Déclaration de Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics, sur l'économie de la Nouvelle-Calédonie, à Paris le 8 février 2025.

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Circonstance : Ouverture du Forum économique de Nouvelle-Calédonie

Texte intégral

Monsieur le Ministre d'Etat, cher Manuel,
Monsieur le Président du Gouvernement de Nouvelle-Calédonie,
Madame et messieurs les présidents de Provinces,
Mesdames et messieurs,


Nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd'hui à Bercy au terme d'une semaine d'échanges dont je sais qu'ils ont été riches et nourris.

Je veux aussi vous souhaiter la bienvenue à Bercy, en mon nom propre et au nom d'Éric LOMBARD qui n'a pas pu se joindre à nous aujourd'hui.

Le fait que nous organisions un Forum économique de la Nouvelle-Calédonie n'est pas anodin. Et le fait de l'organiser ici, à Bercy, n'est pas le fruit du hasard non plus.

C'est pour nous un acte fort, de confiance, de sincérité, de volonté d'oeuvrer ensemble.

Le Ministre d'Etat n'est pas seul dans cette tâche. C'est tout un Gouvernement qui est mobilisé, sous l'impulsion du Président de la République, l'autorité du Premier ministre et avec la précieuse coordination du Ministre d'Etat. Et je veux, cher Manuel, te remercier d'avoir proposé cette rencontre ce matin.

Il nous apparaissait nécessaire qu'à l'occasion de ces journées d'échanges, qui s'ouvrent à Paris et se poursuivront à Nouméa dans les prochaines semaines, nous puissions avoir un temps de travail collectif dédié à l'économie.

Je veux donc saluer votre présence et saluer tous les acteurs, publics et privés, qui sont avec nous depuis Nouméa.

Nous savons collectivement l'importance des questions économiques et de la prospérité de nos entreprises, qu'elles se situent en Nouvelle-Calédonie ou dans l'Hexagone, pour le bien-être de la population, le bon fonctionnement de nos services publics et l'enrichissement de notre territoire. En un mot, il nous faut construire un modèle économique solide et des entreprises prospères sur le territoire.

Comme ministre des Comptes publics et en ouverture de ce Forum, je veux vous dire :

1) Ce que nous faisons très concrètement pour la prospérité économique de la Nouvelle-Calédonie.
2) Ce que nous avons fait depuis les violences du printemps dernier et les mesures complémentaires que nous avons souhaité porter dans le Budget qui vient d'être adopté.
3) Ce à quoi nous aspirons, avec conviction et humilité, pour construire l'avenir du territoire.

1. Je veux d'abord rappeler le soutien sans faille de l'Etat à la Nouvelle-Calédonie, dans les situations d'urgence, que ce soit pendant la crise sanitaire de la Covid ou de la crise qui a touché le territoire en mai dernier, j'y reviendrai, ou dans le cadre de la relation entre l'Etat et la Collectivité de Nouvelle-Calédonie.

C'est un motif de fierté et d'espoir car ces liens sont continus et solides.

Sur le plan budgétaire l'Hexagone participe chaque année, dans le cadre de ses relations avec la Collectivité de Nouvelle-Calédonie, au financement de l'action publique sur le territoire :

• Il s'agit en premier lieu du financement des services publics de la police, de la justice, d'une partie de personnel éducatif ou des forces armées présents en Nouvelle-Calédonie sans qu'aucun impôt national n'est perçu sur le territoire ;

• Il s'agit ensuite des contrats de développement entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie, créés par les accords de Matignon, renouvelés par les accords de Nouméa.

Ils ont récemment fait l'objet d'une prolongation donnant lieu à une 6ème génération de contrats pour les années 2024 à 2027.

Entre les fonctions régaliennes et ces contrats de développement, l'Etat a versé annuellement 150 à 180 Mds€ de francs pacifiques, soit entre 1,2 à 1,5 Md€ entre 2016 et 2023 au territoire. C'est un acquis important puisqu'il représente environ 15% du PIB calédonien.

• Ces transferts budgétaires représentent un appui de 5 500 € par habitant du territoire, hors année exceptionnelle comme 2024. Il s'agit donc d'une marque de solidarité incontestable de la part de l'ensemble des citoyens français à l'égard de nos compatriotes calédoniens.

• A ces crédits budgétaires, il faut ajouter les dispositifs de défiscalisation au bénéfice, notamment, des secteurs de l'industrie, des transports et du logement social qui représentent une dépense fiscale de 10 à 20 Mds de francs pacifiques selon les années, soit 90 à 165 M€ par an.

• Enfin, l'Etat assure depuis quelques années un effort financier très important pour garantir la continuité de l'activité des deux usines de métallurgie encore en activité, la SLN et PRNC : c'est 330 M€ qui ont été débloqués en 2024 pour financer leurs coûts d'exploitation.

Par ailleurs, d'autres instruments publics sont mobilisés en faveur du territoire :

• L'agence française de développement, partenaire historique de la Nouvelle-Calédonie a engagé près de 2,5 Mds€ depuis 2008 et financé près de 350 projets au bénéfice de la quasi-totalité des acteurs publics calédoniens. Du point de vue bancaire, l'AFD est le premier prêteur du secteur public en Nouvelle-Calédonie avec 1,9Md€ d'encours fin 2024. C'est également un acteur clé en soutien aux entreprises, notamment via la mobilisation de la SOGEFOM en appui à l'accès au crédit des TPE et des PME.

• La Banque des territoires, associée à la Caisse des dépôts et consignations, appuie également le territoire, en finançant les acteurs du logement social -avec 600 M€ d'encours- mais également le secteur public local pour le financement d'équipements à hauteur de 400 M€.

Voilà les acquis, l'aide structurelle apportée par l'Hexagone au territoire néo-calédonien.

2. Depuis les violences de mai 2024, l'État s'est aussi engagé répondre à l'urgence et poser les bases de l'avenir. Nous avons engagé près de 600M€ de soutien additionnel vis-à-vis de la Nouvelle-Calédonie.

Cette solidarité nationale a pris la forme d'un soutien direct à l'ensemble des acteurs calédoniens :

• L'Etat est ainsi intervenu exceptionnellement pour soutenir les budgets du Gouvernement de Nouvelle-Calédonie, de ses trois Provinces, la Province Nord, la Province Sud et la Province des Iles, dont je salue les présidents ici présents, des communes néo-calédoniennes, dont plusieurs maires nous font aujourd'hui l'honneur de leur présence, ainsi que plusieurs opérateurs publics.

• Ce soutien s'est matérialisé vis-à-vis des entreprises (61,7 M€ ont été versés), à travers le dispositif dit de " cas par cas " et des salariés par le déploiement d'un dispositif de prise en charge du chômage partiel, à hauteur de 173 M€ permettant à 23 000 personnes d'en bénéficier, prolongé à plusieurs reprises.

• L'Etat s'est également mobilisé pour soutenir les banques et maintenir ainsi l'accès des entreprises calédoniennes au crédit : 40 M€ ont été injectés dans le fonds SOGEFOM, qui proposera des dispositifs exceptionnels de garantie jusqu'à fin 2026.

En matière d'assurance, afin de remédier au retard pris dans les indemnisations, Eric LOMBARD a très récemment réuni les assureurs. Des engagements ont été pris pour finaliser l'ensemble des expertises et verser maintenant au plus vite les indemnités restantes aux sinistrés. A moyen terme, je sais aussi que le non renouvellement des garanties émeutes par la majorité des assureurs est une source légitime d'inquiétude pour les entrepreneurs. Le travail va se poursuivre avec l'ensemble des assureurs et les fédérations professionnelles. L'objectif est de pouvoir de nouveau couvrir le risque de violences.

Je le dis avec force et solennité : nous sommes à vos côtés ! Je veux vous dire mon admiration pour votre force et votre résilience remarquable dans cette période particulièrement éprouvante, qui force notre admiration et je suis fière de pouvoir témoigner de la solidarité nationale. L'accompagnement de l'Etat ne s'est pas démenti. Il ne se démentira pas dans les prochaines années.

3. C'est d'ailleurs le sens du Budget de l'Etat qui a été définitivement adopté au Sénat jeudi.

Ce soutien, d'une ampleur exceptionnelle se poursuivra en 2025.

Il doit aussi marquer un tournant en permettant à la Nouvelle-Calédonie de retrouver le chemin de la croissance économique et d'amorcer les réformes indispensables au redressement de ses finances publiques.

C'est cette croissance économique alliée au redressement des finances publiques qui permettra à la Nouvelle-Calédonie de se projeter dans le cadre d'un modèle économique et social renouvelé, au bénéfice de tous.

Je sais que vous êtes tous, à Paris et Nouméa, convaincus de ce double impératif.
C'est d'ailleurs, convaincus de cela, que les parlementaires de tous bords ont acté les dispositifs de soutien proposés par le Gouvernement avec le Ministre d'Etat en Commission Mixte Paritaire.

A court terme, je me réjouis donc de l'adoption de ce Budget qui nous permet notamment :

• De soutenir à hauteur de 200 M€ la reconstruction des écoles et des bâtiments publics indispensables pour la formation de nos jeunes, leur avenir et la continuité des services publics dans leur ensemble.

• De poursuivre le soutien de la place bancaire avec l'apport de 29 M€ additionnels pour le fonds SOGEFOM.

• De favoriser la reprise économique grâce à des dispositifs de défiscalisation sur proposition de la FEDOM, reprise en CMP.

• De mobiliser la garantie de l'Etat pour des prêts AFD, dans une enveloppe fixée à 1 Md€ pour 3 ans. C'est un soutien massif, structurant, et permettra de donner le temps aux autorités publiques locales pour conduire les réformes auxquelles vous aspirez et que vous estimez nécessaires pour la prospérité du territoire sur trois ans.

4. Je souhaite enfin terminer ce propos liminaire en parlant de l'avenir.

Cette mobilisation financière exceptionnelle cette année doit amorcer une nouvelle dynamique économique, de nouveaux projets, une réflexion émanant du territoire pour lui-même, accompagner ainsi les réformes et projets d'investissements qui favoriseront la création de la richesse de demain.

Le dialogue entre la collectivité et l'Etat en matière budgétaire est exigeant et c'est normal

Je sais les efforts de réformes que vous avez déjà réalisés et que vous vous apprêtez à mener et je veux vous dire que nous vous soutenons.

• Nous soutenons la concrétisation du plan de baisse de la masse salariale publique de 5%, qui constituait l'un des engagements pris par le précédent gouvernement pour le versement de la dernière avance remboursable de 2024 et dont j'ai compris – et je m'en réjouis – que le gouvernement d'Alcide PONGA le reprenait à son compte ;

• Nous soutenons la réalisation d'économies de fonctionnement dans l'administration du territoire, en supprimant les doublons et en opérant des mutualisations ;

• Nous soutenons la réforme des taux de cotisations sociales, qui conditionne l'entrée en vigueur de la hausse de 1 point de la contribution calédonienne de solidarité (CCS) ;

• Nous soutenons un objectif calédonien d'évolution des dépenses d'assurance maladie (OCEAM) à 0 % par une réforme de la carte sanitaire, des mesures de responsabilisation des assurés, et un taux directeur des dépenses des hôpitaux à 0% ;

• Nous soutenons la fin des protections de marché qui ne rempliraient pas les objectifs fixés, selon les résultats de l'évaluation en cours.

Je sais combien la suite donnée au dispositif de chômage partiel est importante pour vous, et je veux vous dire que nous y travaillons avec Manuel VALLS.

Elle pourrait prendre la forme d'une réforme du dispositif de chômage de droit commun, pour atténuer les effets de seuil liés à l'extinction du dispositif de chômage spécifique lié aux exactions à compter du 31 mars 2025.

Cet agenda des réformes et l'accompagnement dont il va bénéficier constitue à la fois une nécessité et une formidable opportunité pour la Nouvelle-Calédonie.

Compte tenu de mes fonctions, je vous ai parlé des outils de financement public mais, au fond, ce n'est pas qu'une histoire de finances, de chiffres.

Au fond, c'est l'avenir du territoire qui est en jeu, et ce projet, tant économique que social, il doit être le vôtre.

Manuel VALLS m'a parlé avec passion de l'énergie qui est la vôtre, celle de l'ensemble des acteurs du territoire calédonien.

Je mesure ici votre mobilisation, c'est une mobilisation générale, à Paris pour celles et ceux qui l'on pu, et à Nouméa.

Ce projet d'avenir, il pourra s'appuyer sur les innombrables atouts du territoire : le nickel évidemment, l'économie bleue, la richesse du Parc naturel de la mer de Corail, le tourisme, dans les nouvelles technologies et l'innovation incarnée notamment par la création de la Station N. La jeunesse néo-calédonienne, aussi. A qui nous devons donner ces perspectives et pour laquelle nous agissons.

Depuis le début de ma vie publique, je m'emploie à faire mien ce qui est devenu un précepte : l'optimisme de la volonté. En vous voyant ce matin, je suis venue avec Manuel VALLS vous dire notre volonté d'agir et notre optimisme pour la Nouvelle-Calédonie.

Vous pouvez compter sur nous et la mobilisation totale de nos cabinets, de nos équipes, du Ministère des Outre-mer et Ministère de l'économie, des finances, le souveraineté industrielle et numérique de l'industrie et du numérique.

D'Oudinot à Bercy. De Paris à Nouméa.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 10 février 2025