Interview de M. François-Noël Buffet, ministre des outre-mer, à Europe 1 le 18 décembre 2024, sur Mayotte après le passage du cyclone Chido, l'engagement de l'État vis à vis de la crise humanitaire sur place et le contrôle des côtes pour empêcher l'arrivée des clandestins.

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Média : Europe 1

Texte intégral

DIMITRI PAVLENKO
Bonjour François-Noël BUFFET.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Bonjour.

DIMITRI PAVLENKO
Bienvenue sur Europe 1. Alors, vous êtes en ce moment même à Saint-Denis de la Réunion, donc, c'est la base arrière pour toutes les opérations de sauvetage à Mayotte, Mayotte que vous avez pu visiter depuis lundi, en compagnie du ministre de l'Intérieur Bruno RETAILLEAU. Alors, peut-être pour commencer François-Noël BUFFET, parce que Mayotte, on se rend compte à quel point ça peut être difficile d'accès, surtout en ce moment. Racontez-nous ce que vous avez vu sur place. On a vu, en France, les photos de ces amas de tôles dans les bidonvilles dévastées par le cyclone. Décrivez-nous un peu l'ambiance que vous avez trouvée sur place.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Écoutez, c'est une vision d'apocalypse, un territoire totalement dévasté où aucun de ces lieux n'a été épargné. Le survol en hélicoptère que nous avons fait a permis ce constat, ce malheureux constat. La végétation n'est plus là évidemment, les bidonvilles, tout ça a disparu, mais dans les autres habitations, les toits se sont envolés, les maisons ont été inondées, les maisons en dur ont globalement résisté, mais les toits se sont envolés pour la majorité d'entre eux. Quelques bâtiments ont résisté en revanche, des bâtiments plutôt récents qui sans doute respectaient les règles sismiques, mais finalement au bout du compte très peu.

DIMITRI PAVLENKO
Il n'y a plus d'arbres aussi, les photos sont vraiment saisissantes. Il fait aussi très chaud en ce moment à Mayotte. Franchement, vous vous attendiez à un tel spectacle de désolation. L'expression est malheureusement galvaudée, mais c'est un peu ça qu'on a l'impression de voir à Mayotte ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Oui, c'est tout à fait exact, avec des moments de silence, c'est-à-dire peu de monde visible de l'hélicoptère, quelques personnes de ci et là. Bon après nous sommes allés évidemment dans Mamoudzou et puis sur Petite Terre, on rencontre du monde, mais globalement une île et un ensemble de personnes sidérées en réalité.

DIMITRI PAVLENKO
Vous dites que vous avez pris l'hélicoptère, c'est-à-dire, on peut prendre les routes, elles sont déblayées à l'heure où l'on se parle François-Noël BUFFET. On en est où là justement, des secours depuis trois-quatre jours ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Alors à l'heure où l'on se parle, les routes sont déblayées, sauf sur la partie Nord qui reste et qui va être faite aujourd'hui. Hier a embarqué de la Réunion un régiment de génie pour pouvoir procéder à ces déblaiements. Bien évidemment, un A400M est arrivé avec 23 tonnes d'eau et de nourriture pour être distribué dès aujourd'hui dans les communes, puisque nous avons choisi de nous appuyer, le préfet a choisi de s'appuyer, à juste raison, sur les communes. La distribution démarra aujourd'hui. Il y a également une structure de dessalinisation pour l'eau qui devrait être opérationnelle d'ici cette fin de semaine. L'eau fonctionne à 50 % le réseau d'eau, mais attention aux risques de mauvaise qualité de l'eau, d'où un équipage qui est arrivé également, hier, de la sécurité civile pour le traitement des eaux. La police de l'air et des frontières est aussi sur place depuis hier. L'électricité a été remise en route partiellement, mais ça fonctionne sur Mamoudzou et sur le territoire. Donc, un hôpital de campagne va être installé, d'ici la fin de la semaine, tout début de semaine prochaine, pour venir en appui. Les équipes sont déjà là, elles sont sur place depuis hier, pour soulager l'hôpital de Mamoudzou, qui, lui-même, a été endommagé dans sa toiture, mais arrêté quand il fonctionnait.

DIMITRI PAVLENKO
Il est structurellement débordé en plus. D'habitude, c'est aussi une situation d'urgence permanente qu'on connaît à Mayotte, François-Noël BUFFET.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Oui, il est débordé, surtout le personnel qui ne s'est pas arrêté, qui est aussi épuisé, alors qu'ils soignent. C'est très bien, mais ils sont fatigués, ils ont besoin de renforts et de repos aussi. Donc il est important que les équipes arrivent, aussi, pour s'inscrire dans la durée, car je crois qu'il faut qu'on ait conscience qu'on va devoir s'inscrire dans la durée. Entre le moment de l'extrême urgence, aujourd'hui, et celui de la reconstruction qui s'amorce et sur lequel on travaille, il va y avoir cette période un peu longue.

DIMITRI PAVLENKO
J'ai une question, lecture un peu plus politique, François-Noël BUFFET. Est-ce que l'État est au niveau de la crise ? Je vous pose cette question parce qu'au début, on s'est quand même dit, "Tiens, quatre avions qui vont faire le pont aérien, finalement ce sera plus, on a treize appareils militaires, plus des appareils civils." Est-ce que l'État français est au niveau de la crise humanitaire à Mayotte ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Vraiment, je peux témoigner de l'engagement des services de l'État, des préfets, de tous les services et de toutes les structures qui dépendent de l'État. En moins de quarante... Alors d'abord, il y avait des personnels qui était prêts, en place.

DIMITRI PAVLENKO
L'engagement, mais y a-t-il les moyens ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Mais il y a les moyens. Je vous promets qu'aujourd'hui, la noria des avions a débuté. Hier, l'aviation civile, notamment AIR AUSTRAL, a été mobilisée, fait des transports et fait des rotations. Tout arrive. Vraiment, tout le monde est mobilisé. On ne peut pas laisser dire que l'État est en dessous de l'action qu'il doit mener. Il se mobilise très fortement. Vous voyez, par exemple, pour le traitement de l'eau, les spécialistes me disaient que lorsqu'il y a eu des problèmes d'eau à Mayotte, on a mis pratiquement trois mois pour mettre en place un dispositif. Aujourd'hui, ils ont quasiment mis un dispositif en moins d'une semaine, ce sera fait. Donc, c'est vous dire la mobilisation, elle est totale. Il faut que nos concitoyens, nos compatriotes mahorais d'abord, et tous nos concitoyens se rendent compte que l'État est mobilisé, vraiment. Le ministre démissionnaire que je suis, qui est sur place depuis lundi, qui suit ça de près, qui travaille aussi sur un projet de loi futur, je vous assure qu'on est mobilisés.

DIMITRI PAVLENKO
Bruno RETAILLEAU, votre confrère de l'intérieur, dont vous dépendez aussi, François-Noël BUFFET…

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Non, pas du tout. Je suis indépendant. Je dépends du Premier ministre.

DIMITRI PAVLENKO
Pardonnez-moi, autant pour moi. Bruno RETAILLEAU, ministre de l'Intérieur, démissionnaire lui aussi, a dit qu'on ne pourrait pas reconstruire Mayotte sans traiter la question migratoire. On sait que la pression migratoire à Mayotte est énorme. Est-ce que vous sentez une volonté similaire chez François BAYROU, le Premier ministre, qui a été un peu évasif, on va dire, sur la question migratoire hier à l'Assemblée nationale ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Je crois que les deux positions peuvent en réalité se rejoindre. Il y a l'urgence du moment, celle qui est humanitaire. On ne sait pas, aujourd'hui, le nombre de personnes qui ont perdu la vie. Le saura-t-on un jour ? Nous ne savons pas, mais on ne sait pas.

DIMITRI PAVLENKO
Mais c'est ahurissant, ça. Comment c'est ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Régulier ou irrégulier, on ne sait pas. Première chose, il faut traiter ça. Deuxième chose, on sait tous, et depuis longtemps, moi, je travaille sur ce sujet depuis 2006, en particulier sur l'immigration, on a une difficulté majeure et on ne pourra pas se retrouver dans la situation dans laquelle on était avant. Il faut en avoir conscience.

DIMITRI PAVLENKO
Mais il était question de créer une espèce de barrière maritime pour empêcher notamment les flux de clandestins depuis les Comores voisines. On va y arriver à faire ça, vous pensez, François-Noël BUFFET ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Il y a plusieurs sujets. En fait, il y a plusieurs manières d'agir. Il y a évidemment le contrôle des côtes de Mayotte et de son environnement, et singulièrement venant d'Anjouan, pour être très précis. C'est un contrôle aérien, c'est un contrôle de radar. Certains radars ont été détruits par le cyclone, mais, aujourd'hui, ont été remplacés par des moyens mobiles qui vont permettre la reprise de ce contrôle. La police de l'air et des frontières est sur place pour assurer, dans le cadre de rapatriements qui seront faits, notamment sur La Réunion pour l'instant, peut-être sur la métropole demain, pour assurer le contrôle des personnes qui embarquent. Il n'est pas question, très honnêtement, de se retrouver, de remettre Mayotte dans la situation dans laquelle il était avant. Ça nécessite simplement, dans l'urgence du moment et dans le drame du moment, de bien séquencer les choses et de ne pas opposer les choses. J'insiste là-dessus, très fortement.

DIMITRI PAVLENKO
Merci beaucoup, en tout cas, de votre disponibilité, des minutes que vous nous avez consacrées, François-Noël BUFFET, le ministre démissionnaire des Outre-mer, en direct ce matin depuis Saint-Denis de La Réunion. Bonne journée à vous, bon courage.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Merci, excellente journée. Au revoir.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 décembre 2024