Texte intégral
JEROME CHAPUIS
On dit souvent que l'ascenseur est le moyen de transport le plus sûr du monde, mais sûrement pas le plus fiable. On recense un million et demi de pannes chaque année en France, avec des conséquences très lourdes pour les habitants, à tel point que les députés en débattent aujourd'hui à l'Assemblée, au point aussi que la ministre de la Ville en fait une de ses priorités. Bonjour Juliette MÉADEL.
JULIETTE MÉADEL
Bonjour.
JEROME CHAPUIS
Vous vous êtes vous-même appelée la ministre des ascenseurs qui marchent. C'est vous qui le dites, vous nous direz comment vous allez vous y prendre avant cela. Peut-être illustration de ce que vivent beaucoup de Français au quotidien quand l'ascenseur les lâche. France Info reportage en Seine-et-Marne, signé Valentin DUNATE.
VALENTIN DUNATE
Je suis à Noisiel dans un immeuble où l'ascenseur est en réparation pendant six semaines. Direction donc le cinquième étage par les escaliers.
MEY EMINE, RESIDENTE
Bonjour. Mon nom, c'est Emine ; prénom, c'est Mey. Mes deux jambes, c'est une qui est paralysée et l'autre, elle est fatiguée, donc elle ne peut pas lever même cinq centimètres. Et c'est pour ça que je ne peux plus monter l'escalier, c'est-à-dire emprisonner ici pendant six semaines.
VALENTIN DUNATE
Vous le ressentez comme ça ?
MEY EMINE
Oui, c'est dur. C'est dur de rester ici pendant six semaines sans bouger, sans sortir. C'est très dur.
VALENTIN DUNATE
L'isolement est donc la première des conséquences, mais aussi la rupture de soins. Mey a appelé une quinzaine de sociétés d'ambulance. Aucune ne veut la prendre en charge tant que l'ascenseur est en panne.
MEY EMINE
Je suis obligée de tout annuler. Tous mes rendez-vous médicaments, tout annuler.
VALENTIN DUNATE
Au quatrième étage, il y a Madeleine, 72 ans, très inquiets elle aussi.
MADELEINE, 72 ANS
J'ai le cancer depuis cinq ans. Donc, là, je vais faire ma chimio tous les quinze jours. Descendre, encore, ça va, donc j'y arrive. Mais monter, c'est très dur, surtout avec la chimio et tout, c'est très dur.
VALENTIN DUNATE
C'est donc pour ces raisons qu'une société a été créée il y a quatre ans pour faire du portage de personnes pendant les pannes ou les réparations. Et ce, grâce à un monte-escalier électrique.
FOUAD BEN AHMED, CO-FONDATEUR DU COLLECTIF "PLUS SANS ASCENSEUR", FONDATEUR DE SAMV
Fouad ben AHMED, cofondateur du collectif " Plus Sans Ascenseur ", et fondateur de SAMV, qui est la solution d'assistance à mobilité verticale, qu'on a mise en place parce que quand on avait mis au jour cette problématique de rupture de liens sociaux, de rupture de soins, des personnes en perte d'autonomie, en situation de handicap, personne n'a voulu rien mettre en place. Donc on s'est dit : "Pourquoi pas, on y va". Et aujourd'hui, force est de constater que c'est un pari gagnant.
VALENTIN DUNATE
Sa société a signé des partenariats avec plusieurs bailleurs sociaux qui prennent en charge ses frais, autour de soixante euros par trajet. Il souhaite désormais que l'État s'engage pour que chacun puisse bénéficier de ses droits à se déplacer, y compris verticalement.
JEROME CHAPUIS
Reportage Valentin DUNATE en Seine-et-Marne. Juliette MÉADEL, vous avez entendu ce reportage. Vous êtes ministre déléguée en charge de la Ville. Des rendez-vous médicaux reportés, annulés. " Je me sens emprisonnée pendant six semaines ", disait cette femme qui habite au cinquième étage. Ça, c'est le quotidien de très nombreux Français ?
JULIETTE MÉADEL
Oui, c'est la raison pour laquelle, c'est un sujet que, notamment ma prédécesseuse ministre de la Ville, avait déjà lancé en juillet 2024. Elle avait déjà lancé un plan ascenseur dans les quartiers politiques de la Ville, donc, les quartiers les plus pauvres. Et cette PPL, cette proposition de loi-là a aussi vocation, donc, les députés viennent au soutien de ceux que je croise sur le terrain sans cesse. C'est ce qu'on voyait dans votre reportage, c'est-à-dire que ce sont des habitants, des personnes âgées, qui ne peuvent plus quitter leur appartement avec des conditions aussi difficiles. Il faut le rajouter, c'est qu'à ces pannes d'ascenseur, s'ajoutent des difficultés pour que soient prévenus les ascensoristes, c'est-à-dire les sociétés qui réparent. Mais il y a aussi des dégradations, c'est-à-dire qu'on n'en parle pas. Il y a beaucoup de vandalisme. On parlait tout à l'heure du trafic de drogue dans votre reportage. Sachez que les ascenseurs sont aussi utilisés comme des outils pour le trafic de drogue. Donc, il faut que la solution soit pensée avec tout le monde, tous les acteurs. Cette proposition de loi va porter sur les ascensoristes, mais le Gouvernement que je représente considère que c'est un vrai sujet et qu'il faut en parler avec tous les acteurs.
JEROME CHAPUIS
Alors, on dit ce qu'il y a dedans. Cette proposition de loi, elle prévoit d'obliger les ascensoristes à intervenir dans un délai contraint, sinon sanction. C'est par ça qu'il faut y passer ? Le bâton ?
JULIETTE MÉADEL
Aussi, mais pas seulement, c'est-à-dire que les parlementaires vont en discuter, il faut qu'il y ait une sanction. Mais attention, il ne faut pas que la sanction soit trop lourde. Pourquoi ? Parce que derrière un ascenseur qui ne fonctionne pas, il y a toute une chaîne. Il y a effectivement un propriétaire et un bailleur social pour ce qui concerne les HLM qui doit prévenir aussi les ascensoristes. Il faut des délais raisonnables. Il y a aussi des problématiques un peu techniques de pièce et il y a aussi et surtout cette question de la sécurité et de la tranquillité publique. Donc, vous voyez que ce n'est pas un petit sujet qui concerne juste la société des ascensoristes. La réalité, c'est que ça concerne tout le monde et que dans un quartier politique de la ville, la responsabilité des pouvoirs publics que nous sommes, c'est de trouver des solutions rapides, mais sans méconnaître des très lourdes contraintes qui sont aussi des contraintes financières pour les bailleurs sociaux.
JEROME CHAPUIS
Oui, parce qu'il y a notamment ces problèmes de pièces détachées dont parle d'ailleurs Olivier ROUVIERE qui est président de la fédération des ascensoristes, des ascenseurs, écoutez-le.
OLIVIER ROUVIERE, PRESIDENT DE LA FEDERATION DES ASCENSEURS
Il faut savoir que sur les 645 000 appareils en service en France, il y en a 320 000 qui ont plus de trente ans. On nous demande de faire des stocks de pièces détachées qui n'existent plus puisque les modèles ont disparu depuis très longtemps. Je pense que c'est un peu facile de trouver des ascensoristes boucs-émissaires. Non, je pense que plutôt que de sanctionner, il faut trouver des solutions qui portent leurs fruits.
JEROME CHAPUIS
Olivier ROUVIERE avec Cécile BIDEAU. Juliette MÉADEL, ce n'est pas une loi qui va régler le problème de l'absence de pièces détachées ?
JULIETTE MÉADEL
Non, mais c'est une mobilisation publique, c'est-à-dire qu'il s'agisse du Gouvernement dans lequel je suis aujourd'hui ou des députés, nous sommes interpellés sans cesse par ces problèmes. Et pour moi qui défends les habitants des quartiers politiques de la ville, je ne peux pas considérer qu'il est normal de rester chez soi pendant trois semaines quand on est une personne âgée, qu'on ne peut pas partir, qu'on ne peut pas en descendre ou que l'ascenseur soit réquisitionné par des trafiquants de drogue pour en faire des lieux de stockage.
JEROME CHAPUIS
Très concrètement, si les pièces ne sont plus fabriquées ?
JULIETTE MÉADEL
C'est pour ça que c'est un travail collectif. Et parler de ce sujet-là, comme toujours, ça permet d'envisager toutes les problématiques, y compris celles des pièces à récupérer. Et moi, je suis responsable de ce qu'on appelle la gestion urbaine de proximité dans les quartiers politiques de la ville. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire les conditions de vies quotidiennes des habitants. Il faut donc travailler avec tout le monde. Et en l'occurrence, s'il y a un problème de pièces détachées, travaillons cela dans les délais que nous attendons.
JEROME CHAPUIS
Parce que ça, c'est les industriels et il faut bien travailler avec eux. C'est des usines. Encore une fois, il faut que ces pièces soient fabriquées quelque part. Ça ne l'est pas aujourd'hui ?
JULIETTE MÉADEL
Oui, sauf que d'abord, ça l'est quand même. Et sur quoi il faut faire des progrès ? Sur les délais, c'est-à-dire les délais que le temps d'information des ascensoristes par les propriétaires, les délais de réparation. On ne peut pas, aujourd'hui, considérer que vous pouvez passer huit jours sans ascenseur. Donc ça, ça fait partie de l'obligation d'entretien et il faut en parler pour voir s'il y a des problématiques d'approvisionnement. Mais disons-le, c'est l'intérêt, si vous voulez, d'une mobilisation.
JEROME CHAPUIS
Un point important aussi, ce sont les bailleurs, notamment les bailleurs sociaux. Ils ont une responsabilité pour vous ? Il faut les responsabiliser et éventuellement les sanctionner ?
JULIETTE MÉADEL
Alors, on ne peut pas en vouloir systématiquement aux ascensoristes ou aux bailleurs sociaux. Il faut avoir une mobilisation collective. Ce que moi, j'ai demandé aujourd'hui aux préfets et aux élus, avec les bailleurs sociaux et notamment avec l'USH, c'est qu'on travaille sur une amélioration des conditions de vie et oui, qu'on travaille à une amélioration des délais de réparation des ascenseurs. Il y a aujourd'hui 315 millions d'euros qui sont de l'argent public qu'on appelle la gestion urbaine de proximité, qui est un abattement, pour ne pas être trop technique.
JEROME CHAPUIS
On leur enlève de la taxe foncière en gros ?
JULIETTE MÉADEL
Exactement, et qui permet normalement d'entretenir correctement. Donc moi, je demande à tous les acteurs de se mettre autour de la table et que dans des délais rapides, on améliore les conditions de vie.
JEROME CHAPUIS
Ce que vous dites, c'est qu'on les exonère de taxe foncière pour qu'ils fassent des travaux et ces travaux ne sont pas faits. Donc, dans ces cas-là, on supprime ces exonérations ?
JULIETTE MÉADEL
Non, ce n'est pas comme ça que ça se passe. On les exonère de taxe foncière parce qu'on a simplement besoin qu'ils entretiennent mieux. Et parfois, ça n'est pas fait. Dans la plupart des cas, c'est fait, mais parfois, ça n'est pas fait. Et là, c'est là qu'il faut qu'on comprenne ensemble ce qui ne va pas. C'est trop facile de jeter l'opprobre sur l'un, mais il faut qu'on comprenne ce qui ne va pas. Et moi, je veux des résultats rapides pour les habitants des quartiers polyptyques de la ville dans lesquels je me rends chaque semaine, où je vais vérifier qu'il y a eu des progrès du point de vue des conditions de vies quotidiennes.
JEROME CHAPUIS
Merci beaucoup, Juliette MÉADEL, ministre déléguée en charge de la Ville. Et cette proposition de loi sur les ascenseurs, examinée aujourd'hui à l'Assemblée nationale.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 janvier 2025