Texte intégral
SIMON LE BARON
Le numéro 3 du nouveau Gouvernement et donc l'invité du 6-9 ce matin, c'est sans doute son nom, son retour, qui est le plus commenté, la plus grosse surprise en tout cas. Ancien Premier ministre socialiste sous François HOLLANDE, soutien d'Emmanuel MACRON, dès 2017, le voici donc, désormais ministre d'État, ministre des Outre-mer. Manuel VALLS, bonjour.
MANUEL VALLS
Bonjour.
SIMON LE BARON
Je ne doute pas que les auditeurs de France Inter auront des questions à vous poser. Ils peuvent le faire au 01 45 24 70 00 et sur l'application de Radio France. Vous allez nous dire pourquoi, Manuel VALLS, vous avez accepté d'entrer dans ce Gouvernement. Gouvernement nommé en pleine journée de deuil national pour Mayotte. Mayotte dévastée par un cyclone le plus violent dans ce département français depuis près d'un siècle. Vous êtes ministre, donc des Outre-mer. Est-ce que vous regrettez ce calendrier qui a choqué beaucoup de Mahorais ?
MANUEL VALLS
J'ai en tête les mots de la députée Estelle YOUSSOUPHA qui était sur votre antenne.
SIMON LE BARON
Hier matin.
MANUEL VALLS
Hier matin.
SIMON LE BARON
Qui a dit avec beaucoup de colère effectivement qu'elle trouvait cela grave, méprisant, médiocre.
MANUEL VALLS
Ces mots durs, ces mots poignants. Moi, je comprends, le Premier ministre l'a dit aussi hier soir, toutes les colères, la détresse profonde, la peur de nos compatriotes Mahorais. Donc, la seule chose que je puisse vous dire, c'est que moi, je vais être au travail dans quelques heures après la passation de pouvoir au ministère des Outre-mer à midi. Avec une seule idée : la reconstruction de Mayotte.
SIMON LE BARON
Et prouver, pour reprendre une nouvelle fois les mots de la députée, Estelle YOUSSOUPHA, que tout le monde ne s'en fout pas de Mayotte. Tout le monde s'en fout de nous, c'est ce qu'elle disait aussi hier et c'est ce qu'a pu renvoyer effectivement cette annonce gouvernementale en cette journée de deuil national.
MANUEL VALLS
Les ministres de l'Intérieur, des Outre-mer, de la Défense sont allés sur place. Le chef de l'État aussi, très vite, je n'ai pas la date encore, mais nous irons, évidemment avec le Premier ministre, mais c'est vrai, et pas seulement pour Mayotte, que quand éclatent les émeutes, quand s'abattent les cyclones et les tempêtes, les territoires ultramarins se rappellent à l'Hexagone. Et quand se calment les fièvres, sociales ou économiques, et que passent les tornades, ces territoires retombent dans l'oubli. Le choix qui a été fait par François BAYROU et Emmanuel MACRON, la tâche qui m'a été confiée, le fait que ce soit un ministère d'État, mon engagement total et entier uniquement pour ces territoires d'Outre-mer, et évidemment avec la priorité, l'urgence pour Mayotte, c'est peut-être le signe, la réponse à cette détresse et à ce scepticisme. Et donc, c'est tout ce que je peux vous dire ce matin, c'est un engagement total, et qui sera long et difficile parce que nous n'allons pas reconstruire, il y a l'urgence bien évidemment, nous en parlerons, nous n'allons pas reconstruire Mayotte en quelques semaines, c'est l'engagement, et c'était le sens de la journée de deuil hier, c'est l'engagement total de la nation, et c'est le cas avec nos forces de sécurité, les sapeurs-pompiers, tous les fonctionnaires, mais aussi les français, les ONG qui sont sur place.
SIMON LE BARON
On va parler de l'aide qui a mis beaucoup de temps à arriver, qui met encore beaucoup de temps à arriver dans certains endroits de l'archipel, et on l'entend dans les reportages des envoyés spéciaux consultés sur place. Vous allez vous rendre, vous, à Mayotte, vous ne savez pas encore quand, mais très bientôt ?
MANUEL VALLS
Nous irons avec le Premier ministre le plus vite possible, laissez-nous nous organiser encore quelques heures aujourd'hui.
SIMON LE BARON
Et vous allez arriver dans un contexte, encore une fois, mais de colère, vous parlez de François BAYROU, il s'est engagé à se rendre à Mayotte dès que son Gouvernement serait nommé, parce que dès le premier jour après sa prise de fonction, il a suscité beaucoup d'incompréhension, en préférant se rendre dans sa ville de Pau pour un Conseil municipal au lieu de participer à la réunion de crise pour Mayotte. Le chef de l'État dont vous parliez, Emmanuel MACRON, qui s'est rendu sur place, a choqué, aussi, certains Mahorais en répondant à des gens qu'il accuse d'être des militants du Rassemblement National, mais il s'est mis en colère en disant, je le cite : "Si ce n'était pas la France, vous seriez dix mille fois plus dans la merde." Vous arrivez donc dans ce contexte, comment rétablir la confiance ?
MANUEL VALLS
Par l'action. Il faut être présent, bien évidemment, et mettons de côté toutes les polémiques. Encore une fois, je comprends et nous comprenons tous ces mots et cette détresse. Enfin, vous le dites, vous avez des reporters sur place, enfin, ce cyclone qui s'est abattu sur Mayotte a rasé en partie ce territoire.
SIMON LE BARON
90 % des habitations détruites ou endommagées.
MANUEL VALLS
Vous vous rendez compte que si cela se passait un territoire de l'Hexagone, ce que cela pourrait représenter, ce sont nos concitoyens, ce sont des Français. C'est un territoire qui a choisi la France volontairement. Donc nous leur devons soutient et aide et il faut accepter d'être secoué, il faut accepter ce questionnement, ces colères, mais il faut agir. Et au fond, la seule réponse, c'est l'action avec l'urgence sur place, l'eau, la nourriture, les transports, l'électricité, les déplacements, le logement, les questions urgentes qui vont se poser très vite à nous, je pense à l'école et à la rentrée scolaire au mois de janvier. Enfin, une somme de dispositifs qu'il faut déployer. Ils sont sur place, c'est long, c'est difficile. Mayotte est loin, y compris de la Réunion, mais il y a beaucoup de fonctionnaires de l'État. Il y a des gens qui sont mobilisés, il y a évidemment une cellule interministérielle qui se réunit tous les jours. Il y a une sous-préfète qui est mandatée sur la question des victimes.
SIMON LE BARON
Sur l'aide, le préfet de Mayotte a dit hier : "L'État a pris l'engagement de faire mieux". Ça veut dire qu'il faut faire mieux. Qu'est-ce que vous pouvez faire de plus ?
MANUEL VALLS
Mais parce qu'il faut bien se rendre compte qu'il faut poursuivre. Il faut approfondir dans tous les domaines que je viens de rappeler. Il y a un hôpital de campagne aujourd'hui qui s'installe.
SIMON LE BARON
Qui doit ouvrir ses portes aujourd'hui. Une centaine de personnes par jour pourraient être accueillies dans cet hôpital.
MANUEL VALLS
Des progrès notables ont été faits pour ce qui concerne l'eau. Des chiffres ont déjà été donnés. Il faut le faire aussi pour ce qui concerne l'électricité. Il y a même dans le détail, il y a des milliers de pastilles de chlore qui sont diffusées. Il faut que ça arrive.
SIMON LE BARON
Pour rendre l'eau potable.
MANUEL VALLS
Exactement, et pour éviter les épidémies. Donc, il faut une mobilisation de tous les instants. J'avais, hier, une autre fonctionnaire qui est sur l'île de la Réunion et qui coordonne aussi une partie de cette aide. Il y a beaucoup de fonctionnaires de l'Hexagone qui se sont portés volontaires, c'est l'organisation. Je pense que les choses vont aller en s'améliorant, mais en vous disant ça, je mesure que ceux qui pourraient nous entendre à Mayotte se disent que les choses n'arrivent pas. Il manque encore beaucoup d'éléments pour qu'on puisse voir une lueur.
SIMON LE BARON
Et pour acheminer l'aide, il faut avoir un bilan précis, c'est-à-dire savoir où sont les gens. Et beaucoup manquent à l'appel parce que dans les bidonvilles qui ont été dévastée, presque entièrement rasées, il y a énormément de clandestins, des dizaines de milliers de sans-papiers en tout cas. Le dernier bilan humain est de 35 morts et 2 500 blessés. Beaucoup craignent ou ont craint à Mayotte qu'il soit beaucoup plus important de l'ordre de milliers de morts, c'est d'ailleurs ce qu'avait dit le préfet dans les premiers jours. François BAYROU s'est voulu rassurant, hier, en disant que ce devrait être de l'ordre de quelques dizaines de morts plutôt que des milliers. Qu'est-ce que vous dites ce matin sur ce bilan humain ?
MANUEL VALLS
D'abord que nous parlons d'êtres humains. Il y a eu des morts…
SIMON LE BARON
Qu'ils soient sans-papiers ou qu'ils soient citoyens français.
MANUEL VALLS
Évidemment, il y a eu beaucoup de morts. 35, c'est déjà beaucoup, des centaines, des milliers de blessés. Les sapeurs-pompiers, les forces de sécurité, évidemment, tous les services de santé sont mobilisés. Ces forces de sécurité, ces sapeurs-pompiers remontent dans les bidonvilles pour faire un état de situation. Je vous disais qu'il y a une sous-préfète qui est mobilisée à 100 % sur le sujet. Je reste prudent, le Premier ministre l'était aussi, tant mieux si évidemment il n'y a pas ce nombre de victimes qui était annoncé il y a quelques jours, mais soyons prudent. Vos reporters sont y compris sur place. J'attends. J'attends d'avoir évidemment tous les éléments et nous verrons, j'imagine, dans les jours, dans les semaines qui viennent, les choses plus claires.
SIMON LE BARON
Sur la question de la reconstruction qui se pose, et vous l'avez dit d'ores et déjà, qu'est-ce que vous dites ce matin aux Mahorais ? Emmanuel MACRON a promis une loi spéciale pour accélérer les choses, pour faciliter, contourner certains dispositifs, notamment en matière de normes environnementales, etc. Elle sera examinée rapidement, cette loi ?
MANUEL VALLS
Il y a cette urgence, nous l'avons évoquée. Il y a tous les problèmes de logement, d'économie, de sécurité, d'immigration et il y a la reconstruction. Et cette loi qui était préparée par le Gouvernement sortant, qui a fait déjà l'objet de beaucoup de réunions, j'espère qu'elle sera présentée très vite au début de l'année en Conseil des ministres pour être approuvée et elle vise, comme vous venez de l'indiquer, à accélérer les procédures pour la reconstruction des logements, des services publics, des écoles, mais ça ne se fera pas en quelques jours. Moi, je ne suis pas un semeur d'illusions. Je sais que ça serait difficile, mais par-là, je crois, c'est la démonstration que le Gouvernement, les services de l'État sont pleinement mobilisés pour cette reconstruction, encore une fois, qui sera longue. Et puis il faut, évidemment, tirer toutes les leçons.
SIMON LE BARON
Changer, peut-être, une certaine mentalité au sommet de l'État, comme vous le disiez, tout à l'heure, de ne pas oublier les territoires ultramarins.
MANUEL VALLS
Bien sûr que ce soit au sommet de l'État qu'il faille changer les mentalités. C'est d'une manière générale, le rapport qu'il y a entre l'Hexagone et ces territoires ultramarins qui sont, de mon point de vue, un trésor humain, culturel, économique, qui sont un atout pour la France, pour son rayonnement. Près de trois millions de nos compatriotes y vivent. Je n'oublie pas tous nos compatriotes ultramarins qui vivent dans l'Hexagone, donc c'est cet atout-là. Mais avec ces difficultés, évidemment, la vie chère, les problèmes de sécurité.
SIMON LE BARON
La vie chère dans les Antilles, les émeutes, ces derniers mois, en Nouvelle-Calédonie, entre ce qu'on appelle loyalistes et les indépendantistes, vous avez énormément de dossiers brûlant à gérer.
MANUEL VALLS
Vous savez, Jacques CHIRAC, qui avait une grande expérience politique, disait que ce ministère d'Outre-mer, des DOM-TOM, comme on disait avant, c'était un mini Matignon. Oui, c'est un ministère de l'État et j'ai conscience…
SIMON LE BARON
D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que vous aviez suivi notamment le dossier de la Nouvelle-Calédonie quand vous étiez à Matignon.
MANUEL VALLS
Je m'étais rendu quand j'étais au Gouvernement.
SIMON LE BARON
Prérogatives des premiers ministres, avant qu'Emmanuel MACRON la prenne à son compte.
MANUEL VALLS
Je m'étais rendu sur tous les autres territoires ou presque tous les autres territoires et tout est prioritaire. Mais comment est l'urgence est Mayotte. Et il y a, évidemment, aussi le redressement économique et puis et les solutions institutionnelles à trouver pour la Nouvelle-Calédonie.
SIMON LE BARON
Mais comment dire aux habitants des Outre-mer, en général, que les choses vont changer pour eux. Vous êtes le huitième ministre des Outre-mer depuis 2017. Comment les rassurer alors qu'ils savent très bien, comme les autres Français, que ce Gouvernement risque, comme le précédent, de tomber dans quelques semaines ou quelques mois.
MANUEL VALLS
Je le sais, je connais, je suis lucide. La fragilité du moment et la fragilité politique, ça dépend de la responsabilité de chacun. Le signe qui est envoyé par le président de la République et par le promis, c'est qu'en nommant un ancien Premier ministre, quelqu'un qui connaît ses dossiers, qui est passionné par ces territoires, qui va s'y consacrer pleinement. C'est un gage, en tout cas, d'engagement. Après, le reste, ça ne dépend pas de moi. Mais ils peuvent compter sur moi et sur ma présence. J'irai partout très vite.
SIMON LE BARON
Vous avez eu des mots très durs sur la Nouvelle-Calédonie à l'encontre d'Emmanuel MACRON, il y a quelques semaines seulement dans Le Parisien, aujourd'hui en France. C'était en novembre, vous aviez dénoncé son entêtement imbécile, irresponsable et criminel. Le président, mal entouré, mal conseillé, disiez-vous, qui n'a consulté personne, a mis à terre 36 années de dialogue pour la Nouvelle-Calédonie.
MANUEL VALLS
Eh bien, il faut reconstruire là-bas aussi.
SIMON LE BARON
Vous avez fait et vous allez faire tout le contraire de ce qu'a fait Emmanuel MACRON jusqu'à présent.
MANUEL VALLS
Il faut reconstruire le dialogue. C'est difficile. Vous savez, le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie vient de tomber, cette nuit. Il y a une attente très importante pour la reconstruction économique, c'est l'urgence. Et il y a un chemin de dialogue politique à trouver. Et je me place évidemment dans le sillage, c'est mon ADN politique depuis plus de 30 ans. Le sillage de Michel ROCARD et de Lionel JOSPIN et les Calédoniens savent qu'ils peuvent aussi compter sur moi pour dénouer les et nouer les fils du dialogue.
SIMON LE BARON
Manuel VALLS, nouveau ministre des Outre-mer. Une question pour vous au Standard de France Inter. Jean-Noël, bonjour.
JEAN-NOËL
Oui, bonjour France Inter et merci de me prendre à l'antenne. Je voudrais dire à monsieur VALLS qu'il a participé, sous HOLLANDE, à la destruction de la gauche, qu'il a trahi le PS et son candidat Benoît HAMON qui s'est exilé en Espagne et s'est fait jeter, qui cherche à se rallier à Macron et n'a pas été élu. Vous devriez avoir honte, vous êtes le pire des traîtres Monsieur VALLS. Toute la France a honte de vos comportements. Vous êtes pire qu'un étron.
SIMON LE BARON
Jean-Noël, s'il vous plaît, je vous coupe les insultes n'ont pas leur place sur cette antenne. Par ailleurs, ce n'était pas la question qui était prévue puisqu'il y a, vous le savez, un filtrage au standard de France Inter, et les auditeurs proposent leurs questions que nous prenons ensuite à l'antenne. Jean-Noël, vous n'aviez pas prévu de dire ça et on peut se parler sans se mentir et sans s'insulter. Néanmoins, Manuel VALLS, je vais vous poser la question que Jean Noël avait promis de nous poser. Pourquoi avoir accepté de rentrer dans ce Gouvernement, tout simplement ? Et puis les reproches, tout de même, que vous fait Jean-Noël et d'autres auditeurs vous les fond, notamment sur l'application de Radio-France. C'est vrai que vous avez été battu lors des dernières élections législatives, notamment, qu'il y a eu cette tentative de prendre la mairie de Barcelone qui avait suscité aussi beaucoup d'incompréhension. Quelle est la légitimité ? C'est ce que dit Maxime sur l'application de Radio France, votre légitimité démocratique, et celle de ce Gouvernement.
MANUEL VALLS
C'est celle de l'expérience, de mon engagement. Moi j'aime les défis, j'aime prendre des risques. Vous savez, la vie, ce sont des réussites et surtout des échecs. C'est ça la beauté de la vie. On apprend aussi beaucoup de cela et avec le recul nécessaire. Moi, je suis frappé, quand même, d'une manière générale par le climat de violence, d'hostilité à l'égard des responsables politique. Parfois, aussi entre les Français, d'insultes. Moi, je ne suis pas venu là pour régler des problèmes politiques, je suis là pour m'occuper de ces territoires ultramarins et qui ont besoin d'un Gouvernement totalement engagé et d'un État fort et d'une République partout. D'une certaine manière, vous savez, pour le Républicain de gauche que je suis, ces territoires ultramarins, grâce à leur culture, à leur diversité, à leurs origines, aux pages sombres mais glorieuses aussi, des rapports entre, ce qu'on appelait avant, la métropole et ses territoires, c'est un défi magnifique. Donc, vous savez, moi, j'avance et avec le souci de bien faire, c'est ça au fond, c'est ça qui moule la politique.
SIMON LE BARON
Le Premier ministre, François BAYROU, a dit, hier soir sur BFM TV, qu'il vous avait choisi, notamment parce que vous aimez prendre des risques, parce que vous avez, je le cite, une personnalité un peu kamikaze. C'est ça d'entrer dans ce Gouvernement, c'est être un peu kamikaze ?
MANUEL VALLS
Oui, c'est prendre des risques, bien évidemment, parce que c'est... Mais, vous savez, moi, j'étais ministre, Premier ministre député, maire, le monsieur ne rappelait pas non plus les quelques succès qui ont pu être les miens, mais d'une certaine manière, j'ai connu toutes ces responsabilités. Je crois que c'est dans ce moment-là, particulièrement difficile pour notre pays, avec ces divisions, avec ces fractures, avec ces risques pour l'avenir, que ceux qui ont de l'expérience, doivent tout donner pour leur pays. Moi, je suis un républicain, un patriote, j'aime profondément ce pays, et moi, j'ai, ici, sur votre antenne, avec les Français, évidemment, au Parlement, j'ai pas du tout envie de polémiquer, de rentrer dans les insultes, j'ai envie de construire.
SIMON LE BARON
Xavier BERTRAND, le président de la région des Hauts-de-France, explique qu'il n'a finalement pas été nommé au ministère de la Justice, parce que le rassemblement national s'y est opposé. Il ajoute qu'il refuse de participer à un Gouvernement formé avec l'aval de Marine LE PEN, et il accuse le Premier ministre de composer avec l'extrémisme. Est-ce que des doutes vous ont effleurés ?
MANUEL VALLS
Je n'ai aucun doute sur François BAYROU, que je connais depuis des années. Je n'ai aucun doute sur François REBSAMEN, qui a rejoint ce Gouvernement. Je n'ai aucun doute sur Élisabeth BORNE. Je connais l'engagement républicain de Bruno RETAILLEAU, Gérald DARMANIN, et je pourrais continuer ainsi. Je n'ai aucun doute, de toute façon, et nous le verrons dans les prochaines semaines à l'Assemblée nationale, la responsabilité de chaque formation politique, de chaque parlementaire, de chaque député, en l'occurrence, est engagé. Vous pensez qu'on peut continuer comme ça, faire tomber le Gouvernement ? Dans un moment où il y a une guerre en Ukraine, je sors un peu au fond de mes prérogatives, avec les risques économiques et sociaux que nous connaissons, la vague d'antisémitisme qui a submergé le monde occidental après le 7 octobre 2023. L'urgence Mayotte. Vous pensez qu'on peut continuer à se diviser et à continuer ainsi ?
SIMON LE BARON
Le fait est que si Marine LE PEN le décide, ce Gouvernement tombera comme le Gouvernement BARNIER est tombé, sauf à obtenir l'indulgence du Rassemblement national, qui est l'autre voie que vous voyez pour échapper à la censure.
MANUEL VALLS
Mais la responsabilité générale, et notamment la responsabilité des socialistes, vous pensez que François HOLLANDE peut censurer un Gouvernement dans lequel il y a son ancien Premier ministre, son ancien ministre du Travail, son ancienne secrétaire d'État.
SIMON LE BARON
Mais vous aviez refusé lors des dernières législatives, cet été, d'appeler au Front républicain.
MANUEL VALLS
Non, pas du tout. Moi, je me suis réjoui qu'il y ait un Front républicain, mais moi, j'étais très clair à propos du Rassemblement national et de la France Insoumise.
SIMON LE BARON
Vous aviez co-signé une tribune, aucune voix, ni sur le RN, ni sur LFI, donc pas sur le NFP.
MANUEL VALLS
Et là vous m'entraînez, vous êtes en train de m'entraîner, c'est normal.
SIMON LE BARON
Est-ce que vous parlez aux socialistes qui sont vos anciens camarades ?
MANUEL VALLS
Laissez-moi terminer s'il vous plaît. Cette tribune, je l'avais signée avec la philosophe Elisabeth BAMMATTER, grande républicaine de gauche, et avec Bernard CAZENEUVE. Nous l'avions signée avec d'autres, mais nous l'avons signée notamment tous les trois. Et on ne va pas nous donner des leçons de républicanisme de gauche, quand même, à ces trois personnalités, notamment aux deux signataires avec moi. Donc mon engagement républicain, mon engagement pour la France, mes origines, tout le monde les connaît, elles viennent de la gauche, et précisément, c'est au nom de ces valeurs qu'aujourd'hui, je sers de nouveau mon pays.
SIMON LE BARON
Justement…
MANUEL VALLS
C'est une chance, vous savez, c'est un honneur incroyable.
SIMON LE BARON
Nous parlions des socialistes, et ma question était de savoir si, effectivement, votre arrivée au Gouvernement était de nature à les rassurer, à les dissuader de voter cette censure. Je crois que Dominique a une question à ce sujet. Bonjour Dominique.
DOMINIQUE, AUDITEUR
Bonjour France Inter, et merci de prendre ma question. Monsieur VALLS, on vous présente comme l'aile gauche du Gouvernement. En Espagne, le parti qui avait porté votre candidature avait fait alliance avec l'extrême droite. En cas de nouvelle censure, pourriez-vous rejoindre un Gouvernement BARDELLA et dont vous représenteriez l'aile gauche ?
SIMON LE BARON
Merci Dominique, comme quoi, on peut poser des questions incisives sans s'insulter.
MANUEL VALLS
Moi, je ne représente, ni l'aile gauche, ni l'aile droite. Je suis membre d'un Gouvernement, c'est le Gouvernement de la France et de la République. Et là où je suis, je dois être aussi attentif à tous, à tous les électeurs, quels que soient leurs votes. L'extrême gauche, la gauche sont puissantes dans les territoires ultramarins. Le Rassemblement national aussi, ils ont des députés à La Réunion et à Mayotte. Marine LE PEN a fait des scores très importants sur ces territoires. Et je serai aveugle, je n'écouterai pas ? Il faut agir et il n'y a rien de pire que le sectarisme, que la violence, que l'insulte, que les fausses informations, comme je viens d'entendre, ou les insultes, il y a un instant.
SIMON LE BARON
Quelles fausses informations ?
MANUEL VALLS
Sur des alliances d'extrême droite, ça vient d'être dit. Mais vous voyez, avec l'expérience qui est la mienne, et avec la responsabilité qui est la mienne, nous avons commencé par-là, en pensant à nos compatriotes mahorais, je vais toujours essayer de garder un certain niveau.
SIMON LE BARON
Le parti dont vous aviez obtenu investiture à Barcelone avait effectivement passé une alliance avec la droite catalane.
MANUEL VALLS
Non, vous connaissez mal le dossier, mais ce n'est pas très grave, ça n'a pas beaucoup d'importance. La seule chose que je peux vous dire, c'est que quand j'étais en Espagne, ce sont mes origines, j'en suis fier. Quand je suis allé à Barcelone, j'ai rencontré l'amour en plus. Donc ce n'est pas un échec. Mais avec ce recul et avec cette expérience, je peux aussi apporter quelque chose. C'est tout simplement mon engagement. Mais vous ne me ferez pas dévier, et personne ne me fera dévier de la priorité qui est la mienne, de mon engagement total pour ces territoires ultramarins.
SIMON LE BARON
Mais puisqu'on parle de la façon pour ce Gouvernement d'échapper à la censure, vous en appelez à la responsabilité de vos anciens camarades du Parti Socialiste. Olivier FAURE, Premier secrétaire, parle d'une provocation. Est-ce que votre entrée dans ce Gouvernement avec, vous l'avez dit, d'autres anciens socialistes, Élisabeth BORNE, François REBSAMEN, Juliette MEADEL, mais qui ont rejoint Emmanuel MACRON il y a longtemps désormais, ne risque pas, au contraire, de souder, à nouveau, les rangs du NFP qui avait commencé à se fissurer ces dernières semaines ?
MANUEL VALLS
Mais il n'y a eu aucun débauchage, là. Vous avez parfaitement raison. Et le Parti Socialiste est dans l'opposition. Sur votre antenne, il y a quelques jours…
SIMON LE BARON
Et vous allez avoir dans l'opposition votre ancien président, celui qui vous avait nommé à Matignon, François HOLLANDE.
MANUEL VALLS
Je sais, mais il y a quelques jours, précisément, Lionel JOSPIN disait, le Parti Socialiste doit être dans l'opposition, il l'est, mais il doit participer de la stabilité. Qu'ils écoutent. C'est ça, oui, c'est ça, la responsabilité politique. S'il y a une motion de censure qui passe, c'est parce que le Rassemblement National et le Nouveau Front Populaire, ensemble, joindraient de nouveau leurs voix. Mais, vraiment, mon rôle est là. Vous imaginez, les Mahorais qui nous écoutent, et d'une manière générale nos compatriotes, je crois qu'il faut éviter cette instabilité et de plonger notre pays dans une crise politique, dans une crise démocratique, dans une crise de régime.
MANUEL VALLS
Moi, j'aurais souhaité, comme François BAYROU, que le Gouvernement soit totalement d'union nationale, mais enfin, tout de même, les personnalités qui vont…
SIMON LE BARON
Est-ce que les conditions ont été réunies pour faire en sorte qu'il ne soit, justement, peut-être pas d'union nationale, mais en tout cas plus large et élargi à gauche ? Par exemple, François BAYROU a, de nouveau fermé la porte, hier, à une suspension de la réforme des retraites. Quel est votre avis là-dessus ?
MANUEL VALLS
Il a, au contraire, hier, ouvert le dialogue. Il a rappelé la lettre, à part la CGT, signée par tous les partenaires sociaux, syndicats et patronats, pour avancer sur ce dossier. François BAYROU prononcera, dans quelques semaines, un discours de politique générale. Donnons-lui une chance.
SIMON LE BARON
Il a ouvert la porte à un réaménagement, mais pas un gel.
MANUEL VALLS
Oui, mais c'est déjà beaucoup. Travaillons. Et puis François REBSAMEN va suivre ce dossier, en tenant, évidemment, compte du contexte économique, budgétaire et financier. Donc, on est dans un moment grave, pas seulement parce que Mayotte a subi ce cyclone, pas seulement parce qu'il y a des défis économiques, budgétaires colossaux, l'Himalaya, non ? À franchir, comme le disait François BAYROU, mais parce que nous sommes dans un moment où tout peut basculer. Nous voyons bien, un peu partout, la démocratie est questionnée. La seule chose que je puisse faire à votre antenne, c'est d'appeler chacun à la responsabilité, et parce que j'appelle chacun à la responsabilité, je m'engage avec responsabilité, à la tête de ce ministère, qui, je crois, est un ministère merveilleux, avec des défis considérables, pour une France qui est présente sur tous les océans, avec sa biodiversité, et sur tous les continents, c'est magnifique, c'est un sacré défi.
SIMON LE BARON
Et vous disiez que François REBSAMEN suivrait ce dossier des retraites. C'était ses anciennes attributions, le ministère du Travail, désormais, il est à l'Aménagement du territoire et à la Décentralisation.
MANUEL VALLS
Vous avez parfaitement raison. Vous voyez, je reste avec le François REBSAMEN, qui était dans mon Gouvernement.
SIMON LE BARON
C'est Catherine VAUTRIN.
MANUEL VALLS
Et Catherine VAUTRIN le fera bien évidemment. Et François REBSAMEN sera dans un dialogue avec les élus.
SIMON LE BARON
Et comme tous les Français, vous apprenez à connaître ce nouveau Gouvernement et vos nouveaux collègues. Manuel VALLS, merci beaucoup.
MANUEL VALLS
Merci à vous, et saluez tous les auditeurs, tous les autres qui n'ont pas pu me poser des questions.
SIMON LE BARON
Et première urgence pour vous, donc, ce déplacement à Mayotte, vous nous l'avez dit, dans les tout prochains jours. Merci beaucoup Manuel VALLS, nouveau ministre des Outre-mer. Dans un instant, la revue de presse.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 31 décembre 2024