Interview de M. François-Noël Buffet, ministre, chargé des outre-mer, à LCP le 28 novembre 2024, sur la menace de censure du Gouvernement sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2025, le coût de la vie dans les outre-mer, la situation en Nouvelle-Calédonie, le manque d'eau à Mayotte et le narcotrafic en Guyane et aux Antilles.

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Média : LCP Assemblée nationale - La Voix du Nord

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Bonjour François-Noël BUFFET.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Merci d'être avec nous, ministre chargé des Outre-Mer. On est ensemble pendant un peu plus de 20 minutes pour une interview en partenariat avec la Presse régionale représentée par Julien LECUYER de La Voix du Nord. Bonjour Julien.

JULIEN LECUYER
Bonjour Oriane, bonjour monsieur le ministre.

ORIANE MANCINI
Merci d'être avec nous. On va évidemment parler des sujets qui concernent les outre-mer, longuement, François-Noël BUFFET. Mais d'abord, un mot sur l'actualité politique et on l'a entendu encore plus depuis hier ; le RN et la gauche qui brandissent la menace d'une motion de censure, peut-être dès la semaine prochaine. Est-ce que la solution de sortie de crise, c'est la démission d'Emmanuel MACRON ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Ecoutez, je crois que la solution de sortie de crise, c'est que cette motion de censure ne soit pas votée et que l'ensemble des parlementaires et des députés naturellement qui souhaitent la voter se ressaisissent. Veulent-ils vraiment que la France soit à genoux ? La question c'est celle-ci : veulent-ils mettre la France à genoux ? Pour des raisons d'ailleurs, pour la majorité d'entre eux, de convenance personnelle ou de calcul de période politique liée au timing du moment. Mais très sérieusement, est-ce que c'est le moment de mettre le pays en difficulté et au-delà du pays, les Français eux-mêmes ? Lorsque la situation financière explosera, déjà que les taux d'intérêt ont considérablement augmenté pour nous, on est quasiment au niveau de la Grèce. Je pense qu'il faut quand même se rendre compte de ce que cela signifie, de ce que cela représente, qu'on ne pourra plus acheter un appartement, faire un investissement, que le pouvoir d'achat sera en difficulté et qu'on aura des Français en difficulté. Auront-ils conscience que c'est à cause d'eux que cela arrive ? Donc j'en appelle à la raison. Tous sont doués de raison et tous sont capables de comprendre que la situation est extrêmement difficile et que l'intérêt supérieur du pays, c'est de ne pas le mettre dans le chaos.

ORIANE MANCINI
Mais eux disent que Michel BARNIER ne fait pas de compromis.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Oui, mais…

ORIANE MANCINI
Est-ce que ça ne doit pas aller dans les deux sens, la recherche de stabilité ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Le vote du budget n'est pas terminé. Et pour ma part, y compris dans mon propre domaine, j'attends beaucoup des débats devant le Sénat qui vont s'ouvrir. Donc laissons les choses se faire.

JULIEN LECUYER
Les gestes ne sont pas suffisants, même au sein de la majorité des députés qui vous soutiennent. Je pense à un Gérald DARMANIN qui jugeait encore hier que Michel BARNIER n'allait pas encore assez loin dans les gestes à l'égard du Rassemblement national ou bien des deux des macronistes.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Je comprends. Mais de deux choses ; l'une, on a un budget extrêmement contraint, extrêmement difficile. Le Premier ministre a rappelé qu'il l'avait fait pendant quinze jours et qu'en réalité, on avance en marchant pour dire la vérité. Ce n'est pas la situation habituelle. Donc il y a ceci. Le deuxième point, nous avons quand même des contraintes qui sont extrêmement fortes et des règles financières à respecter a minima. Donc, soit on a conscience de cela et on se dit "écoutez, ce n'est pas parfait, mais on avance." Soit on s'en fiche totalement et effectivement, on passe tout par-dessus bord et on sera encore plus en difficulté. Mais après on peut discuter. Je pense qu'il peut y avoir des moments de discussions. Je pense qu'il y en a en tous les cas je l'espère. Moi, je vois, à l'exemple de mon propre budget dont j'ai la charge. Je progresse j'allais dire tous les jours.

ORIANE MANCINI
Mais ça veut dire que là, dans la version initiale, le budget des outre-mer, il vous convenait ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Pas du tout. Quand je le dis très librement, c'est une aide de plafond qui avait été signée avant que nous arrivions au Gouvernement, de plafond c'est globalement l'enveloppe dont on dispose qui était à - 37 %. Comment voulez-vous qu'on puisse mener une politique ultramarine avec un tel coup de… Ce n'est plus un coup de rabot, c'est un fossé. Donc je progresse et j'ai progressé et je vais continuer de progresser.

ORIANE MANCINI
Pour arriver à combien juste ? Pour arriver à une stabilisation ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
L'idée étant, un, de participer à l'effort national parce que c'est normal que nous participions à l'effort national et qu'on tangente le budget 2024.

ORIANE MANCINI
Vous pensez qu'après le texte à la sortie du Sénat, ça ira ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Je pense qu'on devrait pouvoir y arriver. En tous les cas, je travaille à cela.

JULIEN LECUYER
J'insiste encore. On a l'impression que Michel BARNIER ne va pas au bout des efforts possibles pour s'allier, pour s'éviter une motion de censure. Est-ce que dans tous les cas, il ne vaut mieux pas ce compromis plutôt qu'en effet, en arriver à cette crise politique qui serait la censure et la chute du Gouvernement ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Toute la question est la sincérité des débats. Seuls nos interlocuteurs sont sincères et effectivement au bénéfice d'une discussion et peut-être de progrès, ils le prennent en considération et les choses sont claires, soit ils ne le sont pas parce que pour des raisons politiques, ils veulent faire tomber le Gouvernement à d'autres fins et à d'autres arrière-pensées.

JULIEN LECUYER
Mais c'est ce que vous pensez visiblement.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Ce parfois je m'interroge. Je ne le pense pas forcément, mais je peux m'interroger à cela. Depuis quelque temps quand même, je me rends compte que le souci absolu de l'intérêt supérieur de la France n'est pas toujours le fil conducteur majeur. Alors que l'on s'inquiète de telle ou telle situation catégorielle, c'est parfaitement entendable et c'est parfaitement normal. Qu'on préserve le pouvoir d'achat des Français, c'est légitime, que l'on essaie de trouver de meilleures solutions pour le développement économique, que l'on essaie de lutter contre les problèmes climatiques, évidemment. Quelques exemples, parmi d'autres, il y en a plein d'autres. Que l'outre-mer fasse un effort dans son budget parce qu'il participe à l'œuvre collective, c'est parfaitement légitime. Mais on n'est pas obligé, tous les matins, de brandir l'outil de la motion de censure, ou de je ne sais quel propos, qui finalement nuise à une discussion sereine. Moi, je pense que les solutions sont tout à fait possibles, à la seule et unique condition qu'on arrive quand même à se placer dans un débat apaisé. C'est peut-être un rêve, mais je pense que la France et les Français en ont besoin. Je suis d'accord avec le Premier ministre lorsqu'il dit que quand il va sur le terrain, il entend nos compatriotes dire qu'on a besoin de stabilité. Je dois dire qu'à mon niveau c'est la même chose. Et le monde économique en particulier, dont on vante les mérites en permanence, et on a raison de le faire, attend aussi cette stabilité. Je pense que les Français doivent se rendre compte que nous sommes dans une situation extrêmement grave et que nous avons plutôt besoin d'eau calme que de tempête.

ORIANE MANCINI
On va parler des Outre-mer et l'un des principaux sujets de préoccupation, c'est la question de la vie chère.

JULIEN LECUYER
Tout à fait, Oriane. Lors d'une visite en Martinique, ce mois-ci, vous avez fixé l'objectif d'une baisse de 20 % sur 6 000 produits de première nécessité au 1er janvier. Est-ce que vous allez tenir cet objectif ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
C'est un impératif. L'engagement qui a été pris le 16 octobre dernier, à la fois par la collectivité de Martinique, avec le monde économique local, avec la présence de l'État à travers son préfet, sur ces 6 000 produits, 69 familles de produits, moins 20 % au 1er janvier, nous n'avons pas d'alternative autre que celle de tenir parole.

JULIEN LECUYER
Et ça va être étendu, ce dispositif ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Alors, il peut être… On prévoit dans la loi de finances, d'ailleurs, que pour les aspects de TVA, on laisse à la Guadeloupe, à la Martinique, mais aussi à la Réunion, la possibilité de moduler leur taux de TVA. Ça leur donne un peu de souplesse aussi. L'idée étant que sur la vie chère, d'une façon presque générique, on ait un moment de vérité. Il existe beaucoup de rapports sur la vie chère qui ont été commis, soit par des parlementaires, soit par des organismes de tout poil, si je puis me permettre cette expression un peu légère. Il est temps de faire la synthèse de tout cela et d'avoir un moment de vérité sur la composition des prix. On sait à peu près comment ils sont composés.

ORIANE MANCINI
Ça veut dire quoi, un moment de vérité ? Est-ce qu'il y aura un grand plan ? Une grande conférence, une grande réunion ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Je voudrais mettre en place, effectivement, ce que j'appelle aujourd'hui un Oudinot de la vie chère ou du pouvoir d'achat ultramarin. Le nom n'est pas encore tout à fait déterminé. Mais un moment de vérité en tous les cas, qu'on sache précisément ce qui se passe, car il n'est pas acceptable – disons les choses comme elles sont – que vous ayez 40 % d'écart de prix entre la Martinique et… ou 37 % avec la Réunion.

ORIANE MANCINI
Une petite question, il consistera en quoi cet Oudinot de la vie chère ? Ça va prendre quelle forme ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
On fait la synthèse, on discute. Parce qu'en fait, ce qui participe à la vie chère est multifactoriel en réalité dans le milieu ultramarin. Vous avez évidemment tout ce qui est le sujet des... Prenez l'exemple de la Martinique qui n'a que 20 % d'autonomie alimentaire. 80 % des produits sont importés. Est-ce qu'on ne peut pas travailler sur la création d'une filière agricole meilleure sur le long terme, de façon structurelle ? Est-ce qu'on ne peut pas travailler aujourd'hui sur les conditions d'élaboration des prix ? Il y a une chaîne qui est très complexe.

ORIANE MANCINI
Mais pour ça, vous allez faire quoi ? Vous allez mettre tous les acteurs autour de la table ? Comment ça va se passer ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
L'idée c'est de faire la synthèse du tout au sein du ministère et du Gouvernement. Ensuite, d'avoir un débat avec les parlementaires et les acteurs. Et d'en tirer, si possible, une réforme structurelle qui nous permette de…

ORIANE MANCINI
À quelle échéance, du coup ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Assez rapidement. L'idée, c'est de voter le budget dans les semaines qui viennent et de se mettre au travail tout de suite à la rentrée de manière à ce qu'au début de 2025, on est beaucoup plus clair.

JULIEN LECUYER
Est-ce qu'il n'y a pas la volonté aussi, très rapidement, de taper du poing sur la table vis-à-vis des distributeurs ? On le sait, il y a des marges qui sont opaques, qui expliquent en partie la vie chère.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Vous avez raison. Il y a des choses qui se disent qui sont vraies. Il y a des choses qui se disent qui sont fausses. Il est temps de tout mettre sur la table pour avoir ce moment de vérité. Parce qu'il faut vraiment que l'on torde le cou – une fois de plus, c'est une expression assez directe – à ce qui est mensonge ou ce qui est, effectivement, consécutif d'abus. Et moi, je n'ai pas d'aversion ni pour les uns ni pour les autres. Je veux simplement savoir comment ça se passe et ce qui se passe précisément, pour essayer d'apporter une réponse structurelle. C'est fondamental. On ne peut pas continuer comme ça avec nos compatriotes ultramarins, en particulier ceux qui ont le moins de moyens. Même s'il existe déjà beaucoup d'efforts de la part de l'État. La défiscalisation, il y a beaucoup de sujets. En fait, c'est un sujet qui est beaucoup plus complexe qu'on ne l'imagine. Quand on parle transport, aérien par exemple, quand on parle de tout ce qui concerne les produits d'énergie, on a des sujets là. Il y a une réponse structurelle sur la constitution des prix et il y a une réponse structurelle sur le développement de filières économiques qui permettent plus d'autonomie à nos territoires ultramarins.

JULIEN LECUYER
Autre question brûlante, c'est sur la Nouvelle-Calédonie. Cette fois, vous avez les élections provinciales qui seront organisées le 30 novembre 2025. Un accord doit être trouvé avant mars sur l'épineuse question du dégel du corps électoral. Vous êtes censé recevoir des propositions des partis politiques. Est-ce que vous avez commencé à les recevoir et quelles sont-elles ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Les choses sont organisées de la manière suivante. Je me suis rendu en Nouvelle-Calédonie au mois d'octobre. J'ai rencontré tout le monde. On a commencé à remettre tout le monde autour de la table, ce qui est un point important. J'indique par ailleurs que la situation économique de la Nouvelle-Calédonie suite aux événements du 13 mai est absolument dramatique. Nous avons répondu immédiatement aux enjeux économiques. Nous nous inscrivons actuellement dans une mission qui est sur place pour travailler à la fois à l'injection, si vous me permettez cette expression, également des aides directement aux communes et aux provinces et au Gouvernement pour qu'elle puisse être efficace le plus rapidement possible. Nous travaillons à une construction d'un projet économique de moyen et de long terme pour la Nouvelle-Calédonie. Il y a également l'aspect nickel. Et puis à côté, il y a l'aspect institutionnel. Le dialogue est réouvert. La visite récente de la présidente de l'Assemblée nationale et du président du Sénat a été également un moment important de dialogue et d'échange sur l'aspect institutionnel.

ORIANE MANCINI
Qu'est-ce qu'elle a apporté, cette visite de… ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Les élus locaux… Elle a montré deux choses. C'est que le Gouvernement est évidemment très présent et travaille à la solution, une solution pour la Nouvelle-Calédonie. Mais que le Parlement s'y intéresse aussi. C'est fondamental pour quelques raisons. C'est que si réformes constitutionnelles doivent y avoir, nous devons passer devant le Parlement. Et il est parfaitement utile que le Parlement comme tiers de confiance, comme le Sénat l'a été pendant longtemps et l'est toujours, soit très présent. Il y aura un rendu du travail des élus locaux auprès des deux présidents d'Assemblée au début du mois de décembre. À l'issue de ce rendu, les deux présidents rendront compte, au Premier ministre et au Président de la République, de ce travail. Et nous-mêmes, à ce moment-là, reprendrons la discussion pour qu'au début de l'année 2025, nous tenions d'avoir un accord à la fois de développement économique de moyen et long terme et à la fois institutionnel. L'objectif, vous l'avez rappelé, c'est que les élections provinciales sont fixées au mois de décembre, et que dans un monde idéal, si toutefois il existe, nous puissions essayer de trouver un accord au début de l'année 2025, en tous les cas dans les premiers six mois de 2025.

JULIEN LECUYER
Concernant les aides, vous aviez prolongé le soutien au chômage partiel. Est-ce qu'il faut s'attendre à ce que cette aide soit prolongée même au-delà de janvier ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Oui. Nous avons un plan de soutien… Nous sommes en train de construire avec le Président du Gouvernement et de Nouvelle-Calédonie. Un plan de soutien, j'allais dire, sur trois ans. Nous avons déjà évoqué 2025 sur lequel les choses avancent avec une aide de l'État conséquente. Nous discuterons prochainement avec les membres du Congrès et la Présidente du Congrès de Nouvelle-Calédonie. Il faut que tout le monde se retrouve sur un plan de soutien qui soit solide et surtout qui ne soit pas simplement conjoncturel. Il y a un aspect conjoncturel et il y a un aspect structurel. La Nouvelle-Calédonie doit retrouver le chemin de la prospérité pour l'ensemble de nos compatriotes. C'est aussi le gage d'une stabilité qui permettra d'avancer sur le plan institutionnel et de pallier les difficultés. Nous avons quand même une démographie qui est en baisse, avec des départs importants. C'est pratiquement presque 10 000 personnes qui ont quitté… 6 000 en tous les cas, entre le 1er janvier et la fin du mois de juin. Ça continue une peu après. Un monde économique qui a subi une baisse du PIB de l'ordre entre 20 et 25 % ; ce n'est pas négligeable. Dans un endroit du monde extrêmement sensible, la zone pacifique. Tout le monde a pris conscience de cela. Si j'ose dire à toute chose malheureuse est bonne, mais le drame du mois de mai a permis aussi à tous les acteurs calédoniens de se rendre compte qu'ils ne sont pas passés loin du gouffre et que le rôle de l'État est très, très important en la matière.

ORIANE MANCINI
Julien, on parle de Mayotte ?

JULIEN LECUYER
Oui, question qui est là aussi d'actualité, puisqu'on a appris que dorénavant, les habitants de Mayotte devraient subir 30 heures consécutives sans eau, tous les deux jours. C'est encore une fois rallongé, cette période sans eau à Mayotte, pour cause de sécheresse et aussi de surconsommation. Enfin, la situation devient assez dramatique. Qu'est-ce qu'on peut faire pour les habitants ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Elle est dramatique et elle est très difficile à Mayotte. Elle est complexe. En Guadeloupe, nous avons un problème de gestion de l'eau. Sur Mayotte, sujet sur les retenues collinaires, il y a un projet de construction d'une usine de désalinisation qui est en cours, qui est engagé. Le lieu d'implantation a été déterminé par les élus locaux. Il y a un ou deux sujets techniques à régler, mais nous nous engageons là-dessus pour aller le plus vite possible et permettre aux Mahorais de vivre dans des conditions normales, mais nous prenez la Martinique à ce sujet là aussi, et la Guadeloupe également.

JULIEN LECUYER
Mais à quel horizon, excusez-moi ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
C'est dans le budget 2025.

JULIEN LECUYER
D'accord, donc on peut imaginer que la situation s'améliore.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Les financements sont prévus dans le budget 2025. Les études ont été faites en 2024 et en 2025, on est prêt. Les financements sont prêts et il faut avancer.

ORIANE MANCINI
Il y a un autre sujet, alors, qui se pose sur tout le territoire et évidemment aussi dans l'outre-mer, c'est l'action du narcotrafic qui se pose notamment en Guyane, qui est une plaque tournante. Est-ce qu'il y aura un volet outre-mer dans la loi narcotrafic qui sera examinée au Sénat en janvier ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
En tous les cas, il le faut. On a le sujet effectivement du côté de la Guyane, on a le sujet aux Antilles, avec une présence forte qui devient une plaque tournante de la drogue, mais aussi de l'armement. Donc il faut que nous soyons plus que vigilants, à la fois dans les contrôles et dans le traitement. Il y a des contrôles permanents qui sont faits au départ des vols, évidemment, des aéroports, que ce soit de Martinique ou de Guyane. La Guyane, la complexité est plus grandes parce qu'évidemment, le territoire est plus grand. Je rappelle pour nos auditeurs que la Guyane, c'est le Portugal en taille, 700 km de frontière avec le Brésil, en face avec le Suriname, avec le Maroni aujourd'hui. Bon, il y a des problèmes de sécheresse, on ne l'évoque pas, mais c'est une réalité. Une présence des orpailleurs clandestins qui pose problème, donc on a des sujets extrêmement lourds qu'il faut traiter. Évidemment que dans le texte qui viendra au mois de janvier, qui est inspiré d'ailleurs du rapport qui a été fait dans cette maison par Jérôme DURAIN et Etienne BLANC, et d'un texte qui a été préparé à d'autres moments où j'occupais d'autres fonctions, qui a été déposé au Sénat. Donc, ça c'est très important, on va simplifier ce texte.

ORIANE MANCINI
Mais justement, est-ce que, du coup, vous allez faire en sorte qu'il y ait des mesures spécifiques pour les ultramarins ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Ah oui, croyez bien que sans faire de confidences, mais on a évoqué le sujet avec le ministre de l'Intérieur hier.

ORIANE MANCINI
On veut bien les confidences.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Non, non, mais on a bien convenu que l'aspect ultramarin était majeur et que les actions ultramarines, notamment par la défense maritime, principalement, mais l'installation de radars, le contrôle des passages, sont des moments extrêmement importants. Sans parler du contrôle des ports, qui sont des lieux d'arrivée et de départ dans le site de territoire. Donc, c'est majeur et je pense que là aussi, il faut mesurer l'ampleur de la difficulté et surtout au-delà de l'ampleur, les conséquences dans nos territoires de cette situation-là.

ORIANE MANCINI
Le ministère des Outre-mer a connu une valse de ministres depuis l'arrivée d'Emmanuel MACRON. Est-ce que du coup ce n'est pas compliqué d'assurer la stabilité et d'avoir une vision de long terme pour nos Outre-mer ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
La réponse est oui. Elle est clairement oui. Je suis le cinquième ministre des Outre-mer dans les deux ans qui viennent de s'écouler. Monsieur CARENCO, Mme BRAUN-PIVET quelque temps, Monsieur VIGIER, Madame GUEVENOUX, je suis le cinquième. Franchement, ce n'est pas une question de personne, c'est une question de principe. Quand vous voulez vous inscrire sur une politique de moyen et de long terme structurée pour l'ensemble de nos territoires ultramarins, qui le méritent, j'insiste là-dessus, qui le méritent, ce sont des territoires formidables, porteurs de pépites. Il n'y a pas un territoire qui n'est pas porteur d'une pépite, qui ont besoin de stabilité, qui a besoin de stratégie de moyen et de long terme. Le fait d'avoir un ministre, même si les administrations sont très bien, mais il faut un portage politique, il faut une stratégie politique. C'est ce qu'on va essayer de faire dans le temps qui nous sera donné avec le SIOM qui va arriver au mois de mars, le comité interministériel des Outre-mer qui traduit la stratégie du ministère en matière d'aménagement et de développement, et avec un document que je veux mettre en place, stratégique, qui fixe les horizons de nos Outre-mer à dix-vingt ans, même avec des périodes d'exécution de trois-cinq-sept ans, ainsi de suite, parce que je veux qu'on ait une stratégie bien déterminée, je ne vais pas dire gravée dans le marbre, mais en tous les cas, qui fixe des horizons pour donner de la vision, pour donner à l'ensemble des acteurs aussi une stabilité. N'oublions pas une chose, et nos compatriotes de l'Hexagone ne le savent pas suffisamment, nos territoires ultramarins, c'est trois millions de compatriotes. Nos territoires ultramarins, c'est trois millions de compatriotes. Trois millions de compatriotes, et sur 13 territoires, en réalité douze, parce que les taffes sont peu occupées bien sûr, et puis vous avez à peu près un peu moins d'un million de nos compatriotes ultramarins qui sont sur l'Hexagone, et qui évidemment ont gardé des relations importantes avec leurs familles et leurs amis, ce qui est normal, donc ce n'est pas rien, au contraire.

ORIANE MANCINI
Julien, on parle d'un autre sujet ?

JULIEN LECUYER
Oui, juste une petite question sur la crise migratoire, vous avez été rapporteur d'une mission sur l'immigration clandestine il y a quelques années, c'était en 2006 de mémoire, vous avez été aussi artisan de la loi Immigration l'an passé, un jugement sur les drames qui se succèdent dans la Manche, Bruno RETAILLEAU doit se déplacer dans le Pas-de-Calais pour rencontrer les élus du littoral, qu'est-ce qu'on peut faire selon vous pour résoudre cette question ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Je suis allé cinq fois à Calais et j'ai été rapporteur de tous les textes d'immigration dans cette maison, bien sûr. Ce que je veux dire, c'est que l'immigration, c'est un sujet qui est multifactoriel, en réalité vous avez trois pôles, vous avez le pôle de l'immigration régulière, le pôle de l'immigration irrégulière et le pôle de l'asile qui est à part. Le pôle de l'immigration irrégulière, c'est une lutte au quotidien avec des moyens extrêmement lourds pour lesquels il faut être sans faiblesse, mais pour traiter évidemment les situations irrégulières, mais vous avez en même temps à gérer l'immigration régulière, et il faut que dans l'immigration, c'est-à-dire les flux, et l'immigration régulière, il faut se donner d'une stratégie. Moi, je suis favorable à une immigration choisie, qui soit fondée sur le développement économique, ceci prenant source dans un rapport de l'OCDE d'il y a quelques années, qui montre que l'immigration française n'est pas suffisamment qualifiée pour qu'elle puisse profiter au territoire. Ensuite, vous avez d'autres aspects qui sont les aspects de lutte contre les filières clandestines, quand on parle d'immigration irrégulière, avec des gens extrêmement organisés qui gagnent beaucoup d'argent sur la misère du monde. Et puis vous avez raison de déplacements, comme vous parliez des réseaux dans la Manche, qui veulent aller en Angleterre…

JULIEN LECUYER
Mais ils ne veulent pas rester en France.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Ce sont des populations qui ne veulent pas rester en France, mais on avait constaté déjà en 2015, au moment de la crise migratoire, ils viennent en France pour traverser en Angleterre, parce que leur communauté est en Angleterre, parce qu'ils peuvent, semble-t-il, travailler plus facilement, et ils veulent aller là-bas. Et là, au milieu, vous avez des contrôles qui sont là, et des passeurs qui sont absolument terrifiants. Moi, je pense qu'il n'y a pas d'autres solutions que d'être assez ferme à la frontière, parce que c'est un message que l'on envoie à tout le monde, mais il faut traiter les sujets à la source le plus possible, et sans doute négocier encore un peu plus avec les Britanniques, dans les conditions dans lesquelles les personnes sont bloquées. Je pense en particulier, il y a parfois des cas de mineurs qui sont côté français, qui veulent rejoindre y compris leur famille en Grande-Bretagne. Il doit quand même y avoir là quelques sujets à discuter. On ne résoudra malheureusement pas tout, les choses sont claires, mais on doit fixer des règles absolument claires en ce qui concerne la fermeté à l'égard de l'immigration clandestine, et la lutte incessante contre les réseaux. Ils gagnent un argent fou, ceux qui pilotent ces réseaux, et donc, il faut être très ferme, et puis il y a un sujet européen quand même. Il faut aussi que l'Europe se dote d'un contrôle à la frontière qui soit un peu plus performant. Ça commence à venir, le pacte asile-immigration devrait se mettre en place, les nouveaux commissaires viennent d'être désignés, ça va être un travail très très important. L'enjeu majeur, c'est la cohérence, et la cohérence ça veut dire que dans ces trois blocs, on doit être parfaitement cohérents, et la stratégie doit être clairement affichée.

ORIANE MANCINI
Dernière question sur un autre dossier que vous avez bien suivi quand vous étiez au Sénat, c'est le dossier Corse, le Sénat qui prend d'ailleurs ses conclusions la semaine prochaine sur le sujet. Gérald DARMANIN demande à Michel BARNIER de saisir le Parlement du projet de loi constitutionnelle permettant l'autonomie de la Corse dans la République. Est-ce que vous y êtes favorable ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Le rapport sur la Corse qui a été prévu au Sénat va être présenté à la Commission des lois la semaine prochaine. J'avais été évidemment dans cette mission. Je voudrais dire à l'ancien ministre de l'Intérieur que ce type d'annonce, pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? On sait très bien que c'est plus compliqué qu'il n'y paraît. Qu'il y ait une évolution en Corse, pourquoi pas ? Il y a un sujet de fond qui est, est-ce que le système actuel qui donne déjà beaucoup d'autonomie à la Corse est suffisamment exploité par tout le monde, y compris par l'État d'ailleurs ? On avait observé, mais je ne vais pas révéler ce qui peut être potentiellement dit la semaine prochaine devant la Commission. Il y a un sujet de fonctionnement des conditions juridiques actuelles qui permettrait de donner à la Corse beaucoup plus d'exercice de sa liberté. Donc je pense qu'il faut, ce rapport va être très intéressant, il peut constituer la base d'une évolution à la fois à droit constant, peut-être un peu plus loin, mais une fois de plus, c'est ce que je dis à l'ensemble de nos élus ultramarins quand je les rencontre, où beaucoup disent : "Il faut une évolution institutionnelle, on veut-ci, on veut-là". Je leur dis : "Soyez prudents. Une évolution institutionnelle ne va pas régler l'ensemble de vos problèmes de fond, replacer les territoires sur des logiques positives, et c'est tout à fait possible, et ensuite, vous verrez quel est le meilleur outil pour gérer cela et on verra quelle évolution institutionnelle est la plus adaptée, donc c'est plutôt dans cette logique-là que je me suis inscrit.

ORIANE MANCINI
Merci François-Noël BUFFET. Merci beaucoup d'avoir été notre invité.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Merci à vous.

ORIANE MANCINI
C'est du foot à la une de la Voix du Nord, Julien ?

JULIEN LECUYER
Oui, les Dogs sont en train de mordre les mollets de l'Europe.

ORIANE MANCINI
C'est beau. Lille remet ça. Troisième victoire hier.

JULIEN LECUYER
Troisième victoire.

ORIANE MANCINI
Aux Ligues des champions. Merci Julien. On passe tout de suite au Club des territoires.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 novembre 2024