Interview de Mme Clara Chappaz, ministre déléguée, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique, à LCP le 24 janvier 2025, sur l'Intelligence artificielle et les réseaux sociaux.

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Média : LCP Assemblée nationale

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Je vous en prie, installez-vous. Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Clara CHAPPAZ, on est ravie de vous recevoir. Ministre déléguée chargée de l'Intelligence artificielle et du Numérique. D'abord, vous êtes ministre chargée de l'Intelligence artificielle. C'est la première fois qu'il y a un tel intitulé de ministère. Pour que les gens comprennent bien de quoi on parle, en quelques mots, que recouvre précisément ce terme ?

CLARA CHAPPAZ
L'intelligence artificielle, dont on entend beaucoup parler en ce moment, qu'est-ce que c'est au fond ? C'est une technologie qui permet à des machines d'effectuer un certain nombre de tâches complexes, comme la compréhension du langage, la génération d'images. Mais là où ça devient extrêmement intéressant, c'est que quand on utilise cette technologie dans des domaines comme la santé, on peut accélérer la recherche de médicaments, on peut aider les chirurgiens à réaliser des tâches comme des opérations. J'étais en région Lorraine, la semaine dernière. Il y avait une entreprise formidable qui s'appelle TWINICAL qui utilise l'intelligence artificielle pour aider les chirurgiens à faire ce qu'on appelle des jumeaux numériques. Et donc, quand ils font leurs opérations, ils peuvent modéliser les opérations. Et c'est ça vraiment le progrès qu'on peut avoir avec cette technologie.

ORIANE MANCINI
Et donc, c'est une révolution dans le quotidien des Français qui se prépare ?

CLARA CHAPPAZ
C'est une révolution dans le quotidien des Français sur tous les métiers. J'ai parlé des sciences, la santé, on aurait pu parler du climat. Par exemple, aussi, on a des équipes qui travaillent sur la recherche de nouveaux matériaux qui accélèrent cette recherche grâce à l'intelligence artificielle. Et c'est aussi des usages du quotidien, que ce soit pour chercher un certain nombre d'informations, que ce soit pour aider à la prise de décision. L'intelligence artificielle va vraiment nous aider dans le quotidien à faire des tâches qui, auparavant, prenaient beaucoup de temps. Par exemple, on aurait pu aussi parler des médecins. Un médecin aujourd'hui, quand il est avec son patient, ça ne vous aura peut-être pas échappé, il passe un certain nombre de temps à prendre des notes, à regarder son ordinateur. Avec l'intelligence artificielle, il peut - Doctolib est une société qui propose ça - avoir un outil qui va l'aider, l'assister dans ses démarches, de sorte à ce qu'il puisse se concentrer sur son patient, se concentrer sur la relation avec son patient, tandis que la machine peut prendre un certain nombre de notes, faire des suggestions et ainsi redonner vraiment beaucoup plus d'humain dans cette relation.

ORIANE MANCINI
Et sans crainte de fuite de données ? Parce que ça, ça fait partie des inquiétudes des Français avec ces évolutions technologiques, et notamment dans le médical.

CLARA CHAPPAZ
J'entends cette question. Je le dis, on rencontre beaucoup de Françaises et de Françaises, pour parler d'intelligence artificielle. C'est très important parce que comme ça touche vraiment à beaucoup d'aspects de notre vie, il faut qu'on comprenne quelles sont les appréhensions. Et c'est vrai, quand je vous parlais de Nancy, j'étais aussi dans la région Essonne la semaine dernière, on fait ce qu'on appelle des cafés IA, c'est-à-dire des moments où, avec les élus, avec les associations, on parle d'IA, d'intelligence artificielle, avec les Français et les Françaises. Cette question des données, elle revient. Elle revient, on me dit : « Mais si je comprends bien l'intelligence artificielle, c'est une machine qui prend des données et qui apporte un certain type de tâches, d'analyses. Mais du coup, comment savoir, comment s'utiliser ces données ? » Ce que je veux dire aux Français et aux Françaises qui nous écoutent, c'est qu'en France, on a un cadre très protecteur sur l'utilisation des données personnelles, ça s'appelle le règlement pour la protection des données personnelles, le fameux RGPD, depuis 2018, et qui assure qu'aucune donnée, et ça, je pense qu'il faut être très clair, personnelle, n'est utilisée par aucune entreprise sans le consentement des Français et des Françaises qui, du coup, donnent le droit d'utiliser ces données. Et donc, l'intelligence artificielle, ça suivra et ça suit exactement les mêmes règles.

ORIANE MANCINI
Alors, vous le dites, il y a des talents français dans l'intelligence artificielle, mais est-ce que quand même la France n'est pas en retard dans ce domaine ?

CLARA CHAPPAZ
La France est reconnue en intelligence artificielle. Il y a des talents exceptionnels. J'étais dans une grande conférence économique internationale, hier, en Suisse à Davos, dans tous les panels sur l'intelligence artificielle, ils étaient très nombreux, vu que ça touche tous les domaines de l'économie, nous trouvions des Français. Il y a Yann Le CUN, qui est chercheur en IA dans le groupe META, Arthur MENSCH, qui a lancé son entreprise qui s'appelle MISTRAL, qui est une entreprise qui est reconnue à l'échelle internationale sur l'intelligence artificielle, étaient là, et étaient là comme de véritables experts. Mais surtout, ce qui est formidable, c'est que ces talents sont partout en France. Depuis 2018, on a lancé une stratégie pour l'intelligence artificielle qui porte ses fruits, et la partie talent est clé dans cette stratégie, parce que c'est vraiment là où la France peut faire toute la différence. On sera un peu plus tard, aujourd'hui, avec la ministre d'État Elisabeth BORNE et le ministre de l'Enseignement supérieur Philippe BAPTISTE dans la région Essen pour justement revenir sur cette stratégie talent et ce qu'on appelle les IA clusters. Les IA clusters, ils sont au nombre de neuf. J'en ai visité un, comme je vous le disais, à Nancy, dans l'université de Lorraine, la semaine dernière. Et partout, en France, on forme des talents exceptionnels en intelligence artificielle. Et d'ailleurs, à Nancy, ça m'a donné l'occasion d'inviter certains d'entre eux. J'ai parlé de l'entreprise TWINICAL. Il y avait aussi des entreprises dans le domaine de l'industrie, parce que dans la région lorraine, il y a beaucoup d'applications industrielles à l'intelligence artificielle. J'ai invité ces entreprises exceptionnelles au sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle. Je crois qu'on va en reparler. La France accueille un grand sommet de talent le 10 et 11 février prochain.

ORIANE MANCINI
On va en parler, mais juste un mot, parce que pour faire grandir l'intelligence artificielle, il faut des moyens. Donald TRUMP a annoncé qu'il allait mettre 500 milliards sur l'intelligence artificielle, compte tenu de l'état budgétaire un peu catastrophique du pays. Est-ce que la France a les moyens de rivaliser ?

CLARA CHAPPAZ
On a les moyens de rivaliser.

ORIANE MANCINI
On met combien pour l'intelligence artificielle ?

CLARA CHAPPAZ
Dans les fameux IA clusters dont je parlais tout à l'heure, donc, ces instituts interdisciplinaires qui vont par exemple à Rennes regarder les applications entre l'IA et le cyber. À Nancy, comme je le disais, l'IA et l'industrie, l'IA et la santé, parce que la région est très forte dans le domaine. Ils sont au nombre de neuf. On a annoncé, il y a quelques mois, d'éployer 360 millions d'euros afin que les formations restent de très haut niveau et qu'on puisse former toujours plus de talent à l'intelligence artificielle dans ces instituts interdisciplinaires. Ça, c'est un seul pan de la stratégie. Le sommet pour l'action sur l'IA dont je parlais tout à l'heure nous permettra de dévoiler une troisième phase de cette stratégie nationale pour l'IA. Donc, je ne vais pas vous faire tout de suite toutes les annonces, mais avec un certain nombre de dispositifs et de moyens.

ORIANE MANCINI
Donc, avec des moyens ? Mais vous aller annoncer aussi des enveloppes financières.

CLARA CHAPPAZ
Et surtout, dans les annonces que vous mentionnez dans d'autres pays, une vraie collaboration publique-privée sur ces moyens. Une des dimensions importantes pour l'IA, c'est aussi la question de l'infrastructure et de l'énergie. En France, on a un autre atout. J'ai beaucoup parlé des talents. J'aurais pu parler de l'énergie. Notre énergie, elle est stable, elle est décarbonée et elle est absolument critique dans le développement de ces modèles, parce que ces modèles qui utilisent des données pour les analyser, pour répondre à un certain nombre des tâches complexes que j'ai mentionnées, ils ont besoin d'énergie pour s'entraîner. Et ça aussi, ça fait partie de notre stratégie de se dire comment on développe des infrastructures ici en France, en Europe, qui permettent aux chercheurs d'entraîner leurs modèles.

ORIANE MANCINI
Mais est-ce que vous avez les moyens que les talents français ne partent pas aux États-Unis et ne soient pas tentés de partir aux États-Unis ?

CLARA CHAPPAZ
Je pense qu'il faut leur demander. Je t'ai parlé d'Arthur MENSCH tout à l'heure, qui est le patron de MISTRAL AI. MISTRAL AI, c'est une entreprise qui rivalise avec les plus grands en termes de modèles d'intelligence artificielle. Arthur, mais comme d'autres, il y a Gabriel aussi de DUST, Stanislas POLU, aussi de cette même entreprise. Toutes ces entreprises d'intelligence artificielle, à leur tête, ont très souvent des Français qui ont fait quelques années dans des laboratoires américains ou ailleurs. On parle des États-Unis, mais la Chine développe aussi de l'intelligence artificielle, le Moyen-Orient aussi a investi, c'est une technologie qui se développe dans le monde entier. Mais tous ces entrepreneurs, ils ont choisi la France pour développer leur entreprise. Pourquoi ? Parce qu'on a les talents, on a l'infrastructure, l'énergie dont je vous parlais, mais on a aussi une vision. Je pense que ce qui est important, c'est de se dire que la manière dont on développe l'intelligence artificielle est aussi un projet. Et ce projet, ils veulent en faire partie parce qu'ils pensent que nous avons tous les atouts pour répondre à ce grand défi.

ORIANE MANCINI
Alors, selon Donald TRUMP, son projet Stargate de 500 milliards, il va créer plus de 100 000 emplois. Vous, combien vous visez de création d'emplois en France avec l'intelligence artificielle ?

CLARA CHAPPAZ
C'est une question importante, la question de l'emploi, parce qu'on parlait des échanges sur le terrain. Et souvent, on me demande comment l'intelligence artificielle va changer mon emploi. On peut, bien sûr, et c'est normal, se poser un certain nombre de questions.

ORIANE MANCINI
Parce qu'à contrario, il y a aussi des inquiétudes, des gens qui ont peur que leur emploi disparaisse. Est-ce que vous dites : " Il y a des emplois, des secteurs qui peuvent disparaître à cause de l'IA " ?

CLARA CHAPPAZ
Justement. Et c'est là où il faut le voir de façon très positive. Et bien sûr, dans toute transition, on se pose des questions et c'est bien normal. Et c'est là aussi le rôle de l'État de rassurer, d'accompagner les transformations. J'étais aussi avec la Ministre VAUTRIN hier soir. Bien sûr, il y a beaucoup de questions sur le domaine du travail et de l'IA. Ça fera partie aussi des thèmes centraux du sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle. Et le rôle de l'État, c'est d'accompagner ces mutations, depuis la formation, d'ailleurs, depuis la formation de se poser la question avec le ministre de l'Enseignement supérieur comment, par exemple, les formations au code informatique vont évoluer pour s'adapter à l'intelligence artificielle. Mais comme dans toute transformation, il y aura finalement des nouveaux métiers qui vont apparaître. Et donc il faut accompagner la transformation de ces métiers, mais voir le positif derrière, parce que c'est beaucoup de métiers qui vont être aussi créés. Je pense que si, il y a vingt ans, on essayait d'imaginer tous les métiers qui auraient pu être créés, par exemple avec l'arrivée d'Internet et tout ce qu'Internet a pu offrir en termes d'opportunités économiques, on n'aurait jamais pu imaginer – je ne sais pas, moi, je prends et c'est aussi un sujet intéressant dans mon portefeuille - le métier d'influenceur sur les réseaux sociaux. Ce n'était pas quelque chose qu'on aurait imaginé, c'est pareil avec l'IA. On est, d'un côté, à se dire que cette technologie a un potentiel exceptionnel. On n'a pas forcément encore en visibilité tous les différents métiers qui vont être créés via cette technologie. Mais ce qu'on sait et ce qu'on veut, c'est accompagner pour pouvoir s'assurer que dans tous les secteurs : la santé, je vous ai parlé des docteurs, la transition climatique, on peut utiliser l'IA pour accompagner…

ORIANE MANCINI
Mais est-ce que vous pouvez garantir que la balance sera positive et que l'IA va plus créer d'emplois qu'il n'en détruira ?

CLARA CHAPPAZ
Il y a beaucoup de rapports qui ont été faits à l'échelle internationale sur cette question et le consensus, c'est que oui, il y aura des opportunités positives dans la création d'emplois.

ORIANE MANCINI
Vous parliez de Davos, puisqu'il y a le sommet de Davos en ce moment. L'intelligence artificielle, elle était au coeur des discussions de ce sommet. António GUTIERREZ, le secrétaire général de l'ONU, dit que l'intelligence artificielle, je le cite : " Peut être utilisée comme un outil de tromperie. Elle peut perturber les économies et les marchés du travail, ébranler la confiance dans les institutions ". Est-ce que vous partagez ces propos ?

CLARA CHAPPAZ
Comme dans toute technologie, il y a des bons et des mauvais usages. Il ne faut pas, et ça aussi, c'est une grande discussion qu'on a sur le terrain. On me demande parfois, est-ce que l'intelligence artificielle me ment ? Ce n'est pas l'intelligence artificielle qui ment, c'est l'usage qu'on en fait qui doit être encadré. En France et en Europe, on a créé une réglementation qui s'appelle le règlement pour l'intelligence artificielle, qui vise précisément ça, à encadrer les usages, à se dire : " Quels sont les usages complètement interdits ? ". Par exemple, on ne veut pas, en Europe, que l'intelligence artificielle puisse être utilisée pour évaluer socialement les individus, ça, c'est interdit. Il y a des usages qui sont complètement autorisés, sur lesquels il n'y aura pas de restriction, de réglementation. Je parlais de l'industrie, l'IA peut aider à valider un certain nombre de processus industriels, ça, c'est à l'autre bout du spectre. Mais comme dans toute technologie aussi, ce qui est important, c'est de donner confiance avec ce cadre, donc d'encadrer les usages et les risques associés à ces usages, mais c'est avant tout d'innover. Parce que la meilleure façon de pouvoir s'assurer que l'intelligence artificielle porte la vision du projet de société qui est la nôtre, je pense que la technologie, aujourd'hui, est devenue extrêmement politique, c'est d'avoir les entrepreneurs dont j'ai parlé, les Stanislas, les Arthur, qui reviennent en France ou qui restent en France pour créer leur entreprise d'intelligence artificielle, ici, et participer à cette vision. Et donc, ce qui m'occupe, c'est d'assurer qu'on peut leur donner tous les moyens nécessaires pour qu'ils puissent accélérer.

ORIANE MANCINI
Et ça veut dire qu'il n'y a pas besoin de loi supplémentaire pour encadrer, puisqu'on est ici au Sénat, il n'y a pas besoin de loi supplémentaire pour encadrer l'IA ?

CLARA CHAPPAZ
Non, on a le cadre européen dans lequel la France s'est beaucoup investie, avec cette vision d'ailleurs très pro-innovation, de s'assurer qu'on trouve le juste équilibre. Je pense que nous l'avons trouvé dans cette réglementation. Par contre, ce qu'il faudra qu'on fasse maintenant au niveau de la réglementation, c'est s'assurer que dans son application, on favorise l'émergence des entreprises plus jeunes, moins matures. Parce que très souvent dans la réglementation, ce qui est important de garder en tête, c'est comment est-ce qu'on s'assure que l'écosystème d'innovation s'y retrouve aussi et peut créer les solutions dont nous avons besoin.

ORIANE MANCINI
Pour Sophie BINET, la secrétaire générale de la CGT, je la cite : " Ce serait dangereux de partir comme parfois sans vouloir le faire Emmanuel Macron dans un Far West d'intelligence artificielle et de faire un concours pour tirer les normes vers le bas ". Qu'est-ce que vous lui dites ?

CLARA CHAPPAZ
On n'est pas dans un Far West de l'intelligence artificielle, on est dans un moment absolument enthousiasmant de notre histoire technologique et industrielle où on a une technologie qui vient transformer nos vies. Je pense que la meilleure réponse à ça, c'est de se dire, un, comment est-ce qu'on capitalise sur nos atouts et on accélère ? On est, en France, les leaders au niveau de l'Union européenne sur l'intelligence artificielle. Mais la course est très rapide, ça ne vous aura pas échappé, vous avez cité un certain nombre d'autres pays. Il faut absolument qu'on reste les leaders parce qu'on n'a pas encore beaucoup parlé des réseaux sociaux.

ORIANE MANCINI
On va y venir, j'ai juste une dernière question. Est-ce que vous allez associer les syndicats à la réflexion sur l'intelligence artificielle ? Est-ce qu'il y aura un conclave de l'intelligence artificielle ?

CLARA CHAPPAZ
On associe bien sûr toutes les parties prenantes. Je veux dire, quand une technologie transforme autant nos vies, et c'est ça aussi le but de ce fameux sommet pour l'action sur l'IA, c'est de se dire : " Dans le domaine du travail, quels sont les différents changements qu'on va appréhender ? Comment on travaille ensemble ? "

ORIANE MANCINI
Mais ils sont invités les syndicats à ce sommet ?

CLARA CHAPPAZ
Oui, il y a des unions de syndicats internationaux, d'ailleurs, qui sont invitées. C'est un sommet international et donc ils auront bien sûr toute leur place.

ORIANE MANCINI
Et est-ce que vous allez faire une réunion avec les syndicats français ? Est-ce que vous avez prévu de les réunir ?

CLARA CHAPPAZ
Alors, il y a différentes réunions en cours dans tous les domaines. Vous savez, c'est un sujet très interministériel, donc, bien sûr, je m'associerai au ministre et à la ministre du Travail sur cette question. Je sais qu'ils portent aussi beaucoup ce sujet-là. Mais dans tous les métiers, il y a un certain nombre de discussions, de dialogues sociaux qui doivent intervenir. Par exemple, dans mon ministère à Bercy, c'est une question qui est à l'ordre du jour, dans laquelle le dialogue social est extrêmement important pour que nous puissions accompagner les agents dans leur transformation.

ORIANE MANCINI
On va parler des réseaux sociaux et notamment de X, puisqu'évidemment, c'est le réseau social qui fait parler. Est-ce qu'il est devenu un outil au service des opinions d'Elon MUSK qui utilise ses algorithmes pour promouvoir ses contenus idéologiques ?

CLARA CHAPPAZ
Alors, justement, j'en parlais. Pourquoi le moment est extrêmement important pour l'intelligence artificielle ? Parce que, et on y vient sur les réseaux sociaux, s'il y a quinze ans, vingt ans, on s'était tous réunis, c'est ce qui va se passer à Paris dans juste quelques semaines d'ailleurs maintenant, avec une centaine de chefs d'État, une centaine de scientifiques le plus à la pointe sur l'intelligence artificielle, une centaine de patrons d'entreprises sur l'intelligence artificielle, pour se dire : « Collectivement, tous ensemble, justement, toutes ces questions qui sont les nôtres, qui sont celles des élus, qui sont celles des Français et des Françaises sur territoire, mais qui sont finalement des questions mondiales, on essaie d'y répondre ensemble, on essaie d'y répondre avec une vision qui, pour nous, sur l'IA est une IA éthique, une IA plus inclusive, une IA plus sobre aussi, on a parlé de l'énergie. Si on avait fait ce travail il y a quinze-vingt ans sur un certain nombre de transformations technologiques, dont les réseaux sociaux, peut-être qu'on aurait une réponse différente aujourd'hui et peut-être, et avant tout, qu'on aurait des entreprises européennes de réseaux sociaux plus avancées que ce qu'on a aujourd'hui. Et c'est pour ça qu'il ne faut absolument pas louper son nom sur l'IA parce que l'IA va transformer la façon dont on vit et donc il nous faut des solutions européennes. Donc, maintenant, je reviens…

ORIANE MANCINI
A Elon MUSK.

CLARA CHAPPAZ
Aux réseaux sociaux. Qu'est-ce qui se passe, aujourd'hui, en deux mots ? On a une grande partie du temps des Français, des Françaises, parfois même du temps des plus jeunes, c'est un autre sujet dont nous pouvons parler, qui est passé sur ces réseaux. On a un sentiment montant que ces réseaux sont le terrain d'une certaine forme de haine en ligne. Et donc, mon premier message, c'est que je veux dire qu'hors-ligne comme en ligne, les mêmes règles s'appliquent. Et donc ce qui est interdit hors-ligne, l'est interdit aussi en ligne. Il faut être très clair là-dessus. Donc toutes les personnes qui se sentent mal à l'aise sur ces réseaux, parce qu'elles seraient victimes de harcèlement, parce qu'elles seraient victimes de haine en ligne, les élus, je sais qu'il y en a certains qui ont quitté, vous avez cité le réseau X, pour cette raison, il faut absolument qu'ils se sentent de porter plainte parce que le cadre de la loi nous permet de le faire. Et il faut qu'on se dise que ce qui est interdit hors-ligne est interdit aussi en ligne. Et pour ça…

ORIANE MANCINI
Il y a la question de l'anonymat sur les réseaux sociaux.

CLARA CHAPPAZ
Mais vous savez, dans de nombreux cas où il y a eu des personnes qui ont porté plainte, on a pu punir les auteurs de ce type de fait. On a les outils pour le faire. Et ce que je veux dire aux personnes qui nous écoutent et qui se posent la question de ces réseaux comme espace de non-droit que vous avez dit, c'est que ce n'est pas du tout le cas. En Europe, on a une réglementation parmi les plus ambitieuses sur les réseaux sociaux qui cherche à faire quoi ? Elle cherche à dire que les réseaux sociaux, cette réglementation qui s'appelle le règlement DSA, Digital Service Act, encadre les réseaux sociaux depuis 2022. Et elle cherche à dire et à responsabiliser les réseaux sur le fait que ce qui est interdit, les contenus illicites le sont aussi sur les réseaux et que les plateformes sont responsables du fait qu'un certain type de contenu, que ce soit dans la loi française, les contenus homophobes, les contenus racistes, les appels à la haine, tout ce type de contenu que nous pourrions…

ORIANE MANCINI
Mais ce DSA, il existe sur le papier, mais est-ce qu'il est réellement appliqué ?

CLARA CHAPPAZ
Il sera appliqué. C'est un règlement européen. Aujourd'hui, il y a une enquête sur un certain nombre de plateformes, dont le réseau que vous avez mentionné. J'ai échangé avec la commissaire européenne en charge de ces sujets, Henna VIRKKUNEN, à plusieurs reprises sur cette question. L'enquête avance. La Commission européenne a annoncé vendredi dernier ajouter une étape à cette enquête pour pouvoir aussi creuser les algorithmes sur cette plateforme, parce que c'est une des questions possibles et on y reviendra.

ORIANE MANCINI
Mais aussi parce que ça fait des mois que cette enquête est ouverte, qu'effectivement, vous le rappelez, il y a un DSA et qu'il n'y a toujours pas de sanctions contre Elon MUSK. Est-ce que la Commission européenne est trop faible ?

CLARA CHAPPAZ
Cette enquête ira au bout. S'il s'avère que la plateforme X, mais comme les autres, ne respecte pas nos règles, c'est-à-dire qu'elle permet que ce type de propos soit tenu sur les réseaux sans modération, qu'elle ne s'engage pas dans une démarche pour lutter contre la manipulation de l'information. C'est aussi la responsabilité des plateformes, avec ce texte, de lutter contre la manipulation des informations. Il y a beaucoup d'ingérences étrangères sur ces réseaux, peut-être qu'on en touchera deux mots, mais dans la même conférence dont je parlais, le Premier ministre de la Moldavie expliquait comment ces réseaux ont pu être utilisés dans le cadre d'élections, par exemple, pour avoir des véritables phénomènes d'ingérences étrangères pour manipuler l'information.

ORIANE MANCINI
Et c'est aussi la crainte avec Elon MUSK.

CLARA CHAPPAZ
Avec ce cadre, bien sûr, Elon MUSK, comme n'importe quel citoyen, est complètement libre d'avoir ses opinions. La liberté d'expression n'est pas remise en cause sur les réseaux, et je vais être très claire là-dessus. En revanche, s'il s'avère qu'il utilise sa plateforme pour mettre en avant une certaine opinion politique…

ORIANE MANCINI
Et certains partis politiques, dans des pays où les élections sont en cours.

CLARA CHAPPAZ
Et qu'il utilise ses algorithmes pour le faire, là, on est en infraction du DSA, et on a le cadre pour le faire, et on ira au bout. J'ai toute confiance dans l'Union européenne.

ORIANE MANCINI
Mais à quelle échéance vous irez au bout ? Parce que là, ça fait déjà deux ans, déjà, que l'enquête est ouverte. Quand vous dites : « On ira au bout, c'est quand » ?

CLARA CHAPPAZ
Sur cette plateforme-là, ça fait un an que l'enquête est ouverte. C'est une enquête importante. Tant que l'enquête n'est pas finie, je pense qu'il ne faut pas tirer de conclusions hâtives. C'est le cas dans toutes les enquêtes, et il faut aussi respecter ça, mais elle ira au bout. Je me suis entretenue avec la commissaire. C'est une question d'un peu plus de temps pour avoir tous les éléments précis. Mais l'Europe est forte. L'Europe est forte. L'Europe est unie sur cette question. Ça aussi, c'est très important, parce que, qu'est-ce que fait le règlement européen dont on parlait sur les réseaux ? Elle protège nos 450 millions d'Européens sur l'utilisation de ces réseaux. Et ces 450 millions d'Européens, ce sont des utilisateurs très importants pour les plateformes, il y a plus d'utilisateurs sur META ou sur X en Europe qu'aux États-Unis.

ORIANE MANCINI
Mais c'est ça. Est-ce que l'Europe, elle n'a pas échoué à développer des réseaux sociaux alternatifs ? Et du coup, on est tous sur X.

CLARA CHAPPAZ
Je finis ma pensée. Mais ces plateformes doivent respecter nos règles et elles ne le remettent pas en question. Je les ai toutes réunies il y a une semaine au sein du ministère auquel je suis attachée, à Bercy et elles ne remettent pas en cause cette réglementation de la même façon qu'un constructeur automobile, quand il propose une voiture à des utilisateurs en France, on roule à droite, il y a un certain nombre de règles. Dans d'autres pays, on roule à gauche. Ici, on roule à droite. Il y a un certain nombre de règles. Les réseaux sociaux les respecteront. Et oui, votre deuxième partie de question, c'est la bonne. La technologie est un formidable outil de progrès. J'ai donné plein de cas sur l'intelligence artificielle, mais pour que ce progrès soit aligné avec nos valeurs, avec notre vision, le plus important, c'est qu'on puisse innover en France, qu'on puisse donner à tous les entrepreneurs formidables, que ce soit ceux que j'ai rencontrés en Lorraine, que ce soit ceux qui étaient au Forum de Davos, ceux que je verrai tout à l'heure en Essonne, les outils, la détermination, l'ambition pour créer ces outils ici. Et là, on a tous un rôle à jouer. On parle beaucoup d'intelligence artificielle. On en parle à votre antenne, on en parle dans la presse, dans les médias, on en parle avec les entreprises. Il faut aussi qu'on se dise : " Comment est-ce qu'on valorise ce qu'on fait de très bien ici ? ", Parce qu'on fait des choses très bien. Et donc, quand parfois, on est tenté de dire : " Ah, l'intelligence artificielle, c'est telle ou telle entreprise américaine, non, c'est aussi des entreprises françaises, des entreprises européennes. Et donc, quand un patron veut s'équiper d'une solution d'intelligence artificielle, je l'invite aussi à regarder ce qu'on fait ici. J'invite aussi toutes les administrations, on le fait ensemble, à regarder les solutions françaises et européennes parce que c'est comme ça aussi qu'on les soutiendra, c'est en s'assurant qu'on se tourne vers ce qu'on fait de mieux. On a des entreprises formidables et il faut les soutenir.

ORIANE MANCINI
Merci Clara CHAPPAZ, merci beaucoup d'être venue nous parler de ces sujets passionnants.

CLARA CHAPPAZ
Merci.

ORIANE MANCINI
On en parlera puisque le sommet sur l'intelligence artificielle, grand sommet, ce sera deuxième semaine de février.

CLARA CHAPPAZ
Tout à fait.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir été notre invitée. On va parler politique, budget et cacophonie au Gouvernement. C'est tout de suite dans le Club des Territoires.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 janvier 2025