Déclaration de M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie, sur les crédits de la mission "Engagements financiers de l'État", du compte d'affectation spéciale "Participations financières de l'État", des comptes de concours financiers "Accords monétaires internationaux" et "Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics", ainsi que de la mission "Remboursements et dégrèvements", au Sénat le 16 janvier 2025.

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  • Marc Ferracci - Ministre chargé de l'industrie et de l'énergie

Circonstance : Examen au Sénat des crédits de la mission " Engagements financiers de l'État "»

Texte intégral

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l'examen des crédits de la mission " Engagements financiers de l'État ", du compte d'affectation spéciale " Participations financières de l'État ", des comptes de concours financiers " Accords monétaires internationaux " et " Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ", ainsi que de la mission " Remboursements et dégrèvements ".

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. le ministre.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Un excellent ministre ! (Sourires.)

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie de leur analyse budgétaire approfondie des missions en discussion les rapporteurs spéciaux, la rapporteure pour avis et les orateurs qui se sont exprimés ce matin.

Dans le temps qui m'est imparti, je m'efforcerai d'apporter des réponses sur les principaux sujets qui ont été soulevés. Mon propos s'articulera autour des trois grands axes des politiques publiques qui structurent l'examen de ces missions : les engagements financiers de l'État, les participations financières de l'État et les remboursements et dégrèvements.

Le Gouvernement partage naturellement la préoccupation exprimée par M. Albéric de Montgolfier sur l'évolution des crédits de la mission " Engagements financiers de l'État ".

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, cette mission devrait représenter 56 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 61,3 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une augmentation de 520 millions d'euros en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.

Cette mission devrait ainsi atteindre un niveau record, et ce principalement sous l'effet de l'alourdissement de la charge de la dette de l'État, qui devrait croître à 54,9 milliards d'euros en comptabilité budgétaire, contre 50,9 milliards d'euros en 2024.

Une telle augmentation matérialise l'impact de la hausse des taux d'intérêt auxquels nous empruntons, bien que cela soit progressif en raison de la durée de vie moyenne élevée de notre dette, qui est d'environ huit années et demie. Après des années de taux d'intérêt historiquement faibles, la normalisation des taux d'intérêt rend visible le coût de notre dette et doit nous conduire à des choix responsables tant dans la gestion des dépenses que dans la recherche de nouvelles économies.

J'appelle l'attention du Sénat sur un élément : le spread, c'est-à-dire l'écart entre les taux d'intérêt qui s'appliquent à la dette française et ceux de nos principaux pays partenaires, en particulier l'Allemagne, s'est accru ces dernières semaines et ces derniers mois. Il représente aujourd'hui 85 points de base. C'est la conséquence du volume global de notre dette, mais également de l'instabilité politique de notre pays. Cette instabilité, que les agences de notation mentionnent, tend à produire des effets sur les taux d'intérêt.

Plusieurs intervenants ont fait référence à l'isolement de la dette liée à la covid-19 dans un programme budgétaire spécifique. Ce choix a avant tout des vertus pédagogiques. Le programme 369 vise à identifier et à retracer dans les comptes publics le montant de dette d'État résultant de la crise sanitaire, afin de pouvoir afficher une trajectoire de résorption de cette dette entre 2022 et 2042. Chaque année, une partie du surcroît de recettes liées à la croissance est affectée au remboursement de la dette de l'État liée à la covid-19. Nous ne figeons donc pas une trajectoire dans le marbre.

J'espère ainsi répondre aux observations des rapporteurs spéciaux sur l'inscription de 5,2 milliards d'euros au titre de la contribution au désendettement de l'État. Le programme 369 permet de matérialiser le coût complet de l'effort national, dans un esprit de transparence, de lisibilité et de responsabilité quant à la gestion de nos finances publiques. C'est donc avec constance et vigilance que nous poursuivrons la gestion de ce programme, au service de la solidité et de la résilience de notre économie.

J'en viens aux participations financières de l'État.

Alors que l'année 2024 a été marquée par de nombreuses crises, le portefeuille de l'État actionnaire a plutôt bien résisté. La valorisation du portefeuille coté a globalement progressé de 7%, ce qui constitue une surperformance très nette par rapport au CAC 40, en baisse de 2,2% sur la même période.

Au-delà de la performance financière, l'année 2024 restera une année marquante pour l'Agence des participations de l'État et, à travers elle, pour l'État actionnaire, à plusieurs titres.

L'APE, qui a célébré ses vingt ans d'existence en 2024, a tout à la fois continué d'accompagner ses entreprises, mené des opérations majeures et structuré sa doctrine d'investissement.

Ainsi, trois opérations majeures ont été lancées en 2024 pour renforcer notre contrôle sur des secteurs stratégiques.

D'abord, au mois de juin dernier, l'État a souscrit à l'augmentation de capital de la société John Cockerill Defense aux côtés de la Belgique, dans le cadre de l'acquisition du constructeur de véhicules militaires français Arquus, anciennement Renault Trucks Defense. Cette démarche vise à créer un champion industriel européen des véhicules blindés légers, ce qui est un levier absolument essentiel pour la défense de notre continent.

Ensuite, au mois de novembre dernier, l'État a acquis une action de préférence dans la société Bull SA, filiale française d'Atos regroupant l'essentiel des activités sensibles du groupe. Cela garantit ainsi un niveau de sécurité indispensable pour la souveraineté de l'État, quelle que soit l'issue du processus d'acquisition des activités sensibles d'Atos.

Enfin, le 31 décembre, l'État a acquis 80% du capital d'Alcatel Submarine Networks (ASN), ce qui marque une avancée décisive pour notre souveraineté numérique. Leader mondial de la fabrication, de la pose et de la maintenance de câbles sous-marins, ASN dispose d'une usine à Calais et d'un savoir-faire unique. Cette entreprise, qui était jusqu'alors propriété du groupe finlandais Nokia, joue un rôle central dans notre maîtrise des réseaux numériques.

Ces trois opérations majeures n'épuisent pas l'intégralité des actions de l'État actionnaire au cours de l'année. L'APE continue ainsi d'accompagner activement les 85 entreprises de son portefeuille. En 2024, elle a apporté son soutien à des politiques publiques prioritaires, comme la souveraineté énergétique, à travers l'augmentation de capital d'Orano, la réindustrialisation, avec une dotation en fonds propres de 56 millions d'euros au grand port maritime de Dunkerque, ou encore la construction de logements intermédiaires, grâce à une augmentation de capital de 250 millions d'euros en faveur de la Société pour le logement intermédiaire.

Ainsi, dans le droit fil des observations du rapporteur spécial Claude Raynal, notre vision d'un État stratège existe bel et bien. Elle se concrétise en recourant à trois outils d'intervention en fonds propres que sont, outre l'APE, la Caisse des dépôts et consignations et Bpifrance, dont les doctrines sont complémentaires.

À ce titre, et en réponse à ce qu'exprimait notamment la rapporteure pour avis Martine Berthet, je suis heureux de vous informer de l'aboutissement de la réflexion engagée sur l'évolution de la doctrine de l'État actionnaire,…

Mme Nathalie Goulet. Ah !

M. Marc Ferracci, ministre. … avec la confirmation non seulement de son périmètre d'intervention, mais aussi des grands principes qui guident et structurent désormais son action. Ces derniers sont au nombre de trois : performance, résilience, responsabilité.

D'abord, la performance, à la fois financière et extrafinancière, vise à protéger les intérêts patrimoniaux de l'État actionnaire.

Ensuite, le souci de la résilience suppose pour l'État actionnaire de veiller à faire en sorte que les entreprises dans lesquelles il investit, souvent présentes dans des secteurs économiques stratégiques, soient capables de s'adapter continuellement aux évolutions et de résister aux chocs de leur environnement.

Enfin, il y a un devoir d'exemplarité en termes de responsabilité, notamment sociale et environnementale.

C'est bien dans ce cadre rénové que nous entendons inscrire notre action pour l'année 2025, en continuant de financer via le compte d'affectation spéciale " Participations financières de l'État ", les opérations de nature patrimoniale décidées par l'État, à l'exclusion de toute opération de gestion courante. Il est ainsi indispensable de préserver ses ressources, en crédits et en recettes.

J'en viens aux crédits évaluatifs de la mission " Remboursements et dégrèvements ", qui sont le reflet de la partie recettes du projet de loi de finances pour 2025.

Cette mission assure les droits des contribuables prévus par la loi fiscale, ce qui justifie le caractère évaluatif des crédits. Seule une révision des incitations fiscales ou des modalités de détermination et de levée des impôts permettrait d'en réduire les dépenses.

Environ les trois quarts de la dépense relative aux impôts d'État – c'est le programme 200 – correspondent à la mécanique de collecte de l'impôt. Cela varie en fonction de la conjoncture économique et des choix des contribuables.

Pour la TVA, les remboursements élevés résultent de la décision des entreprises de mobiliser leurs crédits accumulés.

Pour l'impôt sur les sociétés, le ralentissement des bénéfices entre 2022 et 2023 et leur forte dispersion induisent en 2024 des remboursements d'excédents d'acomptes plus importants que prévu lors de la loi de finances initiale pour 2024.

Le reste correspond à des incitations fiscales qui ont été votées et que nous devons honorer, ainsi qu'à des contentieux.

À ce titre, puisque plusieurs orateurs ont abordé le sujet, je rappelle combien le crédit d'impôt recherche constitue un atout majeur pour l'économie française.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Oui !

M. Michel Canévet. C'est vrai !

M. Marc Ferracci, ministre. Les représentants des filières professionnelles, en particulier industrielles, et les entrepreneurs nous le disent : le CIR est un élément d'attractivité absolument indispensable à nos entreprises, notamment pour la recherche et développement.

Certes, cela ne fait pas obstacle à d'éventuels aménagements dans la cadre des textes budgétaires. Pour autant, je tiens à insister avec la plus grande force sur la volonté de l'État de préserver l'intégrité de ce dispositif, qui participe à l'attractivité de notre territoire pour la recherche et développement et pour les compétences les plus qualifiées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre attention et je me tiens à présent à votre disposition pour poursuivre la discussion. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)


source https://www.senat.fr, le 28 janvier 2025