Interview de M. Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l'action publique, à Sud Radio le 3 décembre 2024, sur la perspective d'une motion de censure et le budget 2025.

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Média : Sud Radio

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec nous ce matin, Guillaume KASBARIAN qui est ministre de la Fonction publique. Bonjour !

GUILLAUME KASBARIAN
Bonjour !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Encore ministre de la Fonction publique, Guillaume KASBARIAN.

GUILLAUME KASBARIAN
C'est ça.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est cela. Bien. Michel BARNIER ce soir sur TF1 et France 2, mais pourquoi dire selon vous ? Que devrait-il dire, et que va-t-il dire ? Vous ne savez pas ?

GUILLAUME KASBARIAN
Bien sûr, je ne sais pas, et c'est à lui de décider ce qu'il souhaite dire aux Français. Parce que je pense que ce soir, il s'adresse largement à tous les Français. Je pense qu'il aurait en tout cas intérêt à rappeler tout ce qui a été fait et tout ce qu'il a fait pour convaincre les parlementaires de laisser passer ce budget. Michel BARNIER a toujours été dans l'écoute, la négociation, le dialogue avec les parlementaires. Et jusqu'à la dernière minute, il a proposé de bouger un certain nombre de lignes, que ce soit sur les retraites, les petites retraites, que ce soit sur l'électricité, que ce soit sur les charges qui pèsent sur le travail, que ce soit sur les médicaments encore hier, donc chaque instant, il a été dans le dialogue et dans la négociation. Donc je pense qu'il va rappeler tout ce qu'il a fait. Et puis je pense…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il va charger Marine Le PEN ?

GUILLAUME KASBARIAN
En tout cas, je pense qu'il faut que chacun, et vos auditeurs et tous les Français, soit au courant de ce qui peut se passer si cette censure est votée.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais y revenir.

GUILLAUME KASBARIAN
Et donc je pense qu'il faut quand même que chacun ait conscience, avant d'appuyer sur le bouton, de ce qui se passe et des conséquences potentielles pour les Français. Et je crois que ça, c'est quelque chose que tout le monde doit comprendre en responsabilité. Michel BARNIER a pris ses responsabilités.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez nous expliquer quel est le risque, Guillaume KASBARIAN, ne vous inquiétez pas, mais j'ai des questions avant. Première question, il y a deux motions de censure qui ont été déposées, l'une par le NFP et l'autre par le Rassemblement national. Est-ce que vous pensez vraiment que Marine Le PEN va voter la motion de censure du NFP ?

GUILLAUME KASBARIAN
Ecoutez, c'est ce qu'elle a annoncé et indiqué, que ses lieutenants ont annoncé et indiqué. Mais ce qui est quand même particulièrement surprenant, c'est que quand vous lisez la motion de censure du NFP, vous avez tout un paragraphe à charge sur le RN, expliquant que c'est un…
JEAN-JACQUES BOURDIN

Alors je vais le lire, je vais le lire.

GUILLAUME KASBARIAN
Attendez une seconde.

JEAN-JACQUES BOURDIN
" Le Premier ministre a cédé aux plus viles obsessions de l'extrême Droite, avec une nouvelle loi Immigration qui poursuivrait la faillite morale et politique, et avec une remise en cause de l'AME qui ajoute humanité et dignité à ceux qui foulent notre sol. "

GUILLAUME KASBARIAN
Voilà. Et donc vous allez avoir Marine Le PEN qui, joyeusement, avec les députés de Monsieur MELENCHON, vote ce même texte et se rejoigne dans un même texte avec le paragraphe que vous venez de dire à l'instant. C'est quand même un côté complètement absurde à voir, cette alliance des contraires, cette alliance entre le RN et le NFP autour d'un texte qui, comme vous venez de le lire, est exactement à l'opposé de ce que pense Marine Le PEN et ses députés sur le sujet. Donc tout ça pour faire chuter Michel BARNIER, et tout ça pour provoquer une sorte de chaos. Moi, je trouve que ce n'est pas très responsable ; et puis surtout, c'est quand même très paradoxal.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il y a, selon vous, un pacte, un pacte tacite, un pacte objectif entre Jean-Luc MELENCHON et Marine Le PEN pour pousser Emmanuel MACRON à la démission.

GUILLAUME KASBARIAN
Mais enfin, manifestement. Déjà le fait de voter les mêmes textes de censure, le fait de se répandre dans les médias autour de cette question-là, vous voyez bien que derrière, le sujet, ce n'est pas l'intérêt des Français pour eux ; le sujet, c'est l'intérêt politique personnel et l'agenda personnel et politique. Je veux dire, si le sujet, c'était l'intérêt des Français, mais ne vous prenez pas le risque de mettre les Français dans la mouise au 1er janvier, ne vous prenez pas le risque qu'on n'ait pas de budget au 1er janvier, ne vous prenez pas le risque d'avoir une déstabilisation économique du pays et le chaos qui peut s'ensuivre. Donc encore une fois, je pense que derrière les choix et les votes qui sont annoncés… Mais je garde l'espoir jusqu'à la dernière minute que ça puisse changer. Mais derrière tout ça, il ne faut quand même pas être naïf pour voir qu'il y a un agenda partagé entre Marine Le PEN et Jean-Luc MELENCHON.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Avant de revenir sur les conséquences d'un non-budget, Guillaume KASBARIAN, il y a des négociations… enfin, il y a des négociations, je ne sais pas s'il y a des négociations ; néanmoins, il y a au parti socialiste certaines personnes qui sont prêts à signer un accord de non-censure, PS-Bloc central pour justement marginaliser et LFI d'un côté, et le rassemblement national de l'autre. Est-ce que vous y seriez favorable ?

GUILLAUME KASBARIAN
Je pense que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour un nouveau Premier ministre, par exemple, qui serait de Centre Gauche.

GUILLAUME KASBARIAN
Si c'était la solution qui numériquement permettait d'avoir 289 députés, déjà, ça se saurait, et le Président de la République aurait probablement choisi cette option initialement. S'il ne l'a pas fait…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'êtes pas favorable.

GUILLAUME KASBARIAN
Mais ce n'est pas que je ne suis pas favorable, c'est que mathématiquement, quand vous comptez la totalité des députés PS et la totalité des députés du Bloc Central, c'est-à-dire tous les députés horizons, tous les députés MoDem et tous les députés Renaissance, ça vous fait 230. 230, c'est inférieur largement à 289. Et encore, là, je suis généreux, je prends l'hypothèse que tous les députés de Renaissance, MoDem et Horizons seraient ravis de travailler main dans la main avec le PS et vice versa. Donc vous voyez bien que cette solution, numériquement, elle ne tient pas. La seule équation politique qui fonctionne, c'est celle dans laquelle a priori on était jusqu'à aujourd'hui, et on est actuellement aujourd'hui, c'est une alliance Blog Central LR avec la possibilité d'une non-censure. Parce que le RN jusqu'à présent…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Du RN.

GUILLAUME KASBARIAN
Parce que le RN jusqu'à présent, et il l'avait dit d'ailleurs à l'époque au Président de la République, ne souhaitait pas censurer un tel dispositif. Là, l'équation va changer, mais pour quelle d'alternative…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous dites non à une éventuelle coalition, vous dites non à une coalition avec le Parti socialiste et avec le parti de la Gauche ?

GUILLAUME KASBARIAN
Moi, ce que je dis, c'est oui à Michel BARNIER, oui au Gouvernement de Michel BARNIER et oui à l'équation politique actuelle dans laquelle nous sommes qui me semble la plus stable.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous dites non - Là, je vais être précis, Guillaume KASBARIAN – à une éventuelle coalition avec le Parti socialiste et avec le parti de la Gauche.

GUILLAUME KASBARIAN
Mais si le Parti socialiste voulait sincèrement travailler avec nous, ça aurait été le cas jusqu'à présent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous dites non ?

GUILLAUME KASBARIAN
Est-ce qu'il l'a déjà fait ? Il ne l'a pas fait.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites non.

GUILLAUME KASBARIAN
Je dis que jusqu'à présent, la question ne s'est même pas posée, parce qu'ils ont toujours refusé d'ailleurs de travailler avec le Bloc Central. Je vais aller plus loin, Monsieur BOURDIN. Je pense même que le parti socialiste, à la fin des fins, dit qu'il veut éventuellement cette option, mais qu'à la fin jamais il ne la prend. Pourquoi ? Parce que s'il y avait demain des élections législatives anticipées, ce serait les premiers à être embêtés d'avoir des députés Insoumis et des candidats Insoumis dans leurs circonscriptions. Aujourd'hui, les députés PS font semblant de pousser une solution avec le Bloc Central, mais à la fin des fins, il y a toujours une corde de rappel de Jean-Luc MELENCHON qui leur rappelle que s'ils s'émancipent du PS…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous êtes opposé à cette solution ?

GUILLAUME KASBARIAN
S'ils s'émancipent du PS, s'ils s'émancipent du NFP, ils seront vite rattrapés à l'ordre avec des candidats dissidents dans leurs circonscriptions. Et comme les députés pensent à leurs intérêts, je peux vous assurer qu'à la fin des fins, le PS ne s'émancipera pas du NFP. La réalité, elle est là, et on l'a bien vu aux européennes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous êtes opposés à cette solution ?

GUILLAUME KASBARIAN
Je pense que ça n'est pas la bonne solution.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas la bonne solution.

GUILLAUME KASBARIAN
Non, je pense que ce n'est pas la bonne solution.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Dites-moi, que pensez-vous du silence de François HOLLANDE, au passage, qui s'apprêterait à voter la censure ou pas ?

GUILLAUME KASBARIAN
Écoutez, qu'un ancien Président de la République, aujourd'hui député, puisse voter la censure, main dans la main avec LFI et Marine Le Pen, fasse chuter un Gouvernement sur le budget, pas n'importe quel texte, ce n'est pas sur le texte immigration ou sur un texte lambda, c'est prendre le risque qu'il n'y ait pas de budget au 1er janvier, moi, ça me surprend parce que j'estimais qu'un Président de la République ou un ancien Président de la République était responsable. Et là, faire ça…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est irresponsable ?

GUILLAUME KASBARIAN
Ah oui, mais bien évidemment, Monsieur BOURDIN, bien évidemment. Qui peut croire qu'en appuyant sur le bouton du nucléaire, on va obtenir un joyeux feu d'artifice ? Qui peut croire qu'en votant et en activant la censure, et en faisant chuter le budget, et en étant incapable de garantir aux Français quelle sera la situation au 1er janvier, on va avoir une sorte de moment joyeux où on va tous déboucher le champagne au 1er janvier ? Mais personne. Et donc là, François HOLLANDE, mais comme les autres, ceux qui s'apprêtent à voter la censure, devront répondre, dans quelques semaines, du potentiel bordel qu'il y aura dans notre pays. Et la réalité, c'est qu'au 1er janvier, ça ne sera pas joyeux, et je pense que chacun pourra… Vous pourrez ressortir cette vidéo, je suis convaincu que dans les semaines qui viennent, si la censure est votée, s'il n'y a pas de Gouvernement et qu'il n'y a pas de budget, pas de budget, on aura de graves difficultés.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors le Rassemblement National dit, Marine Le PEN : " C'est formidable de ne pas avoir de budget, nous échappons à 40 milliards d'augmentation d'impôts ". C'est ce qu'elle a tweeté hier.

GUILLAUME KASBARIAN
Mais déjà, c'est faux. C'est faux parce que si vous prenez… s'il n'y a pas de budget…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est un mensonge ?

GUILLAUME KASBARIAN
C'est factuellement faux, pour une raison, je vais vous l'expliquer, Monsieur BOURDIN, c'est que si vous ne votez pas… Le budget, c'est quoi, pour que vos auditeurs en soient bien conscients ? C'est ce qui autorise l'Etat à la fois à prélever les impôts et à engager des dépenses. C'est ça, un budget. Donc si au 1er janvier, vous n'avez aucune loi qui vous autorise à prélever les impôts et à cadrer les dépenses, vous êtes dans une situation inédite qui ne définit pas le cadre financier de notre pays. Et donc là, si on prend le budget, par exemple, de l'année existante, et qu'on l'applique à l'année prochaine, ce qui serait une alternative très dégradée pour fonctionner les premières semaines, ça voudrait dire qu'il y a des personnes qui rentrent dans l'impôt sur le revenu. Parce que comme les barèmes n'ont pas été revus par une nouvelle loi de finances, par un nouveau budget, vous avez 80 000 personnes qui, jusqu'à présent, ne payaient pas l'impôt sur le revenu et qui, demain, se retrouvent à le payer. Ça veut dire qu'un couple de retraités à 1 800 Euros chacun, il a un impact de 100 Euros sur l'impôt sur le revenu dès l'année prochaine. Donc ce qui va se passer, c'est que s'il n'y a pas de budget qui cadre fiscalement les règles de 2025, en ayant pris en compte l'inflation de 2024 à 2025, vous aurez des Français qui seront dans la mouise au niveau fiscal. Et je le dis sans catastrophisme, je le dis parce que c'est ce qui va se passer s'il n'y a pas de budget. Mais de la même manière, Monsieur BOURDIN, vous allez avoir des impacts pour les agriculteurs. Il y a des dispositifs fiscaux sur les travailleurs saisonniers. Il y a des dispositifs fiscaux sur le gasoil non-routier, il y a des dispositifs d'aide vis-à-vis des crises agricoles. Sur ces sujets-là, s'ils ne sont pas votés, s'il n'y a pas tout ça qui est mis en place au 1er janvier, vous mettez des secteurs entiers dans la mouise. Donc il faut que chacun ait conscience de ses actes. On ne peut pas prétendre aux Français, encore une fois, qu'en appuyant sur un bouton nucléaire, on va avoir un joyeux feu d'artifice. Ça n'est pas vrai.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelles conséquences pour les fonctionnaires ? Vous êtes ministre de la Fonction publique, on a beaucoup parlé des salaires des fonctionnaires, des moyens des hôpitaux, des moyens consacrés à la sécurité. Quelles conséquences pour les fonctionnaires, Guillaume KASBARIAN ?

GUILLAUME KASBARIAN
Alors on est en train de regarder, que ce soit pour moi ou pour d'autres d'ailleurs… Mais ce qui se passerait s'il n'y a pas de Gouvernement, pas de budget, il faudrait que les parlementaires votent une loi spéciale qui autorise l'Etat à prélever l'impôt. Je ne suis pas sûr, encore aujourd'hui, qu'ils soient en mesure, d'ailleurs, ce Parlement, de voter une loi spéciale. Rien n'est acquis sur le sujet. A ce moment-là, on pourrait déclencher le budget… les dépenses de l'État sur la base du budget de 2024. C'est-à-dire que les enveloppes des différents ministères seraient calées sur celles de 2024. Ça veut dire qu'on pourrait engager les salaires des fonctionnaires, donc les fonctionnaires seraient payés.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Seront payés.

GUILLAUME KASBARIAN
Mais sur la base de 2024. Ça veut dire…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas d'augmentation, donc ?

GUILLAUME KASBARIAN
Par contre, pas d'augmentation, voilà. Et puis surtout, ça veut dire que toutes dépenses supplémentaires ne seraient pas prévues puisqu'il n'y aurait pas de budget de 2025. Seulement les dépenses de 2024 pourraient être reconduites en 2025. Ça veut dire que sur les avancements, sur les primes qui pourraient être négociées l'année prochaine dans différentes catégories, pour les policiers, pour les enseignants, pour les fonctionnaires, pour les soignants, etcétéra, ces primes-là futures ne pourraient pas émerger puisque le budget ne prévoit pas d'enveloppes supplémentaires en 2025. De la même manière, les recrutements supplémentaires… Vous savez, il y a 2000 AESH, par exemple, dans l'éducation nationale qui sont prévus, il y a des augmentations de budget à la justice, à l'intérieur. Ces budgets-là qui sont en augmentation, vu qu'ils n'existent pas, eh bien, on peut difficilement recruter. Ou alors si on recrute, on prend le risque de ne pas avoir les fonds nécessaires dans la caisse puisqu'on est sur la base du budget 2024. C'est comme si vous faisiez vos courses, vous remplissez votre caddie, mais à la fin des fins, vous ne savez pas si votre carte bleue, elle fonctionne quand vous arrivez à la caisse. On est dans la même situation, c'est-à-dire que vous avez un budget de 2024 qui serait reconduit en 2025. Alors c'est vrai, il y aurait le paiement des fonctionnaires sur la base de 2024. On n'aurait personne qui ne serait pas payé, personne ne serait en défaut ; mais en revanche, il ne faut pas imaginer qu'il y aura des revalorisations. Il n'y aura strictement aucune capacité à revaloriser pour quel Gouvernement que ce soit l'année prochaine, et il n'y aura pas la possibilité de recruter là où on a plein de départs en retraite de fonctionnaires, très compliqués dans certains ministères en l'absence de budget de pouvoir recruter et faire les recrutements qui étaient prévus. Donc ce n'est pas neutre pour le service public. C'est-à-dire, ceux qui vous expliquent que tout va bien, voilà, déjà, c'est tellement absurde.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pour les hôpitaux, Guillaume KASBARIAN ?

GUILLAUME KASBARIAN
C'est la même chose. C'est un service public, donc vous avez les mêmes sujets, les mêmes problèmes d'enveloppe.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est pour ça que je vous interroge.

GUILLAUME KASBARIAN
C'est-à-dire que, derrière, quand vous avez des recrutements qui étaient prévus, si vous êtes sur une base de calcul de 2024, alors que vous avez besoin de plus d'effectifs ou de recrutements ou de paiements en 2025, vous ne pourrez pas l'opérer si vous n'avez pas une loi, la loi de finances ou la loi de financement de la Sécurité sociale qui vous autorise à engager ces dépenses. Donc arrêtons de faire croire que tout va bien. Et je veux dire, à un moment, ceux qui nous expliquent que tout va bien, vous pensez sérieusement que les parlementaires s'amusent tout l'automne chaque année à faire un budget pour le fun, parce qu'il n'y aurait aucune conséquence l'année qui suit ? Quand on fait un budget, c'est que c'est important, c'est qu'il y a un impact concret dans la vie des Français à partir de l'année prochaine. Ceux qui vous disent qu'ils vont voter la censure, est-ce qu'ils sont capables de venir sur votre plateau, Monsieur BOURDIN, pour vous dire que tout va bien se passer au 1er janvier, ne vous inquiétez pas.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ils le disent.

GUILLAUME KASBARIAN
Mais alors écoutez, gardez bien les vidéos. Gardez bien les vidéos.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi ne pas le croire ?

GUILLAUME KASBARIAN
Mais gardez bien les vidéos, Monsieur BOURDIN. Moi, je vais vous dire, l'année prochaine, on les ressort si jamais c'est le bordel. Vous pourrez dire : " Vous nous aviez promis que ça serait super, vachement calme, tout irait bien. Manifestement, ce n'est pas le cas ". Moi, je trouve qu'il y a quand même – Je ne sais pas – une forme d'arrogance de certains à penser que l'année prochaine, tout va bien se passer si on n'a pas de budget. Mais qui peut croire sérieusement une hypothèse pareille ? Bien sûr que l'absence de budget posera problème au pays. Ben c'est ça qui rend cette censure incompréhensible. Elle aurait pu avoir lieu sur d'autres textes, d'autres textes anodins qui n'ont aucun impact sur les Français. Mais censurer le Gouvernement alors que notre pays n'a pas de budget pour l'année prochaine, mais c'est pour moi le comble de l'irresponsabilité.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien, Guillaume KASBARIAN, grève des fonctionnaires jeudi, après-demain. Donc oui, mais elle n'a plus de raison d'être, cette grève, parce que s'il n'y a plus de Gouvernement, il n'y a plus les trois jours de carence, il n'y a plus la rémunération en baisse en cas d'arrêt maladie, il n'y a plus une reconduction du versement d'une prime affiliée au pouvoir d'achat pour soutenir le pouvoir d'achat ?

GUILLAUME KASBARIAN
Ah, ben de toute façon, s'il n'y a plus de Gouvernement et qu'il n'y a plus de budget…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y aura plus tout ça.

GUILLAUME KASBARIAN
Non, mais de toute façon, il n'y aura pas non plus d'augmentation de l'indice l'année prochaine puisqu'il n'y a pas de budget pour le faire, il n'y aura pas de versement de primes comme je vous l'ai expliqué tout à l'heure, et pas donc de chiffres…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ben elle n'a plus de raison d'être ? Si le Gouvernement tombe, elle n'a plus de raison d'être, cette grève ?

GUILLAUME KASBARIAN
Mais moi, cette grève, déjà, les syndicats s'organisent comme ils le souhaitent et les Français, ils ont un droit de grève, ils l'exercent. Bon, moi, je dis juste simplement qu'on est dans une situation où, encore une fois, l'absence de budget et l'absence de Gouvernement ne sera pas un joyeux moment pour les fonctionnaires et les agents de France. Ça, je veux dire, il faut être très clair. Ne pensons pas que la censure du Gouvernement et l'absence de budget pour notre pays passera de crème.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas ce que disent les syndicats, c'est l'occasion ou jamais, justement, d'éviter les trois jours de carence, par exemple.

GUILLAUME KASBARIAN
Non mais je veux dire, j'ai pris des décisions sur les jours de carence et sur la baisse des prises en charge qui, à mon sens, sont des décisions responsables, qui permettent de faire des économies, faire des économies dans un contexte difficile au niveau économique, et de lutter contre un phénomène qui est les absences des agents, de certains, puisque la moyenne des absences dans la fonction publique et notamment à l'hôpital et dans la territoriale est plus importante que dans le privé. Ce sont des mesures d'alignement général sur le régime privé. J'ai pris mes responsabilités. J'ai pris des décisions qui ne sont pas faciles. Je les assume. Je les assume et je souhaite, pour notre pays, pour notre pays, qu'elles soient mises en oeuvre. Donc moi, j'espère qu'on aura un budget l'année prochaine. J'espère qu'il prévoira ses mesures d'économie. J'espère que l'on pourra avoir un fonctionnement des services publics qui est normal et qui n'est pas dégradé et j'espère qu'on pourra avoir, là où on a besoin de renouveler des fonctionnaires, là où il y a des départs en retraite, de nouveaux recrutements l'année prochaine. C'est ça qu'on peut souhaiter à la fonction publique l'année prochaine, c'est que le service public puisse fonctionner normalement à partir de janvier, qu'on puisse continuer à remplacer dans certains services des retraités qui partent, et donc, du coup, un besoin de fonctionnaire, là où le budget le prévoit, et d'avoir un fonctionnement normal, classique, du service public. Moi, mon seul intérêt, je vais vous dire, c'est celui-là, c'est que, l'année prochaine, les Français puissent vivre paisiblement parce que, ce week-end, j'étais dans ma circonscription, j'ai fait des marchés de Noël, j'ai fait Sainte-Barbe. Moi, ce que j'entends des habitants, c'est ce besoin-là de stabilité, c'est cette crainte de l'avenir, c'est parfois ce dégoût de la politique, et de la base politique, politicienne.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est ça, c'est, tous responsable de la situation, Guillaume KASBARIAN ?

GUILLAUME KASBARIAN
Mais bien sûr, mais personne ne sort grandit de tout ça, et je vais vous dire, moi, je ne me suis pas engagé en politique pour donner une telle image de la classe politique, donc, je comprends la colère et le dégoût de beaucoup de Français qui nous écoutent et qui sont désolés de la situation dans laquelle on est. Moi, je ne m'en réjouis absolument pas, je suis en réalité très triste pour mon pays si ce genre de censure passe.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Beaucoup de Français, vous le savez bien, soutiennent l'idée de censure parce qu'ils en veulent à Emmanuel MACRON, par haine envers le président de la République. Vous le ressentez, vous le savez, on vous le dit, tout ça.

GUILLAUME KASBARIAN
Je pense qu'il faut leur dire qu'il y a du ressentiment vis-à-vis de la classe politique en général, du Gouvernement, du président de la République, de l'Assemblée nationale, des institutions, je veux dire, je suis sur le terrain, vous l'entendez, bien sûr. Ce qu'il faut juste expliquer, c'est que là, cette censure, ce n'est pas pour ou contre Emmanuel MACRON, c'est que s'il y a une censure qui est adoptée, demain, il n'y a plus de Gouvernement, après-demain, il n'y a plus de budget, et après-après-demain, ceux qui douillent, ceux qui payent, c'est toujours les mêmes, c'est les Français. Donc, c'est ça qu'il faut expliquer, c'est que quel que soit le ressentiment personnel qu'on peut avoir, quelle que soit la colère qui est enfuie dans nos coeurs, la censure n'est pas la solution magique qui va, c'est peut-être une catharsis pour certains, on s'excite, machin, mais derrière, qu'est-ce qui se passe ? Si on tire le fil, qu'est-ce qui se passe après la censure ? Qu'est-ce qui se passe s'il n'y a pas de budget au 1er janvier ? Quelles sont les conséquences concrètes pour les Français ? Elles sont graves, mais ça, tout le monde le ressent, il y a des marchés de Noël en ce moment, vous voyez bien les commerçants qui vous disent : « Il y a du monde qui circule, mais il y a peu de monde qui achète », parce que les gens font attention. Vous avez des gens qui, au niveau économique, disent : « On avait prévu des investissements, on est un petit peu en attente pour savoir si on les déclenche ». Vous avez des demandeurs d'emploi qui disent : « C'est un peu plus dur aujourd'hui de trouver un emploi que ce qu'était il y a quelques mois ». Donc, il faut faire attention parce que les conséquences du bordel politique, elles peuvent être très concrètes et très réelles pour les Français. Et donc, je pense qu'il ne faut pas qu'on soit guidé par ce sorte de mauvais sentiment, de ressentiment personnel, c'est facile à dire, je sais, mais je pense que ça n'est pas la solution à la colère et au ressentiment.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que Michel BARNIER s'est déshonoré en allant presque jusqu'au bout des demandes de Marine Le PEN ?

GUILLAUME KASBARIAN
Mais pas du tout, parce que Michel BARNIER, il a été, encore une fois, dans l'écoute et dans le dialogue de bout en bout, depuis le début jusqu'à la fin, jusqu'à la dernière minute, il est dans le dialogue. Il essaye, dans une équation politique très difficile, d'arriver à un accord pour faire passer un budget pour notre pays pour pas que les Français soient dans la mouise au premier janvier. C'est ça que Michel BARNIER essaye de faire. Et donc, il a répondu à tous les groupes, en réalité, il a répondu au socle commun, il a répondu au Bloc central, il a répondu à LR, il a répondu, c'est vrai, à des demandes qui étaient portées aussi par le Rassemblement national. Moi, non seulement, ça ne me choque pas, mais, je vais un petit peu lui reprocher d'avoir tout tenté jusqu'au bout de dialoguer et d'essayer de faire des gestes pour essayer de contenter et satisfaire des demandes politiques des différents groupes. Il a fait un boulot de conciliation, de négociation au maximum des capacités qu'il pouvait et c'est pour ça qu'à la fin, il dit : « Je prends mes responsabilités, on est arrivé au bout du bout de ce que je peux faire ».

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, s'il tombe, que peut faire le président de la République, Guillaume KASBARIAN ?

GUILLAUME KASBARIAN
Non mais avant de dire, déjà, moi, j'espère qu'il ne tombera pas, c'est-à-dire que je garde espoir.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pensez qu'il ne tombera pas ? C'est possible ?

GUILLAUME KASBARIAN
Écoutez, moi, je pense que ce n'est jamais joué jusqu'au bout du bout du bout et qu'il y a toujours à un moment une possibilité de sursaut parlementaire, il y a toujours des portes de sortie, il y a toujours une possibilité que certains se ravisent en disant : « Ce n'est peut-être pas le bon moment, ce n'est pas le bon sujet, ce n'est peut-être pas la bonne motion, elle est peut-être mal écrite », il y a toujours une façon de sortir de ce genre de situation, ce n'est jamais trop tard. Donc moi, je crois et j'espère que Michel BARNIER ne sera pas censuré, qu'il y aura toujours un Gouvernement et qu'il y aura toujours un budget l'année prochaine. Mais, après, je ne suis pas à la place des parlementaires et c'est à eux d'ailleurs, vous me posez la question qu'est-ce qu'il faudrait faire après ? Mais attendez, c'est trop facile de dire, « C'est Emmanuel MACRON qui va décider », que les parlementaires qui aujourd'hui censurent ou veulent censurer nous expliquent quelle est l'équation politique qu'ils veulent faire. Est-ce que Marine Le PEN est prête à gouverner avec…

JEAN-JACQUES BOURDIN
… Jean-Luc MELENCHON, nommer Lucie CASTETS à Matignon.

GUILLAUME KASBARIAN
Lucie CASTET, n'aurait pas plus que 200 députés et donc, tout le monde sait que cette option elle ne tiendrait pas la route, puisqu'elle aurait encore moins d'assises parlementaires que l'équation politique actuelle. Donc que ceux qui nous expliquent qu'ils veulent renverser la table et mettre tout par terre nous expliquent comment est-ce qu'ils veulent reconstruire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce qu'ils ne veulent pas la démission d'Emmanuel MACRON.

GUILLAUME KASBARIAN
C'est facile de tout mettre à terre, c'est plus compliqué de reconstruire derrière. Mais attendez, la responsabilité politique, ce n'est pas toujours botter en touche. On a des parlementaires en plus qui nous parlent de parlementarisme du matin au soir, qui nous disent : " C'est beau, le parlementarisme, laissez-nous faire, on sait bien faire et on n'a pas besoin de la verticalité présidentielle ". Mais là, ils ont l'occasion de le prouver. Montrez-nous que vous êtes capable de dégager une majorité à 289 députés. Expliquez-nous quelle est l'équation politique alternative. Expliquez aux Français ce que vous ne proposez pas juste ce que vous voulez détruire. Expliquez aux Français ce que vous voulez construire pour eux l'année prochaine, mais ils en sont manifestement incapables. Ils souhaitent censurer, mais derrière, ne proposent aucune alternative politique pour les Français.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Guillaume KASBARIAN, j'avais envie de vous poser une dernière question. Que pensez-vous de l'attitude d'Élisabeth BORNE qui refuse que l'on réduise les dépenses pour les anciens premiers ministres et ministres ?

GUILLAUME KASBARIAN
Je crois que tout le monde - j'ai beaucoup de respect pour Élisabeth BORNE comme pour tous les anciens premiers ministres - Je crois que tout le monde doit faire un effort dans la période budgétaire compliquée qui est la nôtre. Moi, je l'ai fait dans mon ministère, en tout cas dans le budget que je proposais, j'ai 28% d'économie qui est prévue dans mon ministère. Je le fais à tous les niveaux et je pense que tout le monde doit le faire à tous les niveaux. Je pense que les Français attendent à la fois des mesures efficaces qui, d'un point de vue budgétaire ont vraiment de l'impact, mais aussi des mesures parfois symboliques, c'est vrai, mais qui font du bien parce qu'ils ont le sentiment de voir que les politiques eux-mêmes s'appliquent à eux-mêmes les efforts qu'ils demandent aux autres. Et donc, moi, je pense qu'on doit tous réfléchir à ce devoir d'exemplarité dans l'efficacité de la dépense publique et dans la réduction de la dépense publique. En tout cas, je me l'applique à moi-même et j'aimerais que toute la classe politique en général puisse se l'appliquer à elle-même.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci, Guillaume KASBARIAN.

GUILLAUME KASBARIAN
Merci à vous.

JEAN-JACQUES BOURDIN
D'être venu nous voir, ministre de la Fonction publique cet été, c'était Sud Radio.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 décembre 2024