Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, à France Info TV le 19 novembre 2024, sur une mission d'adaptation au changement climatique, la baisse du financement pour les collectivités locales, le budget 2025 et la contestation des agriculteurs.

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Média : France Info TV

Texte intégral

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Et Alix, vous recevez ce matin Agnès PANNIER-RUNACHER, c'est la ministre de la Transition écologique ?

ALIX BOUILHAGUET
Oui, avec un programme chargé, on va parler de l'Association des maires de France, on va parler des agriculteurs, on va aussi parler de la COP 29.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
C'est parti pour l'interview politique de la matinale.

ALIX BOUILHAGUET
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Alix BOUILHAGUET.

ALIX BOUILHAGUET
Je le disais à l'instant, vous rendez ce matin au salon de l'Association des maires de France. On voit de plus en plus de communes qui sont touchées par des intempéries, des tempêtes, des inondations. Vous lancez une mission d'adaptation au changement climatique pour accompagner cent territoires l'année prochaine. Ça consiste en quoi exactement ? Comment on les accompagne ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
En fait, effectivement, les maires, aujourd'hui, sont en première ligne du dérèglement climatique. Moi, je le constate sur le terrain. Je suis élue du Pas-de-Calais. On a traversé quatre voire jusqu'à cinq ou six séquences d'inondations pour certaines parties de départements successives en douze mois et ce sont les maires qui sont en première ligne pour réparer un trottoir, venir en aide à des sinistrés, évacuer, le cas échéant, accompagner des personnes qui veulent changer de maison. Et on a besoin, aujourd'hui, de leur apporter de l'ingénierie, parce que c'est des compétences particulières, pour les aider à poser, un, le diagnostic, quels sont les risques qui sont liés au dérèglement climatique sur leur territoire ? Ce n'est pas la même chose à Calais ou à Boulogne, où vous avez des risques de submersion marine, des risques d'inondations, peut-être moins de risques de canicules répétées, quoique moins de risques de sécheresse. Et dans des territoires comme les Pyrénées-Orientales, où il va falloir se préparer à vivre au travers d'un climat désertique, et donc, apprendre à cultiver, à travailler d'une manière différente de celle qu'on a connu ces dernières années. Et tout ça, c'est pour les maires changer d'aménagement, changer de mode de travail, et investir pour protéger leur population.

ALIX BOUILHAGUET
Dans le budget 2025, il est prévu, en tout cas jusqu'à présent, une baisse du fonds vert qui permet aux collectivités locales de financer les projets. Il y a aussi une baisse de Ma Prime Rénov', il y a la suppression de la prime à la conversion pour la charte de voitures électriques. Ce budget, il ne va pas vraiment dans le sens de l'écologie ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, comme tous les ministres, je prends ma part aux efforts de resserrement des finances publiques. Pourquoi ? Parce que si on laisse filer les déficits, nous aurons des prêteurs qui vont exiger qu'on paye plus d'intérêts et ça sera tout le monde qui sera perdant, puisqu'on consacrera encore plus d'argent à payer nos intérêts de dette, plutôt qu'à les consacrer à nos missions de services publics, à l'intérêt général, au financement du service public. Donc, évidemment, il faut faire ses efforts, mais il faut bien les orienter. Je veux vous rassurer sur Ma Prime Rénov', je le répète de plateau en plateau, ce n'est pas une baisse du budget auquel on fait face. Parce que le budget qui a été dépensé l'année dernière, il est de l'ordre d'1,7 milliard d'euros. Nous avons un budget, en 2025, de 2,3 milliards d'euros, donc c'est une augmentation et c'est un niveau quasiment historique dans les crédits pour la rénovation thermique des ménages. En revanche, il y a des enveloppes qui sont en recul. Je pense à l'électrification des véhicules, vous mentionnez le fond vert. Notre objectif est de faire en sorte d'orienter ces dispositifs pour avoir le maximum d'impact et en particulier pour faire en sorte qu'ils accompagnent les ménages modestes et les classes moyennes qui travaillent pour qu'elles puissent changer de véhicule facilement, bénéficier de la rénovation thermique ou au travers de leur commune, avoir accès à des réseaux de chaleur qui coûtent moins cher que du gaz naturel.

ALIX BOUILHAGUET
Michel BARNIER se rendra jeudi, aussi, devant les maires. Il y a un coup de rabot qui est prévu pour les collectivités locales de près de cinq milliards. Il a commencé à lâcher du lest devant les départements. Il a raison de dire que ce ne sera sans doute pas cinq milliards à l'arrivée, ce sera peut-être moins ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
On a toujours été très clair, et le Premier ministre le premier, pour dire que ce budget n'était pas parfait, c'était une copie qu'on mettait sur la table et qu'on allait discuter avec les parlementaires en profondeur et que nous allions discuter aussi avec toutes les parties prenantes. Et il y a eu des discussions avec les entreprises, avec les associations d'élus pour faire bouger les curseurs et effectivement, trouver les meilleures dispositions qui nous permettent à la fois de réduire notre déficit public. Je le redis, c'est important pour tout le monde, mais en même temps, de ne pas freiner dans mon portefeuille, par exemple, la transition écologique, cet élan qui est nécessaire, mais pour les collectivités locales, l'investissement local qui est nécessaire à la fois pour des raisons économiques, parce que ça nourrit la croissance, mais également pour des raisons de services publics, puisque les investissements sont faits en appui des habitantes et des habitants.

ALIX BOUILHAGUET
Un petit mot, juste, en passant sur ce budget. On a quand même l'impression que la copie va être examinée, la copie originelle, celle du Gouvernement, va être examinée par le Sénat. On a l'impression que le socle commun, ça ne marche pas bien, ça coince. La semaine dernière, il y avait encore des menaces de démission des treize ministres, EPR qui font partie du Gouvernement. Vous enviez partie de ceux qui disaient, parce que Laurent WAUQUIEZ avait préempté l'annonce sur l'indexation des retraites, vous faisiez partie des ministres qui se disaient, on va démissionner, il y en a marre ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors très simplement, Ensemble pour la République, nous sommes une famille politique, donc, moi, je suis évidemment solidaire de ma famille politique. Maintenant, j'observe une chose assez simple, c'est qu'on avance sur ce budget, on avance. Gabriel ATTAL a notamment revendiqué un certain nombre d'avancées, je pense sur le prix de l'électricité, je pense sur les charges sociales et ces discussions ont lieu, elles ont lieu avec le Premier ministre.

ALIX BOUILHAGUET
Donc, vous dites : " Tout va bien au sein du socle commun ", ce n'est pas tout à fait ce qu'on ressent. Est-ce qu'il y a un risque que le socle commun ne vote pas ce budget par exemple ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je pense que ce risque est limité, dès lors que nous avons des bonnes discussions sur le fond du budget et que tous les groupes sont entendus. Et moi, je ne vois pas de signaux qui seraient manifestés par le Premier ministre de ne pas avoir ce dialogue constructif, mais responsable, c'est-à-dire que bien sûr, il faut trouver les bons réglages, mais à la fin on sait tous que le déficit public ne peut pas filer. Et encore une fois, je le répète, parce que payer 55 milliards d'euros de taux d'intérêt, d'intérêt à nos prêteurs, ça n'apporte rien à personne, ni aux Français, ni aux services publics, ni aux collectivités locales, c'est de l'argent qui n'est pas utilisé pour les missions de services publics.

ALIX BOUILHAGUET
Mais si Gabriel ATTAL, parce que c'est son objectif, n'obtient pas les allègements de charges sur les entreprises, enfin, ce qu'il souhaite pour alléger le coût du travail, ça pourrait être un casus belli, une ligne rouge et dire : " Non, nous, on ne signe pas ce budget " ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, je le redis, le Premier ministre a indiqué qu'il allait recevoir l'ensemble des familles politiques pour refaire le point sur leurs priorités. Et le dialogue est constant et fluide avec les familles du socle commun. Donc, je suis confiante sur le fait qu'on saura trouver les bons équilibres, mais ce n'est pas simple, je le redis, beaucoup de gens critiquent les discussions qui ont lieu sur le budget. C'est beaucoup plus facile d'avoir un budget en augmentation que d'avoir un budget de responsabilité, dans lequel on doit faire des économies, dans lequel on doit faire des réglages sur la fiscalité. Aucun ministre n'aime réduire son budget, aucun ministre n'aime augmenter la fiscalité, donc nous le faisons en responsabilité, avec le plus de professionnalisme possible et en faisant en sorte que tout le monde soit entendu dans notre socle commun.

ALIX BOUILHAGUET
Un mot rapidement sur les agriculteurs qui manifestent à nouveau un an juste à peine depuis leur dernière mobilisation, trop de normes de bureaucratie, de mauvaise récolte aussi. Vous comprenez leur colère ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais vous savez, moi j'ai, là aussi, j'ai passé près de quatre heures avec les représentants du monde agricole ces deux dernières semaines dans mon territoire, des Hauts-de-France. J'entends leur difficulté. Je veux d'abord rappeler que ce sont les premières victimes du dérèglement climatique. Et ce dérèglement climatique leur coûte très cher. I4CE, qui est un organisme indépendant, a évalué à plus de deux milliards d'euros l'impact des différents événements climatiques en 2023 sur le monde agricole, c'est dix fois plus, voire vingt fois plus qu'il y a cinq ans.

ALIX BOUILHAGUET
Donc il faut les aider ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bien sûr qu'il faut les accompagner. Ceux d'autant qu'eux-mêmes se transforment pour justement répondre à la fois aux besoins de la population, il faut nourrir la population. Ils ont une mission absolument fondamentale et en même temps pour lutter contre le dérèglement climatique, et en même temps pour faire en sorte de réduire leur propre empreinte environnementale puisque l'utilisation des pesticides, l'utilisation d'engrais peuvent affecter la qualité des sols et la qualité de l'eau qu'on boit. Donc ils sont engagés dans ça, mais on doit les soutenir. Et ce qui est insupportable pour eux, c'est effectivement de faire face à de la concurrence déloyale d'autres pays, d'avoir l'impression, eux, de faire des efforts.

ALIX BOUILHAGUET
Donc le Mercosur, vous dites, vous aussi " non ", même si c'est ouvrir finalement ce grand chantier commercial à la Chine, plutôt qu'aux lignes européennes.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais moi, je vais le dire très simplement. Le commerce à condition qu'il soit avec de la concurrence loyale, pas de problème et d'ailleurs notre agriculture a envie ce commerce et le traité du CETA est un traité équilibré en ce sens-là. Le Mercosur, on ne joue pas à armes égales et ça, ce n'est pas acceptable.

ALIX BOUILHAGUET
On parlera de la COP 29 une prochaine fois. Désolée, le temps nous presse. Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Merci beaucoup.


Source : Service d'intervention du Gouvernement, le 25 novembre 2024