Déclaration de M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, sur le projet de loi de finances pour 2025, au Sénat le 16 janvier 2025.

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  • Éric Lombard - Ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Circonstance : Discussion au Sénat du projet de loi de finances pour 2025

Texte intégral

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2025, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale (projet n° 143, rapport général n° 144, avis nos 145 à 150).

Nous poursuivons l'examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

(...)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. le rapporteur spécial Jean-François Husson applaudit également.)

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis heureux que l'examen des crédits des missions " Plan de relance " et " Investir pour la France de 2030 " me donne l'occasion de prendre la parole, pour la première fois, en tant que ministre, dans cet hémicycle – la dernière fois, je m'étais exprimé en tant que directeur général de la Caisse des dépôts et consignations.

Je sais la sagesse de la Chambre haute et le rôle essentiel qu'elle joue dans cette période particulière pour le pays. J'ai toujours eu à cœur de privilégier un débat ouvert, franc et respectueux. Je ne doute pas que nous travaillerons ensemble de façon constructive.

Le Premier ministre a mentionné hier, ici même, dans sa déclaration de politique générale, le contexte international et économique et son souci de défendre l'esprit d'entreprise.

Vous avez rappelé, cher président Raynal, le contexte économique difficile, les déficits, à la réduction desquels nous nous attelons avec vigueur, et les difficultés de productivité auxquelles nous devons nous attaquer.

Mme la sénatrice Paoli-Gagin, élue de l'Aube, un département qui m'est cher, l'a rappelé également. Je connais son attachement au développement des entreprises, notamment technologiques.

Nous sommes confrontés à des défis nationaux et internationaux : je pense aux guerres, notamment aux guerres commerciales qui ne tarderont pas à se multiplier. Ce contexte confirme la pertinence de notre action dans le cadre du plan France 2030, qui est désormais en phase de déploiement, comme l'a rappelé à juste titre le rapporteur spécial Laurent Somon.

Ce plan vise à faire de la France un acteur majeur, un leader dans des secteurs stratégiques, en fixant dix objectifs précis, comme la production sur le sol français de 2 millions de véhicules électriques ou de vingt biomédicaments, ou encore en définissant six leviers transversaux, comme la sécurisation des ressources.

Depuis le lancement du plan voilà quatre ans – M. le rapporteur spécial Dossus a rappelé que deux grands hommes d'État, Alain Juppé et Michel Rocard, en partageaient la paternité –, 200 appels à projets ont été lancés et 4 300 projets ont été sélectionnés. Le plan finance l'ensemble du cycle de l'innovation, depuis la recherche fondamentale jusqu'à l'industrialisation. Il est ambitieux et produit déjà des résultats tangibles à l'horizon de 2027.

L'enveloppe de 54 milliards d'euros allouée à ce plan devrait entraîner entre cinq et dix fois plus d'activités économiques, permettre la création de 300 000 à 600 000 emplois supplémentaires, qualifiés et non qualifiés, soit une augmentation du PIB de 1,5% d'ici à 2030.

Monsieur Raynal, vous l'avez souligné, il faut continuer d'être extrêmement exigeant quant aux effets de ce plan.

M. le sénateur Daubet a rappelé l'utilité de l'investissement public. Hélas, le défi de la réduction des déficits dans lequel nous sommes fermement engagés, avec l'objectif – qui sera tenu – de passer sous les 3% en 2029, nous impose de réduire aussi l'investissement public.

À ces résultats s'ajoutent des actions concrètes pour le futur – 250 000 nouvelles places de formation dans les métiers d'avenir ouvertes en 2024 –, parce qu'aucune innovation n'est possible sans compétences.

Monsieur le sénateur Lefèvre, vous dites être très attentif à la situation de nos finances publiques : " Combien ça coûte ? ", demandez-vous. Hélas, encore une fois, la contrainte budgétaire nous impose de réduire les crédits de paiement du plan France 2030 pour les ramener à 5,3 milliards d'euros en 2025, contre 6,4 milliards d'euros en 2024 après la loi de finances de fin de gestion.

Cette baisse traduit la participation de ce plan à l'effort de redressement des finances publiques, mais de façon responsable, car elle s'appuie d'abord sur une optimisation de la trésorerie des opérateurs, comme l'ont à juste titre relevé MM. les rapporteurs spéciaux. Elle nécessitera un étalement du plan, mais sans remise en cause de son ambition pluriannuelle. En effet, face aux défis des semi-conducteurs, du cyber, de la décarbonation industrielle, la France ne doit pas relâcher ses efforts. France 2030 est aussi une feuille de route pour notre souveraineté et notre prospérité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous appelle donc à voter les crédits de cette mission pour permettre à ce plan d'innovation d'ampleur de déployer tout son impact économique sur nos activités stratégiques.

D'aucuns ont parlé de transparence. À ce sujet, je rappelle que huit parlementaires et dix personnalités qualifiées pilotent l'évaluation de ce plan et remettent chaque année un rapport au Parlement.

J'en viens à la mission " Plan de relance ", dont la perspective est tout à fait différente. Ce plan, doté de 100 milliards d'euros, a été la pierre angulaire de notre réponse à la crise économique et sociale provoquée par la pandémie. Il a connu un déploiement rapide et a pleinement atteint ses objectifs à court terme sur les trois programmes de transition écologique, de reconquête de la compétitivité et de garantie de l'équité sociale et territoriale.

Les résultats sont là, grâce à un déploiement rapide et massif. Je remercie M. le sénateur Bernard Buis d'avoir reconnu les effets de ce plan. M. le sénateur Delahaye, quant à lui, s'interroge sur certains investissements – à bon droit. D'ailleurs, je reconnais pleinement la nécessité pour toute politique publique d'être accompagnée d'études d'impact.

Grâce à ce plan, la France a retrouvé son activité d'avant la crise dès le troisième trimestre 2021, c'est-à-dire plus tôt que prévu. Le taux de chômage a chuté à son plus bas niveau depuis 2008, avec la création nette de 1,1 million d'emplois sur cinq ans. Pour quelqu'un ayant grandi avec l'envolée du chômage de masse, ce résultat revêt une importance particulière.

Au-delà des chiffres, ce plan a eu un impact concret sur nos territoires. Il a permis la rénovation de 500 kilomètres de petites lignes ferroviaires, l'installation de plus de 1 600 bornes de recharge, le raccordement de 2,5 millions de foyers à la fibre optique et l'engagement d'innovations majeures pour la souveraineté énergétique. Je pense à l'hydrogène, que certains d'entre vous ont évoqué.

Monsieur le sénateur Blanc, ce plan a aussi permis de soutenir et d'accélérer la transition écologique et énergétique, sur laquelle notre pays se doit d'être exemplaire.

Cependant, cette mission exceptionnelle n'a jamais eu vocation à durer, comme Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances, mais également rapporteur spécial de cette mission, l'a rappelé dans son propos introductif. Je salue son analyse comme toujours extrêmement aiguë et précise.

L'année 2024 a donc marqué un tournant dans la mise en extinction progressive de ce plan de relance. Ainsi, le programme consacré à la cohésion a été clos avec succès le 31 décembre dernier, étape qui a permis de transférer certains dispositifs vers des programmes budgétaires pérennes. Cependant, si l'ambition est une fermeture dans les meilleurs délais du plan France Relance, son maintien en 2025 doit nous permettre d'honorer les restes à payer. C'est très important pour une extinction en bon ordre.

Nous devons donc entretenir cette dynamique, finaliser les programmes en cours pour atteindre un taux d'exécution très satisfaisant – nous en sommes à 80% – et préparer une extinction complète d'ici à 2026, même si j'ai bien entendu, monsieur Husson, vos remarques et critiques à cet égard. Nous les prendrons en compte.

Si nous n'assurions pas le financement résiduel de ces dispositifs en 2025, nous aurions à faire face à des conséquences bien plus redoutables. Nous renoncerions à nos engagements vis-à-vis des tiers, en particulier sur des dépenses conventionnées avec les collectivités territoriales – monsieur le sénateur Savoldelli, vous avez rappelé que j'avais été élu local, mais j'ai surtout travaillé pendant sept ans avec toutes les collectivités locales de l'Hexagone et des outre-mer, ainsi qu'avec les entreprises. Nous aurions ainsi à financer le coût des dédits, des divers intérêts moratoires et nous mettrions en péril le plan national de relance et de résilience et ses financements européens.

Notre ambition, vous le comprenez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, est de sécuriser le versement de ces fonds, d'assurer le succès du plan de relance sur le long terme, tout en en préservant l'ambition. France Relance n'est pas uniquement une réponse à la crise : c'est une base pour l'avenir.

Je rappelle pour conclure que ce plan a été un modèle de transparence et d'efficacité, permettant un suivi clair des sommes engagées. C'est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à voter les crédits de cette mission, qui sont non pas seulement des dépenses, mais des investissements pour notre avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)


source https://www.senat.fr, le 28 janvier 2025