec la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, déposée ce matin par Les Républicains. (M. Jacques Fernique applaudit.)

Face aux inondations, il faut aussi que les pratiques agricoles soient respectueuses de l'environnement. En 2015 – cette information n'a pas assez circulé –, l'agence de l'eau Artois-Picardie avait d'ailleurs publié un rapport dans lequel elle expliquait que la mutation du système agricole du Pas-de-Calais mènerait tout droit aux inondations que le département a connues ces derniers mois.

Le risque incendie doit également être pris en compte : catastrophes en Gironde, aux monts d'Arrée… La situation est telle qu'il existe dans les forêts du Gâvre ou de Paimpont – chez nous, dirai-je en regardant Philippe Grosvalet – un risque de feux. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Face à ces menaces, il faut redimensionner les moyens. Monsieur le ministre, j'espère que vous préciserez dans votre réponse les annonces de Bruno Retailleau – nous les avons bien entendues – sur les Canadair.

Certes, les pactes capacitaires permettent d'agir sur les incendies, mais vous conviendrez de l'urgence absolue de remettre en état notre parc aérien, qui est en très mauvais état. Alors que l'UE est parfois sur la sellette, la question de la mutualisation des moyens en Europe, notamment dans le bassin méditerranéen, se pose certainement si nous voulons être à la hauteur des enjeux.

Peut-être faut-il mettre en place un pacte capacitaire consacré aux inondations. Cette piste, monsieur le ministre, peut-elle figurer au programme du Beauvau de la sécurité civile ? C'est à voir, mais les inondations du Pas-de-Calais ont montré à quel point nous manquions tout simplement de pompes.

Avons-nous besoin d'une nouvelle stratégie contre les inondations ? Nous espérons vos réponses les plus précises possible. Le troisième plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc-3) sera l'occasion de vérifier l'engagement de l'État face aux risques nouveaux de catastrophes, mais il semble assez évident que le système devrait être remis à plat.

Pour reprendre le propos de Philippe Grosvalet, l'articulation statutaire entre pompiers professionnels et pompiers volontaires doit être réexaminée. C'est une évidence !

La baisse des dotations aux départements comme au bloc communal fragilise notre capacité de réponse aux risques. Comment envisagez-vous le problème, monsieur le ministre ? Faut-il sacraliser certains budgets et les dotations des collectivités territoriales. Comment faire pour que l'État évite d'affaiblir les moyens d'action des Sdis ?

Monsieur le ministre, l'intérêt de ce débat est de vous permettre de vous exprimer sur ces points extrêmement précis. Nous vous écouterons avec attention. En effet, le risque est devant nous, le réchauffement climatique est là et nous n'avons pas le temps de procrastiner sur les réponses à apporter. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et RDSE. – MM. Pierre Barros et Hervé Gillé, ainsi que Mme Patricia Schillinger, applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Monsieur le sénateur Dantec, le premier des chantiers qui seront ouverts lors du Beauvau sera celui de la résilience. Il traitera à la fois de la prévention et de la réaction face aux risques liés aux inondations, mais aussi aux feux.

Je m'associe au message de compassion que vous avez adressé aux populations espagnoles. Nous nous sommes portés volontaires pour les accompagner, signe que la solidarité à l'échelle européenne que vous appelez de vos vœux fonctionne déjà régulièrement, même si elle doit être renforcée, notamment en matière de matériels disponibles.

Nous disposons de flottes aériennes qui sont composées d'appareils, parfois en location, extrêmement complémentaires, comme les hélicoptères ou les Canadair. Toutefois, je partage votre diagnostic sur leur vieillissement de cette flotte. Nous avons d'ailleurs signé une lettre d'intention pour charger un consortium, qui comprend notamment Airbus, de concevoir un appareil de transport d'eau permettant d'effectuer les mêmes tâches que les Canadair.

Le pacte capacitaire sur les feux de forêt sera maintenu. Nous réinscrivons dans le budget prévisionnel pour 2025 des sommes qui permettront en principe d'acheter deux pompes de grande capacité, comme celles qui nous ont servi lors des grandes inondations qu'une vingtaine de départements français ont pu connaître récemment.

Tous les sujets que vous avez abordés seront au programme du Beauvau de la sécurité civile, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé.

M. Hervé Gillé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'actualité espagnole – Malaga, Valence – nous rappelle chaque jour l'ampleur des défis auxquels notre propre pays fait face : incendies de forêt de plus en plus dévastateurs, inondations, sans oublier les crises sanitaires. Ces événements, souvent imprévisibles, exigent une réponse rapide, efficace et adaptée.

Face à cette multiplication des risques, il est crucial que nous soutenions nos services départementaux d'incendie et de secours, véritables piliers de la sécurité civile.

Les risques sont devenus plus nombreux et plus complexes. En Gironde, nous en avons été témoins ces dernières années avec des incendies dévastateurs, comme les mégafeux de l'été 2022, qui ont touché plus de 30 000 hectares de forêt et mobilisé des milliers de pompiers venus de toute la France et de toute l'Europe. Ces incendies, qui se déclarent plus tôt dans l'année et qui sont plus violents, représentent une menace de plus en plus grande pour nos territoires et pour nos forces de secours.

Un point essentiel ne doit pas être oublié : la santé des sapeurs-pompiers. En effet, plusieurs études ont révélé une réalité alarmante. Je tiens ici à saluer le rapport d'information sénatoriale Cancers imputables à l'activité de sapeur-pompier : protéger les soldats du feu, ainsi que le travail remarquable de ma collègue Émilienne Poumirol.

Il est évident que les Sdis doivent être mieux équipés et soutenus de manière plus ambitieuse. Je pense au renforcement de la force aérienne nationale de la sécurité civile, avec notamment des moyens aériens stationnés sur le massif des Landes de Gascogne. La gestion et la mobilisation des matériels privés et publics doivent être interrogées.

Nous devons réformer notre système de financement. Ce dispositif fondé sur les contributions des départements et du bloc communal, exsangues financièrement, n'est plus tenable.

Il y a urgence à inscrire dans la durée le soutien financier de l'État, en pérennisant notamment les pactes capacitaires des Sdis, à hauteur des engagements pris par l'État au lendemain des importants feux de 2022. Cela a été fait pour les pactes capacitaires liés aux feux de forêt, mais il pourrait être envisagé de créer des pactes pour le risque inondation. Nous suivrons les résultats du Beauvau.

À ce titre, le mode de calcul de la TSCA, versée par l'État aux départements au titre des Sdis, doit évoluer et prendre en compte le potentiel budgétaire et la pression démographique. Ainsi, la Gironde compte entre 18 000 et 20 000 habitants de plus chaque année. Cette importante hausse de la population accroît la pression opérationnelle sur chaque Sdis.

Avec l'aggravation du changement climatique, l'instauration d'un mécanisme de péréquation doit également être envisagée dans les départements particulièrement soumis aux aléas.

J'attire votre attention sur la hausse de charges, qui est significative pour les Sdis concernés, mais aussi sur l'augmentation de quatre points de cotisation de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Celle-ci représente un coût de 3 millions d'euros par an pendant trois ans pour la Gironde. Qui compensera la hausse de 9 millions d'euros, monsieur le ministre ?

Nous devons investir massivement dans des équipements plus performants et plus sûrs, comme des tenues de protection adaptées au risque d'exposition aux toxines et aux produits chimiques. Nous savons qu'une tenue de qualité peut coûter jusqu'à 2 000 euros. Il est impératif d'assurer à nos pompiers des équipements conformes aux normes de sécurité les plus strictes.

Cette nécessité fait écho à la prise en compte de la " valeur du sauvé ", une expression qui nous est chère. Il est grand temps de sortir d'une simple logique de coût : pour donner suite à la loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, sur laquelle j'ai travaillé avec ma collègue Laurence Harribey, une démarche d'évaluation socioéconomique de l'action des Sdis devrait être envisagée.

Une telle initiative permettrait de se rendre compte de l'importance du travail réalisé et de la valeur des vies, de l'environnement et des biens sauvés.

Mes chers collègues, il est urgent de mettre en place des solutions concrètes pour renforcer les capacités de nos Sdis. Le financement pérenne de ces services est un impératif absolu pour faire face aux risques actuels et à ceux qui viendront. Gouverner, c'est prévoir : sur des sujets aussi essentiels, il faut le démontrer. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDSE. – M. Pierre Barros applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Monsieur le sénateur Gillé, des travaux sont menés sur la santé des sapeurs-pompiers. D'une part, le rapport de la sénatrice Poumirol – vous l'avez salué – visait à reconnaître certains cancers comme des maladies professionnelles. D'autre part, un observatoire de la santé a été lancé pour recenser auprès de tous les acteurs leurs difficultés réelles.

Concernant les nouvelles tenues de feu et les cagoules plus protectrices, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) met en avant un prix de l'ordre non pas de 2 000 euros, mais plutôt de moins de 1 000 euros. Visiblement, ces vêtements seront disponibles l'an prochain. Les équipements seront évalués par la direction générale, mais leur prise en charge restera de la responsabilité des Sdis.

Monsieur le sénateur, vous soulevez à juste titre la question des difficultés de financement. Elle fait partie des sujets que nous aborderons le 11 ou le 12 décembre prochain, en fonction du maintien ou non d'un mouvement de grève annoncé. Nous nous réunirons avec les départements pour étudier toutes les perspectives liées à la taxe spéciale sur les conventions d'assurances, à la taxe de séjour et à la fiscalité.

Le débat ne sera pas limité à certaines thématiques. L'objectif est d'obtenir le meilleur système possible. Il faut permettre à chaque département de garder des forces de secours suffisantes et équipées, mais aussi protéger les sapeurs-pompiers, auxquels nous sommes évidemment tous très attachés.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme un certain nombre d'entre nous dans cet hémicycle, j'ai eu la chance d'exercer la responsabilité de président de Sdis, de rencontrer des gens dévoués et de participer, à leurs côtés, à un modèle de sécurité civile qui fonctionne bien. Je remercie le groupe RDSE d'avoir proposé ce débat.

Pour ma part, j'aborderai trois points.

Premièrement, notre modèle doit être sauvegardé. Le statut de sapeur-pompier volontaire est celui de 80% des effectifs. L'engagement des volontaires permet d'assurer un maillage territorial efficace et des délais d'intervention rapides. Face à un accident, à un incendie ou à toute autre situation grave, les premières minutes sont déterminantes.

Une épée de Damoclès pèse sur le statut du volontariat à la française. Depuis l'arrêt Matzak de la Cour de justice de l'Union européenne et l'avis rendu par le Comité européen des droits sociaux de février 2024, plane le risque que le sapeur-pompier volontaire soit requalifié en travailleur. Autant vous dire que le modèle s'effondrerait avec la fin du volontariat !

J'ai profité de la campagne des élections européennes pour interpeller les têtes de liste des principaux mouvements politiques, afin de leur demander de saisir la Commission européenne pour apporter enfin des clarifications. J'ai envoyé plusieurs lettres il y a six mois. Je n'ai reçu pour l'instant qu'une seule réponse… pour m'informer que mon courrier était bien arrivé !

Deuxièmement, je souhaite que les Sdis soient mieux compensés pour les services qu'ils assument en lieu et place d'autres services publics.

Les casernes sont le dernier endroit où la lumière est allumée la nuit. Il s'y trouve toujours quelqu'un au bout du fil, des hommes et des femmes capables de se projeter rapidement pour intervenir, tant et si bien que les Sdis assument des missions qui, à l'origine, ne sont pas les leurs.

Concernant les carences ambulancières, le service d'aide médicale urgente (Samu) a pris la mauvaise habitude d'appeler ceux qui décrochent le plus vite et qui coûtent le moins cher, c'est-à-dire les pompiers. Ceux-ci assument maintenant une bonne partie des transports sanitaires. Les Sdis accompagnent, soutiennent et suppléent les services mobiles d'urgence et de réanimation (Smur) pour assurer des transports médicalisés d'urgence vers les hôpitaux dans les meilleures conditions.

Ces interventions sont peu, voire pas du tout compensées par les agences régionales de santé (ARS). Un certain nombre de Sdis ont attaqué des hôpitaux devant le tribunal administratif, mais ils ont tous été déboutés. Chacun comprend que ces réalités pèsent sur l'organisation humaine et sur les finances des services.

Troisièmement, à quelques jours de l'examen du projet de loi de finances par le Sénat, je ne puis éviter le sujet de la TSCA et de la nécessaire augmentation de la part revenant aux conseils départementaux, afin de financer les Sdis.

Les pompiers se mobilisent pour venir en aide aux départements qui leur sont voisins quand ceux-ci sont confrontés à des catastrophes – c'est tout à fait normal – ou pour renforcer les dispositifs de sécurité, comme pour les jeux Olympiques.

L'État s'engage à prendre en charge une partie des coûts liés à ces déplacements. Je ne sais pas pour les autres départements, mais les factures dans l'Aisne ne sont toujours pas payées. Veillons à ne pas répéter les mêmes erreurs que pour les loyers des gendarmeries !

Monsieur le ministre, sur tous ces points, nous attendons avec impatience vos réponses. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – M. Hervé Gillé applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Tout d'abord, monsieur le sénateur Verzelen, nous sommes particulièrement attachés au modèle, que nous souhaitons sauvegarder, d'une sécurité civile fondée sur le volontariat.

Non, les sapeurs-pompiers volontaires ne sont pas des travailleurs ! Toutefois, certaines situations fragilisent le statut, notamment les gardes postées, très utilisées dans une vingtaine de départements qui ont été identifiés par l'inspection générale de l'administration et par l'inspection générale de la sécurité civile. Des travaux ont d'ailleurs été engagés par le ministère de l'intérieur pour que l'on en revienne à des pratiques plus adaptées.

Le volontariat n'est pas propre à la France. Nous souhaitons travailler sur le sujet en convergence avec d'autres pays européens, étant donné que certains de nos modèles sont comparables.

Vous m'interrogiez ensuite, monsieur le sénateur, sur la compensation des charges indues, notamment par les ARS. Il nous faudra travailler avec le ministère de la santé sur le problème de l'exercice par les sapeurs-pompiers de missions qui ne sont pas en principe les leurs. Nous nous pencherons dans le cadre du Beauvau sur la doctrine d'emploi et sur les missions qui sont dévolues aux Sdis, pour nous recentrer sur les urgences.

Il nous faudra peut-être travailler avec les fédérations d'ambulanciers. L'objectif est que ceux-ci, lorsqu'ils bénéficient de secteurs d'intervention qui leur permettent de vivre, desservent mieux d'autres zones, un peu plus complexes, dans lesquelles ils ne vont pas et où nos sapeurs-pompiers sont donc extrêmement sollicités.

Enfin, la revalorisation de la TSCA fera partie du débat qui aura lieu à la mi-décembre prochain – je risque de répondre à plusieurs reprises de la même manière ! Nous ne sommes fermés à aucune évolution : il suffit d'en débattre, de trancher et de trouver un bon accord avec les fédérations d'élus départementaux et municipaux, qui sont les contributeurs.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Olivier Bitz et Michel Masset applaudissent également.)

Mme Françoise Dumont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce soir, à la demande fort à propos du groupe RDSE, nous parlons de ce serpent de mer qu'est devenue la question du financement de la sécurité civile.

Dans le cadre des auditions que j'ai menées en tant que rapporteure pour avis du budget de la sécurité civile figurant dans le projet de loi de finances 2025, plusieurs pistes se sont dessinées ou affinées.

Une première est la réévaluation de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances, dite TSCA. Cette taxe est dynamique, mais elle est répartie selon des critères obsolètes datant de 2003.

Une deuxième piste intéressante est la sanctuarisation de l'intégration des véhicules d'incendie et de secours dans les exceptions à l'accise sur les énergies, introduite au Sénat par l'article 50 de la loi n° 2023-580 du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie.

Une troisième piste est la contribution des métropoles et des grandes agglomérations au budget des Sdis, dans un souci évident d'équité entre collectivités. Il conviendrait de rouvrir ce chantier.

Une quatrième piste est l'affectation de nouvelles ressources. Il faut creuser l'idée d'une nouvelle taxe additionnelle à la taxe de séjour, notamment pour les plateformes touristiques.

En effet, à titre personnel et en qualité d'élue d'un département très touristique, il me paraît important que des collectivités qui doublent ou triplent leur population à certaines périodes de l'année puissent augmenter leur taxe de séjour et en attribuer une part aux Sdis concernés. Cette mesure ne serait forcément vertueuse que pour les seuls départements fortement touristiques.

Une cinquième piste est de permettre aux Sdis de facturer leurs prestations, grâce à la téléassistance et à la téléalarme. Toutefois, la jurisprudence va plutôt à l'encontre d'une telle facturation, ce qui n'est pas idéal dans la situation économique actuelle.

Une sixième piste est la revalorisation des carences ambulancières, en se rapprochant du coût réel de la prestation.

Cette question n'a jamais vraiment été résolue. Une telle révision pourrait s'accompagner d'une simplification de la procédure de remboursement. En effet, les ARS versent les sommes dues aux centres hospitaliers universitaires (CHU) ; ensuite, les CHU les reversent aux Sdis. Il faudrait simplifier et prévoir un remboursement direct des ARS aux Sdis, pour éviter les blocages et les redondances de procédures.

Une septième et dernière piste serait d'inviter les assureurs à prendre part de manière plus importante au financement des Sdis. Cette solution aurait du sens au regard de la « valeur du sauvé » : les sapeurs-pompiers protégeant les biens et les personnes, leurs interventions sont autant de compensations à verser en moins aux assurés.

Comment soutenir les Sdis dans leur gestion des nouveaux risques, au regard du financement de leurs missions ? Nous nous sommes posé cette question dans le groupe de travail interne au groupe Les Républicains du Sénat sur la sécurité civile, que j'ai eu l'honneur d'animer pendant dix-huit mois.

Nous avons présenté nos travaux et remis notre rapport, le 30 octobre dernier, au ministre ici présent. Dans ce cadre, nous avons souhaité mettre en avant plusieurs préconisations de bon sens.

D'une part, au regard des moyens routiers, nous avons prôné un regroupement des commandes entre les Sdis. Il faut continuer à encourager ces mutualisations et permettre à ces services de solliciter à cette fin l'appui technique et juridique d'un pôle " innovation, stratégie et commande publique ", à créer au sein de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises.

L'objectif est de réduire les coûts d'achat de véhicules et de matériels pour les Sdis, de permettre l'émergence d'une offre française et européenne susceptible de répondre aux besoins de la lutte aérienne contre le feu, ainsi que de limiter la dépendance à l'égard d'un nombre restreint d'acteurs extérieurs.

D'autre part, le groupe de travail a proposé de constituer une cellule " fonds européens " au sein de la DGSCGC. Elle disposerait de moyens humains dotés des expertises juridiques nécessaires pour servir de guichet unique national, destiné à faciliter l'accès aux fonds européens susceptibles d'être sollicités par les acteurs publics de la sécurité civile.

En effet, en France, le recours effectif aux financements européens demeure relativement limité dans ce domaine, contrairement à nos voisins. L'accès à ces subventions est souvent rendu difficile par la complexité des procédures de constitution de dossier, auxquelles le personnel des Sdis n'est pas toujours formé.

Toutes ces pistes sont autant de propositions simples et de bon sens que j'apporte ce soir à notre débat. Les finances des Sdis sont précaires et appellent à une refonte rapide des services : il faut que ces structures, disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept partout en France, soient sanctuarisées et que leurs missions soient valorisées à leur juste importance. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Madame la sénatrice Dumont, je vous remercie de la remise de votre très intéressant rapport lors de notre rencontre du 30 octobre dernier. J'y répondrai point par point.

La première proposition de ce texte concernait la création d'un " ministère délégué à la protection civile ". Vous avez été exaucée : je suis là ! (Sourires.) En effet, une spécificité de ce gouvernement est de disposer d'un ministère dédié à la sécurité du quotidien, dans lequel est incluse la sécurité civile. Nous aurons donc le bonheur de travailler ensemble sur ce sujet.

La deuxième proposition concernait " la mise en place d'une politique industrielle nationale et européenne de la sécurité civile, en particulier au bénéfice de la composante aérienne de cette dernière ". Il existe un projet européen, à l'état embryonnaire, de construction d'avions bombardiers d'eau pour lequel le Gouvernement a signé une lettre d'intention. Nous sommes attentifs au déploiement de cette coopération, qui nous permettrait d'acquérir des bombardiers fabriqués chez nous, tout en bénéficiant de ce fait de délais de livraison moins longs et d'une maintenance plus facile.

La troisième proposition concernait les " financements européens ". J'ai eu l'occasion d'échanger sur le sujet avec l'association nationale des directeurs de Sdis, cet après-midi, comme j'avais déjà pu échanger avec vous. En vérité, les Sdis ne peuvent parfois pas prétendre à ces financements. Dans d'autres cas, la quantité de collaborateurs ou l'ingénierie au sein de ces services ne détermine pas forcément l'obtention de fonds.

Toutefois, l'Ardèche a pu acquérir en 2022 des tablettes numériques associées aux multiparamètres, financées à 100 % par des fonds européens, pour presque 2 millions d'euros. J'ai eu l'occasion de rendre visite aux sapeurs-pompiers concernés en tant que vice-président délégué aux fonds européens à la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Nous pouvons sans doute proposer aux Sdis de mieux les accompagner ou d'éditer à leur intention un guide des bonnes pratiques, afin qu'ils disposent des bons interlocuteurs, notamment au sein des régions et à la Commission européenne.

Pour en venir à votre propos d'aujourd'hui, je suis d'accord avec vous sur la commande publique. Les pactes capacitaires ont permis de réaliser 30% d'économies sur les achats de camions passés par une commande groupée. Quelque 98 % de ces camions étaient français. Aussi, pour faciliter ces achats groupés, nous accompagnerons les Sdis dans la rédaction de leur cahier des charges.

Par ailleurs, l'exonération de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) à hauteur de 30 millions d'euros, c'est-à-dire de 300 000 euros par Sdis en moyenne, est à la signature : Bruno Retailleau s'en charge en ce moment même.

Quant à la taxe de séjour, elle fera partie des dossiers qui seront étudiés. Pour ma part, il me paraît assez cohérent que ceux qui visitent un territoire contribuent à sa sécurisation, notamment quand elle leur bénéficie directement.

Enfin, je terminerai en évoquant les procédures de remboursement.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué. Le tarif national d'indemnisation des carences ambulancières est passé de 125 euros en 2022 à 209 euros en 2023. Je serai attentif à la revalorisation régulière de cette somme.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SER et UC. – Mme Françoise Dumont applaudit également.)

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'actualité nous rappelle, une fois encore, combien les risques naturels et les menaces modernes nécessitent de notre part une vigilance accrue et des moyens renforcés.

Les inondations récentes en Espagne, au bilan dramatique, mais aussi celles qui se sont déroulées en octobre dernier témoignent de la fréquence croissante de ces événements climatiques extrêmes. Je n'oublie pas, bien sûr, la multiplication et l'intensification des feux de forêt, qui inquiètent par leur ampleur et par leur caractère dévastateur. Surtout, ils surgissent désormais en des lieux et en des moments inattendus.

Ces phénomènes, conséquence directe du bouleversement climatique, mobilisent nos services départementaux d'incendie et de secours bien au-delà des périodes habituelles et des amplitudes de risque ordinaires. Ils nous rappellent, certes, combien il est urgent de lutter contre le réchauffement climatique, mais aussi de soutenir ces services essentiels à la sécurité des Français, d'autant que les catastrophes naturelles ne sont qu'une partie des défis actuels auxquels ces services doivent faire face.

Les nouvelles menaces, qu'elles soient terroristes ou qu'elles impliquent des risques d'attaques chimiques et biologiques, exigent également une préparation et des moyens techniques et humains spécifiques. Dans ce contexte, les sapeurs-pompiers sont appelés à être des acteurs de plus en plus polyvalents, capables d'intervenir dans des situations de crise variées et parfois inédites.

À ce stade, je tiens à rendre hommage à nos 240 000 sapeurs-pompiers, dont 80% sont des volontaires. Ils assurent, bien souvent au péril de leur vie, une mission essentielle. Aussi ai-je une pensée émue pour celles et pour ceux qui, dans l'accomplissement de leur mission, ont perdu la vie ou ont été blessés.

Face aux bouleversements évoqués, la mission des Sdis se transforme, pour répondre à la complexité croissante des interventions et à la diversité des risques.

Cette adaptation nécessaire pèse immanquablement sur leurs dépenses, alors que ces services constituent déjà l'un des postes les plus dynamiques de la dépense publique. En effet, la modernisation des équipements, l'amélioration des conditions de travail et les revalorisations salariales, indispensables pour valoriser un engagement qui ne faiblit jamais, représentent des investissements coûteux.

À l'heure actuelle, ce sont principalement les départements qui supportent cette charge. L'État assure environ un quart des financements des Sdis, tandis que la participation du bloc communal s'est en partie déplacée vers l'intercommunalité.

C'est dans ce contexte que nous débattons aujourd'hui du financement de la sécurité et du soutien à apporter aux Sdis dans leur gestion des nouveaux risques.

Des évolutions notables ont été réalisées. Face à la recrudescence des feux de forêt, le Président de la République a pris l'initiative de renforcer la flotte aérienne, essentielle pour les interventions rapides. Face aux menaces modernes, de nouveaux équipements nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC) ont été déployés.

De plus, des efforts importants ont été engagés pour la formation des sapeurs-pompiers et pour le développement de la coopération interservices, qui sont essentiels dans la gestion de crise.

Notre assemblée a également été particulièrement active dans le soutien apporté aux Sdis dans l'exercice de leurs missions.

Rappelons que l'exonération de taxe sur les carburants pour les véhicules des services d'incendie et de secours fait suite à une initiative prise par notre assemblée dans le cadre de la loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie. Cette exonération contribue à alléger les charges pesant sur les Sdis.

Cependant, les défis restent nombreux. La pression budgétaire demeure élevée et la hausse des dépenses s'annonce difficilement tenable sur le long terme.

Dans ce contexte, il est impératif d'explorer de nouvelles pistes pour réformer et soutenir le financement des services départementaux d'incendie et de secours, car les collectivités semblent avoir de plus en plus de difficultés à suivre la dynamique de leurs dépenses. Les départements, principaux contributeurs au financement des Sdis, ne disposent que de faibles marges de manœuvre.

Aussi faut-il réfléchir aux moyens d'accroître les ressources financières des départements destinées au financement des Sdis. J'espère que le Beauvau de la sécurité civile, qui est sur le point d'être relancé, sera l'occasion de s'emparer de cette question cruciale.

Il est par ailleurs indispensable de poursuivre la lutte contre la sursollicitation des Sdis pour les transports sanitaires urgents.

La loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi Matras, a introduit une évolution salutaire en redéfinissant les carences ambulancières, afin d'éviter que les Sdis ne soient affectés à des missions qui ne relèvent pas de leur cœur d'intervention.

Il faut toutefois aller plus loin et rendre plus dissuasif le coût du recours aux Sdis en cas d'absence de couverture ambulancière, en envisageant par exemple une révision des tarifs de l'indemnité de substitution.

Enfin, à l'heure où le volontariat, pourtant le pilier de notre modèle de sécurité civile, montre des signes de faiblesse, il est impératif de réfléchir aux moyens d'y inciter davantage, afin de pérenniser ce modèle auquel nos concitoyens sont profondément attachés.

Je souhaite ici évoquer les centres de première intervention non intégrés (Cpini), plus particulièrement l'engagement de leur plus de 9 000 sapeurs-pompiers volontaires. L'efficacité de notre modèle de sécurité civile repose en grande partie sur cet engagement, et il convient de leur témoigner notre reconnaissance.

Pour soutenir cet effort, il conviendrait de sécuriser juridiquement la pratique de certains Sdis ou départements qui prennent en charge l'allocation de vétérance. Ouvrir plus largement cette possibilité permettrait de soulager les communes et, en même temps, de soutenir le volontariat.

Mes chers collègues, face à tous ces défis, nous devons faire les choix stratégiques qui assureront aux Sdis les moyens d'assumer leur mission dans un contexte de risques croissants et complexes. La France dispose d'une sécurité civile qui est d'un haut niveau d'excellence, mais cet atout dépend de notre engagement collectif à pérenniser et à renforcer ce modèle.

Plus que jamais, nous devons engager les réformes nécessaires au soutien et à la valorisation de ces services indispensables à notre sécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Madame la sénatrice Schillinger, sur le sujet des crises climatiques, nous partageons tous évidemment le même diagnostic. Il y a là, d'ailleurs, plus qu'un diagnostic : nous voyons les risques se réaliser, comme en Espagne très récemment.

Pour ce qui est de la France, la dernière crise que nous avons vécue aurait pu se traduire par des décès, mais cela n'a pas été le cas : douze blessés ont été recensés. Cela veut dire que les plans communaux de sauvegarde et l'organisation de la sécurité civile dans notre pays fonctionnent globalement.

Reste que peuvent survenir des crises plus graves – c'est arrivé. C'est pourquoi le Premier ministre, aux côtés d'Agnès Pannier-Runacher, a récemment présenté le plan national d'adaptation au changement climatique. Nous allons amplifier l'effort ainsi engagé, afin d'aboutir le plus rapidement possible.

Pour ce qui est de faire face aux risques complexes, hors feux de forêt, 11 millions d'euros y ont été consacrés dans les pactes capacitaires 2023 et 2024, cette enveloppe permettant notamment de répondre aux défis du changement climatique. Je le disais, un complément de 1 million d'euros va être inscrit au budget, afin de financer en particulier l'achat de pompes de grande capacité mobilisables en cas d'inondations.

Pour ce qui est des nouveaux moyens mis en œuvre pour lutter contre les feux de forêt, je veux évoquer le déploiement des pélicandromes, sujet sur lequel nous avançons petit à petit : nous venons d'inaugurer une nouvelle structure de ce type à Marignane.

Le secours aérien n'est pas en reste : un programme d'acquisition sur six ans de trente-six hélicoptères H145 a été lancé, 100 millions d'euros étant inscrits à cet effet au budget pour 2025, et notre flotte va certainement passer prochainement à quarante hélicoptères.

Enfin, pour ce qui est du financement, j'ai évoqué tout à l'heure un certain nombre de pistes qu'ont mentionnées l'ensemble des sénateurs qui se sont exprimés ce soir à la tribune. Nous y reviendrons au mois de décembre prochain !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mmes Patricia Schillinger et Émilienne Poumirol applaudissent également.)

M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà à quelques jours d'une relance du Beauvau de la sécurité civile, prévue le 25 novembre prochain. J'y vois, monsieur le ministre, l'occasion de vous faire part des préoccupations les plus concrètes des territoires ruraux.

Les services d'incendie et de secours, nous le savons, sont confrontés à l'apparition de missions nouvelles qui bousculent les équipes et les équilibres financiers. Cette situation exige une réorientation des investissements et une adaptation des formations. Je pense évidemment au risque climatique : la multiplication des épisodes climatiques violents place nos sapeurs-pompiers sous tension.

Dans le rapport d'information sur la prévention des inondations que, avec mon collègue Jean-François Rapin, je viens de présenter, nous relevons qu'entre novembre 2023 et juin 2024 des communes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle en raison d'inondations dans 53 % des départements, correspondant à autant de Sdis.

Nous avons ainsi dressé le constat que les services de secours ont été confrontés à leurs limites durant cette crise : le manque d'équipements de pompage lourds et de capacités héliportées a en particulier été déploré. En un mot, un renforcement capacitaire est indispensable.

Je souhaite donc vivement, monsieur le ministre, que vous accueilliez favorablement les amendements tendant à améliorer la préparation des équipes que nous nous apprêtons à présenter lors de l'examen du projet de loi de finances, d'autant plus que, fait nouveau et insupportable, les opérateurs nationaux d'assurance refusent d'assurer certains Sdis, ou n'acceptent de le faire qu'à la condition d'une augmentation des primes de l'ordre de 60%.

Mme Émilienne Poumirol. Exactement !

M. Jean-Yves Roux. Le défi qu'ont à affronter les Sdis dans nos territoires ruraux est aussi celui de la prise en charge subie du surcoût lié aux défaillances des services d'urgence hospitaliers, en particulier à la fermeture desdits services la nuit comme le jour : dans les Alpes-de-Haute-Provence, ce surcoût était de 150 000 euros en 2023 et le chiffre prévisionnel pour 2024 atteint 250 000 euros…

Ces surcoûts ne sont que trop peu compensés, et le recouvrement des factures est insuffisant. Voilà la réalité !

J'en viens au troisième point d'incertitude qui pèse considérablement sur le financement des Sdis ruraux : la part dans les effectifs des pompiers volontaires et les difficultés de recrutement. Dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, que je représente ici, le fonctionnement du service repose à 96% sur l'engagement de sapeurs-pompiers volontaires. L'épée de Damoclès d'une possible requalification du statut fait craindre le risque d'un effondrement. Nous devons lever ces incertitudes le plus rapidement possible.

Mes chers collègues, nos Sdis sont arrivés à un point de rupture, et ce d'autant que les collectivités locales, départements en tête, contributrices à hauteur de 5,6 milliards d'euros, sont exsangues.

Or la sécurité civile ne saurait être une variable d'ajustement budgétaire ; le drame de Valence est là pour nous le rappeler. Face aux mutations en cours, des décisions budgétaires s'imposent, tant conjoncturelles que structurelles, afin de redonner aux Sdis des marges de manœuvre adéquates à la réalité de leurs missions – j'associe à mon propos notre collègue Raphaël Daubet, sénateur du Lot, avec qui j'ai partagé quelques constats communs.

Dans le cadre de l'examen du projet de budget pour 2025, monsieur le ministre, je plaide pour un engagement de l'État en ce sens ou, à tout le moins, pour un moratoire qui aiderait les départements à passer ce cap.

Concrètement, pour le département des Alpes-de-Haute-Provence, le projet d'augmentation de quatre points de la cotisation employeur à la CNRACL représente 180 000 euros de dépenses en plus, quand la perte annoncée de deux points du taux du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) signifie 230 000 euros de recettes en moins. Le bilan est simple : un endettement accru et l'impossibilité de renouveler le matériel. Est-ce bien prudent ? Est-ce juste ?

Ce n'est pas nouveau, mais cela devient urgent : des mesures structurelles de bon sens s'imposent, au premier rang desquelles la mutualisation et – son corollaire – la péréquation.

Deuxième piste d'action : la rationalisation de la commande publique et une exigeante simplification administrative et normative.

Troisième proposition – tout le monde en a parlé : à défaut d'autres solutions, l'augmentation de la fraction de TSCA dévolue aux Sdis me paraît inévitable.

Au total, nous avons plus que jamais besoin d'un contrat d'objectifs et de performance clair, posant les bases d'un partenariat de sécurité civile entre l'État, les départements et les autres collectivités concernées.

Je conclurai mon propos par ce point, monsieur le ministre : dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, petit département de 160 000 habitants, nous avons mis en place au collège des classes de jeunes sapeurs-pompiers volontaires, ainsi que, depuis 2023, un bac professionnel de sécurité civile.

Je serai attentif au soutien que vous voudrez bien manifester à l'endroit de ces initiatives. L'investissement de notre pays pour les Sdis dépend aussi de notre capacité à rendre attractif sur le long terme cet engagement dès le plus jeune âge. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mmes Anne-Sophie Patru et Émilienne Poumirol applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, j'ai reçu hier l'Association des maires ruraux de France, et nous avons eu l'occasion d'échanger à propos de la sécurité civile, mais aussi des polices municipales et des gardes champêtres. Nous avons évidemment une attention et une sensibilité toutes particulières à la ruralité.

Les difficultés de recrutement des sapeurs-pompiers volontaires sont amplifiées en secteur rural. Vous le savez, nous travaillons sur les sujets de reconnaissance et d'attractivité du volontariat ; un décret est notamment en cours d'arbitrage…

Mme Émilienne Poumirol. Qu'attendez-vous pour le publier ?

M. Nicolas Daragon, ministre délégué. … quant à la bonification du nombre de trimestres pris en compte pour le calcul de la retraite des sapeurs-pompiers volontaires, mais aussi des bénévoles des associations agréées de sécurité civile.

Nous n'avons pu trancher en quelques semaines ce qui n'a pu être décidé en plus d'un an : vous ne m'en voudrez pas, mesdames, messieurs les sénateurs. Mais nous continuons d'y travailler et espérons aboutir bientôt.

J'en viens à trois sujets importants, qui sont étroitement connectés : l'accompagnement des Sdis et des collectivités en général par les assureurs ; le financement par ces derniers de l'activité de sécurité civile ; enfin, leur présence dans la gouvernance. Il faudra mettre sur la table ces trois questions si l'on veut un débat serein.

Pour ce qui est des secours sanitaires, monsieur le sénateur, je partage votre propos : le tarif national d'indemnisation des carences ambulancières est fixé à 209 euros, quand le coût réel d'une intervention est supérieur à 400 euros. On le voit, les Sdis supportent en partie une charge qui devrait incomber entièrement au ministère de la santé, avec lequel nous aurons évidemment à échanger dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile, afin d'améliorer les modalités de prise en charge.

Précisément, le Beauvau apportera une réponse aux questions de financement, que nous ne saurions arbitrer ici. Les départements et les communes, j'y insiste, seront partie prenante de ce travail – je sais combien le Sénat y est sensible.

M. le président. La parole est à M. Pascal Martin. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Pascal Martin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les récentes inondations qui ont ravagé l'Espagne et nombre de départements français rappellent, s'il en était encore besoin, le caractère vital des services d'intervention en cas de catastrophe naturelle.

Dans notre pays, ce sont les services départementaux d'incendie et de secours qui sont au centre du dispositif d'aide aux victimes. Leur excellence n'est plus à prouver, comme en témoigne la position de la France comme premier contributeur du mécanisme de protection civile de l'Union européenne.

Aujourd'hui, les Sdis sont cependant menacés par un effet de ciseau.

D'un côté, les besoins ne vont malheureusement pas cesser d'augmenter. Le changement climatique, en particulier, ne peut que multiplier l'occurrence et l'intensité des phénomènes climatiques extrêmes, qu'il s'agisse des tempêtes ou des feux hors norme. On peut également penser au phénomène de retrait-gonflement des argiles, qui va fragiliser un nombre considérable de bâtiments sur le territoire national ; et je n'oublie pas la lutte contre les risques industriels et technologiques.

D'un autre côté, dans le contexte budgétaire que l'on connaît, les moyens financiers qui sont alloués aux Sdis tendent à stagner, voire à régresser.

Certes, des économies dans la gestion du service sont envisageables. Elles ne peuvent passer que par un effort de mutualisation des ressources, notamment par la création de plateformes de gestion et de traitement des appels communes aux sapeurs-pompiers et au Samu.

Pour intéressantes que soient ces pistes côté dépenses, elles ne régleront pas structurellement le problème : nous ne pouvons faire l'économie d'une réforme du financement des Sdis. Je remercie donc nos collègues du RDSE d'avoir inscrit cet indispensable débat à l'ordre du jour de la Haute Assemblée.

La fiscalité des Sdis a déjà été partiellement adaptée à la montée en charge de leur activité. Je pense à l'exonération du malus écologique et de l'accise sur les produits énergétiques, l'ex-TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) pour les carburants utilisés par l'ensemble de leurs véhicules, exonération votée ici même, faut-il le rappeler, et inscrite dans la loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, texte d'initiative sénatoriale que j'ai eu moi-même l'honneur de déposer avec trois de mes collègues.

Néanmoins, nous allons avoir besoin d'une réforme plus fondamentale. À l'heure actuelle, les Sdis sont quasi intégralement financés par le conseil départemental et le bloc communal. Le rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) de 2022 et celui de la mission Falco de 2023 ont souligné combien ce système est à bout de souffle face à l'évolution des risques et de la sollicitation opérationnelle.

Mme Nadine Bellurot. Eh oui !

M. Pascal Martin. De nombreuses pistes sont sur la table pour le réformer. Permettez-moi d'évoquer celles qui me semblent les plus prometteuses.

Premièrement, il est proposé de moderniser la part de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances attribuée aux Sdis : assiette, fraction versée, péréquation, plusieurs leviers peuvent être actionnés pour en augmenter le rendement.

Deuxièmement, on peut envisager le versement aux Sdis d'une quote-part de la taxe de séjour et la création d'une contribution nouvelle sur les locations de type Airbnb.

Troisièmement, certains évoquent – je suis le premier à le faire ce soir – la possibilité d'élargir la taxe Gemapi (taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations), pour en faire une taxe sur les risques majeurs. À ce propos, nous sommes plus réservés. Politiquement, un tel élargissement serait délicat pour les collectivités, alors même que, en la matière, la solidarité nationale devrait jouer à plein.

C'est pourquoi la quatrième piste me semble plus intéressante. Elle recouvre deux voies plus originales qui pourraient être explorées : primo, l'élargissement de la possibilité de facturation par les Sdis de prestations qui ressortissent au secteur privé ; secundo, l'action des Sdis permettant aux compagnies d'assurances de réaliser des économies, il serait légitime qu'une fraction des gains des secondes revienne aux premiers, comme cela a cours dans certains pays anglo-saxons ou en Suisse – c'est le principe de la " valeur du sauvé ".

Ces deux dernières pistes sont véritablement disruptives, car elles impliquent en quelque sorte un changement de culture de la part des Sdis. Mais, face à la montée en puissance des périls naturels, il va falloir se résoudre à décloisonner le secteur public et le secteur privé en matière d'intervention et de secours.

On parle de plus en plus d'adaptation au changement climatique ; on ne pourra à notre sens s'adapter à une France réchauffée de 4 degrés qu'en revoyant totalement le financement des Sdis dans le sens que j'ai indiqué. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE. – Mme Émilienne Poumirol et M. Ronan Dantec applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Monsieur le sénateur Pascal Martin, je veux le souligner, la France est le premier contributeur de l'Union européenne en matière de formation et de déploiement – vous le savez bien, vous qui êtes expert du sujet.

En ce moment même, nous sommes, me semble-t-il, le seul pays étranger à contribuer à la gestion de la catastrophe sans précédent qui s'est produite en Espagne, à Valencia – vous me permettrez de prononcer ce nom à l'espagnole, mesdames, messieurs les sénateurs, car je m'inquiète, depuis le début de ce débat, chaque fois que j'entends le mot « Valence » ! (Sourires.)

Cinquante sapeurs-pompiers y ont donc été mobilisés tout récemment ; compte tenu du délai qu'il a fallu pour que nous puissions enfin envoyer des forces en soutien aux sapeurs-pompiers espagnols, on mesure bien combien notre système, organisé nationalement, est pertinent.

Concernant la mutualisation des moyens des Sdis, une vingtaine de plateformes communes d'appel d'urgence 15-18 sont en cours d'expérimentation et vont être évaluées. Nous devons aussi travailler sur les achats mutualisés, auxquels procèdent d'ores et déjà un certain nombre de départements. J'ai évoqué la procédure, prévue dans le pacte capacitaire, qui permet d'abaisser de 30 % le coût d'achat d'un camion. Il nous faut déployer ce type d'opérations plus souvent, afin de faire des économies d'échelle.

En matière de financement, je partage vos orientations. Nous étudierons toutes les options, mais, en effet, la piste doit être évoquée d'une facturation des prestations, notamment de secours, qui pourraient être évitées, sur le modèle de ce qui a longtemps été fait, par exemple, avec la " carte neige ".

La question de la participation des assureurs doit également être posée : je le disais, nous allons devoir discuter à la fois de la taxe et de la gouvernance, étant entendu par ailleurs que plus nous ferons de prévention, plus, à mesure que le niveau de risque sera abaissé, les assureurs diminueront leurs primes.

Je souscris à la totalité de vos propos, monsieur le sénateur ; nous nous rendrons prochainement dans votre département pour la relance du Beauvau, et vous aurez l'occasion d'évoquer ces pistes.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parmi les nouveaux enjeux auxquels sont confrontés les services départementaux d'incendie et de secours, ainsi que l'ensemble de nos sapeurs-pompiers, qu'ils soient professionnels ou volontaires, on pense évidemment aux effets du changement climatique. Celui-ci s'accélère. L'observatoire européen Copernicus vient de le démontrer : l'année 2024 sera la plus chaude jamais enregistrée.

Dans tous nos départements, nous connaissons désormais trop bien les conséquences d'un tel état de fait : inondations, feux de forêt, crues, tornades, canicule, sécheresse…

Les interventions se multiplient, se diversifient et courent sur des périodes de plus en plus longues. La pression logistique et opérationnelle qui pèse sur les Sdis ne cesse de croître. À titre d'exemple, il y a un an, lors du passage de la tempête Ciarán, le Sdis de Seine-Maritime a dû réaliser près de 600 interventions pour les seules journées des 2 et 3 novembre.

Les conséquences du dérèglement climatique poussent également les Sdis à adapter leurs techniques et à renforcer leurs moyens et ressources. En plus de développer la formation, ils doivent désormais se doter de nouveaux équipements nécessaires à la lutte contre des risques auxquels ils étaient autrefois peu confrontés. Ces évolutions devraient accroître les coûts qu'ils supportent d'au moins 20 % d'ici à 2040.

Parmi les nouveaux enjeux auxquels sont confrontés les sapeurs-pompiers, il y a aussi la désertification médicale et les difficultés de nos services de santé à assumer leurs missions – je pense en particulier aux carences ambulancières.

Lorsque les services d'urgence ferment régulièrement, comme c'est le cas à Lillebonne ou à Fécamp, dans le département de la Seine-Maritime, les services d'incendie et de secours sont évidemment davantage mis à contribution.

Certes, le secours à la personne fait partie de leurs missions, mais ils sont de plus en plus fréquemment contraints de se déplacer pour des interventions qui ne relèvent a priori pas de leur champ de compétences. Ils transportent de plus en plus souvent de plus en plus de personnes vers des lieux de soins de plus en plus éloignés. En vingt ans, ces sursollicitations ont augmenté de 85%, sans que le poids financier afférent ait été comblé.

De surcroît, dans le contexte inflationniste actuel, les Sdis sont eux aussi soumis à l'augmentation des prix du matériel ou des carburants. Aussi le montant de leurs dépenses ne fait-il que croître, sachant que leurs budgets sont assurés pour plus de la moitié par les départements et pour un tiers par les communes et les intercommunalités – cela a été rappelé.

Vu le sort budgétaire que réserve aux collectivités le projet de loi de finances pour 2025, on voit mal comment départements, communes et intercommunalités pourront répondre aux besoins des Sdis, en fonctionnement, en équipement, en matériel, en véhicules, etc. d'autant que, en parallèle, ce même projet de loi de finances affiche une baisse des moyens affectés par l'État à la sécurité, ce qui risque d'accroître encore la pression budgétaire sur les collectivités !

Quant au projet de loi de financement de la sécurité sociale, il prévoit une hausse de 4 points par an pendant trois ans du taux de cotisation des employeurs territoriaux à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, ce qui aura un impact considérable sur les Sdis !

Il convient donc de trouver de nouvelles ressources. Soyez assuré, monsieur le ministre, que nous formulerons des propositions en ce sens lors des débats budgétaires qui vont nous mobiliser dans les prochains jours.

Des travaux parlementaires – plusieurs collègues les ont évoqués, et je note des convergences – ont également défriché des pistes en matière de financement spécifique des Sdis. Je pense à l'augmentation de la fraction de TSCA qui leur est allouée ou à la création d'une nouvelle taxe départementale additionnelle à la taxe de séjour, qui permettrait de faire contribuer les touristes au financement des services d'incendie et de secours. Voilà des pistes qui méritent d'être examinées.

Enfin, monsieur le ministre, j'ai entendu vos propos sur le décret relatif à la bonification des retraites des sapeurs-pompiers volontaires ayant accompli au moins dix ans de service. Nous en attendons la publication, et nos volontaires, eux, n'ont que trop attendu : il est temps que cette bonification devienne effective !

Dans les prochaines semaines, j'en suis sûr, nous nous rendrons les uns et les autres, à l'invitation de nos services d'incendie et de secours, aux célébrations de la Sainte-Barbe. Nous y dirons combien l'engagement des sapeurs-pompiers est précieux ; nous y honorerons la mémoire des disparus. Mais il convient aussi de garantir à nos Sdis les moyens de protéger l'ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et RDSE. – Mme Émilienne Poumirol et M. Marc Laménie applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Madame la sénatrice Brulin, je partage évidemment le diagnostic que vous avez posé à propos du changement climatique.

Le plan présenté tout récemment par le Premier ministre répond pour partie au défi, mais il convient aussi que nous fassions des progrès pour ce qui est d'inculquer à l'ensemble de nos concitoyens une véritable culture de la prévention. Les plans communaux de sauvegarde s'inscrivent dans une démarche qu'il va falloir généraliser.

Vous avez raison de le souligner, en quelques heures nous sommes capables de mobiliser des centaines de volontaires. L'exemple du phénomène climatique qui s'est produit en Ardèche le montre : 800 sapeurs-pompiers ont pu être mobilisés en une heure, signe que les modes d'alerte et de mobilisation de nos volontaires fonctionnent.

Pour ce qui est de la sursollicitation des Sdis en matière de transport sanitaire, la réforme du transport sanitaire urgent, via la mise en place d'un système de garde pour les ambulances privées, a fait diminuer le nombre de carences de 14 % en 2023. Cette bonne pratique doit être généralisée.

Quant au budget de la sécurité civile pour 2025, il est en effet en baisse de 3% par rapport à l'exercice précédent. Cela s'explique tout simplement par le décalage de la commande prévue d'avions bombardiers d'eau Canadair : ces appareils ne seront pas disponibles avant 2030, et nous avons préféré nous orienter vers l'option d'une commande à un nouveau consortium européen, ce qui va nous permettre de disposer d'un avion bombardier d'eau français. En réalité, le budget est donc étalé, plutôt que réduit.

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol. (Applaudissements sur des travées du groupe RDSE. – Mme Patricia Schillinger et M. Marc Laménie applaudissent également.)

Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier le groupe RDSE d'avoir mis à l'ordre du jour de notre assemblée ce débat essentiel sur le financement des services départementaux d'incendie et de secours. Ce sujet est fondamental, tant le financement des Sdis tend d'année en année à se précariser.

Je n'aborderai pas ce soir, car il a été longuement évoqué, le problème du statut du volontariat et de l'arrêt Matzak ; en tant qu'ancienne présidente de Sdis, je suis bien sûr très sensible à la complémentarité entre les professionnels et les volontaires, ainsi qu'à la nécessité de maintenir du statut de sapeur-pompier volontaire.

Je n'évoquerai pas non plus – derechef, il en a déjà été beaucoup question – le sujet de la prévention des risques climatiques.

Je concentrerai mon intervention sur les aspects financiers, ainsi que sur un point qui me tient à cœur, à savoir la politique de prévention en santé menée auprès de nos sapeurs-pompiers.

En application des lois du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité et du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, les contributions des communes au budget des Sdis sont figées : elles ne peuvent augmenter davantage que l'inflation.

Aussi le département est-il aujourd'hui le principal financeur des Sdis : il contribue à leur budget à hauteur des deux tiers. Heureusement, depuis 2005, une partie de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances, la fameuse TSCA, leur est affectée par l'État à cet effet.

Cependant, et à titre d'exemple, dans le département de la Haute-Garonne, cette dotation est aujourd'hui calculée en fonction de la population du département telle qu'elle fut recensée en 2002, soit environ 1,1 million d'habitants. Mais la population haut-garonnaise s'est accrue depuis lors de 17 000 à 20 000 personnes chaque année ; ainsi s'établit-elle en 2024 à 1,45 million d'habitants, soit une augmentation de plus de 387 000 habitants, l'équivalent d'une ville comme Nantes ou Nice, qui n'est pas prise en compte dans le calcul des contributions versées par l'État et par les communes et qui doit donc être compensée par le département.

Or, vous le savez, monsieur le ministre, les collectivités territoriales sont financièrement exsangues, et votre PLF pour 2025 ne fait qu'accentuer leurs difficultés. Dès lors, comment les départements pourront-ils encore financer et soutenir les Sdis dans leur gestion des nouveaux défis et des nouveaux risques ?

Face à l'augmentation de la population et à l'émergence de risques liés au dérèglement climatique ou à l'évolution de la menace, il apparaît aujourd'hui indispensable de réformer le mode actuel de financement des Sdis, fondé sur les contributions du département et du bloc communal.

Il conviendrait en particulier d'augmenter le taux de la fraction de TSCA qui leur est dévolue, tout en la modernisant, en actualisant son assiette et en tenant compte de la forte évolution de la pression démographique.

Il est par ailleurs nécessaire de mettre en place un pacte capacitaire spécifiquement dédié au risque inondation, comme cela a été fait pour les incendies après les feux qui ont touché la Gironde en 2022. Un tel pacte permettrait notamment l'acquisition de moyens de pompage de grande puissance, sans qu'il y ait besoin de faire appel au mécanisme d'aide européen.

La prise en compte de la « valeur du sauvé » constitue également un enjeu fort pour les Sdis : il s'agit de faire en sorte qu'ils apparaissent non plus comme une charge ou un coût, mais comme un service public de proximité à valoriser, bénéfique pour l'ensemble de la société.

Une autre piste de financement a été évoquée, à savoir le versement d'une quote-part de la taxe de séjour perçue par les communes.

Parmi les nouveaux défis auxquels sont confrontés les Sdis, il y a aussi celui de la protection de la santé de nos sapeurs-pompiers.

Avec ma collègue Anne-Marie Nédélec, ici présente, j'ai rédigé au nom de la commission des affaires sociales du Sénat un rapport d'information sur les cancers imputables à l'activité de sapeur-pompier.

Ce rapport met en lumière la polyexposition de nos pompiers à des substances toxiques, dont certaines sont reconnues comme cancérogènes, telles que les fumées toxiques, l'amiante, les retardateurs de flamme, les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS), les perturbateurs endocriniens, les protoxiques ou les hydrocarbures aromatiques polycycliques.

Pour répondre au développement de ces risques, le rapport préconise d'élargir la présomption d'imputabilité au service aux types de cancer dont le lien avec l'activité de sapeur-pompier est reconnu par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), comme le font d'autres pays tels que le Canada, les États-Unis ou encore l'Australie.

En outre, le rapport insiste sur la nécessité de mettre en place une véritable politique de prévention au sein des Sdis, laquelle se heurte à la faiblesse des moyens qui leur sont accordés.

Ainsi, alors qu'un nouveau modèle de cagoule filtrante devrait être bientôt disponible et que la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises s'apprête à en discuter, son coût d'au moins 50 euros, contre quelque 15 euros pour le modèle actuel, rend peu crédible l'idée d'en équiper rapidement les sapeurs-pompiers.

C'est pourquoi nous appelons de nos vœux la création d'une dotation exceptionnelle consacrée aux équipements de protection individuelle (EPI) et aux cagoules.

Sans une réponse concrète et rapide de l'État, les délais de réponse seront amenés à s'allonger, ce qui entraînera de fait une dégradation de la qualité de ce service public, qui est souvent le dernier présent dans nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP. – M. Pierre Barros applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Je vous remercie de votre intervention, madame Poumirol, et de votre rapport sur les cancers imputables à l'activité de sapeur-pompier.

La DGSCGC est en train de travailler sur le sujet, avec la création d'une matrice emploi-tâche-exposition, en partenariat avec l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Un protocole de nettoyage des EPI contaminés à l'amiante est également en cours d'élaboration, ainsi qu'une étude sur l'exposition des sapeurs-pompiers aux fumées des feux de forêt, réalisée par l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (Ensosp).

Les EPI novateurs offrent une meilleure protection thermique et un taux de filtration des particules fines de 70%, contre 0% actuellement. Nous recherchons une tenue polyvalente pour éviter d'importants surcoûts et l'inconfort de certains équipements – mais vous savez tout cela parfaitement, ayant vous-même travaillé sur ces questions.

Pour ce qui concerne le financement, je vous invite à venir découvrir la Bourgogne, le 12 décembre prochain, quitte à traverser la France. (Sourires.) Nous travaillerons sur ces sujets, sachant que les pactes capacitaires ont tenu compte du risque d'inondation via des acquisitions de matériel lourd et que l'achat de pompes spécifiques est toujours en projet.

Nous reverrons ces questions, que vous avez évoquées, dans le cadre du Beauvau. Vous avez mentionné la taxe de séjour : j'ai évoqué cette piste avec David Lisnard aujourd'hui même. Vous découvrirez la position des communes sur ce point lors des débats, dont je ne doute pas qu'ils seront animés.

M. le président. La parole est à Mme Annick Petrus, pour le groupe Les Républicains.

Mme Annick Petrus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité civile, fondement de notre République, repose sur une organisation à même de répondre efficacement aux besoins spécifiques de nos territoires.

Depuis quelques années, ces derniers sont de plus en plus confrontés à de nouveaux risques – aucun territoire n'y échappe. La crise du volontariat, qui s'y ajoute, impose de trouver sans cesse des mesures incitatives qui affectent le budget, qu'on le veuille ou non.

À Saint-Martin, cette organisation est en pleine transformation avec la création, en janvier prochain, d'un service territorial d'incendie et de secours (Stis) autonome, projet essentiel auquel j'ai l'honneur de participer activement en tant que membre du comité de pilotage.

Beaucoup de territoires ultramarins font face à tous ces défis. Les risques naturels, notamment les cyclones et les inondations, combinés aux exigences liées à l'activité portuaire et touristique, appellent une organisation locale plus réactive et adaptée. Notre territoire de Saint-Martin pourrait être doublement, voire triplement affecté : le fait qu'il s'agisse du seul centre de secours de l'île implique une autosuffisance opérationnelle en cas de catastrophe majeure, dans l'attente des premiers renforts.

Notre modèle actuel, qui est dépendant du Sdis de la Guadeloupe, avec lequel nous sommes conventionnés depuis 2007, a montré ses limites. Le choix de créer un Stis autonome s'est imposé à nous dans la mesure où les recrutements opérés à notre place par la Guadeloupe n'apportaient aucune garantie en termes de fidélisation du personnel et nous exposaient aux demandes de droit à la mobilité à tout instant, alors même que le coût d'un retour sur le continent n'est pas budgétisé.

Cette nouvelle organisation et ce fonctionnement autonome permettront de renforcer les moyens humains et matériels consacrés à la gestion des risques climatiques, industriels et sanitaires, puisque nous disposerons de notre propre schéma territorial d'analyse et de couverture des risques (Stacr). Avec une administration autonome et un niveau opérationnel en phase avec les enjeux, nous serons mieux à même d'anticiper une gestion opérationnelle sans faille en attendant l'arrivée des renforts et de répondre à la crise du volontariat, qui touche tous les territoires français.

Pour atteindre ces objectifs, il est impératif de garantir un financement pérenne et ambitieux des Sdis, qui repose aujourd'hui essentiellement sur les contributions des collectivités locales. Or ces dernières, surtout les ultramarines, font face à des contraintes budgétaires importantes, amplifiées par l'insularité.

Ainsi, le coût de fonctionnement de notre Stis est estimé à plus de 9 millions d'euros, charge qui incombera entièrement et uniquement à la collectivité, à l'instar de ce qui se passe dans toutes les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution. Celles-ci cumulent les compétences d'une commune, d'un département et d'une région, mais avec des ressources financières limitées par leur statut.

Cette spécificité renforce la nécessité d'un accompagnement de l'État, car il est primordial que la collectivité puisse assumer cette responsabilité sans compromettre la réalisation d'autres priorités essentielles pour le territoire. Les besoins sont clairs et nombreux : renouveler les équipements obsolètes, recruter du personnel administratif pour répondre à la création des différents services, renforcer la formation des sapeurs-pompiers, proposer des mesures incitatives pour fidéliser les sapeurs-pompiers volontaires et anticiper les crises potentielles avec des outils modernes, comme les systèmes d'alerte précoce pour les inondations.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Annick Petrus. Cet enjeu de souveraineté et de justice territoriale, qui garantit à chaque citoyen, où qu'il réside, une protection égale et adaptée face aux risques, requiert donc le soutien financier de l'État. La sécurité civile est un droit fondamental, dont la réussite repose sur des choix clairs et ambitieux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Patricia Schillinger et M. Michel Masset applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Madame la sénatrice Petrus, je vous confirme que le Beauvau de la sécurité civile et le Beauvau de la police municipale comprendront une étape consacrée aux outre-mer. Avec François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer, nous devons réfléchir à son format, afin d'être au plus proche des territoires. Nous ferons d'ailleurs en sorte que ces débats se tiennent dans un territoire ultramarin.

Vous avez indiqué qu'un service territorial sera créé en janvier 2025, à Saint-Martin. Sur le sujet de l'attractivité, les mêmes questions qu'en zone rurale peuvent se poser ; nous devons continuer d'y travailler pour ce qui concerne non seulement le volontariat, mais aussi l'activité professionnelle.

Quant à l'alerte précoce, nous avons récemment testé le dispositif FR-Alert, dont les effets de bord imposent encore quelques ajustements. Il s'est cependant révélé particulièrement efficace lors des dernières inondations, qui ont touché vingt départements ; il sera pleinement applicable dans tous les territoires ultramarins.

M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI, et INDEP.)

M. Olivier Bitz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les débats sur le financement de nos politiques publiques ont pris une acuité toute particulière ces derniers mois.

C'est dans ce contexte, que chacun a bien à l'esprit, qu'intervient notre débat sur le financement de la sécurité civile en général, et le soutien aux Sdis en particulier – je remercie à mon tour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen d'avoir demandé son inscription à l'ordre du jour.

Le contexte financier est difficile. J'ai essayé, en préparant mon intervention, de rester fidèle à ma ligne, c'est-à-dire de ne pas proposer de prélèvement obligatoire supplémentaire. Toutefois, avant même de traiter de la couverture des nouveaux risques, constatons que le modèle de financement de nos Sdis est déjà à bout de souffle. Nombre d'entre eux n'arrivent pas à boucler leur projet de budget pour 2025.

L'augmentation envisagée de 4 points des cotisations à la CNRACL représente 1,5 million d'euros de frais de fonctionnement supplémentaires pour un Sdis comme celui du Val-d'Oise ; pour celui de l'Orne, qui m'est cher, nous parlons d'une dépense supplémentaire de 200 000 euros. S'ajoutent à cela l'augmentation importante des coûts d'assurance et l'inflation en général.

De manière plus structurelle, l'augmentation de la demande opérationnelle dans le domaine sanitaire progresse bien plus vite et plus fortement que les ressources. Forcément, cela coince… Le vieillissement de la population et les déserts médicaux grandissants viendront encore renforcer cette pression opérationnelle sur le secours aux personnes.

En ce qui concerne les recettes, les premiers financeurs des Sdis que sont les départements sont eux-mêmes asphyxiés. Alors que la participation financière des conseils départementaux a plus que doublé sur la période 2002-2021, nous observons depuis 2016 une légère baisse de leur contribution nette hors TSCA. Ce ralentissement est la traduction immédiate des difficultés financières que les départements connaissent. Or le PLF pour 2025 prévoit pour l'instant – j'ai bon espoir que le Sénat sera entendu sur ce point – de leur demander un effort supplémentaire de 2,2 milliards d'euros, alors que 60% d'entre eux connaissent déjà de fortes contraintes.

Les Sdis ne pourront relever les défis financiers des nouveaux risques de sécurité civile si leurs premiers financeurs sont eux-mêmes en grande difficulté.

Le risque RH, qui a déjà été évoqué, constitue l'un des principaux nouveaux risques. L'érosion du volontariat est à mettre en regard de l'augmentation simultanée de la demande opérationnelle : nous allons nous retrouver avec moins de volontaires pour plus de missions.

Que ce soit en raison des menaces pesant sur l'engagement non professionnel ou de l'application de la directive européenne sur le temps de travail, l'affaissement du volontariat imposerait de recruter immédiatement des sapeurs-pompiers professionnels, dont nous ne saurions pas aujourd'hui financer les postes. Voilà, à mon sens, le premier risque auquel s'attaquer pour éviter la remise en cause non seulement de notre modèle de sécurité civile, mais aussi de son financement.

Les nouveaux risques de sécurité civile, à proprement parler, ont déjà été analysés : extension dans le temps et dans l'espace des feux de forêt et d'espaces naturels, inondations, risques liés à la protection de notre patrimoine ou au développement des motorisations électriques.

Quelle est la bonne échelle pour y répondre ? Si les nouveaux risques exigent de nouveaux moyens, ceux-ci ne doivent pas forcément être positionnés au niveau de chaque Sdis. La question des moyens nationaux, qu'il s'agisse de leurs capacités comme de leur doctrine d'emploi, soutiens irremplaçables des Sdis, doit être posée à l'aune de ces nouveaux risques.

À cet égard, je m'inquiète du ralentissement de la montée en puissance de la quatrième unité de sécurité civile de Libourne ou de l'ajournement des indispensables travaux programmés sur la base de sécurité civile de Nîmes. De même, sur les moyens aériens, nous devons réfléchir à une vision plus stratégique.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Olivier Bitz. Voilà autant de sujets de réflexion sur les moyens venant en soutien de nos Sdis. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI, et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Monsieur le sénateur Olivier Bitz, je souhaiterais rappeler quelques chiffres importants dans le cadre des prochaines négociations sur le financement : au travers de la TSCA, l'État finance les Sdis à hauteur de 26%, contre 29% pour les conseils départementaux hors TSCA, 34 % pour les communes et 11% pour les autres ressources, dont le FCTVA.

Les communes devront donc occuper une place aussi importante que les départements dans les discussions à venir. Nous appelons tous de nos vœux ce schéma de financement, qui permettrait une évolution modérée pour les collectivités territoriales. À nous de trouver d'autres pistes de financement ; nous y réfléchirons ensemble lors du débat qui se tiendra le 12 décembre prochain, en Bourgogne–Franche-Comté.

En ce qui concerne le volontariat, Bruno Retailleau cherche à négocier une nouvelle directive européenne plutôt que de modifier le droit du travail.

Quant à la quatrième unité, elle comptera 228 militaires de la sécurité civile à la fin 2024. Il s'agit d'une montée en puissance progressive, mais régulière – nous étions à 160 militaires en début d'année –, pour atteindre un effectif de 500 militaires le plus vite possible. Il est vrai que l'année budgétaire particulière que nous vivons implique un ralentissement, mais il n'est pas question d'arrêter ce mouvement.

M. le président. La parole est à Mme Nadine Bellurot, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE, RDPI et INDEP.)

Mme Nadine Bellurot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un département rural comme celui de l'Indre, sans nos sapeurs-pompiers professionnels et, tout particulièrement, volontaires, nous ne pourrions pas faire face aux conséquences de la désertification médicale.

Ils comblent en grande partie les défaillances du système de santé, alors que l'Indre fait partie des territoires les moins bien dotés. Pour leur engagement sans faille, je souhaite donc les saluer et les remercier.

Tous les Sdis sont confrontés à un accroissement du nombre de leurs interventions, notamment au titre du secours d'urgence aux personnes, soit environ sept interventions par minute. Comme l'avait indiqué l'ancien ministre de l'intérieur lors du Beauvau de la sécurité civile, en avril dernier : " Notre modèle est solide, mais il est sous tension. "

En parallèle, les Sdis doivent s'adapter aux nouveaux risques et aléas liés au changement climatique. En témoigne, ces dernières années, l'accroissement des feux d'espaces naturels résultant des fortes chaleurs et des sécheresses. En 2021, dans le parc naturel régional de la Brenne, dans le département de l'Indre, près de 100 hectares ont été détruits par les flammes, alors que ce département, historiquement, n'est pas un territoire en proie aux incendies. Récemment encore, nous avons vécu des inondations tragiques, en France et en Espagne.

Notre modèle unique de sécurité civile doit donc être conforté. Cet impératif suppose de donner aux sapeurs-pompiers les moyens nécessaires à la réalisation des tâches constitutives de leur cœur de métier. Se pose aussi la question de l'adaptation des ressources des Sdis aux nouvelles missions et actions complémentaires dévolues aux sapeurs-pompiers. Ces derniers appellent d'ailleurs à une meilleure préparation des territoires pour faire face à ces risques aujourd'hui étendus.

Ainsi, de nombreux Sdis évoquent la piste d'une valorisation du sauvé, également appelée le " coût du sauvé ". Il s'agirait de faire participer financièrement les sociétés d'assurance, à hauteur des coûts matériels et humains évités par l'action préventive des sapeurs-pompiers. On peut citer le bâchage en période d'inondation ou encore la préservation des massifs forestiers et des milliers d'hectares épargnés des flammes grâce aux moyens des Sdis.

Par exemple, en 2022, dans l'Indre, à la suite d'un épisode violent de grêle, le Sdis est intervenu à 2 000 reprises pour couvrir des toitures afin de combler le manque d'entreprises de couverture. Cela a permis non seulement de sécuriser les logements et infrastructures menacés à la suite des intempéries, mais également d'éviter des dégâts supplémentaires. Par voie de conséquence, l'intervention du Sdis, en se substituant à celle d'entreprises privées, réduit les coûts des compagnies d'assurances qui y auraient fait appel.

Dans le contexte budgétaire que vous connaissez, il est demandé aux collectivités territoriales de participer à l'effort de redressement des comptes publics. Rappelons pourtant que les premiers financeurs des Sdis sont les conseils départementaux, les communes et les intercommunalités. Afin de trouver de nouvelles solutions de financement, monsieur le ministre, une réflexion peut-elle être menée avec les compagnies d'assurances en vue de reverser aux Sdis une part de cette portion « sauvée » ? Cela permettrait de les rétribuer à hauteur d'une partie du coût réel des dégâts ou dommages si les sapeurs-pompiers n'étaient pas intervenus, et ce notamment lorsque les Sdis agissent en lieu et place d'acteurs privés.

Je remercie nos collègues du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen pour ce débat important : nous avons besoin de nos pompiers ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE, RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Le débat sur la défaillance de la couverture médicale doit être mené avec le ministère de la santé. Ce sujet nous occupera lors du Beauvau.

Le risque incendie est lié au réchauffement climatique et à la sécheresse. Les pactes capacitaires y répondent en partie, avec plus de 1 000 engins financés grâce à l'appui de l'État. Je salue d'ailleurs le travail accompli à Valabre en matière de formation à la lutte contre les incendies. En visitant ce centre de formation unique en Europe, j'ai constaté la présence de délégations de plusieurs pays, signe que les pratiques françaises sont reconnues à l'étranger.

Je partage votre avis sur la valorisation du sauvé. Les assureurs devront être présents autour de la table au moment de discuter du financement et de la gouvernance. Nous ne manquerons pas de les interpeller sur ce sujet, à vos côtés.


- Conclusion du débat -

M. le président. En conclusion du débat, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de m'associer aux remerciements qui ont été adressés au groupe RDSE pour l'organisation de ce débat. Celui-ci nous aura donné l'occasion de nous exprimer sur les Sdis, l'un des sujets centraux du portefeuille que m'ont confié le Premier ministre et le ministre de l'intérieur.

L'ancrage territorial des Sdis fait leur force. La décentralisation de ces services est un succès unanimement reconnu ; elle a permis une montée en compétence très rapide de notre chaîne de sécurité depuis 1996. Je veux saluer l'intelligence des territoires : les présidents de conseils départementaux, les présidents des conseils d'administration des Sdis, les maires et les préfets ont su inventer un modèle de gouvernance robuste, réactif et résilient.

Les résultats sont au rendez-vous. En témoigne la capacité de mobilisation des sapeurs-pompiers, qui interviennent toutes les six secondes en tout point du territoire, mais aussi au cours d'événements climatiques de plus en plus fréquents. Quelque 3 000 sapeurs-pompiers ont ainsi été récemment mobilisés dans vingt départements en un temps record.

À cet égard, je tiens à rappeler que nous sommes une référence mondiale dans le domaine de la sécurité civile ainsi que le premier pourvoyeur, en Europe, de formations aux secours à la personne.

Vous avez toutefois raison, mesdames, messieurs les sénateurs, notre modèle de sécurité civile va devoir faire face à de nouveaux enjeux : dérèglement climatique, vieillissement de la population, désertification médicale, etc. La pression opérationnelle va donc s'accroître. Or notre modèle a un coût et nous savons qu'il va falloir trouver de nouvelles sources de financement, en lien avec les principaux financeurs que sont les départements, les communes et l'État.

Le budget national des Sdis, d'un montant de 6 milliards d'euros, est financé à près de 60% par les conseils départementaux, dont 1,3 milliard d'euros sont reversés par l'État au titre de la TSCA, et à quelque 40% par le bloc communal.

Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, nous allons relancer, le 25 novembre prochain, avec tous les partenaires impliqués, le Beauvau de la sécurité civile.

Un temps spécifique sera réservé à la question du financement. À ce stade, tout est envisageable : augmentation de l'assiette de la TSCA, affectation d'une partie de la taxe de séjour aux services d'incendie et de secours, sollicitation des compagnies d'assurances ou plus grande participation des métropoles.

J'indique au passage que l'instruction relative au remboursement de l'accise supportée par l'acquisition des gazoles doit être signée par le ministre Retailleau. L'exonération de 30 millions d'euros interviendra donc tout prochainement.

Nous avons également parlé de mutualisation, qui est un sujet central.

De toute évidence, les choix que nous ferons ensemble lors du Beauvau de la sécurité civile affecteront non seulement les finances, mais aussi la gouvernance, tant ces deux sujets sont intimement liés.

Le fait d'entrer dans une logique assurantielle, qui nous conduit à faire participer les usagers à la prise en charge de certains risques, n'est pas un tabou. Je pense aux très nombreuses interventions des Sdis liées à des activités de loisirs ou sportives, qui pourraient être couvertes en partie par des assurances privées ou facturées de temps en temps. C'est déjà le cas en Suisse, où les citoyens évitent d'appeler les sapeurs-pompiers pour de petites blessures, puisqu'il leur en coûte, à titre personnel, près de 1 000 francs suisses.

Le volontariat est de toute évidence un modèle à préserver. Il y a là un enjeu opérationnel en ce qu'il nous permet de mobiliser, en tout point du territoire, des centaines de sapeurs-pompiers. Ainsi, lors des inondations du mois d'octobre en Ardèche, 800 sapeurs-pompiers, tant volontaires que professionnels, ont été mobilisés en moins d'une heure et nous ont permis d'éviter un drame. Une nouvelle fois, je tiens à les remercier pour leur action lors de cet épisode cévenol.

Tout cela a un coût, mais la somme engagée reste modique : 90 euros par habitant, ce qui est aussi une exception française.

Pour pérenniser ce modèle unique au monde, nous devons valoriser l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et avoir des gestes forts de reconnaissance de leur action au service de la Nation. Plusieurs propositions ont été mises sur la table : octroi de trimestres de retraite de bonification, simplification des modalités d'engagement et de formation, mise en place de quotas de décorations…

Ces propositions feront l'objet d'un chantier spécifique en janvier prochain, à l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers. Bien évidemment, nous y associerons les associations agréées de sécurité civile, également concernées par les questions de valorisation et de reconnaissance de leur engagement bénévole, qui est d'ailleurs remarquable.

Enfin, la sécurité civile doit rester une politique publique régalienne, placée sous le commandement opérationnel du ministère de l'intérieur. Je me permets d'insister sur ce point, dans le contexte d'une crise inégalée de la sécurité civile en Europe, en particulier en Espagne.

En lien avec les préfets, les collectivités locales ont un rôle central à jouer dans la gestion des crises. Le développement remarquable des plans communaux de sauvegarde (PCS) et des plans intercommunaux de sauvegarde (Pics) a permis de sauver de nombreuses vies lors des inondations exceptionnelles d'octobre dernier.

Reste que nous devons nous poser collectivement cette question : quel avenir souhaitons-nous donner à notre sécurité civile à l'horizon de 2040 ? Tel est l'objet du Beauvau de la sécurité civile, que j'ai l'honneur de piloter.

Des investissements structurels sont nécessaires pour assurer la pérennité de nos moyens de secours. Je pense notamment à notre flotte de moyens nationaux aériens. Le ministre de l'intérieur s'est engagé hier, devant la commission des lois du Sénat, à tenir les engagements pris pour renouveler la flotte d'hélicoptères EC145. La question des avions bombardiers d'eau se pose également.

Il est de notre responsabilité collective de trouver des solutions soutenables financièrement pour garantir à la fois notre résilience et notre souveraineté.

Préserver notre modèle de sécurité civile, sécuriser le financement des Sdis et se préparer au dérèglement climatique sont les défis que nous devons relever ensemble.

Dans cette perspective, vous pouvez compter sur le Gouvernement et sur moi-même pour mobiliser toute notre énergie. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)


source https://www.senat.fr, le 20 novembre 2024