Déclaration de M. François Bayrou, Premier ministre, sur les lignes directrices du Gouvernement, suivie d'un débat, l'audit flash attendu de la Cour des comptes relatif à la réforme des retraites et le budget 2025, au Sénat le 15 janvier 2025.

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Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution.

La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP et sur des travées des groupes UC, Les Républicains et RDSE.)

M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président, je n'ai pas l'intention de refaire le – long, diront certains (Exclamations amusées.) – discours de politique générale que vous avez entendu hier par la voix de Mme la ministre d'État Élisabeth Borne. Je veux simplement rappeler les grandes lignes de cette déclaration.

En matière de politique internationale et de géopolitique, nous sommes entrés dans un temps extrêmement dangereux. Les nations qui ont vécu pendant soixante ans, soixante-dix ans, trois quarts de siècle, dans un ordre qui paraissait établi et impossible à bouleverser ont basculé, au moment de l'attaque de la Russie de Vladimir Poutine contre l'Ukraine, dans un autre univers, où commande la loi du plus fort, la loi de celui qui impose sa loi aux autres, par la force militaire ou par d'autres moyens.

Autour de cette agression inimaginable pendant si longtemps se sont unis des pays qui ont profité de ce bouleversement de l'ordre international pour se glisser dans l'alliance de ceux qui contestent la validité des lois et des règles en vigueur.

Naturellement, on a vu l'Iran ou la Corée du Nord prendre part à cette agression par la fourniture d'armements qu'ils produisent ou la mobilisation de forces humaines sur le terrain, dans cette Ukraine si profondément blessée, hélas !

Ce premier élément, d'ordre militaire, a entraîné des conséquences économiques, commerciales, industrielles.

Je l'ai indiqué hier dans ma déclaration : selon des chiffres qui viennent de tomber, la Chine, au mois de décembre dernier, a passé le cap des 1 000 milliards d'euros d'excédent commercial – 1 000 milliards d'euros d'excédent commercial !

Nos pays, notre Europe, sont en quelque sorte paralysés, parce qu'eux respectent un certain nombre de règles que d'autres, adoptant une démarche de dumping extrêmement agressive, ne respectent pas.

Et puis, nous le savons bien, la politique intérieure des États-Unis, qui ont été pendant très longtemps nos alliés dans la défense de cet ordre international, a pris un nouveau cours, celui d'une affirmation de la puissance et d'une tentative de domination technologique, industrielle, commerciale assises sur un système judiciaire extrêmement efficace, qui impose les décisions du gouvernement américain à tous ses partenaires, notamment à tous ceux qui utilisent la monnaie américaine dans leurs échanges.

Comme vous le savez, cela crée une situation de déséquilibre, d'incroyables distorsions de puissance et de croissance, l'ensemble des fonds disponibles pour l'investissement se précipitant vers les États-Unis.

Ce matin même ont été rendus publics les taux de croissance des différents pays européens. L'année 2024 a été pour l'Allemagne, comme l'année 2023, une année de récession : – 0,1 % en 2023, – 0,2 % en 2024. Ainsi le premier pays européen par la taille de l'économie est-il en récession.

Au passage, signalons que la France, quant à elle, a connu une croissance positive, supérieure à 1 % du PIB. Nous pouvons nous prévaloir de cette différence de situation, bien qu'elle soit loin de résoudre tous les problèmes qui sont les nôtres.

Face aux tentatives d'affirmation de puissance et de domination économique, technologique et monétaire que j'ai évoquées, nous n'avons qu'une ressource : que l'Union européenne elle-même s'affirme comme entité et comme volonté.

Vous le savez, c'est ce à quoi travaille la France, ce à quoi travaille le Président de la République, ce à quoi travaillent ici nombre d'entre vous, représentants de diverses sensibilités, animés par cette préoccupation – cette obsession, allais-je dire – de voir l'Europe s'affirmer face aux États continents. Compte tenu de la taille du marché européen et de nos capacités industrielles et de recherche, nous devrions pouvoir rivaliser d'égal à égal avec ces États et contrer leurs tentatives de domination.

Dans cet ensemble, la France connaît une situation particulière. Cette situation particulière se caractérise avant tout par un endettement croissant, qui confine au surendettement, phénomène au sujet duquel quelques-uns d'entre nous – en tout cas celui qui vous parle – ont essayé pendant des décennies d'alerter l'opinion nationale, sans parvenir toutefois à mobiliser toutes les capacités disponibles dans le champ démocratique français. C'est en des termes volontairement réservés, vous le constatez, que je souligne l'impossibilité dans laquelle nous avons été de convaincre notre pays au moment où il était temps – encore temps, déjà temps – d'agir.

Cette situation appelle un redressement, un ressaisissement, dont j'ai tâché hier de définir les grandes lignes – vous les avez entendues par la bouche d'Élisabeth Borne.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. François Bayrou, Premier ministre. Entrant sans plus attendre dans le vif du sujet (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.),…

M. Rachid Temal. Enfin !

M. François Bayrou, Premier ministre. … je vais vous dire maintenant, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles sont ces grandes lignes.

Il y a d'abord la question des retraites, qui est devenue centrale – j'allais dire : "obsédante" – dans le débat public français. Et, là encore, pendant toutes ces années, je n'ai pas réussi à mobiliser l'attention sur ce sujet.

Cette question trouve sa source dans l'extrême déséquilibre du financement de notre système de retraite. Pourquoi un tel déséquilibre ? Je vais donner quelques chiffres.

Le montant total des pensions de retraite versées chaque année est de l'ordre de 380 milliards d'euros – je retiens le chiffre de l'année dernière. Système par répartition oblige, ces 380 milliards d'euros devraient en toute rigueur être financés en totalité par les salariés et par les employeurs, les actifs cotisant pour les retraites des pensionnés. Or la somme de l'ensemble des cotisations et des transferts d'impôt affectés au financement du système de retraite représente seulement 325 milliards d'euros. Faite le calcul : restent 55 milliards d'euros,…

M. Stéphane Ravier. C'est le coût de l'immigration ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. François Bayrou, Premier ministre. … pris en charge par la puissance publique ?

La part versée par les collectivités locales est située entre 10 milliards et 15 milliards d'euros, tandis que l'État doit abonder le système à hauteur de quelque 40 milliards ou 45 milliards d'euros. Et cela dure depuis des années !

Quand on analyse rétrospectivement la structure de l'ensemble de nos budgets sociaux, on constate que, dès les années 1990, le transfert d'argent public vers le système de retraite représente chaque année environ 1,8 % de notre produit intérieur brut. Or, de cet argent public, nous n'avons pas le premier sou, nous n'avons pas le premier centime ; cela signifie que, depuis des décennies, cet argent, nous l'empruntons. De fait, aujourd'hui, les transferts successivement opérés depuis les budgets publics vers notre système de retraite représentent 50 % de notre stock de dette.

Cette situation a été très longtemps niée, y compris par les organismes officiels, lesquels, voilà encore deux ou trois ans, continuaient de présenter le financement de notre système de retraite comme "équilibré, et même légèrement excédentaire" – j'insiste sur le "et même"…

M. Emmanuel Capus. Eh oui !

M. François Bayrou, Premier ministre. Or notre système de retraite n'était équilibré et excédentaire que parce qu'un transfert d'argent public venait rééquilibrer ses dépenses et recettes ! (M. Emmanuel Capus applaudit.)

De surcroît, la structure démographique de notre pays étant évidemment très déséquilibrée, il n'y a aucun espoir que cette situation s'améliore naturellement.

Plus exactement, il n'existe qu'un seul espoir, qui tient à notre politique économique : si le taux d'emploi de la France était celui de nos voisins, si notre productivité progressait comme elle progresse chez nos voisins, nous n'aurions pas, pour le moment, de problème de financement de notre système de retraite. Mais voilà qui est illusoire, évidemment, vu la structure des difficultés économiques que nous rencontrons.

C'est la raison pour laquelle il est impossible d'imaginer l'avenir sans une réforme de notre système de retraite.

À propos de la nécessité d'une telle réforme, Michel Rocard disait, je le rappelle, qu'il y avait de quoi faire tomber dix gouvernements ; dix, l'estimation était à mon avis bien modeste…

Élisabeth Borne, que je remercie d'avoir accepté d'intégrer mon gouvernement, a conduit la dernière réforme. Comme toutes les réformes, celle-ci a été discutée et contestée. Au cours des semaines qui ont été consacrées à la formation du Gouvernement, nous avons noté avec beaucoup d'intérêt que, parmi les partenaires sociaux présents autour de la table, nombreux étaient ceux qui disaient avoir repéré des possibilités d'amélioration de notre système de retraite et estimaient que toutes les voies n'avaient pas été explorées.

Les prenant au mot, nous leur avons indiqué que, le sujet ayant été source de tant de difficultés et de crispations politiques et ayant notamment provoqué la chute du dernier gouvernement, le moment était peut-être venu de poser à nouveaux frais la question et de remettre en chantier, à partir de l'expérience des uns et des autres, cette réforme du système de retraite.

À ma connaissance, les partenaires sociaux se sont tous déclarés partisans de ce travail en commun, que nous allons donc pouvoir reprendre. Tous ! Tous ont dit, dans les échanges que j'ai eus et que le Gouvernement a eus avec eux, que, s'il était possible de rediscuter, ils y étaient prêts. Et c'est ainsi que nous avons ouvert ce nouveau cycle de travail sur la réforme des retraites.

Ce travail est confié principalement aux partenaires sociaux, et à l'État, naturellement, en tant qu'il verse une partie très importante des cotisations de retraite, celle qui concerne les agents publics.

Je sais – j'ai vu, lu ou entendu – que nombre d'acteurs politiques mettaient en doute la capacité ou la volonté des partenaires sociaux à s'entendre. Je veux défendre devant vous l'idée que la confiance dans les partenaires sociaux, c'est-à-dire la démocratie sociale, est l'un des piliers de la démocratie française. (Mme Cathy Apourceau-Poly ironise.) Nous considérons que les partenaires sociaux ont toute légitimité à s'entendre et nous faisons confiance aux choix qui peuvent être les leurs.

Ces dernières heures encore, la plupart d'entre eux ont considéré que cet espoir-là était préférable à la stagnation : cela vaut mieux, pensent-ils, que d'en rester à la situation antérieure. Je les réunirai dès vendredi et cette démarche s'appuiera sur un constat indiscutable, puisque je vais demander à la Cour des comptes, dans le cadre d'une mission flash, d'établir la réalité chiffrée du financement du système de retraite.

Mmes Émilienne Poumirol, Marie-Pierre de La Gontrie et Raymonde Poncet Monge. Et le COR ?

M. François Bayrou, Premier ministre. Nous verrons donc ce qu'en dit la Cour des comptes, dont personne ici, me semble-t-il, ne remet en cause l'indépendance. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également. – Brouhaha sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Nous devons défendre les institutions, parmi lesquelles la Cour des comptes, qui nous permettent de maîtriser ensemble notre destin.

Les partenaires sociaux vont donc se réunir et débattre, sur une durée assez brève, pour que personne ne puisse nous accuser de vouloir noyer le poisson et jouer l'attentisme. (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.) J'ai fixé cette durée à trois mois, conformément, d'ailleurs, au souhait d'un certain nombre d'organisations syndicales. Je crois possible et même probable qu'ils trouvent des voies d'amélioration de ce texte.

Si, ensemble, avec, naturellement, la participation du Gouvernement, ils trouvent de telles voies d'amélioration du texte tout en respectant l'équilibre financier de notre système de retraite (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.), nous les traduirons dans un texte de loi que nous soumettrons à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Si ces négociations débouchent sur un échec complet, nous en resterons au texte actuel (M. Francis Szpiner applaudit.), ce qui est le seul moyen de sauver l'image de notre pays dans le concert international – il suffit pour s'en convaincre de mesurer par exemple le rôle si important qu'ont les agences de notation dans la détermination des conditions d'emprunt ou dans les arbitrages des investisseurs. Pour prémunir notre pays contre tout jugement négatif et toute attaque de ce type, il faut l'affirmer clairement : s'il y a échec de ces négociations, nous en resterons au texte en vigueur.

J'ai entendu les représentants d'un certain nombre de courants politiques dire que, si nous procédions de la sorte, c'était parce qu'en réalité nous avions fait le choix de ne pas bouger, étant entendu que les organisations patronales voudront faire échouer complètement cette négociation. Je ne le crois pas ! (Pas de mollesse ! sur des travées du groupe SER.) J'affirme ma confiance, notre confiance, dans les partenaires sociaux : je ne doute pas que tous ont le souhait, le désir et la volonté que des progrès soient réalisés en la matière. Et je veux une nouvelle fois souligner combien la démocratie sociale est vitale pour notre pays.

Si, enfin, la négociation et les discussions menées dans le cadre de cette conférence sociale débouchaient non pas sur un accord complet, mais sur des accords partiels,…

M. Pascal Savoldelli. Ah !

M. François Bayrou, Premier ministre. … alors nous reprendrions ces accords partiels dans un texte de loi que nous soumettrions au Parlement, c'est-à-dire à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Pour reprendre une expression qui a été employée tout à l'heure à l'Assemblée nationale, notre "démocratie parlementaire" aura naturellement le dernier mot ; et il est bon qu'il en soit ainsi.

Voilà donc les trois hypothèses.

Désaccord ? On en reste au texte actuel.

Accord complet ? Nous déposons un texte de loi.

Accord partiel ? Nous le traduisons dans un texte d'amélioration de notre système de retraite.

Telle est la voie la plus franche, la plus transparente et la plus honnête qu'il était possible d'emprunter sur ce sujet-là. J'y crois, parce que les partenaires sociaux y croient eux aussi, nombre d'entre eux ayant manifesté leur intérêt pour la démarche ainsi ouverte.

Après le système de retraite, j'en viens au budget.

Nous repartons des acquis du Sénat, donc de l'état du texte tel qu'il était lorsque vos délibérations ont dû s'interrompre, mesdames, messieurs les sénateurs. Pourquoi ? Non pas – et que personne ne prenne mal ce propos – que nous considérions l'actuel projet de loi comme parfait : nul ne peut soutenir cette idée.

M. Jean-François Husson. En tout cas, il est bien !

M. François Bayrou, Premier ministre. Mais nous considérons que c'est là le seul moyen d'aller vite, de donner rapidement – je veux dire dans un temps raisonnable – un budget à la France, en la préservant des dégâts que l'absence d'un tel texte ne manque pas d'occasionner pour notre société tout entière.

C'est donc du texte établi par le Sénat que nous repartirons.

M. Jacques Grosperrin. Bonne chance…

M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président, puisque vous avez réclamé transparence et sincérité budgétaire, j'indique que nous avons retenu une prévision de croissance légèrement plus basse que celle qui avait été inscrite dans le texte initial : l'hypothèse est désormais de 0,9 %, conformément au chiffre avancé par la Banque de France, contre 1,1 % avant la censure.

De même, nous revoyons à la baisse le taux d'inflation, le ramenant à 1,5 % ou 1,6 % – 1,4 %, m'indique d'un signe Mme la ministre chargée des comptes publics !

M. Jean-François Husson. C'est mieux !

M. François Bayrou, Premier ministre. Je le répète, c'est la sincérité budgétaire que nous recherchons.

M. Jean-François Husson. Très bien !

M. François Bayrou, Premier ministre. Quelles sont les principales évolutions de ce budget ? Nous choisissons de fixer notre objectif de déficit public pour 2025 à 5,4 % du PIB, au lieu de 5 %. Nous espérons y arriver,…

M. Jean-François Husson. Il le faut !

M. François Bayrou, Premier ministre. … en dépit des innombrables interventions de ceux qui, tout en défendant l'équilibre de nos comptes publics, demanderont dans le même temps, avec les meilleures raisons du monde, des crédits complémentaires pour tel ou tel ministère, pour telle ou telle action publique.

M. Jean-François Husson. Pas ici, monsieur le Premier ministre !

M. François Bayrou, Premier ministre. Nous protégeons les collectivités locales : nous avons décidé de nous ranger à la décision du Sénat en ramenant l'effort qui leur est demandé à 2,2 %… (Milliards ! sur toutes les travées.) pardon, à 2,2 milliards d'euros, là où le texte initial prévoyait une ponction de 5 milliards.

Cette mesure a évidemment beaucoup de vertus : elle permettra en particulier de rétablir l'équilibre des budgets de fonctionnement des collectivités locales, cet équilibre étant, chacun le sait ici, la clé et la condition des budgets d'investissement.

Si nous protégeons les collectivités locales de la sorte, c'est parce qu'elles sont le principal pôle d'investissement du pays, notamment quand la croissance fléchit. Sur ce point, le Premier ministre et le Gouvernement partagent totalement l'avis du Sénat. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.) Et nous avons bien l'intention de protéger les collectivités locales autant qu'il sera possible.

Pour ce qui est du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il convient de noter une évolution considérable, à savoir le choix de relever le taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour 2025 de 2,9 % à 3,3 %. Cela permettra d'accorder, notamment aux hôpitaux, plusieurs milliards d'euros de moyens supplémentaires. (Plusieurs millions ! sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Tout le monde n'est pas obligé d'avoir le sens des ordres de grandeur. (Exclamations ironiques sur diverses travées.)

M. Pascal Savoldelli. Un peu, quand même !

M. François Bayrou, Premier ministre. On peut tout à fait comprendre que l'arithmétique élémentaire, qui est certes l'une des bases de l'enseignement primaire, ne soit pas le fort de tous…

Toujours est-il que le Gouvernement a décidé d'assumer cet effort considérable sur l'Ondam : il s'agit de faire en sorte que notre système de santé soit plus équilibré.

Pour l'essentiel, ce sont les arbitrages du Sénat qui ont été retenus. Un certain nombre de facilités ont été acceptées, dont je rendrai compte en répondant aux questions. Vous avez entendu hier quelles seraient les lignes directrices du Gouvernement sur chacune des grandes actions qu'il compte engager. En particulier, nous entendons nous attaquer aux dépenses de l'État qui sont improductives ou excessives. Comme vous nous avez invités à le faire, nous allons étudier de près la question des agences (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.), passer en revue les dépenses non justifiées, remettre à plat les augmentations dont nous ne parvenons pas à assurer le suivi.

Dans cette entreprise de modernisation du budget de l'État – je n'ai pas employé l'expression "budget base zéro", que d'autres pays européens ont utilisée –, notre ligne directrice consiste évidemment à reconsidérer la structure de nos dépenses publiques au regard de leur utilité sociale et démocratique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce budget, nous proposons la baisse de dépenses la plus importante jamais soumise par un gouvernement à l'Assemblée nationale et au Sénat : 30 milliards – et non millions ! – d'euros ! Cet effort est considérable et très difficile. Tous les ministères, tous les secteurs de l'action publique sont concernés.

Les uns jugeront cet effort excessif, les autres le trouveront insuffisant, y compris dans cet hémicycle. Mais si nous ne prenons pas à bras-le-corps la question du rééquilibrage de nos comptes publics, alors tout ce que nous dirons et ferons par ailleurs restera absolument vain.

Ce budget de courage, par la méthode de réforme qui le sous-tend, nous paraît le seul qui soit à la hauteur de notre mission, c'est-à-dire des défis de l'heure, qu'ils soient nationaux, européens, géopolitiques. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et sur des travées des groupes RDPI et Les Républicains.)

M. Yannick Jadot. Pas un mot sur l'écologie, monsieur le Premier ministre !

M. le président. Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.

(…)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je profite de la référence que M. Gontard vient de faire au discours que j'ai tenu hier, à l'Assemblée nationale, pour corriger une injustice que j'ai commise en citant le gouvernement de Lionel Jospin dans la liste de ceux qui ont contribué à aggraver le déficit et la dette du pays. En effet, Lionel Jospin, lorsqu'il était à la tête du Gouvernement entre 1997 et 2002, a légèrement réduit l'endettement du pays. Il faut lui en donner acte. (Marques d'approbations et applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.) Comme je m'efforce d'être honnête et juste dans mes jugements, je voulais le faire devant vous.

M. Darnaud a défendu à juste titre notre Constitution et nos institutions et a rappelé que l'audace n'était jamais une impasse. Il a pris la mesure des tensions géopolitiques auxquelles notre pays était soumis, tout comme je me suis efforcé de le faire. Conformément à la position que défendent les membres du parti Les Républicains, notamment M. Laurent Wauquiez, il a lancé l'idée d'un audit des agences et opérateurs de l'État, afin de saisir la pertinence de leur travail et d'avoir la capacité de les contrôler.

Je suis prêt, monsieur Darnaud, à discuter avec vous et avec vos collègues de la forme que pourra prendre cet audit, qui ne sera pas facile à mener pour la simple raison que l'on ne connaît pas exactement le nombre des agences. Telle est la vérité ! Il est même difficile d'apprécier la part de budget qui leur est attribuée : en 2018, on la chiffrait officiellement à 20 milliards d'euros ; en 2019, à 30 milliards d'euros ; et l'année dernière, à 83 milliards d'euros. L'augmentation est donc rapide et exponentielle.

Au sujet de ces agences, nombreux sont ceux qui défendent l'utilité de leur engagement et le rôle qu'elles remplissent au nom de l'État. Nombreux sont ceux également qui considèrent qu'elles sont plus efficaces que l'État lui-même. C'est d'ailleurs ce qui a justifié leur création, puisque les gouvernements successifs ont décidé de se servir de cet outil pour éviter d'avoir à assumer directement la charge d'un certain nombre d'actions publiques.

Vous avez également défendu le rôle du Parlement dans la réforme de notre système de retraite et je souscris à vos propos.

La surtransposition des normes agricoles est un problème qui est souvent dénoncé. Toutefois, je considère comme plus grave encore le déséquilibre qui consiste à imposer aux agriculteurs français des normes et des règles qui ne s'appliquent pas dans les autres pays, même au sein de l'Union européenne. C'est là, bien évidemment, ce qui a justifié la contestation et le rejet de l'accord avec le Mercosur, par exemple. Si donc nous commencions par rendre équitables les règles et les normes à l'intérieur de l'Union européenne, nous aurions déjà fait un grand pas.

Je vous confirme que M. Retailleau a tout mon soutien, ce dont vous vous êtes réjoui à la tribune. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Vincent Louault applaudit également.) J'ai même souhaité qu'il soit ministre d'État, ministre de l'intérieur. Malgré l'étonnement qu'ont exprimé certains d'entre vous, je soutiens également l'action du ministre d'État, ministre de la justice. En effet, au cours des années, voire des décennies précédentes, le manque de coordination et de communauté d'inspiration entre sécurité et justice a souvent été dénoncé. Or la construction gouvernementale que nous avons établie y remédie, avec la garantie de l'État de droit, qui reste pour moi essentielle. À cet égard, j'ai apprécié que l'un des orateurs précédents rappelle les combats qui ont été les miens sur ce sujet.

Plus précisément, la lutte contre le narcotrafic est un enjeu important. Il nous faudra aussi développer une politique et une action efficaces pour mettre fin à la délinquance des plus jeunes.

M. Kanner a rappelé que les membres du groupe socialiste n'ont jamais envisagé de faire partie du Gouvernement ou de rejoindre la majorité, mais qu'ils étaient prêts à saisir une éventuelle main tendue afin que les forces qui soutiennent le Gouvernement ou qui y participent – comment parler de "majorité" ? – et celles de l'opposition qui choisiraient le dialogue puissent avancer ensemble.

Vous vous rappelez sans doute que, dans l'une de mes interventions, après ma nomination, j'avais défini trois cercles : le premier était formé de ceux qui participent au Gouvernement, le deuxième de ceux qui sont radicalement opposés au Gouvernement et le troisième de ceux qui, étant dans une attitude d'opposition intellectuelle, choisissent cependant de dialoguer.

Par conséquent, monsieur Kanner, je ne peux que vous donner acte de la position que vous avez défendue.

En outre, vous avez rappelé les efforts que vous avez consentis – et je vous en donne acte aussi – pour que nous travaillions ensemble, de bonne foi, sans qu'il y ait la moindre compromission dans les positions que nous avons adoptées, en faisant des propositions qui nous ont permis, au cours de ces dernières heures, de progresser dans l'appréhension de ce que l'avenir pourrait être.

Je peux prendre deux engagements pour vous satisfaire.

Premièrement, un peu plus tôt à l'Assemblée nationale, alors que j'annonçais que la conférence sociale travaillerait durant trois mois, on m'a rétorqué que ce serait trop court. Si donc la conférence sociale demandait un délai supplémentaire de quelques semaines, je me suis engagé à le donner. Toutefois, il ne faudrait pas perdre trop de temps si nous voulons aboutir à un accord avant le mois d'octobre prochain, date qui correspond, comme vous le savez, au franchissement d'un nouveau seuil.

Par conséquent, trois hypothèses se dessinent. La première est celle où nous trouvons un accord qui aboutira à un texte que nous pourrons soumettre au Parlement, ce qui serait la meilleure issue possible. La deuxième est celle où nous ne trouvons pas d'accord et nous en venons à une situation de confrontation – toutefois, je ne crois pas à cette dernière hypothèse : pour avoir échangé avec les représentants des forces sociales qui participeront à cette conférence, je reste persuadé que chacun d'entre eux aura en tête de trouver une voie de progrès. S'il n'y avait aucun accord, il n'y aurait pas lieu de produire un nouveau texte. Troisième hypothèse, nous trouvons une zone d'accord ou une zone de progrès, identifiée par les participants et à laquelle le Gouvernement aura donné du crédit : nous préparerons alors un texte que nous soumettrons à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Autrement dit, avec cette dernière hypothèse, on sort du tout ou rien. C'est là le deuxième engagement que je prends : nous pourrons prendre acte des progrès que nous ferons, même si nous n'aboutissons pas au grand œuvre ou à la cathédrale sociale et législative à laquelle nous aspirons. Il s'agira simplement de marquer des points ou, du moins, de constater que nous l'avons fait, ce qui devrait satisfaire un certain nombre de vos demandes.

Quant aux autres propositions budgétaires sur lesquelles nous avons travaillé, je veux faire un geste de bonne volonté. Ainsi, je suis prêt à renoncer à la suppression de 4 000 postes dans l'éducation nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et UC. – M. Stéphane Sautarel applaudit également.) Permettez-moi cependant de relativiser quelque peu mon propos à partir de la réalité : Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sait très bien, tout comme chacun d'entre vous, que nous n'arrivons pas à pourvoir les postes que nous mettons au concours. Il faudra réaliser un travail important sur l'attractivité…

Mme Laurence Rossignol. Il faut mieux payer les enseignants !

M. François Bayrou, Premier ministre. Pas seulement, madame la sénatrice. Mais il est vrai que si les gouvernements précédents, notamment de votre bord politique, avaient amélioré les salaires des enseignants, nous n'en serions pas là.

Vous avez rappelé à juste titre que le niveau de recrutement des nouveaux enseignants, lorsque j'étais ministre de l'éducation nationale, était supérieur à deux fois et demie le Smic. (Mme Cécile Cukierman proteste.) Aujourd'hui, hélas ! les marges sont beaucoup plus étroites. Pour avoir des enfants qui exercent le métier d'enseignant, je connais la faiblesse des salaires dans l'éducation nationale.

Pouvons-nous redresser la situation ? Je crois en tout cas que nous pouvons y travailler. Les enjeux budgétaires étant considérables, ces problèmes ne pourront être résolus si nous n'améliorons pas l'équilibre général du budget.

Monsieur le président Kanner, voilà des réponses précises qui permettront d'apprécier la bonne foi qu'il y a eu dans nos échanges.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. On avance !

M. François Bayrou, Premier ministre. Vous avez souligné que vous aviez fait un pas vers nous ; je suis prêt à en faire autant pour que nous puissions avancer utilement sur ces sujets.

L'augmentation du taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) de 3,3 %, au lieu de 2,8 %, permettra de satisfaire certaines de vos demandes.

Mme Laurence Rossignol. Et les jours de carence ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – D'un geste de la main, Mme Laurence Rossignol intime aux sénateurs de la droite de l'hémicycle de se taire.)

M. François Bayrou, Premier ministre. Le geste est d'une élégance moyenne, madame la sénatrice…

La question des jours de carence est entre les mains du Parlement. (M. Victorin Lurel proteste.) Le Sénat en débattra prochainement dans le cadre de la discussion d'un amendement au projet de loi de finances que vous avez déposé. Je trouve intéressant que le débat ait lieu au cours de l'examen d'un texte budgétaire. La solution n'est peut-être pas forcément dans le nombre de jours de carence (Mme Colombe Brossel proteste.) et le Gouvernement pourra développer d'autres propositions devant vous.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. C'est dingue, on ne négocie pas ainsi !

M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur Kanner, comme d'autres orateurs issus de la gauche de l'hémicycle, vous avez fustigé la politique de l'offre. Puis-je vous rappeler que cette politique a commencé d'être promue en France à partir de 2014 ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Le CICE !

M. François Bayrou, Premier ministre. C'est donc un gouvernement que vous souteniez qui a fait avancer notre pays dans cette voie, de manière décisive et déterminante, au risque même de perdre une partie de ses soutiens. Je ne veux pas manquer de lui rendre hommage sur ce point.

Enfin, vous voulez être "constructif et exigeant", deux adjectifs qui me paraissent absolument justifiés.

Monsieur le président Marseille, vous avez insisté sur la place qui a été faite aux sénateurs au sein du Gouvernement. Je veux rappeler qu'ils sont sept ou huit à y être entrés. (Exclamations amusées sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) L'hésitation vient du fait que Valérie Létard était sénatrice juste avant de devenir députée. Je la salue donc doublement, en lui adressant mes compliments et en lui déclarant toute ma satisfaction. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Bernard Buis applaudit également.) Les sénateurs n'étaient pas aussi nombreux dans les gouvernements précédents ; il n'y en avait parfois qu'un seul, si ma mémoire est fidèle.

Vous avez insisté sur la stabilité institutionnelle. C'est en effet l'une des clés non seulement de l'image de la France et de notre capacité d'action, mais aussi du jugement que les Français portent sur le monde parlementaire et politique que nous créons. Or l'on constate un immense rejet de l'instabilité dans tous les électorats, hormis peut-être celui de La France insoumise, ou plutôt une immense demande d'un retour à la stabilité, ce qui suppose que nous rétablissions des règles et une discipline pour doter notre pays d'un budget et nous attaquer aux priorités qui sont les vôtres, et que j'approuve, à savoir le logement, la loi d'orientation agricole et le partage de la valeur ajoutée.

M. le président Patriat… (Murmures amusés alors que M. le Premier ministre remet de l'ordre dans ses notes.) a déclaré à juste titre qu'il était important d'offrir toutes ses chances à l'amélioration du projet de réforme des retraites. Il a également raison d'évoquer les altérations que le blocage résultant de la censure a entraînées dans la vie quotidienne des Français. L'expérience qui est la sienne et le regard aiguisé qu'il porte sur la vie politique sont, pour le Gouvernement, suffisamment précieux pour que je le souligne devant la Haute Assemblée.

M. François Patriat. Il est bon ce Premier ministre !

M. François Bayrou, Premier ministre. M. Malhuret a dressé un tableau grave et responsable de la situation. Nous connaissons tous l'esprit et l'humour qui le caractérisent ainsi que son sens de la formule.

Il fait porter à une partie des courants politiques du pays, qu'il désigne comme "la gauche modérée", une certaine responsabilité dans la censure, et tous ceux qui s'intéressent à la démocratie française partageront certainement ce constat.

Il a rappelé que, depuis 2017, l'attractivité du pays, la modération de la fiscalité et l'ordre étaient des acquis, et constaté que trop de gens dépendaient en France de l'État. Il a ainsi posé les enjeux qui justifient une reconfiguration de notre politique budgétaire et de notre action publique.

Je souscris à son analyse lorsqu'il juge que trop de dépenses publiques ne correspondent pas à l'action la plus efficace que nous pourrions mener. C'est un énorme travail que de rebâtir la structure budgétaire de notre pays, mais je reste persuadé qu'il faudra le faire.

Il a terminé son propos, comme il se doit, en évoquant l'unité européenne, rempart nécessaire contre la fragilité de l'Europe.

Madame Cukierman… (M. le Premier ministre cherche du regard Mme Cukierman.)

M. Bruno Sido. À gauche toute, M. le Premier ministre ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bayrou, Premier ministre. Pour paraphraser Pascal, je ne vous chercherais pas si je ne vous avais pas trouvée. (Sourires.)

Vous avez rappelé, même si cela est profondément perturbant, que la démocratie libérale comporte des ferments d'illibéralisme. M. Elon Musk est bien évidemment l'un des acteurs, ou plutôt devrais-je dire agitateurs, de cette tendance. Il considère que les moyens considérables à sa disposition lui donnent le droit de s'immiscer dans la vie démocratique non seulement – et massivement – de son pays, mais aussi d'autres pays.

Vous avez insisté sur le fait que le pluralisme et la tolérance – je ne peux que me retrouver dans ces mots – étaient la marque de notre démocratie.

Vous avez rappelé que la réindustrialisation avait été remise en cause par un certain nombre de choix.

Vous avez condamné l'optimisation fiscale. Il se trouve que le Gouvernement y travaille afin que, cette année ou l'année prochaine, nous puissions disposer de mécanismes à même d'empêcher que l'injustice s'installe là où il devrait y avoir la certitude de la justice.

Enfin, vous avez dénoncé la faiblesse ou, du moins, l'importance insuffisante du service public en France. C'est le seul point sur lequel je suis en désaccord avec vous : nous sommes, de très loin dans le monde, le pays dans lequel les services publics sont les plus importants, les plus présents, les plus répandus dans tous les secteurs de la vie et, accessoirement, les plus chers. La question n'est donc pas tant celle de l'importance des services publics que celle de leur efficacité, de leur organisation et de leur implantation. Il y a selon moi une mauvaise répartition entre la fonction publique "de papier", pour reprendre une expression que j'ai déjà eu l'occasion d'employer, c'est-à-dire la fonction publique de bureaucratie, et la fonction publique de service, celle qui est sur le terrain – je pense notamment aux lits d'hôpitaux et aux salles de classe. C'est en mettant fin au déséquilibre de cette organisation que l'on pourra améliorer ce que vous dénoncez.

Madame Carrère, j'ai beaucoup apprécié votre intervention, d'autant que nous sommes l'un et l'autre fiers et heureux de venir du même coin du monde, les Pyrénées, cette région dont les représentants ont constamment apporté dans la vie nationale un sens de l'écoute, de la tolérance et parfois de l'humour que je trouve utile.

Vous avez dit que les Français étaient nombreux à souhaiter le compromis, et je suis d'accord avec vous : c'est là, me semble-t-il, une marque de l'époque.

Vous avez annoncé que vous détermineriez votre position au cas par cas et texte par texte. C'est là une évidence, qui vaut pour tous les groupes. M. Darnaud a tenu le même propos et le groupe centriste fera de même.

Selon vous, la conférence sociale devrait permettre de traiter le sujet de la pénibilité, celui de l'usure au travail et celui des rémunérations, notamment les avantages complémentaires en cas d'engagement civique. Vos suggestions sont bonnes et il nous reste à définir ensemble le moyen de les traduire concrètement.

Enfin, vous avez défendu la capacité d'action des collectivités locales. Je vous en donne acte.

Monsieur Gontard, vous m'avez offert l'occasion de corriger le propos erroné que j'avais eu sur l'héritage du gouvernement de M. Jospin.

Laissez-moi vous rappeler les propositions du Gouvernement qui satisferont vos demandes. Le plan Eau bénéficiera de 475 millions d'euros supplémentaires. La stabilité des taxes affectées aux agences de l'eau est un acquis. Le fonds Barnier, qui a pour objet de financer la prévention des risques naturels, notamment ceux qui sont liés aux sécheresses et aux bouleversements qu'elles provoquent sur les terrains argileux, sera doté de 75 millions d'euros supplémentaires, soit une augmentation de 33 % sur un an. Le fonds Chaleur verra ses crédits maintenus au même niveau, en hausse de 33 % par rapport à 2023. Le budget de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) sera augmenté pour couvrir le paiement des subventions.

Le fonds vert est abondé de 150 millions d'euros supplémentaires, ce qui porte à 1,2 milliard d'euros le montant des crédits de paiement pour 2025. Vous avez haussé les épaules lorsque j'ai évoqué le plan Vélo (Marques d'ironie sur les travées du groupe GEST.), mais les 50 millions d'euros supplémentaires dont il est doté ne me semblent pas négligeables. Nous avons également maintenu la taxe de solidarité sur les billets d'avion, laquelle, comme vous le savez, est sujette à débat.

De plus, nous avons renforcé la capacité d'investissement des régions en prenant une décision qui paraît technique, mais que tous les élus locaux comprennent. Jusqu'à présent, le coût des péages ferroviaires était inscrit en dépenses de fonctionnement des régions, ce qui était extrêmement pénalisant puisque le budget de fonctionnement est fortement dépendant des excédents de fonctionnement. Nous avons décidé d'inscrire ces coûts en section d'investissement afin de donner un peu d'oxygène aux régions en leur permettant de dégager des excédents plus généreux pour équilibrer leur budget de fonctionnement. Cette décision change beaucoup de choses pour le budget des conseils régionaux.

Pour ce qui est du programme de développement, je m'engage à ce que nous reprenions la dynamique positive en 2026. Monsieur Gontard, il n'est pas juste de dire que ces mesures ne représentent rien. Ce sont des efforts importants dans le sens d'une politique suivie en faveur du développement durable et de la lutte contre le changement climatique.

Par ailleurs, je maintiens que la production d'électricité non émettrice de gaz à effet de serre, non carbodépendante, c'est-à-dire l'électricité d'origine nucléaire et les calories et frigories géothermiques, est essentielle.

Monsieur Hochart… (M. le Premier ministre cherche du regard M. Joshua Hochart.)

M. Joshua Hochart. Au centre ! (Sourires.)

M. François Bayrou, Premier ministre. Je vois que vous siégez au sein des non-inscrits. J'ai moi-même siégé en tant que non-inscrit pendant suffisamment d'années pour défendre le caractère non condamnable de cette position.

Mmes Cécile Cukierman et Marie-Pierre de La Gontrie. C'est l'extrême droite !

M. François Bayrou, Premier ministre. Je raconte souvent que François Mitterrand, de même qu'Aimé Césaire, ont été non-inscrits. Aussi suis-je assez fier de l'avoir été aussi. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. Mickaël Vallet. On est loin d'Aimé Césaire !

M. François Bayrou, Premier ministre. Au fond, vous avez dit quelque chose d'essentiel sur le projet de loi de finances en déclarant que ce budget n'était pas le nôtre. C'est la vérité : ce budget est le vôtre, puisque nous allons repartir des décisions, des orientations et des précisions issues des débats qui se sont tenus au Sénat.

Si ce budget est utile à bien des égards, il ne correspond pas à la définition que nous aurions donnée d'un équilibre idéal, ni à celle que d'autres que nous auraient donnée. Toutefois, il s'agit du seul budget qui permette de répondre à l'urgence. Il n'existe pas d'autre démarche politique, budgétaire et parlementaire pour doter le pays d'un budget.

Je crois que les Français se rendent très bien compte de la précarité dans laquelle l'absence de budget plongerait notre vie publique. Aussi, je revendique le choix d'aller le plus vite possible, car je mesure l'ampleur des dégâts causés par la non-adoption d'un projet de loi de finances en raison de la censure du Gouvernement précédent. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.


Source https://www.senat.fr, le 27 janvier 2025