Texte intégral
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je souhaite remercier chaleureusement, au nom du Gouvernement, l'ensemble des collaborateurs du Sénat de leur engagement formidable au cours de ce moment particulier et important pour la Nation qu'est l'examen du budget. J'y tiens d'autant plus que, je le reconnais bien volontiers, la séquence ne s'est pas passée exactement comme elle aurait dû.
Je veux aussi remercier le Sénat, parce que la Haute Assemblée a joué son rôle et a permis que ce texte soit examiné au fond, en prenant le temps nécessaire ; le président Larcher vient de rappeler voilà quelques instants la durée des débats.
Compte tenu de cette situation très particulière, le Premier ministre, la ministre chargée des comptes publics, le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et moi-même avons souhaité que ces séances soient précédées d'une phase de dialogue. Je veux donc remercier tous les groupes représentés ici d'y avoir participé, à Bercy d'abord puis avec ma collègue Catherine Vautrin, afin de trouver les voies et moyens pour améliorer le texte.
Lors de ces réunions, plutôt que de fixer des " lignes rouges " – expression centrale de la séquence précédente –, vous avez préféré donner des priorités ; je vous en sais gré. Nous avons essayé de prendre en compte le plus grand nombre de ces priorités, dans le cadre, naturellement, des contraintes et des axes que nous avions choisis.
Ce budget est important en ce qu'il marque le début d'une phase de réduction des déficits excessifs. Si vous le permettez, je vais vous donner quelques chiffres.
Le premier, vous ne le connaissez peut-être pas encore, est celui de l'exécution du budget de 2024. Alors que l'on attendait un déficit de 6,1%, le solde budgétaire devrait se situer légèrement au-dessus de 6% ; les bonnes nouvelles dans ce domaine sont rares ces temps-ci… Nous avons transmis cette donnée hier au Haut Conseil des finances publiques.
J'ai confirmé en début de semaine à nos partenaires européens que nous maintenions l'objectif de 3% de déficit en 2029 et celui de 5,4% en 2025, grâce au budget que vous avez adopté. Un tel niveau de déficit doit se comparer favorablement avec celui de l'année dernière.
Pourquoi entreprenons-nous, ensemble, ce travail incroyablement rigoureux et difficile, d'autant plus difficile que nous souhaitons privilégier la baisse des dépenses aux augmentations d'impôts, notre pays détenant déjà le record du haut niveau de prélèvements obligatoires ? Non pas pour le simple plaisir de respecter les règles européennes – quoique… –, mais parce qu'il y va de l'avenir de notre pays. Voici notre situation : chaque année la dette s'accroît, les taux d'intérêt augmentent et le coût de la dette, c'est-à-dire les intérêts versés annuellement, dépasse 50 milliards d'euros. Si cela continue ainsi, nous perdrons notre souveraineté, notre indépendance, notre capacité de préparer l'avenir.
Le tournant que représente le budget de 2025 représente une étape extrêmement importante. Vous pouvez compter sur le Gouvernement, notamment sur la ministre chargée des comptes publics et moi-même, pour préparer avec vous, dans l'esprit de dialogue que nous avons insufflé dès notre arrivée aux responsabilités, le projet de loi de finances pour 2026, qui visera toujours la diminution de nos déficits, afin de stabiliser notre dette et de redonner un avenir à notre pays.
La réduction des déficits constitue, pour notre pays, si je puis me permettre de reprendre une formule célèbre, « une ardente obligation ». Je vous remercie donc de votre vote. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains. – Mmes Ghislaine Senée et Catherine Conconne ainsi que MM. Thierry Cozic et Adel Ziane applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je m'associe aux remerciements qui vous ont été adressés.
Nous vivons un moment inédit pour notre pays. La dernière fois que la France n'a pas eu de budget avant la fin de l'année antérieure, c'était en 1979 ; le PLF avait été adopté le 18 janvier 1980. Nous sommes le 23 janvier et le budget, s'il a sans doute franchi aujourd'hui une étape importante, a devant lui un chemin encore long avant d'atteindre le vote dans les mêmes termes dans les deux chambres et la promulgation. Cette période est donc réellement inédite ; elle a marqué nos esprits et a influencé la qualité et la tonalité de nos débats.
Nous le savons tous, parce que nous rencontrons tous des Français, qu'ils soient artisans, agriculteurs, patrons de PME, le budget est attendu et son adoption, urgente. L'esprit dans lequel vous et nous avons travaillé, avons dialogué, démontre que nous pouvons être rassurés : le sens des responsabilités existe bel et bien dans notre pays dans ce genre de situation inédite.
La version initiale de ce budget avait été préparée dans un délai raccourci, dans des circonstances compliquées. Puis, le gouvernement précédent a été censuré, il y en a eu un nouveau, la croissance économique s'est dégradée et l'on a enregistré une hausse mécanique du déficit lié à la censure. Pourtant, malgré tout cela, nous avons pu avancer collectivement, trouver des points d'accord.
Je souhaite en souligner deux particulièrement, lesquels figurent dans le texte qui vient d'être voté par la plupart d'entre vous aujourd'hui. D'abord, nous avons trouvé un point d'équilibre en ce qui concerne les collectivités territoriales, et je connais votre attachement à ce sujet, monsieur le président. Les collectivités participeront à l'effort collectif de redressement, mais leur investissement sera préservé ; je salue le compromis trouvé sur ce point. Ensuite, nous avons fait le choix de préserver l'hôpital.
Ces deux choix ont un coût. C'est parce que les économies présentées ont été adoptées et que, je tiens à le saluer, vous en avez présenté d'autres que nous sommes en mesure de prévoir pour cette année un déficit cible de 5,4%, qui est crédible.
La nuit dernière, à une heure assez tardive, il y a eu un moment étonnant, car le déficit qui ressort du texte adopté par le Sénat est un chiffre technique : si l'on appliquait exactement le budget adopté par le Sénat, le déficit s'établirait à 5,3% du PIB. Mais ce chiffre n'a pas de réalité concrète, puisqu'il ne prend en compte ni la dégradation de la croissance intervenue depuis le début de l'examen du budget, ni le coût de la censure, ni les recettes décidées dans la première partie du PLF mais non mises en œuvre, ni les économies décidées dans la seconde partie du texte mais qui ne sont pas encore entrées en application.
Cela dit, je tiens à me réjouir de deux éléments. D'abord, grâce à votre travail, à notre travail collectif, cette copie acte bien une réduction, en valeur, des dépenses de l'État et de ses opérateurs de près de 2%. C'est un effort inédit, mais cela reste un effort : ce sera difficile, ce sera exigeant. Ensuite, nous avons tâché de quantifier cet effort sans dégrader les services ni les missions publics, en recherchant l'efficacité et des transformations.
Cet objectif est conforme à la vision du Gouvernement, mais il reste encore beaucoup d'ajustements à faire pour que ces économies soient inscrites dans des missions, dans les actions des ministères, afin de les rendre opérationnelles, effectives, de sorte que ce que vous avez décidé ait un sens dans la réalité des Français.
C'est la raison pour laquelle la réunion de la commission mixte paritaire de jeudi prochain est primordiale, essentielle. C'est dans cette instance, où le Gouvernement n'intervient plus, où le Parlement est souverain et a le dernier mot, que se construira le compromis d'un budget pour notre pays, pour conforter notre souveraineté nationale, notre souveraineté financière, pour retrouver la confiance.
Pour avoir été moi-même parlementaire dans l'autre assemblée pendant deux ans, chargée notamment de coordonner la conduite des travaux budgétaires et financiers à l'Assemblée nationale au sein de la majorité de l'époque, je mesure à quel point la façon dont l'examen du texte s'est déroulé était perfectible : nos amendements sont arrivés tard, rendant leur discussion difficile. Je tiens donc à vous assurer, au nom du ministre de l'économie et des finances, du ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de moi-même, de notre engagement pour que le prochain budget, si c'est nous qui vous le présentons, soit élaboré dans des conditions très différentes, plus respectueuses de vos délais de travail et de la qualité des débats.
Pour élaborer le budget de 2026, nous aurons d'ailleurs besoin de vos travaux. La création d'une commission d'enquête sénatoriale sur les agences et les opérateurs est envisagée ; cela nous aidera. De nombreux autres travaux ont été annoncés hier soir, notamment sur la répartition de la fiscalité des éoliennes ; c'est précieux. Tous ces travaux nous seront utiles, parce qu'il faudra chercher de nouveaux compromis, de nouveaux accords.
Enfin, l'exécution de ce projet de loi de finances, en espérant qu'il aille au terme du parcours parlementaire et qu'il soit promulgué, sera pour moi une priorité essentielle. La confiance des parlementaires et des Français, que nous devons retrouver, passera par la transparence de l'exécution, mois par mois, de ce budget, afin d'éviter toute surprise ; tout événement imprévu sera partagé avec vous le plus rapidement possible.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre vigilance, de votre exigence, de votre rigueur. Nous avons franchi une étape, il en reste beaucoup d'autres, mais vous pouvez compter sur notre engagement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
source https://www.senat.fr, le 4 février 2025