Déclaration de M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur son arrivée au Gouvernement, sa prise de fonction et son attachement à ce ministère, Paris le 24 décembre 2024.

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  • Philippe Baptiste - Ministre, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

Circonstance : Passation de pouvoirs

Texte intégral

Monsieur le Ministre, cher Patrick,
Madame la Ministre, chère Clara,
Monsieur le Directeur de Cabinet,
Chères collaboratrices et chers collaborateurs du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche,
Mesdames et Messieurs,

Je suis très honoré d'être devant vous ce matin. J'ai pleinement conscience cependant de la gravité de la situation que connaît notre pays.

Gravité d'abord face à la catastrophe qui a frappé Mayotte le 14 décembre. Les blessés et les disparus sont nombreux, les dégâts matériels sont considérables. Je souhaite exprimer ma solidarité et ma compassion à nos compatriotes. Je pense plus particulièrement à la communauté éducative et universitaire, aux élèves, aux étudiants et à leur famille.

Gravité aussi face à la situation politique de notre pays, et que la Première ministre Élisabeth Borne, ministre d'État, auprès de laquelle j'exercerai mes fonctions a très bien résumé : une situation inédite sous la Ve République, avec une Assemblée nationale plus éclatée que jamais, un gouvernement qui a récemment été censuré, et un pays doté uniquement d'un budget provisoire.

C'est dans ce contexte grave que j'ai accepté, aux côtés d'autres acteurs de la société civile, de m'engager au gouvernement, avec responsabilité, avec humilité, dans ce ministère que j'ai tant eu à cœur de servir et de défendre tout au long de ma carrière.

L'attachement à ce ministère, je le partage avec vous, cher Patrick Hetzel. C'est un honneur de vous y succéder. Vous êtes un homme politique engagé, mais aussi un fin connaisseur des universités. À la DGESIP, au sein de la commission des affaires culturelles et de l'éducation comme à la tête du ministère, vous avez porté avec force des propositions visant à renforcer l'attractivité de nos universités et à promouvoir la recherche française à l'international. Votre travail a toujours été animé par une conviction profonde : celle que l'excellence de l'enseignement supérieur est un pilier fondamental de la compétitivité et du rayonnement de notre pays.

Je la partage, et je ne doute pas que vous continuerez, dans un autre rôle, d'apporter votre expertise et votre vision au développement de l'enseignement supérieur et de la recherche dans notre pays. Je suis convaincu que nous aurons des occasions de retravailler ensemble – et je m'en réjouis d'avance. Nous aurons besoin, dans les prochains mois, de continuer à fédérer pour défendre le besoin existentiel, pour notre ce pays, de préparer l'avenir.

Le numérique et l'IA en sont un des leviers majeurs et je tiens à vous remercier, chère Clara, pour tout ce que vous avez fait et continuerez de faire pour garantir la souveraineté de notre pays dans ce domaine.

Ces ambitions, je les partage avec la Première ministre Élisabeth Borne qui a dit ce matin combien elle était prête à mettre son énergie, ses convictions, et son immense expérience et compétence, au service de ce grand ministère dont le Premier ministre François Bayrou a décidé de faire le premier de son gouvernement.

C'est une chance pour l'Éducation nationale, l'enseignement supérieur et la recherche. Je note d'ailleurs que, dans cette configuration de ministre d'État avec un ministre rattaché, nous fûmes précédés par Lionel Jospin et Hubert Curien en 1988, une comparaison qui invite à l'humilité !

L'ambition de préparer l'avenir par l'enseignement supérieur et la recherche est cœur du parcours qui m'a amené ici, depuis mon doctorat et mon habilitation à l'UTC à la présidence du CNES, en passant par le CNRS, le secteur privé et ce ministère que j'ai déjà fréquenté à plusieurs reprises, en administration centrale comme au cabinet, et que je me réjouis de retrouver aujourd'hui. J'ai pu mesurer, tout au long de ce parcours, le talent, l'énergie et l'implication des femmes et des hommes qui œuvrent au quotidien pour repousser les frontières de la science, bâtir les innovations qui nous aideront à relever les défis de demain, et transmettre inlassablement cette soif de connaissance aux étudiants.

Permettez-moi de le dire ici : je suis un chercheur, d'abord et avant tout ; j'ai passé parmi les plus belles années de ma vie dans des laboratoires à Compiègne, aux États Unis, en Australie et à l'X ; j'ai aimé passionnément la recherche, j'ai beaucoup publié, des articles, des ouvrages scientifiques et si j'ai depuis lors pris des responsabilités collectives, c'est parce que j'ai la conviction que la recherche doit être portée et défendue dans la société où elle prend place par ceux qui la font et qui l'aiment. Je dis bien portée et défendue – parce qu'il ne s'agit pas que de défendre ; il s'agit aussi de porter, c'est à dire de placer la science au cœur de nos politiques publiques et de nos choix collectifs.

On ne peut pas aimer la science sans croire au progrès, non pas au sens d'un solutionnisme béat, mais au sens de notre évidente capacité à comprendre et résoudre les problèmes nouveaux de notre temps par l'intelligence collective, au sens fort du terme. Et cela suppose d'avoir une vision ouverte de la recherche, capable de dialoguer avec toutes les parties prenantes. Elle n'a, j'en suis convaincu, rien à perdre à ce dialogue, pourvu que ses conditions de liberté essentielles soient garanties – et elles le sont et le seront. Je serai le garant de cette indépendance et de cette ouverture, car elles sont les conditions de notre excellence collective.

Et en 2024, encore, notre recherche et notre enseignement supérieur démontrent leur excellence. Dans le domaine de la recherche, parmi les avancées récentes, citons l'exemple d'Iseult, l'IRM du CEA la plus puissante du monde, qui fournit désormais des images du cerveau d'une précision inégalée, ou encore le Nutriscore, qui, basé sur la cohorte Nutrinet de l'INSERM, révolutionne la santé publique en améliorant la prévention nutritionnelle. La reconstruction de Notre-Dame de Paris s'est accompagnée d'un grand chantier scientifique, et je salue l'implication du CNRS et des universités, allant des sciences humaines et sociales aux recherches sur les matériaux et à la climatologie.

Pour prendre un autre exemple, enfin, des travaux d'Inria, qui allient IA et prévision météorologique, placent la France en leader dans la modélisation climatique, avec des résultats beaucoup plus riches que ceux des modèles d'IA des Big Tech américains. Sans parler d'Ariane 6 qui a repris son envol, ni des SVOM ou de SWOT qui sont des premières mondiales portées par le CNES.

Cette dynamique de la recherche nourrit, bien sûr, notre paysage d'enseignement supérieur dans toute sa diversité, des universités aux grandes écoles.

Mais cette excellence ne doit pas nous conduire à la complaisance. Comme l'a souligné la Première ministre Élisabeth Borne, nous devons aussi faire preuve d'exigence. L'innovation et la recherche progressent par la rigueur, par l'évaluation constante de nos résultats et par la remise en question des pratiques. Nous devons nous attaquer sans tarder aux défis qui sont les nôtres : des inégalités sociales territoriales dans l'accès et les parcours dans l'enseignement supérieur, des résultats parfois insuffisants dans certaines disciplines, une recherche trop souvent éclatée et difficile à coordonner.

Cela étant dit, il est important de souligner que notre secteur a déjà beaucoup évolué ces dernières années. Il a su se remettre en question avec une volonté forte de modernisation.

La Loi de programmation de la recherche (LPR), le plan d'investissements France 2030 ont permis d'insuffler une dynamique nouvelle, tout comme, plus récemment, la création des agences de programme et les programmes de recherche à risque. Ces réformes nous montrent que le secteur est en pleine transformation et qu'il sait évoluer en fonction des besoins du monde de demain.

Cela, il faudra le rappeler, le défendre et l'amplifier, pour défendre nos activités dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons. Les données du problème sont claires : l'État dépense beaucoup, il rembourse une dette considérable qui est aujourd'hui proche du budget du MENJ, les dépenses sociales sont objectivement très lourdes alors que les dépenses d'investissement dans la recherche, dans l'enseignement supérieur, dans l'innovation et dans les grands projets industriels ne sont pas au niveau des grands pays de la recherche. Je sais que de nombreux établissements sont dans une situation budgétaire tendue. Il nous faut, c'est certain, faire des choix et établir des priorités dans chaque établissement. Il nous faut aussi démontrer et expliquer, sans relâche, que la recherche et l'enseignement supérieur sont partie intégrante de l'avenir du pays.

Nous devons aux jeunes étudiants de travailler avec sur leurs conditions d'étude, sur la manière dont ils les financent.

Nous devons aux plus jeunes qui sont encore au lycée de les accompagner dans leur travail d'orientation.

J'ai confiance dans l'intelligence et la mobilisation collectives pour faire avancer ces enjeux. Notre responsabilité d'enseignants, de chercheurs, d'étudiants, de responsables d'établissements, c'est de faire en sorte que notre système d'enseignement supérieur et de recherche soit non seulement à la hauteur des attentes de notre société, mais qu'il en soit le moteur. Nous devons avancer avec ambition, avec responsabilité et avec exigence.

Je souhaite remercier chaque membre de cette grande famille du Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche pour leur engagement, leur professionnalisme, et leur dévouement qui sont le moteur de notre succès collectif.

Je vous remercie


source https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr, le 30 décembre 2024