Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invitée ce matin, Amélie de MONTCHALIN, qui est ministre chargée des comptes publics, du budget en quelque sorte, Amélie de MONTCHALIN, bonjour,
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Bonjour,
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous, ce matin, sur l'antenne de Sud Radio. Alors, je vais commencer avec l'intelligence artificielle, parce que c'est d'actualité, le sommet en France, ce sommet attendu, très attendu même. Hier, le président de la République a annoncé 109 milliards d'euros d'investissements en France. Or, c'est de l'argent privé. On est bien d'accord.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Public et privé, parce qu'il y a dans tous les domaines, dans mon ministère, par exemple, on investit déjà depuis plusieurs années, pour notamment accélérer notre lutte contre la fraude. Les Français ne le savent pas, mais pour que les contrôles des fraudeurs soient efficaces, aujourd'hui, à peu près la moitié des contrôles sont guidés par de l'intelligence artificielle, c'est-à-dire que l'intelligence artificielle regarde toutes les données et dit " Peut-être que là, il y a peut-être un cas de fraude ". Dans la moitié des cas, ça nous aide à aller plus fort et à taper fort contre les fraudeurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors 109 milliards d'euros, Mais combien d'argent public sur ces 109 milliards ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Alors il y a une stratégie qui avait été mis en oeuvre depuis plusieurs années, ça se compte en dizaines de milliards d'euros. En fait, c'est beaucoup plus large parce que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Etat français va investir combien ? Je vais être encore plus précis sur ces 109 milliards.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Alors, je ne vais pas vous dire à l'euro près, mais parce que ça concerne tous les domaines. Il y a évidemment des enjeux de formation de nos ingénieurs. Ça, vous voyez, toutes les écoles d'ingénieurs déjà, contribuent à l'IA. Il y a des enjeux dans la santé. Les ministres de la Santé, aujourd'hui, vont regarder comment, sur le diagnostic, on accélère et on finance. Je vous ai parlé de mon ministère sur la fraude. Donc en fait, ça concerne tous les domaines. Donc on ne peut pas dire à l'euro près combien ça représente. Mais ce qui est certain, c'est qu'on investit pour la recherche, on investit pour l'application dans l'industrie, on investit pour que les PME y accèdent et on investit pour qu'au fond on gagne de la productivité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais le MEDEF, par exemple, appelle le Gouvernement à créer un fonds d'investissement de 10 milliards d'euros et à injecter 5 milliards par an dans l'intelligence artificielle sur les cinq prochaines années. Est-ce que vous dites ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Oui, mais je dis oui sur le principe, puisque ça ressemble beaucoup à ce que fait déjà France 2030, qui est un très grand plan d'investissement dans l'avenir. Ça ressemble beaucoup à ce que fait déjà la BPI, la Banque publique d'investissement. Donc, on fera les comptes au milliard près. Mais ce qui est certain, c'est que les Français doivent être rassurés. On a un président de la République qui, depuis des années, nous dit que la France a une immense chance parce qu'on a les meilleurs mathématiciens du monde. Et par ailleurs, …
JEAN-JACQUES BOURDIN
Souvent, ils partent.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Et on a une énergie décarbonée. Pourquoi tous ces gens viennent en France ? Parce que ça permet de faire de l'intelligence artificielle qui consomme beaucoup d'énergie sans le CO2 qui va avec puisque, notre nucléaire, ce n'est pas que ces deux, à la fin.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais Amélie de MONTCHALIN, je regardais votre budget, moins 3 milliards dans les aides à l'innovation.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Alors ce n'est pas exactement ça qui se passe. Il y a une partie de ces aides qui n'ont pas été consommées l'année dernière, donc, on prend juste acte qu'il y a eu des retards. Mais notre ambition, et vous l'entendez dans la voix du président de la République, dans la voix de tout le Gouvernement et de François BAYROU, notre ambition, c'est bien qu'on tire la France vers l'innovation. Et par ailleurs, on fait aussi beaucoup de choses au niveau européen. Et donc, quand on tire les projets européens, on tire aussi la France. Et donc, ne vous inquiétez pas, dans le budget, il n'y a pas de recul. On n'est pas en train sur, ce plan-là, de mettre moyens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Peut-être qu'il y a, quand même, un recul, moins 400 millions d'euros pour le crédit impôt recherche, par exemple.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Ça, ce sont des dynamiques sur les abus. L'inspection générale des finances sur un budget de 7 milliards par an.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les entreprises abusent…
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Non, on dit qu'on peut rendre la chose plus efficace sur quelques dispositifs. On parle de 400 millions sur 7 milliards. Donc, vous voyez bien qu'on n'est pas en train de faire des économies de bout de chandelle. On est en train de remettre les choses en marche bien comme il faut, qu'elle soit organisée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je parlais du MEDEF, il y a un instant, je regardais le commentaire du MEDEF encore hier, le commentaire du patron du MEDEF, Patrick MARTIN. " Le budget est imparfait, il fait les poches des entreprises qui contribuent à la solidarité nationale ". Que lui répondez-vous, ce matin ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
D'abord, je lui réponds que la meilleure chose qui puisse exister pour notre pays, c'est d'abord un budget. Parce que ce que les entreprises vivent depuis trois mois, c'est incertitude, casse-tête, un pays à l'arrêt. Et c'est beaucoup de carnets de commandes qui sont bloqués parce que personne ne sait où on va. Ce budget pour qu'il existe, il a fallu faire des compromis parce que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les poches des entreprises ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Alors, non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est Patrick MARTIN qui me disait, ce n'est pas moi.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Je tiens à rappeler les choses, dans notre pays, pour les entreprises, l'immense majorité des entreprises, sauf les 500 plus grandes de notre pays, le taux d'imposition sur les sociétés ne bouge pas. Nous avons fait des choix pour limiter au maximum, d'ailleurs des propositions qui venaient des mois précédents. Par exemple, que les charges des entreprises n'augmentent pas autant que ce que certains voulaient. C'est 1,6 milliard sur les charges sur le travail de plus par 4 milliards ou 5 milliards comme certains voulaient. Mais surtout, ce que j'allais dire aux entreprises, c'est que cet effort de la nation qui est un effort exceptionnel parce que la situation d'urgence nous oblige, nous Gouvernement, à être exceptionnellement aux côtés des entreprises. Et j'ai rencontré évidemment Patrick MARTIN. Je rencontre tous les chefs d'entreprises, les chefs de fédérations. Encore ce matin, celui qui représente nos artisans, Michel PICON, qu'est-ce qu'on se dit ? Nous vous devons un effort exceptionnel sur la simplification. Nous vous devons un effort exceptionnel sur la baisse des dépenses publiques. Cette année, l'État va réduire son fonctionnement comme il ne l'a jamais fait depuis 25 ans. Et j'ai vu que le patron de la CPME souhaite être engagé dans cet effort. Chiche, faisons-le, ensemble.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai vu qu'il proposait, le patron de la CPME.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
On va associer l'ensemble des acteurs pour dire voilà, qu'est-ce qui est dans notre dépense publique ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment vous allez les associer ? Lui, il veut la création d'une commission composée d'entrepreneurs pour réduire les dépenses publiques.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
On ne va pas faire des commissions, on n'a pas le temps.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors comment allez-vous associer les entreprises à la réforme de l'État, aux économies ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Dès la semaine dernière, j'ai dit à tous mes interlocuteurs patronaux, " Toutes les idées que vous avez, nous sommes prêts à les regarder ensemble et à les mettre dans le budget ". D'ailleurs, le MEDEF a fait des propositions de simplification, Éric LOMBARD hier dit " On prend la moitié au moins de tout ça, on le met dans le texte ". Et puis, le dernier engagement, mais qui n'est pas le moindre, c'est que notre pays, notre Gouvernement est très mobilisé au niveau européen pour protéger nos entreprises de la concurrence américaine. Parce qu'au fond, ce qui est aujourd'hui, et je le comprends de manière totalement légitime, est une angoisse pour le patronat français. C'est-à-dire notre situation nationale, elle est difficile. Notre situation européenne, elle est difficile. Et on a une concurrence potentiellement débridée qui arrive de l'autre côté des États-Unis, sur laquelle la solution n'est pas française, elle est européenne. Donc moi, ce que j'ai à dire aux entreprises, c'est depuis sept ans, on a été à vos côtés pour financer l'apprentissage, pour réformer le marché du travail, pour vous soutenir pendant le Covid, pour mettre en place les prêts garantis de l'État, pour vous soutenir face à la crise de l'inflation. Tout ça, ça a une facture. La nation, le pays, aujourd'hui, doit payer la facture. On le fait ensemble, on le fait de manière exceptionnelle, et nous, Gouvernement, on est exceptionnellement mobilisés pour que tous les autres freins à l'innovation, à la simplification, à la croissance des entreprises, on les réserve.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais Amélie de MONTCHALIN, beaucoup vous reprochent. Il n'y a pas, vous disent, il n'y a pas de réforme structurelle, au niveau économique, au niveau budgétaire, rien sur le fond qui permettrait de renverser la vapeur.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Moi, je suis arrivé le 23 décembre. La première chose qu'on nous a dit, avec Éric LOMBARD et au Premier ministre, c'est que " Vous n'arriverez jamais à avoir un budget avant le mois de mai, le mois de juin. Le pays est à l'arrêt, c'est dramatique, et vous n'arriverez jamais à avoir un compromis, vous serez censurés dans 15 jours ". Nous, on a travaillé avec une méthode, l'écoute, le dialogue et la décision. Ce qui fait qu'aujourd'hui, on est début février, le budget a été voté et le Conseil constitutionnel est en train de l'analyser pour qu'il soit promulgué dès que son avis sera rendu, c'est-à-dire dans les prochains jours. Ce travail-là, il nous oblige à ce qu'effectivement, et vous avez raison, pour 2026, on continue d'avoir ce dialogue, cette écoute, l'écoute des chefs d'entreprise, l'écoute de la Cour des comptes, Pierre MOSCOVICI est venu ici vous parler il y a quelques jours.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, réforme structurelle en 2026, vous allez les engager ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Bien sûr, réforme de l'organisation de l'État, les agences, les opérateurs, comment on fait plus simple et plus efficace. Cette année, je le redis, l'État fait..
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est un budget de transition, quoi.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Oui, et il fait surtout le plus grand effort de réduction de ses dépenses de fonctionnement. Les patrons qui nous écoutent, je sais que beaucoup écoutent Sud Radio le matin, ils savent ce que ça veut dire de réduire les coûts, de réduire les coûts d'achat, de limiter ces nouveaux recrutements, de mettre de la pression aussi sur ces filiales, nous ça s'appelle les opérateurs. On fait tout ça, c'est un effort qu'on n'a jamais fait depuis 25 ans et qu'on va tenir. Et ensuite, il y a des réformes à faire sur notre politique de santé, qui a un très grand déficit, comment on finance, comment on s'organise mieux, sans réduire, évidemment, la santé des Français. Donc oui, ces réformes, on va les faire, on va les faire avec méthode, on va les faire avec compromis, et vous voyez à la fin ce que, surtout, moi, je veux pour mon pays, c'est qu'on soit capable de décider et de faire que ça avance. Et pour que ça avance, avec la majorité et qu'on n'a pas à l'Assemblée, avec la dispersion politique qui se produit dans notre pays en ce moment, ça nous oblige à avoir une nouvelle méthode et qu'on a, avec le Premier ministre, et Éric LOMBARD, vraiment chevillé au corps.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec un budget préparé sur un chiffre de croissance à 0,9 en 2025 et un déficit ramené à 5,4%. N'est-ce pas un peu ambitieux, quand même ? 5,4% et en 2026, vous prévoyez, au départ, vous prévoyez 4,6%, ça va être un peu plus.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Alors, je n'ai pas le chiffre de 2026, mais je sais qu'on a un objectif. C'est qu'au plus tard en 2029, on soit à 3% de déficit. Pourquoi ? Parce que c'est le chiffre qui permet d'arrêter d'augmenter la dette. Pierre MOSCOVICI, qui préside la Cour des comptes, est venu vous dire que le 5,4%, il est impératif. Il est impératif, c'est encore beaucoup de déficit, mais c'est la première marche d'une trajectoire qui va durer plusieurs années et pendant lesquelles, il faut qu'au fond, on paie la facture de tout ce qu'on a mis en place pendant la crise. C'était nécessaire, il y a eu deux crises, le Covid puis la crise de l'inflation. Comment on va faire pour que ce 5,4 % soit atteint ? Eh bien, on va mettre en place, parce que c'est une situation qui nous y oblige, un suivi très méthodique avec Éric LOMBARD. Tous les mois, on va regarder l'argent qui rentre, est-ce qu'il rentre comme on attend qu'il rentre ? On va regarder les dépenses en face et on va s'assurer qu'on maîtrise et qu'on partage ça aussi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et un budget rectificatif au printemps s'il le faut ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
On n'est pas en train de se dire qu'on a besoin d'un budget rectificatif, puisqu'on est parti avec des ambitions. Mais ensuite, ce que je tiens à dire, c'est qu'évidemment, les parlementaires, évidemment la Cour des comptes, on va faire ça en très grande transparence, parce qu'on le doit aux Français, on a construit le budget avec toutes ses forces politiques, et donc, on va le faire de manière extrêmement sérieuse, extrêmement méthodique, et aussi pour rassurer les Français. Cet effort, vous l'avez dit, est exceptionnel. Eh bien, nous devons avoir un suivi tout aussi important et sérieux qu'on va garder dans le temps d'ailleurs, parce que pour arriver aux 3 % de déficit en 2029, on aura besoin de rester avec ce niveau d'alerte dans les prochains mois, mais aussi les prochaines années.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Amélie de MONTCHALIN, vous aviez supprimé, vous, la CMP et vous, dans le budget 15 millions d'euros de crédit pour la recherche contre les cancers de l'enfant. Finalement, vous êtes revenu là-dessus, sur la suppression de ces crédits.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Alors, il n'y a pas eu de suppression de crédits, et je tiens à dire là aussi, c'est une méthode. Il y a eu des associations, il y a eu des chercheurs qui se sont inquiétés de dire " Ah, on pensait que cet amendement amènerait plus de crédits ". Les ministres, vous l'avez vu, c'est la méthode qu'on a. Il y a eu une inquiétude. On écoute.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ces aides ont été votées à l'automne, à l'unanimité.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
On écoute et on répond vite. Dans le week-end, le ministre de la Recherche, le ministre de la Santé ont confirmé que dans les budgets, il y avait bien ce qui était prévu pour soutenir une très grande cause, qui est une cause nationale de lutte contre les cancers et les maladies rares.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, ces aides votées à l'automne sont comprises dans le budget.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Exactement, Et parfois, il y a des sujets qui n'ont pas un amendement, mais qui sont évidemment portés par l'ambition nationale de recherche. Les associations de parents, les chercheurs vont être reçus dans les ministères. C'est ça, notre méthode. Quand François BAYROU, il dit " Je veux réconcilier le pays ", quand nous, on construit un budget de compromis, notre méthode, c'est de dire à tout moment, on n'est pas dans un pouvoir vertical. Les Français nous demandent de les écouter. Sur tous les sujets, on est capable d'écouter, de concerter, de dire clairement les choses, de répondre aux inquiétudes. Et sur ce sujet, je tiens à le dire de nouveau. Nous avions, la semaine dernière, la journée mondiale de lutte contre le cancer. Le président de la République et tout le Gouvernement étaient dans l'un des plus grands centres mondiaux de recherche, qui est l'Institut GUSTAVE ROUSSY, où notamment, on soigne beaucoup d'enfants. L'ambition qui a été dite ce jour-là par le président de la République, évidemment qu'elle est financée dans le budget. Et donc, les ministres ont mis évidemment dans le débat public, la réalité de ce qu'ils avaient prévu pour l'année 2025 et qu'évidemment, on ne fait pas des économies sur un sujet aussi grave et sur lequel la France, d'ailleurs, propose des solutions au monde entier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un autre sujet sur lequel vous êtes revenu. Les auto-entrepreneurs, on leur a demandé de collecter la TVA. Je dis bien collecter la TVA parce qu'à partir de 37 000.. Aujourd'hui, on leur demande de collecter la TVA, à partir de 37 500 euros de CA, de chiffre d'affaires. On voulait passer, vous vouliez passer à 25 000 euros. C'était la CMP aussi. Mais la CMP, d'ailleurs, qui n'a pas examiné cela très longuement, en quelques secondes. Finalement, vous êtes revenu en arrière.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Je vais vous répondre sur le fond, mais d'abord, je vais vous répondre sur votre expression de revenir en arrière. Comme si on reculait. Moi, je crois qu'écouter les Français, concerter, se donner le temps que les choses fonctionnent bien, qu'elles soient justes, ce n'est pas reculer. Parce que sinon, ça veut dire qu'à chaque fois qu'on écoute les Français qui nous disent, " Mettez-vous d'accord, faites les choses intelligemment et faites les choses en l'écoute ", ce serait un recul. Sur le fond, c'est un sujet complexe, parce que ça fait des années, que les artisans, qu'un certain nombre de TPE, comme on les appelle…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les artisans se plaignent.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
… Disent qu'on a une forme de concurrence déloyale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous, on collecte la TVA, et l'auto-entrepreneur, non !
AMÉLIE DE MONTCHALIN
La deuxième chose, c'est que le gouvernement précédent et un certain nombre de parlementaires avaient proposé de baisser ses seuils, dans les débats de l'automne. Pourquoi ? Parce qu'il y a aussi une concurrence déloyale vis-à-vis de l'Europe. Avec le seuil, les seuils, parce qu'il y a plusieurs seuils, mais avec les seuils, aujourd'hui, en France, dans beaucoup de secteurs, il y a des gens qui arrivent du reste de l'Europe, qui sont des gens tout à fait respectables, mais qui viennent prendre les marchés, qui viennent prendre les contrats des entreprises et des travailleurs français. Et donc, il y a eu à un moment donné, dès 2023, dans le cas des assises de la simplification, je suis sûre qu'à l'époque, Bruno LE MAIRE était venu vous en parler, et vous aviez trouvé que c'était une bonne démarche, il y a eu des débats pour amener cette mesure dans le budget, remettre une forme d'équité au sein des acteurs français, et nous protéger de la concurrence déloyale européenne. Maintenant, on est des gens pragmatiques. Il y a un débat, il y a des autres entrepreneurs d'une part, des artisans de l'autre, nous, on est garant de quoi ? De la méthode du dialogue, de la concertation, on est surtout garant de l'intérêt général. Donc, la ministre des PME, Véronique LOUWAGIE, a, dès vendredi, réuni tous les acteurs, a écouté tout ce qui était dit. Il y a des positions qui sont contradictoires. Il y a des gens qui veulent, effectivement, la mesure le plus vite possible, et d'autres qui disent, il faut peut-être l'aménager, voire ne pas la faire. Nous, on va prendre le temps, pas un comité haut et adule, on ne va pas ensabler le sujet. On s'est dit que dans le mois de février, la ministre des PME proposerait, au vu de ce qu'elle aura entendu, en étant garante de l'intérêt général, une méthode qui permette d'avancer. Pourquoi ? Parce qu'il faut que dans notre pays, on soit capable d'écouter, de concerner, et de décider. Cette méthode, à nouveau, c'est celle du Premier ministre. Mais parce que vous le voyez, nous, Gouvernement, on n'est plus dans un moment politique où on peut être des gens avec un pouvoir vertical, parfois que certains Français ont critiqué comme étant autoritaires. Donc là, on fait les choses avec une méthode qui est celle de j'écoute, je concerte, je décide, en toute transparence, en ayant pesé les différents éléments, les différents arguments, et la décision viendra.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Amélie de MONTCHALIN, la classe politique est divisée sur ce sujet, d'ailleurs.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Elle est très divisée, mais je vois aussi, je veux dire aussi, il y a un très grand opportunisme de certaines oppositions. Quand je vois la France Insoumise, qui, pendant des années, il faut s'en souvenir, considérait que le régime des auto-entrepreneurs, c'était quelque chose qu'il fallait supprimer. Et qu'aujourd'hui, au fond, la position de la France Insoumise, qui est de devenir, de voler au secours de la cause, c'est un opportunisme qu'il faut dénoncer. Ils n'en ont rien à faire des auto-entrepreneurs. Ce qu'ils veulent, c'est faire tomber la République. Et on voit bien que la France Insoumise, aujourd'hui, c'est un mélange, à la fois d'opportunisme et de violence, pour arriver au chaos. Quand le Gouvernement dit noir, ils disent toujours blanc. Quand on dit blanc, ils disent toujours noir. Et on voit bien que c'est un parti qui, aujourd'hui, perd de l'écoute, perd du terrain. Ils ont perdu à Villeneuve-Saint-Georges, ils ont perdu à Grenoble. Ils sont, dans un discours et une rhétorique que je trouve d'une violence absolue. En parlant de coupable, en parlant de suspect, on est revenu quasiment aux purges staliniennes, où, en fond, quand le pouvoir s'affaisse, vous avez un déchaînement de violence. C'est ce qu'on voit de la France Insoumise. Et donc, je pense que les Français ne sont pas dupes. Je pense que les auto-entrepreneurs ne sont pas dupes. Et que nous ne devons pas être dupes d'un parti qui ne cherche que le chaos.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'avez pas touché au crédit d'impôt au service à la personne. Est-ce que, pour 2026 ou les années suivantes, il va falloir réduire un peu la voilure sur ce terrain parce que tout le monde est très sensible ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Oui, c'est un sujet très sensible, parce que ça crée des emplois, ça permet à nos personnes âgées d'être aidées chez elles. On va, évidemment, faire des revues des dépenses efficaces ou pas efficaces, mais à nouveau avec du bon sens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Baisser à 40% les dépenses engagées au lieu de 50% ? Baisser à 40% la déduction d'impôt ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Je n'ai pas fait le budget 2026. Et ce que je sais, c'est que le budget 2026, comme le budget 2025, ça sera un compromis politique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous y toucherez ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Non, je ne suis pas du tout en train de vous dire que j'y toucherai. Je suis en train de vous dire que, si aujourd'hui, je rentre dans le débat en disant ça oui, ça non, ce que je sais, c'est que ce crédit d'impôt au service à la personne est essentiel pour de très nombreuses familles. C'est une bonne politique. Maintenant, ce sera un budget de compromis, donc, on fera les choses avec méthode, avec sérieux, et on le fera surtout au service des Français. A nouveau, les économies qu'on cherche, on cherche à les faire sur notre fonctionnement, sur notre organisation, à rendre la dépense plus efficace, on ne le fait pas sur le dos des Français quand ça fonctionne. Donc, si ça fonctionne, on le garde. Si ça ne fonctionne pas, on le change. Et là, je trouve que c'est une politique, à mes yeux, qui fonctionne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Amélie de MONTCHALIN, faut-il durcir les règles de droit du sol en France ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Sur ce sujet, comme sur beaucoup d'autres, on est les champions du monde de la capacité à créer du blocage. C'est-à-dire qu'il y a un sujet, tout le monde part d'un côté, les oui, les non, on n'y comprend plus rien, et à la fin, ça crée des polémiques et un débat qui tourne en rond. Moi, sur ce sujet, c'est comme sur beaucoup d'autres sujets, et vous pourrez faire, d'ailleurs, le parallèle avec les retraites. En des années, on nous a dit que c'était un sujet interdit. Il y avait ceux qui voulaient tout abroger, puis il y avait ceux qui voulaient tout garder. François BAYROU, il a une méthode. On pose les choses calmement, pragmatiquement, on pose les questions. Les questions qui se posent, c'est quoi ? On sait bien qu'on ne sera jamais les Etats-Unis, où il suffit d'être né quelque part pour avoir le passeport. On sait bien aussi qu'on gardera une forme de lien entre la naissance et la nationalité. Ça paraît du bon sens. Il y a, aujourd'hui, un point d'équilibre. Si certains veulent y réfléchir, y travailler, poser le débat, moi, je ne suis jamais contre le débat. Je pense qu'il ne faut jamais être contre le débat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes pour l'ouverture d'un débat sur le droit du sol en France.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Mais il faut déjà poser les choses. Est-ce que des gens comprennent comment ça marche ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes pour l'ouverture d'un débat, parce que d'autres, ils ne sont pas favorables. Éric LOMBARD, par exemple, il l'a dit hier.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Il y a le moment de la décision. Probablement que sur ce sujet, c'est la présidentielle, parce qu'il n'y a pas de majorité pour changer les choses. Mais en amont, qu'on regarde. Vous voyez, on a eu un débat sur Mayotte. Est-ce qu'il faut que ce débat soit étendu ? Moi, je pense que quand on interdit le débat, en général, on se met dans des positions où on rend les choses…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes favorable à l'ouverture d'un débat public.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Bien sûr, un débat public, bien posé, pas hystérique, pas polémique, qui repose déjà comment ça marche, comment ça marche ailleurs. Est-ce qu'il y a des besoins de changement ? On a acté un changement pour Mayotte. Et qu'on fasse les choses dans un niveau de rationalité, d'apaisement, qui est digne d'une grande démocratie. Ça, c'est ce que veut faire le Premier ministre. On a réussi à le faire sur les retraites. Personne ne pensait qu'on arriverait à réouvrir le débat avec les partenaires sociaux, dans un niveau de calme et de responsabilité. Sur ce sujet, comme sur d'autres, je pense que c'est de bonnes politiques. C'est ce que les Français attendent de responsables politiques dans une démocratie mature.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'obtention de la nationalité française ne doit pas être automatique.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Mais aujourd'hui, il y a des… Ça, c'est une très bonne question. À quel point il faut avoir une démarche personnelle ? À quel point il y a des règles avec des exceptions ? Mais vous voyez, ça demande un débat. Un débat mature, un débat posé. Et je pense que nous, responsables politiques, au Gouvernement, c'est pareil. Est-ce que ça se décide au Parlement ? Est-ce que ça se décide au Congrès ? Est-ce qu'il faut changer la Constitution ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il faut interroger les Français sur le sujet ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Mais pour les interroger, je crois qu'il faut changer la Constitution. Il faut changer, du coup, les règles. Tout ça, ça se pose, vous voyez. Jean-Jacques BOURDIN, on n'est pas dans un pays où on est… Vous voyez, TRUMP, tous les jours, décide…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais parce que Bruno RETAILLEAU, qui est membre du Gouvernement, du même Gouvernement que vous, lui, est favorable à un référendum sur l'immigration. Il le dit, clairement.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Oui, j'ai lu dans la même interview que pour le faire, il faut changer les règles du référendum. Et donc, il est favorable à ce qu'on change les règles du référendum… Là aussi, c'est un débat qu'il faut avoir de manière posée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous aussi, vous êtes favorable ou pas ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Moi, je suis favorable au référendum par principe. Parce que je pense que dans un pays comme le nôtre, il y a des grandes questions qui méritent que les Français puissent s'engager directement. Maintenant, on a, aujourd'hui, des règles du référendum, et on le sait, qui sont assez restreintes. Est-ce qu'il faut élargir cette question ? Je ne suis pas opposée à cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites oui.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Je dis oui, je pense que c'est un débat intéressant de voir sur quelles questions on veut interroger les Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous interrogeriez les Français sur quelles questions, vous ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Moi, je pense que la question que Gabriel ATTAL a mis dans le débat sur le financement du modèle social, c'est au fond, vous savez, en 1945, on a créé la sécurité sociale en disant que c'est ceux qui travaillent qui financent les retraités, qui financent les gens malades, et on voit qu'aujourd'hui, ça crée un problème de compétitivité et de pouvoir d'achat. Ce n'est pas inintéressant ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelle pourrait être la question ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
La question, c'est, veut-on élargir la base de financement des politiques sociales dans notre pays ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Concrètement, ça veut dire quoi ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Ça veut dire que, par exemple, il y a d'autres impôts qui pourraient contribuer. C'est l'ensemble des revenus qui contribuent à la sécurité sociale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'impôt, dès le premier euro touché ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Aujourd'hui, il y a des impôts. Tous les Français payent des impôts. Tous les Français payent la TVA.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je parle sur les revenus.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Aujourd'hui, je ne suis pas en train de vous faire la réforme.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur les revenus sociaux.
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Je ne suis pas en train de vous faire la réforme moi-même. Ce que je vous dis, c'est qu'aujourd'hui, quand vous regardez le déficit dans la santé, le déficit dans la retraite, si on garde les mêmes règles de principe, ça ne repose que sur les actifs. Parce que c'est par les cotisations sociales qu'on finance tout ça. Ce n'est pas une mauvaise question de se dire d'un pays qui vieillit, où les actifs sont de moins en moins nombreux, c'est d'ailleurs au fond un peu la demande que font les chefs d'entreprise. Comment, à la fin, on regagne de la compétitivité ? Comment on regagne du pouvoir d'achat ? Comment on désmicardise le pays ? Je trouve que c'est une question très importante.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ? Concrètement, ça veut dire ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Ça veut dire qu'on baisse les charges, mais qu'on fait augmenter d'autres impôts, donc on répartit différemment l'effort dans la nation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout le monde paierait ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Tout le monde paierait, même quand on est retraité, même quand on a des revenus de capital. L'ensemble du financement de notre protection sociale. C'est une très grande réforme de faire ça. Parce que l'ordonnance de 1945 sur la sécurité sociale, elle n'est pas écrite pour faire ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Même sur les revenus sociaux ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Exactement. Et donc ça veut dire quoi ? Que ça c'est une question fondamentale, d'équilibre, d'équité, de solidarité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout le monde paierait des cotisations sociales ? Tout le monde ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
C'est ça qui est derrière. Et quand Gabriel ATTAL dit que ce pourrait être une bonne question, moi, je trouve qu'en tant que ministre des Comptes publics et femme politique engagée, je ne dis pas que c'est facile à poser, je ne dis pas que la réforme est juste là, pré-écrite, et qu'on en parle demain. Je dis que c'est une question intéressante, parce que si on veut garder la sécurité sociale, si on veut garder un régime par répartition, si on veut garder cette solidarité qui fait notre modèle français, aujourd'hui, on voit bien qu'on est dans une forme un peu d'impasse, mais dans une forme de limite. Et donc ce sont des questions très profondes et je trouve que le référendum peut être un bon outil pour le faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Gérald DARMANIN, encore lui, dit qu'en 2027, il faudra peut-être une primaire dans le camp MACRON. Vous êtes d'accord ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Je pense qu'il faut qu'on soit capable de réfléchir à l'avenir. Moi, ma responsabilité aujourd'hui, c'est déjà de bien appliquer les comptes publics pour 2025, c'est de bien s'assurer qu'on est sur cette trajectoire de baisse, qu'il y ait des ambitions pour mon pays, je trouve ça positif.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une primaire ? Dans le camp MACRON ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Et ensuite, qu'on choisisse qui est la meilleure personne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour le candidat oui la candidate, Amélie de MONTCHALIN ?
AMÉLIE DE MONTCHALIN
Non, je ne suis pas, pour l'instant, du tout en train de me préparer à une quelconque primaire de quoi que ce soit. Je travaille pour les Français, aujourd'hui, mais je trouve ça positif que les uns et les autres réfléchissent à l'avenir. On a parlé de beaucoup de questions très profondes, il faudra que ça soit tranché par les Français, et donc c'est positif qu'on réfléchisse à l'avenir. Mais moi, ma mission, je tiens à rassurer ceux qui nous écoute, c'est d'abord et avant tout, que l'année 2025 et 2026, sur les questions budgétaires, soient des années réussies.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, merci Amélie de MONTCHALIN, d'être venue nous voir, ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 février 2025