Texte intégral
ADELINE FRANCOIS
Il est 7 h 45. Merci d'être avec nous en première édition. L'invitée de première édition, ce matin, bonjour Clara CHAPPAZ,
CLARA CHAPPAZ
Bonjour,
ADELINE FRANCOIS
Et merci d'être avec nous. Vous êtes ministre délégué chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. On voulait parler avec vous de cette révolution pour le secteur du porno sur Internet, puisque les éditeurs de sites pornographiques ont, depuis samedi, l'obligation de vérifier l'âge des utilisateurs avec une menace de blocage pour les récalcitrants. Vous avez, vendredi, tenu une réunion justement pour obtenir cette mesure. D'abord, comment va se dérouler concrètement la vérification de l'âge des utilisateurs ? Ils vont devoir montrer leur papier ?
CLARA CHAPPAZ
Depuis samedi. En effet, c'est un jour vraiment historique pour la protection des mineurs en ligne. Parce que l'ARCOM met en demeure les sites qui n'installent pas de système de vérification d'âge. Les solutions technologiques sont nombreuses. Ce qui est important dans ces solutions, c'est la question du double anonymat. C'est-à-dire que la protection de nos jeunes en ligne et le fait qu'ils ne puissent pas accéder à ces contenus ne doit pas empiéter sur la liberté des adultes.
CHRISTOPHE DELAY
Vous voulez bien expliquer ce que c'est le double anonymat ?
CLARA CHAPPAZ
Double anonymat, c'est-à-dire que quand on va se connecter sur un site qui a des contenus pornographiques, on va devoir prouver son âge. Il y a différentes manières de le faire et les solutions que les sites peuvent mettre sur leur site internet. Ce qu'elles proposent, qui est extrêmement important, c'est que la personne qui se connecte, l'identité de cette personne ne sera, bien sûr, pas communiquée au site Internet. Il n'est pas de notre prérogative d'avoir une liste des personnes qui se connecteront. Et là, je veux, bien sûr, rassurer les adultes qui eux, sont dans leur plus grande liberté de consommer ces contenus. Nous n'aurons pas accès à ce type d'informations. Il s'agit bien de protéger les mineurs.
ADELINE FRANCOIS
Mais comment vous vérifiez l'identité d'une personne qui a moins de 18 ans sur un site Internet quand elle veut se connecter ?
CLARA CHAPPAZ
Dans la réunion qu'on a tenu au sein de mon ministère, ce vendredi, il y avait une dizaine d'acteurs. Il peut s'agir d'utilisation à base d'intelligence artificielle qui identifie les traits du visage. Il peut s'agir de solutions qui identifient même les mouvements de la main. Il y a tout un tas de solutions sur le marché qui existent. Ce n'est pas à nous de dire aux sites internet laquelle ils peuvent utiliser. Mais ce qui était très important pour moi, vendredi, c'est de montrer que les solutions techniques sont là. Donc les sites qui ne voudraient pas se mettre en conformité, je leur demande de penser à ces enfants. C'est, quand même, un garçon sur deux des douze ans qui consomment ces sites de contenus en ligne.
ADELINE FRANCOIS
D'après l'ARCOM, il y a 2,3 millions de mineurs qui fréquentent des sites pornos en France, chaque mois.
CLARA CHAPPAZ
Tout à fait. Et je pense que quand ces enfants tentent d'aller dans un magasin qui vendrait du contenu pornographique hors ligne dans la rue, ça ne choque personne que ce magasin demande à vérifier l'âge des personnes qui rentrent. Il en est de même en ligne. La question de la protection des mineurs en ligne, c'est, finalement, faire appliquer les mêmes règles hors ligne.
CHRISTOPHE DELAY
Madame CHAPPAZ, on se dit toujours, nous parents, que nos enfants sont plus malins que nous et qu'ils parviennent à contourner ces interdictions. Est-ce que vous êtes certaine que nos enfants ne parviendront pas à contourner ces interdictions, ces filtres en quelque sorte ?
CLARA CHAPPAZ
Je pense qu'il faut aussi se rappeler, dans cette question, qu'un enfant sur deux qui tombe et qui consomme du contenu pornographique, aujourd'hui, tombe par hasard sur ce contenu.
CHRISTOPHE DELAY
Justement.
CLARA CHAPPAZ
Une grande question, c'est comment on s'assure qu'à minima, ces comportements-là soient régulés avec le système que l'on met en place ? Il y aura toujours des personnes qui veulent contourner. Bien sûr, il ne faut pas être naïf, qui veulent et peuvent contourner. Peut-être oui, mais là je veux dire, c'est une question d'éducation, de parentalité ce numérique, on peut rentrer dans tout cela. Mais moi, ce qui m'importe, en tant que ministre du numérique et de L'intelligence artificielle, c'est de pouvoir dire, dès maintenant, que nous avons le pouvoir avec l'ARCOM, de mettre ces sites en demeure et de les bloquer, voire de les différencier s'ils ne suivent pas les obligations qui sont les leurs.
ADELINE FRANCOIS
Le problème, c'est que les sites les plus visités, aujourd'hui, ne sont pas domiciliés en France et pour l'instant, ces mesures s'appliquent à des sites français. Comment vous allez faire pour les sites les plus visités ? J'ai découvert qu'ils étaient basés à Chypre.
CLARA CHAPPAZ
Alors, je ne vais pas faire de la publicité pour les sites qui sont basés à Chypre, mais vous avez, ce n'est pas l'Europe qui est en retard sur cette question, c'est la France qui est en avance. La France a décidé de se doter d'une régulation très ambitieuse pour protéger les mineurs et réguler l'accès, comme je le disais, aux prostituées pornographiques. L'Europe n'ayant pas cette régulation, ce que nous avons fait, c'est que nous avons saisi l'Europe sur cette question. Et dans quelques mois, ces sites là que vous mentionnez, auront à suivre les mêmes obligations. Ils sont simplement en sursis, aujourd'hui. Dès avril, nous aurons le même pouvoir. Tous les sites seront concernés en France, hors de l'Union européenne et dans l'Union européenne. Et je pense que cela doit nous montrer que la France est capable d'avancer et même parfois de tirer l'Europe aussi dans une certaine direction.
CHRISTOPHE DELAY
La France peut-elle avancer contre le reste du monde ? Parce qu'évidemment sont ces sites ont bien souvent une couverture mondiale, hélas.
CLARA CHAPPAZ
Oui, je vous le dis dès aujourd'hui, dès ce week-end, nous pouvons saisir les sites en France et hors de l'Union européenne et dans quelques mois, nous aurons aussi les sites dont qui sont installés dans les autres pays de l'Union.
CHRISTOPHE DELAY
Juste une autre question d'actualité, Elon MUSK, propriétaire de X, multimilliardaire proche de TRUMP, multiplie les ingérences en Europe. Il soutient à l'AFD, le parti d'extrême droite en Allemagne à la veille des élections. Il s'en prend à Keir STARMER, le Premier ministre britannique travailliste, soutient MELONI. Il a traité, ce week-end, Thierry BRETON de tyran de l'Europe. Est-ce que l'Europe va se laisser faire ? Est-ce qu'on peut faire ce qu'il faut interdire le réseau, X par exemple ?
CLARA CHAPPAZ
Elon MUSK, en tant que citoyen, et bien libre de dire toutes les opinions qu'il veut. Ce n'est pas notre projet, ce n'est pas ce pourquoi je me lève le matin et je me bats. On n'est clairement pas d'accord, mais il a le droit d'exprimer ses opinions. Ce qui m'intéresse, en tant qu'individu numérique, c'est de savoir comment Elon MUSK utilise son réseau pour propager ses opinions ? Une enquête de la Commission européenne est en cours. Nous avons, encore une fois, l'arsenal pour faire respecter un certain nombre de règles sur l'utilisation des réseaux sociaux et notamment sur l'obligation, pour ces plateformes, de ne pas biaiser les propos qui sont mis en avant par les. De par les algorithmes, de ne pas propager de fausses informations de fake news. Et l'Union européenne mène une enquête. S'il s'avère que Monsieur Elon MUSK utilise son réseau pour montrer davantage ce type de point de vue, nous aurons un problème.
MATTHIEU CROISSANDEAU
Concrètement, cela veut dire que l'Europe peut interdire X ?
CLARA CHAPPAZ
Voyons les résultats de cette enquête. Mais je veux rappeler qu'il y a des amendes très conséquentes, 6 % du chiffre d'affaires dans le cadre de cette réglementation européenne et, qu'en effet, on peut aller jusqu'au bannissement. Donc, pour répondre à votre question, ce n'est pas à nous de quitter. Il y a 5 millions de Français qui se connectent.
ADELINE FRANCOIS
Vous et Emmanuel MACRON, par exemple, ont un compteur X.
CLARA CHAPPAZ
Oui, il y a 5 millions de Français qui se connectent sur X de façon régulière. Ma réponse, ce n'est pas de leur dire : « Je ne vous parle plus », on n'est pas en train de se dire on va sur une plateforme ou une autre en fonction des opinions. Ma réponse, c'est de leur dire : " Je m'assure que X suit nos règles ". C'est cela qui est important, en tant que ministre du numérique.
CHRISTOPHE DELAY
Merci beaucoup Clara CHAPPAZ d'être venue, ce matin, sur le plateau de première édition.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 janvier 2025