Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Il est 8 h 32, vous êtes bien sur RMC et BFM TV. Bonjour Manuel VALLS,
MANUEL VALLS
Bonjour,
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être dans ce studio pour répondre à mes questions. À nouveau ministre, vous êtes donc le ministre des Outre-mer, vous êtes ministre d’État. On va revenir sur ce plan. D'ailleurs, Mayotte que vous allez présenter en Conseil des ministres, demain, et que vous allez nous dévoiler dans un instant. Et puis vous étiez, le Premier ministre, il y a dix ans, au moment des attentats de Charlie Hebdo, de l'Hyper Cacher et du début de cette année terrible de 2015. Est-ce que finalement, vous n'avez pas perdu la bataille ?
MANUEL VALLS
Quelle bataille ?
APOLLINE DE MALHERBE
Dix ans après la bataille de la liberté, la bataille d'une forme d'insouciance qui est passée. Quand on écoute ceux qui, aujourd'hui, parlent de cette période, quand on écoute Élisabeth BADINTER qui, dit dix ans après, la peur a gagné. Quand on écoute Alain JAKUBOWICZ que je recevais, hier, qui disait en substance que le combat contre le terrorisme islamiste avait été perdu et qu'aujourd'hui, ce sont des gens comme Sophia ARAM qui sont traités d'islamophobes, que est ce que le combat n'est pas finalement perdu ?
MANUEL VALLS
Je ne le crois pas. Je pense que l'esprit Charlie est toujours là et qu'il est partagé par une immense majorité de Français qui sont attachés à la République, à la laïcité, à la possibilité de critiquer les religions, de se moquer des uns et des autres, de la caricature. Et donc Charlie représente cet esprit français. Mais il est vrai qu'en dix ans, la menace terroriste, elle est toujours présente.
APOLLINE DE MALHERBE
Ces mots du ministre de l'Intérieur, aujourd'hui, qui dit, ce matin, la menace terroriste n'a jamais été aussi élevée.
MANUEL VALLS
Elle n'a jamais été aussi élevée. Il a raison de le dire. Quelques jours après les attentats contre Charlie à Montrouge ou contre l'Hyper Cacher, vous le rappelez, de la porte de Vincennes. J'avais dit devant des jeunes dans un lycée agricole en Seine-et-Marne, que leur génération allait vivre avec cette menace terroriste. Parce que j'avais la conviction et je l'ai toujours. Nous avons un danger majeur qui est celui de l'islamisme, de l'islam radical, des Frères musulmans qui jouent sur le temps long pour frapper les sociétés démocratiques.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous vous rendez compte, cette phrase, la menace terroriste n'a jamais été aussi élevé dans notre pays. Je n'ai pas fait le décompte, mais je pense que c'est une phrase que vous avez prononcée, un très grand nombre de fois depuis 2015. Vous l'avez prononcé quand vous étiez ministre de l'Intérieur, vous l'avez prononcé quand vous étiez Premier ministre et depuis, eh bien, cette menace, c'est ça la défaite.
MANUEL VALLS
Apolline DE MALHERBE, regardez, c'est une guerre qui nous est menée. Je l'avais dit dans mon discours du 13 juillet, dès les premiers mots de mon discours. Regardez, les États-Unis viennent d'être frappés. Dans quelles circonstances ? À la Nouvelle-Orléans et à Las Vegas. Il y a quelques jours, l'Allemagne a été frappée. Cette menace, elle existe aux Pays-Bas, en Belgique, dans les pays du nord de l'Europe. En Grande-Bretagne, elle est très présente, en Espagne aussi. Donc cette menace ici, c'est une guerre qui nous est menée. Et puis regardez, l'Hyper cacher a été frappé, il y a dix ans, nous y serons aussi, aujourd'hui et jeudi pour ces commémorations. L'antisémitisme connaît une recrudescence après les attaques contre Israël le 7 octobre 2023 à un niveau incroyable. Et c'est vrai qu'il y a beaucoup de complices ou d'idiots utiles, si vous me permettez cette expression autour, toujours du fameux "Oui mais" au fond, c'est cela qui n'était déjà pas Charlie, qui revendiquait, d'ailleurs il y a une dizaine d'années, de ne pas être Charlie. Ce sont les mêmes qui avant…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est qui ?
MANUEL VALLS
Mais une partie de cela a été une partie de la gauche, de la presse, de certains intellectuels. C'est ceux qui n'avaient déjà pas soutenu Salman RUSHDIE. C'est ceux qui aujourd'hui ne soutiennent pas Boualem SANSAL, c'est ceux qui s'en prennent à Sophia ARAM, etc. Donc c'est oui, c'est ceux qui considèrent que combattre l'islamisme et l'islam radical, c'est être, je mets des guillemets "Islamophobes", c'est-à-dire ce mot inventé par le régime iranien pour clouer au pilori Salman RUSHDIE avec des mots qui sont dangereux. Parce que, nous le savons, Salman RUSHDIE a fait l'objet d'un attentat ou il a perdu un œil.
APOLLINE DE MALHERBE
Manuel VALLS, est-ce qu'au fond d'ailleurs, ce que vous prophétisé à ce moment-là est ce qui vous a coûté votre popularité ? Je voudrais m'arrêter, un instant, sur des mots de mon confrère Patrick COHEN, éditorialiste à Radio France et sur France 5, qui disait, la semaine dernière à propos de vous, "On aimerait être certain que les torrents de haine dont est victime Manuel VALLS, aujourd'hui, ne sont dus qu'à sa loi travail, à son ralliement à Emmanuel MACRON en 2017, une trahison de sa parole socialiste, à son piteux retour à Barcelone, aux zigzags, au dérapage, mais, il ajoute, il est plus que probable que cette détestation trouve aussi racine, en fait, dans ce qui s'est passé déjà en 2015, dans ses combats contre DIEUDONNÉ et Tariq RAMADAN, contre l'antisémitisme, dans sa défense de la laïcité sans adjectif et dans sa façon de rompre avec le mythe unitaire de la gauche en faisant le constat des deux gauches irréconciliables". Est-ce qu'au fond, ce qui se joue, aujourd'hui, c'est à dire dix ans après, ce n'est pas exactement ça ?
MANUEL VALLS
Je suis au Gouvernement de nouveau avec une belle mission qui est celle des outre-mer. J'ai gouverné, je fais de la politique, j'aime mon pays, je suis un républicain et c'est normal que je prenne des coups, d'une certaine manière. Et j'ai fait des erreurs évidemment. Et qu'on me critique sur mon bilan, mon action économique et sociale, je trouve ça logique. Ça fait partie du débat démocratique. Je ne peux pas appeler à la liberté d'expression et m'indigner qu'on m'attaque, mais les attaques que je subis avec cette violence, c'est relent, aussi, antisémite parce que tout simplement, je soutiens le droit d'Israël à exister. Nous les retrouvons aussi. Je ne sais pas, par exemple pour Boualem SANSAL, qui est un intellectuel, aujourd'hui, emprisonné, écrivain franco-algérien, et parce qu'il combat avec un immense courage comme Kamel DAOUD, un autre grand intellectuel, prix Goncourt. Ils sont attaqués sur les réseaux par les islamistes, par une partie de la gauche, par ceux qui disent : "Ce n'est pas bien ce qui s'est passé, les attaques contre Charlie ou qu'on emprisonne un intellectuel en Algérie." Mais alors, ils sont très proches de l'extrême droite. On vous disqualifie.
APOLLINE DE MALHERBE
Je vous repose la question, est-ce que, précisément, ce n'est pas perdu quand on voit ça, dix ans après ?
MANUEL VALLS
Si je reviens au gouvernement, si j'ai accepté la belle proposition que m'a formulé François BAYROU, c'est parce que je pense que ces combats sont toujours utiles et indispensables. La société française est davantage divisée et fracturée. Oui, comme la plupart des sociétés occidentales. Mais les valeurs de Charlie, ce qu'ils défendent, c'est une rédaction qui a été décimée. Mais tous ceux qui, aujourd'hui, continuent son œuvre. Pour eux, aujourd'hui, nous n'allons pas commémorer seulement, même si c'est évidemment très important, des victimes, des amis que nous avons perdus, avec aussi des moments graves. Moi, j'ai toujours dit que si seulement l'Hyper cacher avait été attaqué, s'il n'y avait eu que cet attentat antisémite, peut-être n'aurait-il pas eu autant de monde dans les rues le 11 janvier lors des grandes manifestations républicaines. Mais Charlie a été, est-ce que ça a été un attentat ? Ils le disent eux-mêmes, profondément politiques ? On a attaqué la France pleinement pour ce qu'elle était Charlie, des policiers, les Français juifs. Et quelques mois après, bien évidemment, il y a eu le Bataclan, c'est-à-dire un mode de vie. Eh bien moi, j'en appelle à l'esprit de résistance. Apolline DE MALHERBE, il ne faut pas avoir peur, mais il faut regarder aussi le danger dans les yeux. Et ce danger, c'est l'islamisme, ce sont les Frères musulmans et c'est tous ceux qui, d'une certaine manière, sont complices de cela. C'est pour ça que les mots de Patrick COHEN sont justes. Et moi, je n'ai pas de mots à retirer sur les raisons de ce combat politique. Et peut être certains considèrent t-il parce qu'ils pensaient que j'étais déjà mort, sur le plan politique, que me voir revenir est insupportable pour eux…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais, Emmanuel VALLS, vous dite, les complices, c'est quoi les complices ? C'est une autre partie de la gauche ? Elle est, aujourd'hui, fracturée sur ces questions-là, et c'est là-dessus que la gauche s'est divisée.
MANUEL VALLS
Bien sûr, mais pas seulement, mais en tout cas là-dessus, sur les valeurs. C'est la première fois depuis l'affaire DREYFUS, et encore davantage. Encore davantage depuis la dernière guerre mondiale, qu'une partie de la gauche participe d'une campagne de haine d'Israël et des Juifs. C'est la première fois qu'une grande partie de la gauche renonce à défendre la République et la laïcité. Ce sont ces éléments-là qui font qu'il y a ces fractures. Mais ne perdons pas l'espoir, continuons nous à nous battre. Mais nous sommes dans une guerre que nous mène, incontestablement, l'islamisme.
APOLLINE DE MALHERBE
Le problème, c'est le terrorisme islamiste, où est-ce que le problème, c'est aussi une forme de permissivité de la société française ? Quand on voit ces influenceurs franco-algérien dont on ne sait pas très bien s'ils seraient ou non manipulés par le pouvoir algérien ou s'ils feraient cela spontanément. Mais, en tout cas, qui profère sur les réseaux sociaux…
MANUEL VALLS
De l'apologie du terrorisme.
APOLLINE DE MALHERBE
Des propos abominables sur les femmes, sur la violence, sur le viol, sur les appels à au terrorisme. Mais, en fait, on se dit : "Ca fait des semaines qu'il était sur les réseaux sociaux, ça fait des semaines qu'il parlait tout haut, au su et au vu de tous, est ce qu'il n'y a pas ?" Et puis soudain, quelqu'un, un lanceur d'alerte, en quelque sorte, a dit : "Mais ce n'est pas normal". Mais est-ce qu'il n'y a pas une permissivité courante ?
MANUEL VALLS
Il se passe tellement de choses sur les réseaux sociaux. Mais je vous rappelle qu'avec Bernard CAZENEUVE, sous la présidence de François HOLLANDE, nous avons fait adopter cette loi contre l'apologie du terrorisme que la France Insoumise veut remettre en cause. Mais moi, je pense qu'il y a une bonne réaction du ministre de l'Intérieur, du ministre de la Justice. C'est un combat, voyez-vous, c'est un combat de tous les instants, il ne faut rien laisser passer. Quand même, l'interdiction de la bagarre dans les écoles, la volonté de protéger, davantage, les enseignants après les drames que nous avons connus. Bien évidemment, je pense à Samuel PATY sur tous ces sujets, il ne faut rien lâcher. On mène ce combat contre la France parce que précisément c'est l'esprit des Lumières, c'est l'esprit de Voltaire et de Charlie, c'est l'esprit de Boualem SANSAL, c'est cette liberté. Le président de la République disait, hier, quelque chose de très juste devant les ambassadeurs, c'est que, partout, la liberté est mise en cause. A la fois, par la forme d'une internationale réactionnaire, que représente monsieur MUSK qui s'immisce dans tous les débats démocratiques, mais aussi par l'islamisme politique radical qui est puissant et qui vise l'Europe. Pourquoi ? Parce que c'est là où il y a beaucoup de concitoyens musulmans qui visent la division. Ils veulent séparer les Français des Français ou des citoyens musulmans. Donc, nous devons combattre pour chacun et pour faire en sorte que l'unité… Après Charlie, je le dis avec beaucoup d'émotion, cette grande manifestation, c'était l'idée que nous étions unis, qu'il y avait un seul peuple rassemblé autour des valeurs, et dans ces moments très complexes pour notre pays, moi, j'en appelle à cet esprit. Je pense qu'on a besoin de cette responsabilité, de cette unité pour faire face aux dangers qui sont souvent…
APOLLINE DE MALHERBE
Sur la question de la division de la société, Manuel VALLS, vous évoquiez, à l'instant, la question de la division de notre société entre communautés. Quand vous entendez, ce matin, le ministre de l'Intérieur, Bruno RETAILLEAU, qui appelle à un référendum sur les questions d'immigration, mais aussi à interdire plus fermement le voile dans les sorties scolaires, alors que ce n'est pas le cas, aujourd'hui, hors de l'enceinte de l'école. Qu'est-ce que vous en dites ? Est-ce que ce n'est pas une manière de diviser ?
MANUEL VALLS
Moi je pense que face à l'islamisme qui qui provoque tout cela est extrêmement bien documenté. Ils choisissent l'école à l'extérieur ou à l'intérieur. En permanence, une pression sur les enseignants, sur les familles. Il ne rien céder.
APOLLINE DE MALHERBE
Il ne faut rien céder et donc il faut réglementer cette question-là. Il faut élargir la loi.
MANUEL VALLS
Moi, je suis ministre des outre-mer et je pense qu’Élisabeth BORNE suit ces dossiers-là, bien évidemment, mais en tout cas, c'est ma position depuis très longtemps.
APOLLINE DE MALHERBE
Élisabeth BORNE, elle suit ces dossiers-là. Vous tendez une perche en quelque sorte. On a quand même l'impression, effectivement, qu'il y a des dossiers qui sont les vôtres. Il y a les dossiers de Bruno RETAILLEAU. Il y a une vision dont on sent que vous la partagez sur un certain nombre de points entre vous. Et puis, il y a effectivement Élisabeth BORNE qui, elle, est ministre de l'Éducation. Sur le point de Mayotte, on y vient, vous faites partie avec Sébastien LECORNU, avec Gérald DARMANIN, de ceux qui ont demandé à ce qu'il y ait une révision de la question du droit du sol. Et 24 h plus tard, Élisabeth BORNE dit que ce n'est pas une bonne idée.
MANUEL VALLS
Non, il y a deux débats. D'abord, merci de nous ramener après ces moments touchants ou émouvants, parce que moi, ça a changé aussi ma vie. D'abord celle des Français, bien évidemment. Mais je me dis…
APOLLINE DE MALHERBE
Il y a un avant et un après.
MANUEL VALLS
Il y a un avant et après. Et au fond, c'est d'une certaine manière de se dire ce qui est essentiel et ce qui est parfois accessoire. Mais je suis à 100 % évidemment consacrée à ma mission suivre, répondre aux attentes et aux urgences dans les outre-mer. Et la première aujourd'hui, c'est, évidemment, Mayotte. Le plan d'urgence est en train de se mettre en place et nous venons au secours de nos compatriotes mahorais. Mais il faut dire la vérité et là aussi, Mayotte meurt, crève de deux maux majeurs, l'immigration irrégulière et l'habitat illégal. Si nous n'arrivons pas à résoudre ces dossiers, s'il n'y a pas une volonté politique et elle existe bien évidemment. Alors tout ce que nous sommes en train de faire, cela sera arroser du sable.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, ça doit passer par cette question-là. Je voudrais que vous écoutiez Marine LE PEN qui était à Mayotte encore hier, écoutez.
MARINE LE PEN, PRÉSIDENTE DU GROUPE RASSEMBLEMENT NATIONAL A L’ASSEMBLÉE NATIONALE
Moi, je suis venu parce que je voulais savoir si ce que me disaient les habitants correspondait à ce que je lisais dans les rapports et notamment les rapports ministériels ou les rapports de la préfecture. Voilà, et la réponse est non. Il semblait dans les rapports que tout allait, quasiment, tout était remis en situation concernant l'eau, concernant l'électricité. Je suis désolé, mais on a fait le tour de l'île, aujourd'hui, et l'intégralité des habitants de ces villages nous ont dit : "On n'a pas d'eau et on n'a pas d'électricité".
APOLLINE DE MALHERBE
Qu'est-ce que vous répondez ?
MANUEL VALLS
Moi aussi j'ai fait le tour de l'île et je ne veux pas polémiquer avec madame LE PEN ou à quiconque sur ce sujet-là. Et je l'ai dit très sincèrement, il y a 70 % des habitants qui ont été alimentés en électricité et la quasi-totalité de la population a l'eau courante. Mais d'abord, c'est parfois par intermittence et puis ensuite ça n'arrive pas partout dans les villages et dans les communes. Et nous nous sommes donné un objectif, c'est sur ces sujets-là urgents, mais c'est vrai aussi sur les déchets ménagers qu'il faut enlever, qu'il faut dégager. Nous nous sommes donnés quelques semaines, encore, parce que c'est un travail très difficile. Jamais, cet île, et jamais, d'ailleurs, la France n'avait connu une telle catastrophe naturelle.
APOLLINE DE MALHERBE
Quels sont les éléments concrets que vous allez apporter à Mayotte dans les jours qui viennent ? Quel est le contenu de votre plan ?
MANUEL VALLS
La priorité des priorités, c'est la réussite. Nous parlions d’Élisabeth Borne. Évidemment, elle est penchée là-dessus, essentiellement. La réussite de la rentrée scolaire, à partir du treize et surtout du 20 janvier, on a à peu près 70 % des écoles et des classes qui sont préservées, mais elles étaient surchargées pour des raisons démographiques, à cause de l'immigration irrégulière, aussi, je l'évoquais. Pour réussir une rentrée qui ne sera pas une rentrée comme celle que l'on peut connaître, ici, dans l'hexagone, ça mettra encore plusieurs semaines, sinon plusieurs mois. Parce qu'il faut aider les communes, c'est ça l'urgence, avec des financements de droit commun. Et pas besoin d'une loi pour aider les communes et le conseil départemental pour rénover, reconstruire, acheminer du matériel, des fournitures scolaires, pour reconstruire les écoles, les collèges et les lycées. Ça, c'est l'urgence. Nous veillons beaucoup au risque d'épidémie. Il faut faire très attention. Mayotte a connu, il y a quelques mois, une épidémie de choléra. Il peut y avoir des épisodes de dingue, par exemple, je ne dresse pas un tableau idyllique, je dis la vérité là-dessus. Et puis nous allons lancer, avec l'INSEE et les maires, ce recensement, parce que, sans doute aujourd'hui, on n'est pas loin des 500 000 habitants sur Mayotte, nous avons besoin de cela, et puis enfin, poursuivre la lutte contre l'immigration régulière, pour cela, il faut reconstituer les radars…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça, ça vient dans un deuxième temps ?
MANUEL VALLS
Non, il y a des choses qui peuvent être déjà faites, il y a cette loi d'urgence, pour écraser les procédures, pour faire que les normes soient beaucoup faciles, pour aider à la reconstruction, notamment des toits, parce que c'est ceux des Mahorais, avec des prêts directement…
APOLLINE DE MALHERBE
Avec la question des bidonvilles, est-ce qu'il faut les interdire ?
MANUEL VALLS
D'abord la priorité c'est le toit des Mahorais, c'est la reconstruction de leurs maisons, c'est ça qu'ils demandent.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ce à quoi vous distinguez, les Mahorais qui ont des maisons en dur, de ceux qui n'étaient pas recensés, qui étaient une partie d'une population illégale, officiellement, en tout cas, et qui, elles, vivaient dans les bidonvilles ?
MANUEL VALLS
50 % de la population à Mayotte est étrangère, et une grande partie est irrégulière.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça veut dire que, eux, ne doivent pas reconstruire leur toit, pour reprendre notre expression ?
MANUEL VALLS
Ils ont reconstruit très rapidement ces bidonvilles, donc dans la loi nous allons mettre des éléments qui nous permettent sur le foncier, sur l'urbanisme…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais on interdit comment à quelqu'un de ?
MANUEL VALLS
C'est difficile d'interdire quelque chose qui est en soi interdit.
APOLLINE DE MALHERBE
De se faire un toit avec les tôles qu'ils trouvent ?
MANUEL VALLS
C'est pour ça, Apolline DE MALHERBE, c'est une très bonne question, que les choses ne sont pas aussi faciles, en claquant des doigts. C'est pour ça que cette loi, comme celle que je présenterai avec d'autres membres du Gouvernement, en mars, qui se rappellera la loi Mayotte debout, pour reprendre l'expression du Premier ministre, de François BAYROU, qui est une loi programme pour reconstruire, parce qu'il faut, bien évidemment, que le visage de Mayotte change totalement.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est dans cette loi-là qu'il y aura la question du droit du sol ?
MANUEL VALLS
Il y aura des aspects d'immigration, de sécurité, de développement économique et de développement éducatif essentiellement. Le droit du sol, c'est une réforme constitutionnelle, donc avant de lancer une réforme constitutionnelle, ça ne m'appartient pas…
APOLLINE DE MALHERBE
S'il y avait un référendum sur l'immigration, comme le demande, par exemple, Bruno RETAILLEAU, s'il y avait une ouverture de questions constitutionnelles, vous pourriez les mettre aussi dans des référendums ?
MANUEL VALLS
Tout le monde sait qu'aujourd'hui, on ne peut pas faire un référendum sur l'immigration. Mais permettez-moi de vous le dire, je suis au Gouvernement, désormais, une réforme de la Constitution ne peut être initiée soit par le Parlement, soit par le président de la République. Mais en revanche, en matière de détection et d'interception par voie maritime et aérienne, ce qu'on est en train de remettre avec l'idée de reconduire à la frontière, avant c'était 25 000 personnes par an, maintenant c'est évidemment 35 000 ou 40 000, de revoir les relations avec les Comores, le président de la République en a parlé, hier. De lutter, davantage, contre les passeurs et la traite d'êtres humains. Et puis, il y a deux sujets, qui est la reconnaissance frauduleuse de paternité, qui est un élément très lourd, avec beaucoup d'argent frauduleux bien sûr…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est un trafic de paternité ?
MANUEL VALLS
C'est un trafic de paternité, ce sont des milliers et des milliers d'euros et ça concerne beaucoup de monde. Et puis on peut agir sur la durée de résidence régulière des parents sur l'accès à des enfants à l'université française, ça avait déjà été fait. Donc, les critères du droit du sol, que vous évoquiez, ils peuvent être durcis. Sur ces sujets-là, nous pouvons agir assez vite.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça vous a fait quoi d'être traité de merde ? Pardon, mais de tronc par un auditeur en direct, il y a dix jours ? Juste après votre retour en politique ?
MANUEL VALLS
Le fait d'en parler, d'une certaine manière, c'est donner une prime à ces gens qui vous insultent. En réfléchissant à la manière dont je revenais, avec cette belle mission sur l'outre-mer, parce qu'on tire aussi des leçons du passé, y compris des comportements, des erreurs que l'on peut connaître, je me suis fixé une règle. Je ne suis pas un revanchard, moi. Je trouve que gouverner de nouveau, assumer des responsabilités pour ce pays que j'aime par-dessus tout, c'est une chance inouïe. Cette chance, elle m'est donnée par le président de la République et par le Premier ministre, avec une mission des outre-mer qui souffrent, qui ont un sentiment d'abandon.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous avez dit tout à l'heure, être critiqué, c'est normal. Ce n'est pas de la critique, là, c'est une forme de haine.
MANUEL VALLS
C'est de la haine, c'est de l'insulte, mais à raison de plus, pour me consacrer à ma mission, la Nouvelle-Calédonie, la vie chère dans les Antilles ou à La Réunion, les problèmes d'immigration, le narcotrafic qui est en train de déstabiliser des sociétés comme celle de la Guyane, de la Guadeloupe ou de la Martinique, et tracer ce chemin, répondre à ces attentes. On est dans un moment où on a tous besoin, au fond, d'avoir un comportement qui est à la hauteur des attentes et des inquiétudes, des angoisses des Français.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous vous êtes retrouvé dans cette salle du Conseil des ministres. Puisque vous êtes ministre d'État, le protocole le veut, vous deviez être quasiment en face d'Emmanuel MACRON. Il voulait que vous soyez ministre, vous ?
MANUEL VALLS
Oui, il me l'a dit.
APOLLINE DE MALHERBE
Il a mis du temps quand même à revenir vous chercher. D'ailleurs, ce n'est pas lui qui est venu vous chercher.
MANUEL VALLS
Oui, mais sans lui. C'est lui qui m'a nommé, aussi. Pour moi, il y a toujours une forme de fierté. Vous savez, là où je me suis assis, y compris ce matin devant vous, il y a toujours un peu d'émotion, il y a toujours un peu de tract. Moi, je ne suis jamais blasé.
APOLLINE DE MALHERBE
Dans l'exercice de l'interview du ministère, non ?
MANUEL VALLS
Je ne suis pas né Français. J'ai appris à être Français. La République, l'école publique, mes parents, bien évidemment, les gens qui m'aiment, m'ont tout donné. Servir de nouveau mon pays, c'est une chance, c'est une responsabilité incroyable. Et je veux être à la hauteur de cette responsabilité. Et donc, je ne réponds pas à ces misérables, qui doivent être, d'ailleurs, des personnages bien tristes pour proférer de telles insultes. Mais moi, je sers la République et la France.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci, Manuel VALLS, d'avoir répondu à mes questions, ce matin, ministre des Outre-mer et ministre d'État.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 janvier 2025